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Roland HUREAUX

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3 août 2006 4 03 /08 /août /2006 12:07

 

 

C’est un secret de polichinelle : dans les cercles où on suit de près les questions d’immigration, la loi Sarkozy , malgré tout le bruit qu’elle a fait , est tenue pour un coup d’épée dans l’eau  qui ne renforce nullement le contrôle des flux migratoires.

 

On a claironné que désormais l’immigration « choisie » se substituerait à l’immigration « voulue. » Mais on  n’a  fait qu’ajouter un modeste contingent de migrants  « choisis » ( environ 10 000 prévus,  à ce qui a été annoncé sans que ce chiffre figure dans la loi ) aux flux mal contrôlés de l’immigration familiale ( environ 100 000 par an, dont 65 000 par mariage avec un conjoint qu’on est allé chercher dans le pays d’origine,  sanitaire ( en croissance rapide ) , politique (réfugiés)  et naturellement des filières clandestines (impossible à chiffrer par définition) . Le total des entrées est sans doute supérieur à  200 000 par an.

 

La muraille est trouée de brèches ; on ne répare pas les brèches mais on ouvre une petite porte « officielle »  en plus !

Tel est sommairement résumé le bilan  de la « loi relative  à l'immigration et à l'intégration »  que vient d’adopter le Parlement.

La principale innovation, l’immigration « choisie »,  se traduit par l’instauration d’une carte «  compétences et talents » et d’une carte temporaire de trois ans pour certains salariés.

Le reste est constitué par une mise en cohérence des textes,  souvent de pure forme  ou alors de mises aux normes européennes en conformité avec le  traité d’Amsterdam : rien qui empêchera les bénéficiaires des   régularisations massives opérées récemment en Italie et en Espagne de venir s’ils le veulent en France, au contraire, rien qui permettra  non plus d’éviter in fine la régularisation de tous les parents d’enfants scolarisés  en situation irrégulière dont il a été question au début de l’été.

En matière d’intégration, malgré les avertissements d novembre 2005, la réponse est encore plus limitée : extension des cérémonies de remise des titres de nationalité – même pas obligatoires - ,  reprise de dispositions antérieures comme le contrat d’accueil et d’intégration : crée à l’initiative de  François Fillon, expérimenté à partir de juillet 2003,  il est maintenant généralisé à l’ensemble du territoire. Les mesures tendant à renforcer les contrôles sont   cosmétiques : plus de régularisation automatique au bout de dix ans de clandestinité (ce qui peut avoir un effet dissuasif,  mais peut être tenu aussi pour irréaliste), délai de naturalisation pour les conjoints repoussé de deux à quatre ans (ce qui ne changera  rien au courant en progression de mariages par lesquels  on va chercher  une fille « du pays » , supposée plus docile, signe manifeste dans certaines communautés rétrogrades d’un refus de l’intégration).    

Alors pourquoi tant de bruit ?

A  supposer qu’il faille le prendre   au sérieux ( ce qui , on vient de le montrer,  est douteux) , le principe de l’immigration choisie est certes peu élégant    et,  pensons-nous,  en rupture avec la tradition d’accueil à la française. Il implique une instrumentalisation des gens dont on ne  considérera  plus que l’ « utilité » ( sans aller jusqu’à des centres de triage !). On renonce ainsi de manière affichée   au grand principe de Kant selon lequel autrui  doit toujours être considéré comme une fin et non comme un moyen. Il vaut   mieux dire  sans doute  : «  nous sommes un pays hospitalier mais désolé, il nous est impossible d’admettre davantage de migrants – à l’impossible nul n’est tenu ! »  que   «  votre personne ne nous intéresse pas, ce qui compte, c’est ce que vous pourrez nous apporter ».  Bien entendu les principes sont en la matière quelque  peu hypocrites, mais s’agissant de relations interpersonnelles, ils ont leur importance

On peut aussi critiquer le principe de l’immigration choisie sous un autre rapport : il conduit   à vider un peu plus de leurs rares compétences nos partenaires africains et donc à entraver davantage encore leur développement. 

Campé sur ces deux idées  :  « vous ne nous intéressez que si vous nous êtes utiles » , « on vous prend les meilleurs », Nicolas Sarkozy ne devait pas s’étonner d’avoir été reçu plutôt froidement en  Afrique !   

Mais compte tenu   du caractère en définitive assez vide du dispositif,  pourquoi s’être engagé  là dedans (  contre les réticences de l’Elysée et Matignon)  ? On peut se le demander.

En prônant l’immigration choisie, le ministre de l’intérieur a-t-il voulu montrer qu’il n’était pas contre toute immigration et donc faire savoir une nouvelle fois qu’il n’était pas suspect de racisme ? A-t-il voulu  affirmer sa différence en s’inspirant d’un  pragmatisme « à l’anglo-saxonne », de fait étranger à nos mœurs  ? A-t-il cherché à   satisfaire la patronat qui souhaiterait  ouvrir à nouveau la porte à  une immigration  de travail pour satisfaire certaines branches qui connaissent la pénurie de main d’œuvre ( mais que fera-t-on avec de si petits contingents ? ). A-t-il eu le  souci de faciliter les démarches  au petit nombre de migrants hautement qualifiés et à leur famille qui doivent venir en France ( Américains venant travailler dans  une multinationale par exemple) : mais fallait-il une loi pour ça ? Ne s’agirait-il  surtout  de rodomontades démagogiques,  comme nos gouvernements en ont pris l’habitude depuis trop longtemps ,  le « faire savoir » se substituant face aux problèmes  au « faire » et au « savoir faire » ,  la « communication » tenant  lieu d’action   ? On peut le craindre.  Que l’on se contente de faire semblant, voilà qui, dans une   matière aussi grave est inquiétant.  Que ce soit,  à dix mois des élections présidentielles,  le seul moyen de   satisfaire l’opinion sans prendre trop   de risques du côté des belles âmes hostiles à tout contrôle des flux migratoires, n’est pas une circonstance atténuante.

Parmi ces belles âmes   figurent en bonne place  les évêques de France. On sait comment, consultés par le ministre de l’intérieur, ils ont marqué leur désaccord  vis-à-vis d’une politique de contrôle trop sévère de  l’immigration.  Mais pourquoi donc cet accrochage alors que la  loi  est, comme on vient de le montrer, aussi mince de contenu ? On n’échappe pas au soupçon que les dits évêques  aient  été instrumentalisés : le coup de crosse qu’ils ont donné était prévisible - il y a suffisamment de connaisseurs des cultes au ministère de l’intérieur pour savoir qu’ils n’aimeraient pas qu’on tente de le compromettre en recherchant leur aval  ( à l’encontre de  la tradition laïque française) sur un sujet aussi délicat. Mais les critiques de l’  épiscopat – quoi qu’on en pense sur le fond -  ont  permis de cautionner dans l’opinion  l’idée qu’il s’agissait d’un projet « dur », répressif . Si les évêques, dont  les bons sentiments en la  matière commencent à être connus, ne  sont pas contents, c’est que, a pu penser le    Français moyen, Nicolas Sarkozy  a vraiment la  volonté de lutter contre  l’immigration  illégale, une impression qui, on l’a vu, est largement démentie par la lecture de la loi. En définitive, il n’est pas exclu  que les évêques n’aient été dans cette affaire que les  faire-valoir de  la    propagande du ministre de l’intérieur.

 

 

Jean MARENSIN

 

 

 

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