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Roland HUREAUX

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13 mars 2024 3 13 /03 /mars /2024 12:33

 

SOMMES NOUS ENCORE EN DEMOCRATIE ?

 

Paru dans Le Nouveau Conservateur

 

On ne se lassera jamais de le dire : le parti pris quasi-unanime de la presse écrite et de la plupart des chaînes de télévision et de radio à l’encontre de Marine Le Pen et de Zemmour durant la dernière élection présidentielle est bien pire qu’un « scandale démocratique », c’est le signe que nous sommes aujourd’hui plus en démocratie.

L’évolution qui nous a conduit là mériterait une étude   approfondie : la concentration de la presse entre les mains de quelques magnats qui partagent une vision mondialiste et libertaire (nous nous gardons de dire libérale ! ) du monde mais aussi ce que Soljenitsyne appelait le « déclin du courage », l’esprit grégaire, la peur, l’arrivisme, la corruption sont à la racine de cette évolution vers toujours plus de conformisme.

 

Pas de démocratie sans pluralisme

 

Chateaubriand disait que la démocratie supposait non seulement la liberté de la presse mais aussi son pluralisme. Nous sommes loin du compte.

On voit les ravages désastreux de cette évolution dans l’hystérie antirusse qui règne aujourd’hui et qui fait place à l’hystérie pro-vaccin (ou anti-anti-vaccin) des derniers mois.

Cette emprise croissante, principalement au travers des médias, mais aussi de la justice, d’un corps de pensée – ou plutôt d’une idéologie unique - est-elle la seule influence indue qui se soit exercée sur le processus électoral français ? Ne faut-il pas y ajouter, quelque part en France ou aux Etats-Unis, une grande manœuvre destinée à faire réélire Macron qui serait passée par la présence de Marine Le Pen jugée plus vulnérable que d’autres au second tour. Premier acte : feu sur Zemmour, son seul rival significatif à droite et dédiabolisation de Marine Le Pen ; deuxième acte : dédiabolisation de Marine Le Pen et élection de Macron.

Ce scenario n’est pas si compliqué qu’il ait exigé des stratèges de haut vol. Il demandait cependant des moyens d’influencer l’opinion publique, en sus des médias, qui fut sans doute le fait de spécialistes sans qu’on sache exactement comment ils ont opéré.  C’est ainsi que Zemmour en début de campagne fut chargé de tous les péchés d’Israël : il était, disait-on, ultra-libéral (quoique bien moins que Macron), il voulait, prétendait-on, supprimer le droit à l’avortement (ce dont il n’a jamais été question), il était violent , alors que menacé de mort presque chaque jour, il n’a jamais permis bien sûr à ses soutiens de rendre la pareille à  l’autre camp. Naturellement, si elle en a profité, Marine Le Pen n’est pour rien dans ces manœuvres.

 

Le jeu de billard

 

Mais dans la balance Le Pen – Zemmour, d’autres facteurs ont joué. L’électorat de la première était manifestement plus populaire et plus démuni   que celui de Zemmour qui, malgré ses efforts n’est pas arrivé à mordre suffisamment sur le petit peuple, rural en particulier, pour qui voter pour la droite forte était plus un cri de désespoir qu’un projet politique ; a-t-il suffisamment fait d’efforts pour réduire ce déficit ?

En tous les cas, Marine Le Pen cumulait un double avantage de légitimité : elle avait pour elle le côté franchouillard ; bien que née à Saint-Cloud, elle ressemblait d’avantage aux gens du peuple que l’intellectuel Zemmour, elle avait surtout l’ancienneté. Dans un pays où il faut plusieurs candidatures pour que les gens s’habituent à une tête nouvelle, elle était déjà entrée dans les habitudes de vote, son concurrent pas. Dans un tel contexte, les 7 % de Zemmour sont déjà méritoires.

Comment s’est nouée   ensuite la dynamique du vote utile, qui a permis de persuader une grande partie l’électorat de la droite forte que Le Pen était le « vote utile » et Zemmour pas ? Cela aussi reste à étudier ; il n’est pas sûr que le phénomène ait été aussi spontané qu’on croit.

