05/12/2019
Il était prévisible que le sommet du 70e anniversaire de l’OTAN se termine dans un climat d’unanimité, malgré les éclats qui l’avaient précédé.
Du coup on se demande à quoi a servi la saillie de Macron dénonçant une institution « en étatn de mort cérébrale ».
Elle n’a mené à rien et d’ailleurs savait -il seulement à quoi il voulait en venir sinon à se faire remarquer ?
Trump et Macron ont mis en scène des points de vue apparemment divergents sur l’avenir de l’OTAN
Mais leurs points de vue étaient -ils si différents ? Surtout sont-ils, chez l’un comme chez l’autre, cohérents ?
Trump et Macron, à des dates différentes et avec des termes tout aussi brutaux , ont dénoncé l’obsolescence de l’OTAN. Mais l’un comme l’autre ne semblent pas vraiment vouloir y mettre fin.
Pour Macron, si on a bien compris ses perspectives, l’Europe occidentale doit unifier à défense pour constituer une armée européenne unique et se comporter à terme, face aux Etats-Unis, comme un second pilier de l’OTAN. Trump voudrait, lui, qu’entre les Etats-Unis et l’Europe, le fardeau de la défense commune soit plus équitablement partagé . Ces deux points de vue ne sont pas absolument divergents .
Mais Trump est-il prêt à laisser tomber ce formidable instrument de contrôle de l’Europe que constitue l’organisation atlantique ? On en doute. Macron et a fortiori les autres Européens sont-ils prêts à augmenter substantiellement leurs budgets de défense ? On en doute aussi . Et d’ailleurs sur la constitution d’un second plier de l’OTAN, Macron parait bien isolé, comme sur presque tous les sujets européens , ce qui est paradoxal pour quelqu’un qui voudrait faire avancer l’Europe sur la voie de l’intégration. La moins réticente à ces perspectives perspective n’est pas Angela Merkel , par ailleurs exaspérée par le style insupportable du président français. De fait , en matière de défense, Berlin est , depuis la fin de la seconde guerre mondiale, tenu par Washington avec une laisse courte. En matière stratégique, l’Allemagne ne saurait s’éloigner sensiblement du point de vue américain, sauf à trainer les pieds pour augmenter son budget de défense , ce dont tout autre président français que Macron se sentirait rassuré.
L’Europe de la défense attendra
Le second pilier de l’OTAN n’est donc pas pour demain. On peut seulement craindre qu’au motif de faire l’Europe de la défense, à laquelle il est seul à croire, Macron continue de lâcher une à une nos industries stratégiques : après Alstom ( les turbines nucléaires civiles et militaires ), Alcatel et le char Leclerc, désormais franco-allemand , la préférence de l’armée française pour un fusil allemand , les Chantiers de l’Atlantique , devenus plus italiens que français , quoi ? Les avions de chasse et pourquoi pas un jour l’arme nucléaire ?
Du côté américain, même cohérence douteuse : la volonté de Trump de voir les Européens augmenter leur effort de défense s’inscrit dans un plan d’ensemble visant à rétablir la balance des paiements américains , depuis si longtemps déficitaire. On ne saurait s’en plaindre mais le corollaire du déséquilibre présent est le rôle du dollar comme monnaie de réserve qui permet aux Américains d’acheter à l’extérieur en payant avec du papier. Trump est -il prêt à remettre en cause ce privilège ?
N’est-ce pas d’ailleurs ce privilège qui paye l’effort de défense américain, tout azimut et donc aussi au bénéfice de l’Europe ? Aussi longtemps que subsistera le privilège du dollar, les Etats-Unis auront à supporter pour l’essentiel le fardeau de la défense occidentale : ces deux réalités font système.
Arrivant après la plus lourde défaite qui ait été essuyée par l’OTAN dans son histoire puisqu’elle n’a pas réussi , après huit ans de guerre, à renverser le président Bachar-el-Assad en Syrie, ni par voie de conséquence à empêcher l’extension de l’influence russe au Proche-Orient , ce sommet aurait pu être plus conflictuel. Or cette défaite qui aurait justifié une remise en cause a été à peine abordée.
Même divergence franco-américaine factice sur la Turquie. Trump n’a pas retiré brusquement ses forces de Syrie sans consulter ses alliés, comme on le dit : il avait annoncé ce retrait à plusieurs reprises dans sa campagne électorale et après. II semble cependant avoir donné aussi le feu vert à Erdogan pour son intervention, au demeurant limitée. Macron , lui, monte sur ses grands chevaux pour fustiger Erdogan. Il fut un temps où, sur les bords de la Seine, même sur des intérêts majeurs ( l’entrée dans l’UE, l’immigration ), il ne fallait pas fâcher Ankara . Maintenant, on le fait sans intérêt propre, la défense des Kurdes revenant désormais à l’Etat syrien ( et son protecteur russe) qui s’y est engagé et non à la France.
La proposition de Macron de désigner comme ennemi principal de l’Alliance le terrorisme ne peut être tenu que pour une facilité de langage : le terrorisme est une méthode de guerre, pas une force en soi ; cette proposition aurait eu plus de sens si l’OTAN , France en tête, n’avait pendant huit ans soutenu les groupes islamistes en Syrie, surtout Al Nosra ( Al Qaida) mais même Daech.
Poutine a profité du sommet pour tendre la main à l’OTAN ; il se dit prêt à coopérer avec elle, comme il l’avait fait au début des années 2000 à l’initiative de Jacques Chirac . Pas de suite pour le moment à ce geste , qui se situe dans la ligne constante de la diplomatie russe , laquelle a toujours cherché à être incluse dans le concert européen. Cela dépendra sans doute de l’issue des négociations en cours sur l’Ukraine.
Que ce sujet aussi Trump et Macron , à la différence de certains de leurs partenaires, aient des postions analogues, mais aucun ne va jusqu’à évoquer la levée de sanctions imposées à la Russie, principal obstacle à une ouverture sérieuse.
Ce sommet , qui devait être celui des grandes remises en cause, a en définitive accouché d’une souris. Le querelles de famille ne s’affichent pas autour d’un gâteau d’anniversaire. Macron n’ y aura été qu’un convive facétieux.
Roland HUREAUX