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Roland HUREAUX

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5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 20:10

LA PMA SANS PERE OU LE NAUFRAGE DES LUMIERES

Paru dans Figaro vox

09/09/2020

Sans qu’ aucun des deux camps en ait conscience, la bataille sur le projet de loi bioéthique se joue à front renversé. Ceux qui soutiennent le projet se considèrent généralement comme les héritiers des Lumières sans réaliser à quel point un tel projet trahit celles-ci ; ceux qui le combattent appartiennent surtout à la mouvance catholique, alors même que le combat en cause   ne porte que sur le droit naturel et des principes universels qui n’ont rien de spécifiquement confessionnels.

Les lumières avaient trois maîtres mots : la raison, la nature, la liberté.

Raison et nature : que penser des nouveautés introduites par la commission spéciale de l’Assemblée nationale dans la loi ?  La plus singulière est la légalisation de la méthode qui consiste à féconder l’ovocyte d’une femme avant de le réimplanter dans l’utérus de sa compagne, de telle manière que leur maternité soit partagée. Est aussi envisagée la création d’embryons transgéniques, soit à terme la fabrication d’enfants génétiquement modifiés, la fabrication d’embryons chimères homme-animal par insertion de cellules-souches humaines dans des embryons d’animaux.  Dans le même esprit, l’Assemblée nationale devrait autoriser l’autoconservation des ovocytes (sans raison médicale) afin permettant aux femmes en âge de procréer à remettre à plus tard leur projet de maternité, ainsi que la technique du « bébé médicament ».   Bref :  carte blanche à Frankenstein.

Que tous ces projets soient contraires à la nature est assez évident. Seuls le députés écologistes qui les votent aveuglément ne s’en sont pas aperçu.

 

Les philosophes des Lumières croyaient au droit naturel

 

Ceux qui poussent à ces changements tiennent la nature humaine pour une notion scolastique dépassée. Pourtant la nature était souvent invoquée par les philosophes des Lumières.  Voltaire, Rousseau, Kant croyaient au droit naturel. Seul homme des Lumières à le récuser : le marquis de Sade…  Les philosophes des Lumières ont combattu l’Eglise au nom de la nature :  le célibat de prêtres et des religieuses était, disaient-ils, contre-nature ; de même les châtiments infligés aux enfants dans les collèges auxquels ils préféraient une éducation sans contrainte à la manière d’Emile.

Aujourd’hui, l’idée de droit naturel est pourtant tenue pour un gros mot dans les facultés de droit. Singulier paradoxe au moment où les droits de l’homme (naturels et imprescriptibles !) sont invoqués partout et où l’on découvre la permanence du génome de l’Homo sapiens depuis 100 000 ans. Constance du génome, permanence anthropologique.

Contrairement à ce que certains disent, la liberté prônée sous la Révolution n’est pas illimitée : elle « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article 4 de la Déclaration du 26 août 1789). Le droit conféré à des femmes sans hommes, de procréer avec un sperme anonyme, reviendrait à autoriser la fabrication délibérée d’orphelins de père et donc à leur porter un préjudice irréversible, terrain propice aux pires difficultés psychologiques, comme les expériences effectuées à l’étranger  l’ont montré. La gestation pour autrui, suite logique de la PMA, est tenue à raison pour une forme d’esclavage.

Le principe de non-discrimination devrait interdire    d’étiqueter le sperme avec des mentions raciales, ce que le projet de  loi ne prévoit pas, et pour cause.

La raison n’est pas seulement la raison raisonnante, elle est plus profondément le bon sens, auquel se référait Descartes, précurseur des Lumières   qui, pensait qu’il était « la chose du monde la mieux partagée ». Où est le bon sens quand on permet à la Sécurité sociale en détresse financière de rembourser à hauteur de 20 000 € la PMA d’une femme en bonne santé apte à concevoir naturellement ?  

Et que dire du projet lui-même , d’une complexité si effroyable qu’il est à lui seul une injure au droit ?

 

Si Jules Ferry revenait

 

Raison, nature, morale naturelle (et donc laïque) et droits de l’homme :   souvenons-nous de Jules Ferry écrivant à ses instituteurs : « avant de proposer à vos élèves un précepte, demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment, car ce que vous allez communiquer à l'enfant, ce n'est pas votre propre sagesse, c'est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité. »  Nous en sommes aujourd’hui bien loin.

Par quelle étrange aberration, les héritiers des Lumières en sont-ils venus à laisser la défense de la raison, des droits et de la nature aux tenants des religions, en particulier aux catholiques. Pas toujours éclairés, ceux-ci comprennent-ils    que ce qu’ils défendent, ce n’est pas une morale particulière mais la morale naturelle – autrement dit laïque ?   Le philosophe Rémi Brague rappelle qu’il n’y a pas de morale chrétienne :  les chrétiens héritent de la Loi de Moïse qui n’est elle-même que la mise en forme de la morale naturelle.  C’est le Comité national d’action laïque qui, au nom des Lumières, devrait manifester contre les projets bioéthiques.   Les catholiques qui ont capté ce combat sont comme le pape Léon le Grand qui, sortant de son rôle, défendait Rome face à   Attila parce que ceux qui auraient dû le faire, le pouvoir laïc, étaient défaillants.  Quel bel hommage rendu aux religions, que de leur  laisser le  monopole de la défense du   droit, de la raison et de la nature dont on supposait jadis qu’elles leur étaient contraires ?

Ce n’est pas la première fois que les Lumières s’égarent : quand Staline, qui se tenait aussi, comme tous les marxistes, pour leur héritier, imposait la génétique de Lyssenko au rebours de la vraie science, c’est   la supposée plasticité sans limite de la nature humaine qu’il affirmait, comme les transhumanistes d‘aujourd’hui. Au même moment d’autres voulaient, au nom de la Science, faire le Surhomme, avec les conséquences tragiques que l’on sait. 

Ce n’est pas la civilisation judéo-chrétienne qui sombrerait si les projets aberrants que l’on a vus étaient votés, c’est l’héritage des Lumières qui se trouverait gravement discrédité.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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