Dans de récentes déclarations, Patrick Buisson a pris ses distances avec la logique de l’ « union des droites » qui prévalait notamment à la Convention de la droite réunie le 28 septembre dernier autour de Marion Maréchal et d’Éric Zemmour à laquelle il a s’est abstenu de participer.
Il pense , avec raison selon nous, que l’idée d’une union des droites est dépassée car le populisme de la droite forte ( pour ne pas dire extrême) est , selon lui, incompatible avec le libéralisme du courant dominant des Républicains. Donc pas de convergence possible.
Je dirai aussi : comment prétendre diriger un pays en se réclamant d’une moitié de sa population ( en fait plutôt 40 % ) ? Il est vrai que Mitterrand y était arrivé, en accédant au pouvoir au nom de l’Union de la gauche . Mais ce qui vaut dans un camp ne vaut pas forcement dans l’autre. Et ce qui vaut à une époque ne s’applique pas forcément à une autre époque. Macron a d’ailleurs gagné en récusant cette logique : c’est bien le seul mérite qu’on puisse lui reconnaître.
Pour Buisson , au clivage gauche-droite s’est substitué le clivage des partisans de l’ordre mondial et de ses adversaires .
Le choix est en effet aujourd’hui d’être pour ou contre le camp mondialiste, prétendu libéral et progressiste, qu’ ont incarné tour à tour, dans la lignée de Jean Monnet, Blair, Sarkozy, Obama, Macron , et avec eux, toute la machinerie européenne, l’Europe de Bruxelles n’étant dans cette perspective que le relais régional d’un projet planétaire. Le paradigme des partisans de ce camp est simple : libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes, attrition des Etats et philosophie libertaire. En face tout ce qui incarne le réveil national : Poutine, Orban, Trump , Salvini et maintenant Boris Johnson etc. A l’intérieur, outre le RN, la droite et la gauche hors les murs qualifiées de « souverainistes » et bien sûr les Gilets jaunes .
Ne l’ont pas encore compris les gens de droite genre lecteur du Figaro et électeurs de Fillon qui, tout en étant attachés au drapeau et à la famille et hostiles à l’insémination artificielle des femmes seules se réjouissent de voir Macron résister à la CGT ou cogner les Gilet jaunes.
Proche d’eux, la chroniqueuse versaillaise, pourtant connue pour ses positions anti-libertaires , qui s’est fait remarquer récemment en mettant plus bas que terre une pauvre femme qui n’avait , à son gré, pas réussi dans la vie. Il y a des gens qui sont lents à assimiler que la cause ultralibérale ne se sépare plus désormais de la cause libertaire.
L’ont encore moins compris les gens de l’ extrême gauche pour qui le spectre suprême reste le « fascisme » identifié à toutes formes de droite nationale. Généralement pas assez puissants ou conséquents pour accéder au pouvoir – sauf à trahir dans les grandes largeurs comme Tsipras ou les 5 Etoiles - ils choisiront toujours in fine de soutenir un Macron plutôt qu’un national quel qu’il soit . Sans adhérer nullement aux thèses du mondialisme , ils ont désigné comme ennemi numéro un les antimondialistes, se faisant les soutiers objectifs de l’ordre mondial ultralibéral.
Mais l’histoire avance et ces postures en porte-à-faux sont sans doute les rémanences d’un ordre ancien, le marque d’une phase de transition , en voie d’être dépassée. Ils sont en même temps l’effet du jeu habile des tenants du mondialisme lesquels , quoiqu’ils soient en fait des idéologues extrémistes, se positionnent au centre et ont dès lors beau jeu de diviser leurs adversaires.
L’importance du combat sémantique
En fait Buisson ne se trompe que sur la sémantique. Dans le combat politique, il ne faut jamais donner un nom sympathique à ses adversaires et donc prendre pour argent comptant ceux qu’il se donne. Tel est le cas des appellations de progressistes ou de libéraux accolées aux tenants du mondialisme. Ces mots sont très avantageux pour eux : qui pourrait être contre le progrès ? qui serait contre la liberté ? Être libéral, c’est être généreux, ouvert, convivial. Pourquoi se mettre dans le camp des obtus qui refusent tout cela ? N’est-ce pas faire le jeu de Macron qui a identifié , de manière avantageuse, son combat à celui des « progressistes » contre les « populistes » ?
