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Roland HUREAUX

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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 06:09

Publié dans Le Figaro du 25 juin 2018 sous le titre "La fiscalité locale moins libérale que jamais"

Le gouvernement promet un « big bang » en matière de fiscalité locale ; les propriétaires ne doivent en attendre rien de bon. Elu sur une image de libéralisme qui a paru confirmée par l’Ordonnance travail, Macron mérite-t-il cette réputation ?  

C’est douteux en matière  de   fiscalité locale. Un sujet loin d’ être négligeable puisque les collectivités consomment 11 % du PIB et assument 85  % des investissements civils de l ’Etat (c’est à dire à peu près tous le investissements de proximité).

Or  le programme fiscal de l’actuel  nouveau président  va mettre la France  exactement dans l’état où  se trouvait le Royaume-Uni à l’arrivée de Margaret  Thatcher.  

Rappelons où en étaient nos amis britanniques après vingt années dominées par la gauche : en majorité entre les mains des travaillistes, les collectivités  locales étaient devenues très dépensières et pour cause : la fiscalité,  essentiellement foncière,  était concentrée  sur 20-30 % de la population, celle  qui   votait conservateur. La majorité   profitait des services  locaux et de  programmes d’assistance  sans  y  contribuer. Autrement dit, les uns élisaient,  les autres payaient.

Le système n’était pas seulement  ressenti comme injuste, il constituait une incitation à la dépense. Appauvrissant les classes moyennes, notamment dans les grandes    villes industrielles du Nord de l’Angleterre et de l’Ecosse, il avait fait fuir les uns et découragé les autres . Le ressort de l’initiative avait disparu.

Qui ne se souvient de l’aspect  lugubre qu’avaient  les villes britanniques des années soixante-dix, y compris Londres ?

Une des réformes capitales de Margaret Thatcher fut celle des finances locales :  considérant qu’une collectivité locale était  une sorte de  club auquel tous les usagers des services publics devaient cotiser, elle introduisit un impôt qui serait payé par tous.  Elle poussa certes le bouchon un peu loin, inventant la  poll tax (contribution uniforme  par tête ), rappelant la  capitation d’Ancien régime  . Le tollé qui s’en suivit causa sa perte. Mais le principe d’ un impôt local qui serait  payé par tous , avec des  modulations,  fut maintenu.  On sait  comment les réformes  thatchériennes, celle-là et d’autres,  ont revitalisé le Royaume-Uni en particulier les villes de l’Angleterre noire

Revenons à la France : nous avions depuis toujours un impôt que toute le monde  payait , c’était la  taxe d’habitation, une des « quatre vieilles », héritées de l’impôt sur  les portes et   fenêtres instauré en 1789 . Elle  était proportionnelle la surface occupée, mais aussi fonction de la  pression fiscale de la commune,   s’ajoutant  pour les propriétaires-occupants  à la  taxe foncière .  Certes les  réformes de Jospin en  avaient exonéré les plus démunis mais elle restait  payée par environ 80 % de la population.

Le projet du gouvernement est de supprimer la taxe d’habitation en deux ans , ce qui conduira  à faire porter  l’ensemble  du poids de la fiscalité locale sur la taxe foncière. La charge qui va peser sur les propriétaires  sera d’autant plus écrasante que les dotations vont diminuer , que la taxe professionnelle , devenu CFE , n’est plus modulable et que les collectivités locales sont presque toutes incapables de faire des économies à court terme .  Ceux qui ont un patrimoine foncier important paieront l’IFI ( impôt sur la fortune immobilière ) au lieu de l’ISF , forcément plus lourd  pour compenser l’exonération des fortunes mobilières . Ne contribueront  plus en particulier les étrangers  qui sont rarement propriétaires , et d’une  façon générale ceux qui ne payaient déjà pas l’impôt sur le revenu.  Contribueront plus au contraire  les propriétaires fonciers,  les classes moyennes au sens large, presque exclusivement autochtones,  y compris les petits retraités ayant  épargné toute leur    vie pour acheter  un pavillon et qui , dans certaine communes, n’arrivent plus  à payer les taxes.  Un traitement particulièrement  défavorable sera appliqué aux résidences secondaires.   

Même causes, mêmes effets : le  dévoiement de la démocratie qu’avaient  connu  les villes anglaises avant Thatcher est à attendre de la réforme Macron :  si les contributeurs aux budgets locaux sont désormais une minorité, la porte sera grande ouverte à la  démagogie et à la dépense.

Il n’y que de mauvaises  raisons  à cette  réforme irresponsable.

La première, la moins grave, témoigne de l’emprise inégalée des logiques purement techniques.  La taxe d’habitation était la  plus lourde à recouvrer : beaucoup de petites cotes, le plus fort taux d’impayés.  Bercy qui compte sur des économies de fonctionnement l’a imposée  au détriment de toute considération  de  citoyenneté et d’équilibre social.

La seconde est plus grave : au motif de dégeler la fortune française, excessivement portée sur le foncier, dit-on,  ce sont les classes moyennes que l’on veut  laminer un peu plus, au bénéfice  d’un côté des  fortunes financières désormais  libérées  de l’ISF , de l’autre des  classes populaires  bénéficiaires de transferts .

Ceux qui appellent la France à plus de libéralisme -  et ils ont raison -  ne savent pas qu’il y en a de plusieurs sortes : celui qu’avait incarné  Margaret Thatcher était un libéralisme national,  soucieux d’épargner les  classes moyennes britanniques et , pour cela,  de limiter   les dépenses publiques et les transferts. Celui qu’incarne Macron est à l’opposé :  très favorable au   grand capital international qui trouve son intérêt   dans la réforme du Code du travail   et la suppression de l’ISF, il ne craint   pas  d’écraser un peu plus les classes moyennes, sans doute  coupables au travers de la propriété foncière, même modeste, d’avoir un enracinement , et ne se préoccupe  donc sérieusement   de réduire ni  les  dépenses publiques , ni  les   transferts, pompe aspirante de  l’immigration.

Il y a libéralisme et libéralisme. Celui qu’on prête  à Emmanuel Macron est aux antipodes des attentes des Français  et les  expose à bien  déconvenues.

Roland HUREAUX

 

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