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Roland HUREAUX

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26 août 2022 5 26 /08 /août /2022 09:39

Poutine est-il vraiment un dictateur ?

En posant cette question, nous ne prétendons pas porter un jugement sur l’ « opération militaire spéciale » qu’il a engagée en Ukraine et qui est manifestement contraire au droit international.

Mais l’hystérie aidant, il est habituel de le considérer comme un dictateur.

Nous pourrions dire d’emblée à partir d’exemples passés, que, dès lors que la machine de propagande américaine se met en marche, tout ennemi des Etats-Unis est un dictateur, alors que leurs amis bénéficient d’une grande indulgence :   même s’il s’agit de régimes manifestement autoritaires comme les royaumes de la péninsule arabique,  on évite de les qualifier de dictatures.

A l’inverse, pendant la guerre du Kosovo, Milosevic, président de la Serbie, tenu par Washington pour un ennemi à abattre était tenu par tous pour un dictateur alors même qu’il venait de perdre les élections municipales, laissant passer les villes principales à l’opposition : vit-on jamais un dictetur perdre des élections locales ? Mort en prison, il a été blanchi après coup par la Cour pénale internationale.

Le cas de la Russie de Poutine sera examiné sous trois angles : les droits de l’homme , la liberté de la presse,  les élections.

 

Les droits de l’homme

 

Les droits de l’homme ont sans doute à faire quelques progrès en Russie,  mais considérons le chemin parcouru depuis le communisme qui vit l’arrestation arbitraire, la déportation ou le massacre de millions d’hommes et de femmes.  Aujourd’hui les détentions auxquelles on peut reconnaitre un caractère politique, se comptent sur les droits d’une main.

On dira qu’il y en a beaucoup d’autres dont on ne parle pas ; peut-être mais il y a à Moscou environ 2000 correspondants de presse occidentaux presque   tous hostiles à Poutine plus autant de journalistes russes en osmose avec eux . S’il y avait tant d’atteintes aux droits de l’homme,  pourquoi ne nous les signalent-ils pas, pourquoi ne partent pas de Moscou de dizaines , voire des centaines de pétitions pour libérer untel ou untel ?  Seule l’équivoque affaire Navalny a fait parler d’elle.

A vrai dire, il y a eu quelques disparitions ou morts mystérieuses au début de la période Poutine.  Elles ont défrayé la chronique sans qu’on en sache le fin mot. Depuis , tous ceux qui accusent Poutine d’atteintes aux droits de l’homme ressortent ces affaires comme s’il n’y en avait pas d’autres. Aucun assassinat effectif n’a été dénoncé depuis 2006.

Suivent pour la période plus récente une série d’empoisonnements… ratés. Les mêmes qui en accusent Poutine avec véhémence sont prêts à soutenir que le KGB est toujours présent ; il aurait seulement changé de nom : il est devenu le FSB, mais l’esprit reste, dit-on,  le même. Etonnant : cette machine qui a organisé le massacre de millions d’hommes et en détenait encore quelques dizaines de milliers à la chute du communisme, ne serait pas capable d’empoisonner un opposant : elle manque toujours son coup !

Le seul attentat réussi a visé très récemment un philosophe soutien de Poutine , Douguine et a tué sa fille : cette histoire tragique   nous a profondément émus. Il se trouve des esprits pervers pour l’imputer à Poutine,  alors que tout laisse penser qu’elle a été organisée par le pouvoir ukrainien !

Il faut aussi , sur ce chapitre, regarder ce qui se passe en face. Il est connu qu’Obama, prix Nobel de Paix avalisait chaque semaine une liste de personnes que la CIA devait abattre sans jugement aux quatre coins du monde. François Hollande a avoué avoir aussi ordonné d’abattre certaines personnes sans jugement.

Une vieille affaire,  celle des frégates de Taïwan,  a causé chez nous la mort d’une quinzaine de personnes impliquées, hors de tout contrôle judicaire : secret défense dit-on.  Qu’aurait-on dit si une affaire analogue s’était produite en Russie ?

Il se peut que des assassinats de ce genre aient lieu aussi en Russie, mais au dire de spécialistes, ils toucheraient seulement des islamistes : peut-être,  mais nous n’en avons aucune preuve.

S’agissant des islamistes, Poutine n’a aucune institution comparable à Guantanamo : une prison installée dans un pays voisin où toutes les  normes de droit sont abolies. Sinon, ça se saurait.

 

La liberté d’expression

 

Deuxième sujet : la liberté de la presse et d’expression  ; il est lié au précédent dans la mesure où l’assassinat de journalistes fait peur aux autres et les conduit   à s’autocensurer.

En Occident, l’autocensure de la presse est-elle moins importante ? Il ne semble certes pas que les journalistes y risquent la peine de mort mais tous peuvent craindre , s’ils sortent de la pensée unique, de perdre leur emploi et d’avoir du mal à en retrouver un, de « finir à la rue » comme on dit.

C’est encore plus vrai de l’Université , spécialement aux Etats-Unis, où un seul mot « politiquement incorrect », par exemple une plaisanterie sur les homosexuels   ou un propos qui semble favorable à Trump, peut entrainer la perte d’emploi et la marginalisation sociale. En France, le statut de la fonction publique protège, jusqu’à un certain point , les professeurs titulaires mais ne leur évitera pas le harcèlement woke .  Rien de tel en Russie où on peut dire que la liberté d’expression universitaire est aujourd’hui plus grande qu’en Occident.