Non seulement l’usage de ces mots n’est pas de bonne guerre , mais ils sont faux . Le camp mondialiste n’est pas celui de la liberté : avec une loi liberticide par mois on en est loin ! Ce n’est non plus celui du progrès : l’appellation de progressiste implique qu’il y ait un sens de l’histoire . Pendant un siècle l’Union soviétique s’est présentée comme le camp du progrès ; on a vu où elle en est arrivée ; aucune loi historique sérieuse ne condamne les Etat et les frontières. Le prétendu progrès mondialiste s’effondrera comme les autres.
En fait le camp aujourd’hui dominant et que nous combattons est celui de l’idéologie . L’idéologie repose sur une vision simplifiée du monde : hier la suppression de la propriété, aujourd’hui la suppression des Etats et des frontières. Elle implique aussi un projet messianique de transformation du monde qui permet de diaboliser ceux qui s’y opposent. L’idéologie est d’ailleurs toujours mondialiste : Après l’internationalisme prolétarien est venu le mondialisme marchand : dans les deux cas , il s’agit d’idéologie.
Le seule querelle qui vaille reste le combat contre les idéologies, d’hier et d’aujourd’hui.
Le propre des idéologies est d’être mensongères. En démasquer les faux semblants, les dénoncer et rendre , comme le préconisait Confucius, le vrai sens aux mots, ce n’est pas de la contrepropagande, c’est combattre pour la vérité . Qui peut imaginer que le mondialisme soit vraiment libéral ? Il écrase un peu partout les classes moyennes . Il réduit chaque jour la liberté d’ expression sous le dictature du polcor (politiquement correct) par des lois restrictives et par des médias unanimistes ; il restreint même le champ de la liberté tout court. C’est à tout le contraire de libéraux que nous avons affaire.
Comment s’en étonner ? Jean-Jacques Rousseau , penseur trop négligé , établit une sorte de théorème selon lequel, plus l’espace politique est étendu, plus il a vocation à devenir despotique et centralisé. La vraie démocratie selon lui n’est possible que dans les cantons suisses. Cette loi que personne n’a encore réfutée s’applique à la machinerie européenne. Elle s’applique a fortiori à un projet d’ Etat mondial qui ne pourrait être qu’un monstre totalitaire , un Big Brother planétaire dont nous apercevons déjà les prémisses.
Et dans l’autre camp ? Là aussi, il faut savoir s’autodésigner et refuser les noms que l’adversaire vous donne. Tel est le mot de populisme . Mais il faut parfois retourner contre ses adversaires ses propres armes et donc assumer . Après tout, le mot de populisme exprime bien la résistance des peuples à la machine totalitaire cosmopolite, il se réfère au populus autre nom du démos. Rien dont il faille avoir honte. A condition de rappeler sans cesse que le combat populiste est un combat pour la démocratie. A condition de rappeler aussi que ce combat est d’autant plus nécessaire que dans le camp d’en face qui s’en réclame , la démocratie est une étoile morte . La démocratie ne survit qu’aux marges . Elle reste comme l’a montré Pierre Manent inséparable du cadre national . Mais on peut trouver aussi d’autres noms : si notre camp est celui qui résiste à l’idéologie, il est par cela même celui de la nature, du bon sens. Il est aussi celui de la vérité. Allons jusqu’à dire qu’il est celui de la civilisation au sens le plus large .
Il est même, n’hésitons pas à le soutenir , le vrai camp de la liberté . Ne tombons pas dans le piège de penser que ceux qui résistent au supposé libéralisme ne seraient que des grincheux , partisans d’un régime pète-sec , rêvant d’un sabre à la Boulanger, que la restauration nécessaire de l’Etat face au mondialisme serait forcément celui d’un Etat autoritaire – précisément le mensonge que répandent les mondialistes. J’étais sur les ronds-points . Outre la revendication principale portant sur la dégradation de leur niveau de vie, les Gilets jaunes sont particulièrement sensibles aux atteintes à la liberté d’expression, au fait que le presse est de moins en moins libre et pluraliste, de plus en plus menteuse . Les qualifier s’antilibéraux serait leur faire injure en même temps que faire un beau cadeau à leurs adversaires, nos adversaires .
Roland HUREAUX