Quand le Cardinal Philippe Barbarin s’est avisé d’avancer que le mariage homosexuel peut conduire à légaliser l’inceste ou la polygamie, cette proposition a été accueillie par des hauts cris et des accusations d’homophobie.
Il faut bien comprendre ce qu’elle signifie.
Si elle voulait dire que les homosexuels sont particulièrement enclins à l’inceste ou portés à la polygamie, ce serait évidemment une offense, tout à fait injuste au demeurant parce que rien n’établit cela.
Mais l’expression est à prendre en un autre sens : elle signifie que la levée du tabou anthropologique sur l’homosexualité en entraînera à terme d’autres et pourquoi pas de celui de l’inceste ou de la polygamie ?
Le modèle européen du mariage est fondé sur plusieurs caractères :
L’union de l’homme et de la femme évidemment ;
La monogamie
L’interdit de l’inceste.
Cet interdit de l’inceste a été poussé très loin en Europe à partir du VIIIe siècle : il s’est traduit par une exogamie systématique (alors que , ainsi que le rappelle Emmanuel Todd, les sociétés japonaise ou musulmanes pratiquent au contraire l’endogamie quasi-systématique).
Si l’homosexualité a toujours existé dans à peu près toutes les sociétés, notamment en Europe (quoique très peu dans les campagnes avant la fin du XXe siècle), elle n’avait jamais été élevée à la hauteur d’une norme.
Donner à l’homosexualité la dignité du mariage conduit donc à rompre avec un fondamental anthropologique ancestral.
Il y a seulement quarante ans (en mai 1968 par exemple), une telle rupture eut paru absurde et choquante comme nous paraît aujourd’hui absurde et choquante la possibilité de légaliser un jour la polygamie et surtout l’inceste.
Or la rupture relative à l’homosexualité ouvre une porte où nul ne peut dire ce qui peut s’engouffrer. « Quand les bornes sont franchies, il n’ y a plus de limite !»
Par exemple si la différence des sexes n’est plus un critère du mariage, pourquoi le chiffre deux resterait-il en la matière une norme sacrée ? Pourquoi donc ne pas reconnaître un jour les relations à trois, quatre, cinq partenaires et pourquoi en exclure dès lors la polygamie traditionnelle africaine ?
Si l’amour seul devient la condition d’une union légale, pourquoi en exclure deux frères, deux sœurs, un frère et une sœur, un vieux garçon et sa mère etc ? Et si on ne les exclut pas, qui ira regarder la nature de leurs relations ? Au nom de quoi interdirait-on donc les relations incestueuses ? Au nom de quoi leur refuserait-on la reconnaissance légale ?
Autre corrélation : un des arguments les plus fréquemment utilisés pour justifier la reconnaissance des unions homosexuelles consiste à dire qu’elles sont une réalité et que donc le réalisme commande de les reconnaître. Mais l’inceste et la polygamie sont aussi, en France, des réalités. Au nom de quoi refuserait-on de les reconnaître eux aussi?
Ces spéculations ne sont pas gratuites. Atomiser entièrement la vie sexuelle en abolissant toutes les obligations du mariage et donc, de fait, abolir ce dernier, en abolissant en même temps toute les formes d’interdit, transformer la vie sexuelle en un immense mouvement brownien instable et indifférencié, figurent ouvertement dans les anticipations de certains milieux ultra-féministes, adeptes de la théorie du gender, pour lesquels le mariage unisexuel n’est qu’un moyen de détruire l’institution du mariage toute entière et rien d’autrui.
Roland HUREAUX