Comme très souvent, les problèmes auxquels on cherche de grandes explications (crise de régime, voire de civilisation) reposent sur des ressorts simples.
Ces dernières élections législatives ont mis en place une Assemblée nationale où il sera difficile de trouver une majorité de gouvernement. Le parti du président avec 246 députés est loin de la majorité absolue qu’il escomptait – et qui se situe à 289.
La percée des amis de Mélenchon (142 sièges) est belle mais insuffisante pour gouverner sinon comme force d’appoint. Et la NUPES n’est qu’une coalition de circonstance fragile.
On peut dire la même chose pour le groupe RN (89 sièges) qui fait une percée spectaculaire. Lui qu’on croyait destiné à la marginalité se retrouve deuxième parti de France (hors coalitions). Il a bénéficié à plein d’un mécanisme particulier : impitoyable pour les petits partis, le scrutin uninominal devient un accélérateur formidable dès que le parti a dépassé un certain seuil qu’on peut fixer à 15 % des voix. Au point que certains parlent de passer à la proportionnelle pour empêcher la prochaine fois un triomphe trop large de Marine Le Pen ! Celle-ci continue de la réclamer , alors qu’elle ne lui est plus profitable et surtout du fait que si on veut vraiment réformer la France en profondeur (mais le veut-elle ? ) , il faut une majorité que seule peut donner le scrutin uninominal.
Le paradoxe est que cette fois, pour des raisons inattendues, le scrutin de circonscription a eu l’effet que l’on prête habituellement au scrutin proportionnel : la très grande difficulté d’y faire apparaître une majorité.
Un double rejet
Le résultat de l’élection a une explication, relativement simple : elle a exprimé un double rejet. A la présidentielle, rejet de Marine Le Pen, non pas en soi mais comme présidente de la République. Aux législatives, rejet de Macron. La présidente du RN n’a pas été rejetée en raison de son image d’extrême droite dont elle a réussi, en partie, à se débarrasser. Elle aurait pu aller plus loin dans la dédiabolisation en rappelant au cours du débat médiocre qui l’a opposée à Macron que ce n’était pas elle qui envoyait des armes aux milices néo-nazies d’Ukraine.
C’est Macron qui l’a fait - et qui continue.
Zemmour non plus n’avait pas osé le dire. Qu’est-ce qui a inhibé les deux candidats de la vraie opposition pour qu’ils soient si timides ? En définitive, une majorité, très relative, des Français a pensé que Macron était un moindre mal. Ou un non-évènement qui renvoyait aux calendes des changements à la fois espérés et craints.
Certains reprocheront à Marine Le Pen d’avoir refusé de constituer un front avec les autres partis de droite (Reconquête, DLF etc.) qui aurait évité à tant d’électeurs de droite à devoir arbitrer entre Macron et Mélenchon. Si trois forces unies s’étaient affrontées au second tour, gauche, droite et En marche (que nous nous refusons à placer au centre), le RN aurait au moins doublé le nombre de ses députés, et Marine se serait retrouvée premier ministrable !
Mais les Français, dont 70 % souhaitaient changer de président n’ont pas voulu mettre Marine le Pen à la tête de la France au second tour de la présidentielle. Se pourrait-il que la loi salique subsiste au fond de leur inconscient ?
Ils se sont rattrapés aux élections législatives. Tous ceux qui voulaient prendre leurs distances vis-à-vis du président ou le contraindre à changer de politique avaient le choix pour un vote alternatif : NUPES, LR, RN. Chacun de ces groupes en a profité à sa manière.
C’est sans doute ce qui a permis au groupe LR (64 sièges) de résister avec un effet bienvenu de sélection naturelle : ont tenu les meilleurs, pas forcément sur le plan technique mais quant à leur ancrage sur le terrain et leur travail (on citera Olivier Marleix, Annie Genevard, Xavier Breton, Marc Le Fur, Aurélien Pradié). Ce critère en a éliminé, il faut bien le dire, beaucoup. Mais ceux qui restent forment une phalange solide et expérimentée, ce qu’on ne saurait dire des autres groupes. Faute de pouvoir influer sur le gouvernement, les LR ont montré qu’ils n’étaient pas morts et peuvent se positionner pour l’avenir. A condition de ne pas céder aux sirènes macroniennes.
Nous ne sommes plus sous la IIIe République
Dans un autre contexte, celui des IIIe et IVe République, on aurait pu imaginer un gouvernement de coalition fondé sur ce qu’Edgar Faure, le spécialiste, appelait des « majorité d’idées. »
On peut craindre que ce soit plus difficile aujourd’hui en raison de l’imprégnation idéologique de la politique moderne. L’idéologie radicalise la haine : on le voit à l’international à l’attitudes des pays de l’OTAN vis-à-vis de la Russie. Mais aussi en France avec l’ostracisme dans lequel a été longtemps tenu le RN. Elle entraine une intolérance maximum même vis-à-vis de ceux qui sont proches de vous. On ne voit pas qui collaborera avec Marine Le Pen. A cet égard, le plafond de verre existe encore.
Quelle majorité possible dans une telle assemblée ? Il nous parait peu probable que Macron arrive, comme il l’avait fait le dernière fois à ébranler le bloc LR . Jean-François Copé réclame à cor et à cris ce ralliement mais il n’est plus député et il est douteux que cette posture, à l’air de « magouille », restaure son image. Du fait de son hétérogénéité, la NUPES est plus vulnérable .La seule majorité possible est donc que certains élus issus de la NUPES, notamment les socialistes, soutiennent sinon le gouvernement du moins la politique de Macron. Il leur faudra pour cela bien des contorsions : les propositions économiques de Mélenchon : augmentation massive du SMIC, des impôts, des dépenses publiques ne sont pas évidemment compatibles avec le maintien dans l’euro sacro-saint pour Macron. Faut-il prévoir une scission de l’ « Union populaire « ?
Le risque est que ces différents partis ne trouvent comme dénominateur commun que les idées les plus destructrices : l’euthanasie , la proportionnelle dont on a vu les inconvénients , une lutte renforcée contre le réchauffement climatique et donc une servilité plus grande vis-à-vis des consignes de Bruxelles et Davos tendant à interdire le gazole et à détruire notre industrie automobile.
Un espoir : même si les subtilités de la constitution et la corruptibilité de certains élus permettent à Macron de gouverner sans majorité nette , les règles constitutionnelles ne sont pas tout. L’important de ces élections reste que chef de l’Etat a subi avec les élections législatives, une perte de légitimité qui rendra précaires ces subterfuges.
Roland HU