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Roland HUREAUX

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 08:53

L’ETONNANTE GEOPOLITIQUE DE MONSIEUR  MACRON

 

Le président Macron a récemment émis l’idée d’un nouveau traité franco-allemand  qui renforcerait   les liens entre les deux pays  noués  en 1963  par De Gaulle et Adenauer.

Il est vrai qu’on cherche en vain un sujet sur lequel,  la France aurait,  depuis l’élection  du nouveau président,  seulement envisagé de se démarquer du « grand frère » d’outre-Rhin.

Il est clair que pour Macron,  plus que le partenariat,  c’est  l’union franco-allemande qui  est l’objectif.

A l’inverse, on ne voit guère de rapprochement avec  les Etats-Unis   et la Russie. Pourtant  le président  avait  paru faire un beau coup en invitant  successivement  Poutine  et Tromp à Paris peu de  temps après son élection.  Mais il n’y a pas eu de suite : avec le recul on se demande d’ailleurs si le  but de ces  invitations n’était pas d’éviter au nouveau président d’aller leur faire une  visite, l’un et l’autre étant  tenus pour des interlocuteurs politiquement incorrects  dans les milieux qui l’ont porté au pouvoir.

Vis-à-vis de Trump,  les  relations demeurent froides : c’est le parti  clintonien  et son aile européenne  qui ont  porté au pouvoir Macron,  y cherchant une revanche de  sa défaite d’outre-Atlantique. Les relations ne se sont pas davantage réchauffées avec  la Russie, bien au contraire : la France n’envisage nullement de revenir sur les  sanctions  qui  frappent ce pays , désastreuses  pour notre économie. Sur la scène syrienne, elle intervient  pour contrer la Russie et par là retarder le retour de  la paix. Seule consolation pour  Moscou et Damas : la France ne   compte plus guère au Proche-Orient !  Notre pays qui  apparaissait sous Hollande et Fabius comme un utile supplétif  de l’OTAN , continue de s’agiter alors que la  guerre se termine,  sans être désormais  pris au sérieux par qui que ce soit.

Pas de changement majeur  non plus vis-à-vis de la  Grande-Bretagne   toujours coupable du Brexit  pour les  dirigeants français.

 

Un bloc continental centré sur Berlin contre Washington, Londres et Moscou

 

Macron  ne veut pas seulement renforcer  les liens avec l’Allemagne, il veut, comme il l’a dit dans son discours d’Athènes, faire progresser l’Union européenne dans le sens d’une supranationalité renforcée. Quoique ce  projet intéresse peu nos partenaires, il s’inscrit dans  la perspective d’un bloc continental  organisé autour de l’Allemagne acceptée comme le pays   leader,  et   de plus en plus intégré. Il est facile de comprendre comment une intégration croissante de ceux qui sont   dans ce bloc a pour corollaire  un fossé croissant  avec ceux qui n’y sont pas  : Russie, Royaume-Uni, Turquie : d’un côté les « in »,  de l’autre les « out »  sans  ces nuances qui avaient  toujours fait  le charme d’une  diplomatie européenne épousant  les complexités d’un continent chargé  d’histoire. 

Ainsi la géopolitique de Macron, telle qu’elle  se  dessine depuis le début du quinquennat oppose d’un côté    le bloc  continental  de l’Union européenne  sous commandement    allemand  et de  l’autre   côté les  Etats-Unis ( version Trump),  la Russie et le Royaume-Uni.  Jusqu’où va le bloc continental ainsi dessiné ?   Nous serions tentés de  dire : jusqu’à  Stalingrad  mais nous ne sommes pas en 1943 !  Il reste que la silhouette  sur la  carte est le même. Il est clair qu’en maintenant les sanctions  vis-à-vis de la Russie, en jouant le jeu du renforcement de l’OTAN   dans les pays baltes, Macron s’inscrit à plein parmi ceux qui considèrent que l’Ukraine a vocation à faire partie de l’Union européenne  , sous une étroite  surveillance allemande évidemment , et à tourner le dos à la Russie.  Une Union européenne promise à une intégration  de plus en plus étroite.

