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Roland HUREAUX

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2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 21:16

 

Le grave différend qui a opposé le président Macron au général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, pourrait sans doute être ramené à une question de chiffres, ce qui serait après tout normal s’agissant d’un président issu de la I’ Inspection des Finances. Mais une telle approche serait bien réductrice.

Question de chiffres : Macron avait promis dans son programme électoral de remonter le budget de   la défense à 2 % de PIB. Une promesse qu’avaient d’ailleurs faite aussi Marine le Pen et François Fillon.  Comment Macron, adepte inconditionnel de l’OTAN, aurait-il pu proposer autre chose que le minimum que cette organisation a fixé   et qui a été rappelé récemment par le président Trump.    Mais 2%, c’est beaucoup., environ 44 milliards ; à un budget actuel de 32 milliards, il faudrait donc en ajouter 12.

Autre chiffre : le déficit autorisé par l’Union européenne : 3 % du même PIB, soit 66 milliards qui sont déjà une tolérance, assortie de la promesse française de le ramener à zéro, jamais respectée par le gouvernement Hollande (dont Macron était le ministre des finances). Ce n‘est pas en effet en accumulant des déficits (et donc avec un supplément d’endettement de 3 % l’an) que l’on réduira une dette qui atteint aujourd’hui les 100 % du PIB. Il reste que Macron, qui a voulu entrer en fanfare sur la scène européenne, et pour qui les consignes de Bruxelles, comme celles de Berlin sont sacrées, veut à tout prix, pour assurer sa crédibilité, redescendre à ce niveau. Il lui manque pour cela 8 milliards. L’habitude     de Bercy dans ce cas-là est de ponctionner les ministères régaliens, à commencer par la défense à qui, au lieu d’accorder 12 milliards, on demande 850 millions.

Cette logique n’explique pas seule que le mécontentement des armées justement exprimé par leur chef-d ’état-major en commission de la défense soit devenue une affaire d’Etat.

On est même surpris du degré de mépris dont Macron fait l’objet sur la toile dans des textes anonymes issus de la communauté militaire. Sarkozy et Hollande que les militaires n’aimaient pas beaucoup n’ont jamais essuyé pareille hostilité, surtout moins de trois mois après leur prise de fonction.

On peut faire la part des maladresses du nouveau président, de son absence de sensibilité militaire :  même s’il fanfaronne ici ou là au milieu des troupes, il est le premier président à n’avoir pas fait de service militaire.

Il faut cependant aller plus profond. La personnalité de Macron rebute bien des gens, surtout dans les armées. Sans doute sa vie privée n’appartient-elle qu’à lui. Mais pour exercer l’autorité, il faut donner le sentiment d’une personnalité accomplie. Or Jacques Lacan nous l’a enseigné, c’est la résolution du complexe d’Œdipe qui ouvre douloureusement le sujet au monde réel.  Nous ne dirons pas que Macron ne l’a pas accomplie. Mais en politique, seules les apparences   comptent : son curieux mariage avec une femme qui pourrait être sa mère ne plaide pas en sa faveur.   Un certain air de légèreté non plus.

Depuis la République romaine et sans doute avant, le chef militaire, confronté chaque jour à la mort, réalité ultime, est un homme grave. C’est cette gravitas, signe d’une maturité accomplie, que les militaires attendent du chef de l’Etat qui est aussi le chef des armées. Le moins qu’on puisse dire est que le nouveau président a, en la matière, des progrès à faire. Beaucoup, dans le grand public, ont été par exemple choqués par sa visite à Oradour-sur-Glane où il multipliait de tous côtés les poignées de main à la Chirac semblant confondre ce lieu de mémoire tragique avec un comice agricole.

Mais il y a plus : sur presque tous les sujets, Emmanuel Macron a fait campagne sur les marqueurs idéologiques qui    depuis quinze ans définissent ce qui est politiquement correct :  Europe, libre-échange, dépassement de la nation (la France étant accusée par lui de crime), dépassement des considérations   culturelles et ethniques par l’ouverture à l’immigration, antiracisme, non-discrimination, théorie du genre, vaccins à tout va etc. Sur aucun sujet Macron n’a pris la moindre distance par rapport à la doxa dominante ;   il s’est bien gardé de désavouer non plus celles qui ravagent des secteurs comme l’éducation nationale (méthode globale)[1] ou la justice (culture de l’excuse). Non parce que cela plaisait à ses électeurs, bien au contraire. Mais parce que cela plaisait à ces prescripteurs essentiels que sont les gens de médias, largement intoxiqués à l’idéologie.

Presque tous les ministères ont aujourd’hui leur idéologie, qui généralement suscite l’ire de populations pas toujours conscientes de ce qui leur arrive : l’intérieur veut à toutes forces supprimer 30 000 petites communes, l’équipement veut interdire toute construction hors des périmètres déjà construits, quelles que soient les traditions locales, la santé veut fonctionnariser la médecine libérale etc. Le ministère de la défense n’est pas entièrement exempt de telles idéologies (qui ne sont généralement pas beaucoup plus que des idées simplistes), mais seulement en manière d’organisation, où les civils ont leur mot à dire : ainsi les bases de défense, répondant à la culture du regroupement [2], ont mis plus de désordre qu’elles n’ont fait d’économies. Mais dans l’ensemble le ministère de la défense demeure relativement préservé de l’idéologie. La raison : les engagements opérationnels multiples dans lesquels nos armées sont impliquées permettent un retour d’expérience constant, ce qui n’est pas le cas dans la plupart des administrations civiles. « Quand le canon tonne, les cons se taisent » dit un vieux dicton militaire. Et aussi les idéologues, l’idéologie ayant pour caractère de faire perdre le sens du réel, éminemment nécessaire au combat.  

Il semble que l’idéologie et le déficit œdipien aillent ensemble.  C’est l’immaturité qui explique le succès des idéologies, particulièrement dans une classe intellectuelle ou médiatique plus à l’abri que le peuple du contact direct avec le réel, parfois si dur. Sur ce chapitre, Emmanuel Macron est bien un enfant du siècle.

                                                                 Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] On peut cependant mettre au crédit du nouveau ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanque de sembler s’affranchir de la doxa égalitariste   de la rue de Grenelle en ouvrant la porte aux redoublements, aux classes bilingues et au latin, ou encore en revenant sur le réforme des rythmes scolaires. Pour le moment, il est bien l seul.  

[2] Traditionnellement les régiments, devant être toujours prêts à partir en campagne, avaient chacun sa propre intendance. On a cru pertinent de regrouper dans des centres appelés « bases de défense » la logistique de plusieurs    régiments, privant les chefs de corps de leur autonomie et entrainant une prolifération des procédures bureautiques, sans même diminuer les coûts comme c’était l’objectif ;

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