VIOLENCES FAITES AUX FEMMES : COMPORTEMENTS ARCHAIQUES OU EFFETS DE LA MODERNITE ?
Combattre les violences faites aux femmes est une juste cause .
Le harcèlement professionnel ou artistique est odieux .
Mais bien plus encore le féminicide : 121 femmes victimes en 2019. Augmentation ? Les chiffres semblent stables. Ce type de meurtre n’en est pas moins particulièrement odieux.
Les femmes battues sont beaucoup plus nombreuses.
La prévention de ces turpitudes n’est pas facile : encourager les femmes à dénoncer un compagnon ou un mari violent ? Mais celles qui n’ont pas peur de le faire ne sont pas celles qui courent le plus de risques. Celles qui sont victimes sont généralement celles qui n’osent pas le faire.
Il est cependant regrettable que les campagnes contre ces crimes ou abus soient doublées d’une petite musique qui laisse entendre que ces actes de barbarie seraient la persistance d’un passé archaïque qu’il faut une fois pour toutes liquider, les restes d’une oppression millénaire des femmes à laquelle la modernité doit mettre fin.
Rien n’est moins sûr.
La vieille société européenne et chrétienne connaissait certes les violences contre les femmes mais ne les encourageait nullement .
Rien à voir avec l’Islam où une sourate du Coran, d’ailleurs ambigüe, laisse entendre que ce genre de violences pourrait être légitime.
Un homme qui frappait sa femme dans un village d’autrefois s’exposait à la réprobation publique , d’autant que cette pratique allait généralement avec l’alcoolisme, socialement condamné . Là où l’autorité du curé était encore préservée, le mari risquait d’essuyer une rude semonce de celui-ci.
Là où la foi ancienne était encore solide, tous savaient que c’était là un péché mortel : pas parce qu’il s’agissait d’une violence contre une femme mais parce que c’était une violence tout court. Il fallait donc s’en confesser au risque d’aller en enfer
La déchristianisation a effacé ces repères. L’urbanisation a dissout les communautés où chacun était responsable devant tous ; aujourd’hui les individus appartiennent à des réseaux qui se côtoient sans se connaitre. La responsabilité, si responsabilité il y a, ne s’exerce que dans un groupe de référence, forcément cloisonné , parfois, pour des individus très désocialisés, devant personne.
La modernité n’ pas seulement affaibli le anciennes barrières morales qui régissaient les comportements. Elle a encouragé dans l’après-guerre les idéologies qui discréditent les disciplines ancestrales. L’école philosophique de Francfort ( Adorno, Reich, Marcuse ) a diffusé, d’abord en Allemagne puis dans tout l’Occident , l’idée qu’une éducation trop stricte était le terreau du nazisme. Mais qu’est-ce qu’une éducation stricte sinon celle qui s’attache à inculquer le respect d’autrui – pas de telle ou telle catégorie, mais d’autrui en général ?
L’idéologie soixante-huitarde qui en procède, condamnant la morale, a perdu de vue cette idée fondamentale que la morale est commutative : le mal que je fais , un autre, généralement en pâtit. Les droits de l’un sont limités par les droits tout aussi légitimes de l’autre – ou des autres . Commet respecter le droits de l’autre , sans une éducation appropriée , qui ne se réduit pas, quoi qu’on en ait dit, à la répression sexuelle ?
Plus pernicieuse cette idée qu’il « est interdit d’interdire », que chacun a de temps en temps le droit de « s’éclater » de se « lâcher » . Une idée issue d’une psychanalyse sommaire – pas celle de Freud ni de Lacan, au contraire – et du surréalisme adepte de l’authenticité , de la légitimité du désir immédiat . « S’éclater » , pour des gens convenables, ce peut être aller danser jusqu’à pas d’heure ou raconter de bonnes blagues; pour des gens plus primaires ce sera relâcher les contraintes qui interdisent par exemple de cogner sur son entourage. L’idée que le désir est autojustifictif ne concerne pas que la pulsion sexuelle ; après tout le désir de frapper autrui n’est-il pas aussi une forme de désir sexuel ? Justifié par l’accord du partenaire, forcément ambigu , le sado-masochisme n’est-il pas accepté dans certains milieux ?
Il se peut que les violences faites aux femme procèdent de la persistance de comportements archaïques . Mais il y a de forte chances que la modernité : déchristianisation, nouvelles normes libertaires , discrédit de l’éducation morale classique, leur aient ouvert un champ plus large qu’autrefois.
RH