La carte de l’Europe   n’est donc  pas sans rappeler  celle de l’ Europe occupée de la dernière guerre mondiale . Avec la France une fois de plus  dans le mauvais camp !

On pourrait objecter  que la France de Macron   n’est pas  aussi  inféodée  que l’était celle de Pétain .   On se  demande si elle ne l’est  pas davantage.  La France de Vichy, sous les dehors d’une collaboration active , résistait sournoisement à certaines  pressions  allemandes. En tous les cas,   l’euro a un effet mécanique  sur l’économie française  analogue à celui de l’occupation  : le transfert progressif,  pour des raisons de  compétitivité,  d’une part croissante du potentiel industriel  français  chez nos concurrents d’outre-Rhin .   La coopération militaire accrue  souhaitée  par  le président Macron, au nom d’une  l’Europe de la défense à laquelle nos partenaires ne croient pas  mais dont ils tirent  parti à nos dépens,  conduit déjà  au  transfert progressif  vers l’Allemagne des fleurons de ce qui constituait un des grands  atouts de la France   : une industrie militaire puissante.  Déjà  Nexter  (l’ancien GIAT)  qui a fabriqué le char Leclerc est à 50 % allemand ; un sort analogue  semble  promis à Naval Group issu  de  la  DCN qui a fait le porte-avions Charles de Gaulle, convoité par les Italiens. Bien que formé  au départ de 70 % d’apports techniques français, Airbus est perçu aujourd’hui dans le monde comme une entreprise allemande. Rappelons que, forte de ses excédents, l’Allemagne envisage de remonter ses  crédits militaires jusqu’au  niveau requis par l’OTAN : 2 % de PIB,  ce qui la placera très en avant du niveau français, érodé année après année  par le contraintes budgétaires liées à l’euro et encore par Macron  récemment. Le même Macron qui  dans son discours  de Versailles  exhortait l’Allemagne à se réarmer !   

 

Rien à voir avec l’héritage gaulliste

 

Ce qu’il faut bien   appeler une inféodation  n’a  rien à voir , quoi qu’on  prétende  , avec l’héritage  du gaullisme. C’est à tort que  certains voient   dans cette orientation l’inspiration  du général lequel aurait,  lui aussi,  fait le choix de l’Allemagne contre  les Anglo-Saxons . Il l’ a peut-être fait  en 1963 ( et encore sans rien concéder en matière d’armement ) , sûrement pas en 1940 !  Et qui peut imaginer qu’il  aurait jamais signé le  traité de  l’ Elysée si la France avait été en position de faiblesse  comme elle l’est , de son propre fait, aujourd’hui ?

Cette diplomatie à la fois servile  et idéologique  ne  se contente pas de nous    aliéner    Washington  et  Moscou ; elle   nous fait  perdre aussi  un des bénéfices que nous aurions pu tirer de l’élection  de Trump .  En prenant à partie Angela Merkel, ce dernier ne faisait que  suivre   la  politique traditionnelle  du monde anglo-saxon  : l’équilibre sur le continent  . Devant une Allemagne     devenue hégémonique, il est clair que le président américain  était  prêt à nous aider à rééquilibrer le rapport de forces. Ce n’est pas l’actuel président qui saisira  cette perche.  Encore une occasion de perdue.

Il ne sert à rien  de condamner  la  France, identifiée  par Macron au régime  de Vichy , lors des commémorations du Vel d’Hiv   du 17   juillet dernier,   si c’est pour   chausser  les bottes du vieux maréchal avec aussi peu de nuances. Sans doute Merkel n’est-elle  pas comparable au maître du IIIe Reich,  mais dans une Europe où le nationalisme progresse partout , qui sait ce qui viendra après elle ?

 

Roland HUREAUX

 

 

Il faudrait illustrer  cet article d’une carte de l’Europe de 1942, éventuellement en regard de la carte actuelle .  

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