S’il fallait un témoignage du vent de folie qui souffle aux Etats-Unis à la suite de la guerre de Syrie, on le trouvera dans la loi intitulée « Caesar Syria Civilians Protection Acta ». Ce texte voté il y a un an par la Chambre des représentants mais qui vient d’être confirmé dans un texte plus large permet de sanctionner tout gouvernement ou toute entité privée qui contribuerait à la reconstruction de la Syrie. Quoique d’origine démocrate, il aurait récemment le visa du président Trump.
Cette loi est particulièrement inhumaine quand on sait l’ampleur des destructions dont la Syrie a souffert – et qui font obstacle au retour des quelques millions de réfugiés .
Napoléon qualifiait l’Angleterre et aurait encore mieux qualifié les Etats-Unis de « nation de boutiquiers » . L’idée chevaleresque que quand la guerre est terminée , vainqueur ou vaincu, on tourne la page et on s’entraide à reconstruire ensemble étrangère la mentalité anglo-saxonne. Loin aussi l’esprit du plan Marshall qui vit les Etats-Unis aider massivement l’Europe détruite de 1945.
Mais cette intransigeance s’explique aussi par la dimension idéologique qu’a prise cette guerre. Les Américains ne conçoivent pas qu’une guerre qu’ils mèneraient ne soit pas une guerre du bien contre le mal – comme tous les idéologues. Pour se conforter dans ce sentiment ils ont construit au fil des ans une machine de propagande colossale qui peut persuader la terre entière que l’ennemi qu’ils combattent à un moment donné est le pire de monstres qu’ait connu l’humanité : hier Milosevic, puis Khadafi, , aujourd’hui Assad et pourquoi pas un jour Poutine ? Et ce faisant , ils arrivent à s’en convaincre eux-mêmes . Nul doute que les membres de la Chambre des représentants qui ont voté ce texte inique n’en soit convaincus.
La troisième explication est que les Etats-Unis ne se remettent pas de ce qu’il faut fait bien appeler un échec an Syrie : ils ont soutenu militairement les djihadistes pendant huit ans, de concert avec les Européens, dans le but de renverser le président Assad, et il est toujours en place. Nul doute qu’une partie des cercles dirigeants américains ne s’y résigne pas et attend la première occasion de reprendre le guerre pour en finir avec Assad. Dans son immense arrogance, la superpuissance ne conçoit pas l’échec. Ce n’est pas le moins inquiétant.
Que sera le résultat de cette loi absurde ? Forcer le président syrien à la démission ? Après avoir résisté pendant huit ans à la coalition de la première puissance du monde et du terrorisme international , il est peu probable qu’Assad abandonne la partie ; d’autant que s’il a résisté, c’est qu’il avait l‘essentiel de la population syrienne avec lui et que les sanctions ne vont faire que renforcer son loyalisme. Un retour immédiat à la paix et la levée des sanctions normaliserait la situation en Syrie : il est possible que les Syriens envisagent alors , hors de toute pression extérieure, de remplacer Assad par un gouvernement démocratique . Mais du fait du Congrès, ce ne sera pas le cas .
L’autre conséquence de la loi Caesar concerne plus directement la reconstruction du pays. N’en doutons pas , il sera reconstruit, mais par d’autres que les Occidentaux . Par qui ? Les Russes ? Ils fournissent déjà l’aide militaire. Il est douteux qu’ils aient le moyens de mener seuls ce ce vaste chantier. On voit bien par contre les Chinois s’engouffrer dans la brèche ainsi ouverte comme ils savent le faire. Ils n’ont pas sûrement pas oublié, que la Syrie était au Moyen Age le débouché de route de la soie sur la Méditerranée . La Syrie reconstruite par les entreprises chinoises, à quelques jours de caravane des immenses gisements de pétrole dont ils ont plus que quiconque ( plus que les Russes en tous cas ) besoin , n’irait-on pas vers la mainmise de la Chine sur le Proche-Orient ? Ne serait -il as logique que des rejoignent le premier pays importateur d’hydrocarbures et la première région exportatrice ? Israël qui est obligé , depuis la calamiteuse guerre de Syrie, d’aller chercher des garanties de sécurité à Moscou , ira-t- il demain les chercher à Pékin ? Est-ce vraiment que l’on cherche à Washington ?
Roland HUREAUX