Personne n’ignore que les médias occidentaux sont entièrement alignés sur une seule opinion sur tous les sujets critiques :  monnaie unique (en Europe), Covid, réchauffement climatique, droits des homosexuels, hostilité à la Russie.  Le Prix Nobel de la paix a été attribué en 2021, au patron de presse russe  Dmitri Mouratov .  Il est   un opposant déterminé à Poutine. Il dirige un groupe de presse, Novaïa Gazeta qui tire à 1 million et demi d’exemplaires. Peut-on nous dire quel organe de presse clairement en rupture avec la pensée dominante sur tous les sujets évoqués et à son représentant en France, Emmanuel Macron,  tire à 1 million et demi d’exemplaires ?  Les rares follicules hors système se contenteraient    du centième. Ceux que l’on qualifie   habituellement d’extrême droite ont pratiquement tous disparu. Où est la liberté de la presse ?

Ce ne sont pas seulement les médias qui sont sous contrôle. Ce sont aussi les citoyens, les associations,  les groupes politiques. Il est notoire que depuis quelques années, les géants des grands réseaux internet : Facebook,  Twitter, You Tube   se sont arrogé le droit de supprimer les comptes de tout citoyen, de tout organisme qui tiendrait de propos incorrects sur des sujets critiques : la pandémie et la stratégie vaccinale, les élections américaines. Il n’est pas permis de dire par exemple que la vaccination peut avoir  des effets secondaires graves ou que les démocrates ont triché à la dernière élection présidentielle. Même Donald Trump en campagne électorale s’est vu privé de tout moyen de communiquer ses idées ( sachant que les médias de masse étaient unis contre lui). Il vient de faire l’objet d’une perquisition  à  son domicile de Floride aux fondements juridiques douteux. Tout comme Mélenchon en France il y a quelques années. Que dirait-on si la même chose arrivait à Moscou ?

 

La régularité des élections

 

Venons-en aux élections. Le fait de les gagner ne fait de personne a priori un dictateur.  La popularité de Poutine dans la population russe n’est pas un mystère , elle est confirmée par les sondages internationaux. Elle s’exprime surtout en province, Moscou et Saint-Pétersbourg demeurant des citadelles de l’opposition pro-occidentale.

Poutine est populaire comme le sont les chefs d’Etat qui travaillent pour leur peuple et rien que pour lui ; c’est ce que doit faire un vrai leader , démocratique ou pas. C’est ce que font de moins en moins les chefs d’Etat occidentaux occupés les uns à construire l’Europe supranationale , les autres à diffuser dans le monde , y compris par la force, le modèle démocratique, tel qu’ils l’imaginent, voire à servir les seuls intérêts de milliardaires . Le service d’un peuple est une partition exigeante ; quand leurs dirigeants suivent une autre partition, étrangère aux intérêts nationaux, il ne faut pas s’étonner que leur popularité, à peine élus, tombe, comme chez nous,  à 20 ou 30 %.

Il y a certes dans les victoires électorales de Poutine, l’influence du tempérament russe, porté à soutenir assez largement un chef qui fait ses preuves , sur le plan national et international . Qui croit qu’il en va différemment en France ?  Selon les départements, la gauche ou la droite, bien incrustées remportent les élections depuis des dizaines d’années : la gauche dans le Sud-Ouest , la droite dans les Yvelines . Dans certaines villes,  les citoyens opposés à la majorité municipale, craignent qui d’être éloignés des marchés municipaux, qui de mettre en difficulté un parent travaillant à la mairie : ils se taisent. Sur le plan de l’ « esprit majoritaire », la France a longtemps été une marqueterie de petites Russie. Ce n’est que récemment que les choses ont bougé,  mais pas complètement. Il en va de même aux Etats-Unis. Comme nous, ils sont une fédération de territoires inscrits dans telle ou telle orientation, les élections nationales étant déterminées par les swings states, ceux qui se partagent par   moitié.

J’ai eu l’occasion de rendre visite à Mouratov dont il est question ci-dessus. Il était très remonté contre la fraude qui avait marqué le scrutin de 2008, au bénéfice de Poutine. Je lui demandai si Poutine aurait perdu les élections sans fraude. Il me répondit non, mais il aurait obtenu , dit-il,  55 % au lieu des 65 % affichés . Et qui dont aurait eu 10 % de plus ? demandai-je ; le parti communiste me répondit-il…

Il était clair que ni dans ces élections ni dans celles qui se sont produites depuis, personne n’a soupçonné Poutine d’avoir renversé le résultat des élections par une fraude massive. On ne saurait en dire autant de son homologue Biden.

Le soutien de la majorité de la population russe au chef de l’Etat n’est nullement le signe que le pouvoir s’y exerce de manière dictatoriale .

La Russie est une démocratie « en transition » mais sûrement pas une dictature ; au moment où la démocratie recule partout en Occident , les Occidentaux manquent d’argument sérieux pour qualifier Poutine de dictateur.

 

Roland HUREAUX  

Août 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

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