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Roland HUREAUX

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28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 07:35

COMMENT LES EUROPEENS PEUVENT-ILS CRAINDRE LA DETENTE EST-OUEST ?

Quand un grand journal du soir titre après le sommet d’Helsinki, « Donald Trump, meilleur allié de Vladimir Poutine »  [1], ne nous y trompons pas : ce n’est pas  un compliment, c’est une critique : Trump se met du côté d’un  homme que les mêmes médias se sont attachés au fil des mois à diaboliser. Dans un autre quotidien français vénérable, Trump est carrément tenu pour un traitre.

En d’autres temps, en temps normal et avec des gens normaux, par exemple du temps de la guerre froide, tout Européen se serait réjoui que les chefs des deux plus grandes  puissances  militaires du monde, celles qui ont, de loin , plus d’ogives nucléaires que toutes  les autres, Chine comprise, aient l’air de s’entendre et à tout  le moins dialoguent.

On comprendra  à la rigueur que les faucons ultranationalistes américains dont le  plan  explicite est de détruire la puissance russe  , soient insatisfaits des bonnes relations qui semblent s’établir  entre Trump et Macron.  Ils voient dans le sommet d’Helsinki – qu’ils se sont attachés pendant de mois à  retarder – la confirmation  que c’est Poutine et non le peuple américain qui a fait élire Trump.

Mais venant d’Européens, le point de vue devrait être différent. S’il y a un jour un  affrontement majeur entre les Etats-Unis et la  Russie, c’est  l’ Europe qui sera le champ de bataille : des stratèges américains l’ont expressément prévu . C’est elle d’abord qui serait détruite. C’est elle   qui a , plus que quiconque, intérêt à une détente entre ceux que l’on appelait autrefois les « deux grands ». C’est elle qui devrait donc se réjouir la première des prémisses  d’une telle  détente.

Le risque d’un duopole, d’un nouveau Yalta,  est certes réel, mais il pèse peu à côté de celui d’une guerre mondiale.

Un Européen lucide ne peut nier que la paix et la sécurité en Europe sont mieux garanties par de bonnes relations entre Washington et Moscou que par un climat d’extrême tension. Malgré les foucades qu’on lui reproche, contre l’OTAN, contre l’Union européenne, pour un Brexit dur, et donc ce que certains voient comme une marque d’hostilité à l’ Europe, Trump, en tentant de détendre les  relations des Etats-Unis avec Poutine, rend plus service aux Européens  qu’aucun de ses  prédécesseurs.

Comment donc expliquer que la presse française   ne le voie pas comme cela ?

La   raison  en est qu’une grande partie des  médias européens se trouve inféodée au courant  le plus  impérialiste des médias américains. Nous disons impérialiste,   car il faut appeler les choses par leur nom. Cessons  de parler entre autres de néo-conservateurs  s’agissant de gens  qui sont pour la plupart de gauche, voire d’extrême gauche  sur les questions sociétales et qui caressent   des  projets destructeurs tant pour les institutions américaines que pour la paix  du monde.

Le grand secret  que beaucoup  n’ont pas   encore assimilé, c’est que l’impérialisme a muté : il  se situait autrefois à la droite de l’ éventail politique  américain ( et européen) , il est désormais à  gauche.  Il faut nous y habiter ; les puissants de ce monde  sont  aujourd’hui de gauche, aux Etats-Unis pour la plupart démocrates, en France , macroniens . La mutation du système  symbolique s’est effectuée au travers  des droits   de l’ homme : valeur de gauche au départ mais qui,  par sa prétention à l’universalité, sert désormais d’alibi à des interventions militaires de type impérialiste  aux quatre  coins du monde, spécialement en Europe  de l’Est et au Proche-Orient. C’est parce qu’il n’est pas de gauche que Trump peut tendre la main à Poutine.

Le camp impérialiste a connu une défaite humiliante  avec  l’élection de Donald Trump. Toutefois  l’administration américaine ( l’ « Etat profond ») ,  presque entièrement  acquise au camp impérialiste,  a réussi à limiter  suffisamment  la marge de manœuvre du nouveau président pour qu’on puisse considérer qu’elle est  encore largement  au pouvoir.   Et elle trouve désormais ses  meilleurs soutiens en Europe où la problématique des droits de l’homme  continue à faire florès, à Bruxelles, à Berlin, à Paris. Certes les Européens n’ont nullement  l’intention d’accroitre leurs dépenses  militaires  comme le leur demande Washington, mais ils continuent à apporter un soutien politique discret au  clan Obama–Clinton, comme on  l’a vu lors de la visite de Macron au Congrès. Macron qui avait bénéficié d’un très fort soutien de cette mouvance. 

Il reste qu’il faut un singulier aveuglement, celui là seul que produit le mode  de pensée ( ou de non-pensée)   idéologique dans sa phase aigue,   pour que les Européens en arrivent à considérer  comme une  mauvaise nouvelle un rapprochement des puissances  les  mieux armées de planète , surtout si ces Européens sont les  héritiers de Jaurès ou d’un journal qui avait  prôné le neutralisme au temps de  la guerre froide.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Le Monde, 18 juillet 2018

 

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