Ayant pris l’habitude de relire les classiques, j’en suis à l’Iliade : épopée écrite per un Grec et racontant la guerre contre les Troyens, comme chacun sait. Ces combats à l’arme blanche étaient atroces mais jamais l’auteur ne se laisse aller à la moindre disqualification morale de l’ennemi.
Le temps ont changé ! Plus de guerre sans hystérie, dénonciation de l’ennemi comme un rebut qui ne mérite aucune considération, haine abyssale et diabolisation sans nuances.
Le pire dans cette attitude est qu’elle ne rend aucun compromis possible.
Mais elle a aussi un autre inconvénient : elle ne justifie aucun effort de compréhension de la position de l’adversaire. Comprendre la logique de l’adversaire, ce n’est pas avoir de la sympathie pour lui (être « compréhensif »), c’est faire ce que doit faire tout stratège car comprendre c’est prévoir et donc se donner les moyens de manœuvrer au mieux.
Un aveuglement abyssal
Aujourd’hui l’aveuglement des Occidentaux (en fait de leurs dirigeants et des médias) à l’égard de Poutine est abyssal.
Ils se contentent d’exciter à son encontre une haine aveugle qui rendra très difficile le retour dela paix.
Le président russe est comparé à Staline. 20 ou 30 milliards d’assassinats pour ce dernier. Et Poutine ? On lui impute cinq ou six tentatives d’empoisonnement qui ont toutes échoué sauf une. Mais il y a aussi en Russie, dit-on, des atrocités qu’on ne connait pas : alors que font les 2000 correspondants de presse, presque tous anti-Poutine, qui sont à Moscou ? Que ne nous livrent-ils au moins de temps en temps quelques noms pour que nous puissions pétitionner ?
Je ne suis pas pour autant pro-Poutine : la manière dont il cherche à nous damer le pion en Afrique me parait insupportable. Presque autant que la passivité de notre président face à cela, lequel préfère parader en Roumanie que préserver nos amitiés africaines pour lesquelles il n’a que mépris.
Reste à comprendre la stratégie de Poutine depuis le mois de février 2022. La réaction de la Russie à l’Ukraine peur être comparée à celle de la France à la Belgique : les premiers grands-ducs de Russie étaient à Kiev, les premiers rois mérovingiens à Tournai. La France ne remet en cause ni l’indépendance ni l’intégrité territoriale de la Belgique, comme, nous semble-t-il, la Russie n’a pas remis en cause celle l’Ukraine de 1990 à 2014, date de ce que Valéry Giscard d’Estaing a appelé une coup d’état de la CIA » à Kiev (appelé les « évènements de la place Maidan » ) . Que dirions-nous en revanche si la Belgique, dirigée par des Flamands avait passé un traité d’alliance avec le Chine, lui permettant de recevoir sur son sol des fusées chinoises pointées sur Paris, que dirons-nous si les mêmes Flamands entreprenaient de chasser du pays les Wallons ? Si la France (dirigée par d’autres que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui) tentait d’entrer en Belgique pour se défendre, ne le trouverions nous pas normal ? Comme nous avons trouvé normal en 1962 que les Etats-Unis n’acceptent pas la présence de fusées soviétiques à Cuba.
Entrer dans un pays voisin, comme l’ont fait les forces russes, c’est assurément une violation claire du droit international et en tous les cas une grossière maladresse. Mais il y en a eu tant, et de tous bords, depuis qu’a été signée la Charte des Nations unies ! On a dit que la première victime de la guerre était la vérité. Elle est en tous les cas l’intelligence. Il n’y a pas de paix sans l’intelligence… de l’ennemi.
Roland HUREAUX