En 1988, alors que tous les sondages montraient que Barre ferait mieux au second tout face à Mitterrand, les sirènes du vote utile se mirent à chanter partout que le vote utile était  Chirac.  

Il se peut que les milieux dirigeants qui avaient déjà assuré l’élection, plus acrobatique, de Macron en 2017, aient été cette fois si sûrs de leur succès qu’ils n’ont ressenti le besoin d’aucune campagne particulière de déstabilisation, du genre de celle dont fut victime Fillon, pour assurer l’élection de leur  favori. Personne, sur la scène internationale, n’a paru s’inquiéter de l’issue de l’élection, alors qu’en 2017, les maîtres de l’Occident s’étaient inquiétés un moment de voir que Fillon, atlantiste douteux, en relations d’affaire arec Poutine, puisse, s’il était élu, remettre en cause le plan de bataille des Européens.

Cette prévisibilité est presque humiliante pour nous. D’autant qu’elle porte sur la réélection de quelqu’un qui applique sans le moindre écart ou défaillance les consignes de la gouvernance internationale, qu’elle soit américaine ou européenne.  La France serait-elle rentrée à ce point dans le rang ?

 

Non-évènement

 

Macron a joué dans cette élection, la carte du non-évènement au point que certains se sont demandé s’il allait vraiment se représenter. On a même dit qu’il en avait   reçu l’ordre, ce qui pourrait expliquer l’air se s’ennuyer qu’il eût lors du grand débat contre Marine Le Pen.

Les choses auraient-elles été si faciles si deux évènements majeurs n’était venus faciliter la réélection du président le confortant dans son rôle   de recours ? Le premier est l’épidémie de covid qui a profondément bouleversé les habitudes des Français et leur économie. Les lois successives, votées sans la moindre difficulté par un Parlement passif, instituant le régime d’exception sanitaire, ont installé Macron dans le rôle de chef de guerre et donné aux Français l’habitude de sacrifier les libertés les plus élémentaires,  l’habitude de se plier passivement à une autorité de plus en plus contraignante.

La guerre d’Ukraine, déclenchée par Vladimir Poutine le 23 février précédant l’élection a placé notre pays dans un état de crise favorable  à la reconduction du sortant. Là aussi, Macron a pu jouer  au chef de guerre, d’autant mieux qu’il présidait ce semestre le conseil européen.

Si le président sortant a pu jouer le non-évènement, il est cependant étonnant que ses principaux   adversaires, en dehors peut-être de Mélenchon, aient joué le même jeu. Zemmour réunit 100 000 personnes au Trocadéro mais il n’y parle ni de l’Ukraine, ni d’Alstom, ni de Benalla, et à peine du covid. Même chose pour Marine Le Pen qui n’a manifestement pas voulu   aborder les sujets qui fâchent face au président sortant.

Il y avait pourtant bien des choses à dire : si un sénateur centriste, Pozzo du Borgo peut se permettre d’avancer que Macron est un de principaux responsables de la guerre d’ Ukraine, qu’il a saboté les accords de Minsk et poussé à la guerre, Zemmour et Le Pen ne pouvaient-ils pas le dire aussi ? Fallait-il dans ce débat être poli au point de passer à la trappe tous les motifs d’exaspération   des Français : la vente des principales entreprises, y compris le plus stratégiques, comme Alstom, la continuation de la désindustrialisation, l’aggravation des problèmes d’ordre public, le déclin de l’éducation nationale, de la justice etc. Le processus démocratique doit servir à quelque chose, spécialement quand la presse est muselée : il permet aux candidats d’opposition d’exprimer les sentiments de leurs concitoyens, disons-le, leur rage .  Qu’un pays, où selon un des derniers sondages, 70 % des électeurs ont manifesté leur volonté de changer de président, voie le même   reconduit témoigne de la puissance des forces qui, par-delà le théâtre électoral, nous gouvernent et donc de la crise de la démocratie, non seulement française mais occidentale. Mais ce chiffre montre aussi combien le président réélu est fragile. Les peuples ne peuvent pas se taire indéfiniment.  Ils ne se sont pas, cette fois, exprimé, mais ils le feront un jour, d’une manière ou d’une autre, qu’on n’en doute pas.

 

Roland HUREAUX

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