Sur la scène intérieure, un des faits les plus marquants de ces dernières semaines pourrait être le sondage « Pour qui voteriez-vous au premier tour d’une présidentielle qui aurait lieu aujourd’hui ? » Laurent Wauquiez apparait à 8 % seulement. Un autre sondage orienté, lui, vers les européennes le remet à 14 %, ce qui n’est pas non plus glorieux.
Les nombreux ennemis qu’il a au sein de LR auraient tort de se réjouir de ces chiffres. C’est l’avenir de la droite classique qui est en jeu, non celui du président du mouvement.
Certes Wauquiez est encore mal connu des Français. Il n’a pas été comme les deux gagnants du premier sondage, Emmanuel Macron (32 %) et Marine Le Pen (24 %) présent à la dernière présidentielle. (D’ailleurs, compte tenu de la prime au sortant habituelle dans ce genre d’exercice , 32 %, ce n’est pas beaucoup pour Macron, cela veut dire que 68 % de Français n’en veulent pas).
Mais on peut y voir aussi l’effet de la profonde crise d’ identité que traversent les Républicains ; et pour cause : ils sont tombés dans tous les panneaux que leur a tendu le président au cours des dernières semaines.
Les pièges du président
La réforme de la SNCF n’était peut-être pas très utile, d’autant qu’elle n’ aura son plein effet que dans trente ans, quand les cheminots déjà recrutés partiront en retraite, mais elle a déjà atteint son but politique: en suscitant une grève attendue, exciter les gens de droite , non contre le gouvernement comme il le faudrait mais contre la CGT et les grévistes.
Il est une droite dont les réactions sont aussi prévisibles que celles du chien du Pavlov. Grève à la SNCF : au dictionnaire des idées reçues qui la régit : « être contre. » Pour cette raison , il y a peu de chances que le gouvernement soit pressé d’ en finir avec elle.
L’effet est le même pour l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame des Landes (autre projet soit dit en passant d’une utilité douteuse) , non qu’ elle n’ait pas été pas nécessaire mais fallait-il qu’elle suscite la sympathie de l’opposition au point que l’on y dise que le gouvernement y avait fait preuve d’autorité ?
Même mécanisme avec la réforme de l’Université : la sélection à l’entrée de l’université, on le sait depuis 50 ans, depuis mai 68 déjà où le problème était posé, est un réactif violent dont on sait par avance qu’il mettra les étudiants dans la rue. Et comme cette réforme, pas vraiment nécessaire non plus (la sélection existe déjà largement, au moins en troisième année) fait partie de la culture de droite et qu’elle agite les universités, on peut être sûr de son effet politique : beaucoup de conservateurs seront remontés contre les bloqueurs des facs.
L’UNI qui se veut l’aile marchante de la droite universitaire s’est fendue d’une pétition contre les casseurs. Force républicaine n’a pas réagi autrement contre les grèves.
Or l ‘ennemi de mon ennemi est mon ami. Si la droite est d’abord remontée conte les grévistes, les syndicalistes étudiants (vrais ou faux) et les zadistes, l’électeur , binaire, aura compris qu’elle se range derrière le gouvernement. A quoi sert-elle dans un tel contexte ? Comment s’étonner que certains se le demandent si Macron semble faire son travail aussi bien qu’elle et qu’elle va à sa rescousse.
A la rigueur les réactions de la droite eussent été justifiées si son message avait été : avec Macron, tout va à vau l’eau, avec nous l’ordre serait mieux assuré. Mais quelle crédibilité aurait-t-elle pour dire cela ? Même le Front national n’en aurait pas.
Chateaubriand le disait : « l’opposition doit être entière ». Celui qui l’incarne doit s’opposer. Et si d’aventure le gouvernement fait quelque chose qui lui parait juste ou qu’il a des difficultés sur sa gauche, on ne va pas à sa rescousse, au minimum on se tait. On rappelle en tous les cas que c’est le gouvernement qui est en charge des affaires et que s’il y a désordre, c’est d’abord à lui qu’en revient la responsabilité. Tout cela est le b a ba de la politique.
Heureusement, Wauquiez a eu le courage de critiquer la participation de la France à l’opération contre la Syrie. Mais sur tous les autres dossiers, il ne faut pas que les Républicains se lassent de critiquer l’imposture Macron. La matière ne manque pas : le démantèlement de nos industries de défense, l’augmentation des impôts, une loi en faux-semblant sur l’immigration à laquelle les criailleries des associations pro-migrants laissent croire qu’elle aurait du contenu, à côté du légitime retour à l’apprentissage alphabétique de lecture, la poursuite d’une réforme très contestable du secondaire, des projets bioéthiques inquiétants , une réforme de la fiscalité locale désastreuse pour les propriétaires etc.
Laisser encore croire, face à ces dérives que « Macron au fond est de droite » serait une grave faute, non contre la droite mais contre la France.
Roland HUREAUX