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Roland HUREAUX

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 09:23

 

 

Le moins qu’on puisse dire est que l’avènement du gouvernement Filon II n’a pas suscité l’enthousiasme, même dans les rangs de la majorité où le  premier ministre est pourtant apprécié.

Que le président n’ait finalement pas trouvé d’autre solution que de reconduire François Fillon  dans ses fonctions illustre les limites de la pratique constitutionnelle qu’il a imposée,  fondée sur la dévalorisation du gouvernement.

La constitution de la Ve République,  dans sa version originelle, instituait un président fort,   mais aussi  un premier ministre qui ne devait pas être trop faible,  pour servir de bouclier contre l’usure nécessaire du temps.

Autrefois,  les rois de France, dont les règnes pouvaient être très longs, faisaient porter l’impopularité liée à l’exercice du pouvoir sur leurs « mauvais conseillers ». Ils en changeaient de temps en temps,  comme les postillons changeaient de chevaux à chaque relais de poste.  C’est ainsi qu’ils tenaient la distance.

L’inspiration en partie  monarchique de la constitution de la Ve République avait  conduit à la même pratique: normalement,   un président devait changer une ou deux fois de premier ministre sur un septennat et même un quinquennat.  En dévaluant la fonction de  premier ministre, Sarkozy s’est  privé de cette possibilité. Le  programme de Fillon I était si  évidemment inspiré par l’Elysée qu’un autre premier ministre arrivant avec des idées nouvelles ne pouvait que signifier  un désaveu partiel de la ligne suivie jusque là par le président.  

 

Pas d’idées

 

Et même pour opérer une telle inflexion, encore eut-il fallu avoir quelques idées ! Or personne n’en a,  visiblement, dans la majorité.  L’  incapacité à renouveler les hommes est inséparable de   l’épuisement des idées. Dans son discours de présentation à l’Assemblée, Fillon s’est donc contenté de se situer dans la continuité : « La persévérance politique est le choix le plus judicieux pour l’intérêt du pays » ; « Moderniser encore et toujours la société française »,  précisément ce que les Français ne veulent plus entendre, non pas, comme on le ressasse dans les cercles néo-libéraux,  parce qu’ils seraient   viscéralement inaptes au changement, mais parce qu’ils en ont assez de réformes brouillonnes, inadaptées et le plus  souvent destructrices. Et aussi parce que la vie exige un minimum de stabilité ; l’agitation permanente finit par lasser. Perseverare diabolicum est.

Par delà l’absence d’idées, il y a l’appauvrissement du vivier politique. De Gaulle en 1962, Pompidou en 1972, Giscard en 1976, Mitterrand en 1984 ou 1992 avaient le choix entre une bonne dizaine de premiers ministres possibles, sans compter les outsiders issus de la société civile.  Il est significatif que ce choix ait été aujourd’hui limité à deux ou trois noms.  

 

…mais des arrières pensées

 

Pour se déterminer entre ces deux ou trois, la logique institutionnelle imprimée par le président n’est pas seule à avoir joué.  Il faut aussi faire la part de certaines  arrière-pensées.

L’idée prévaut encore dans les cercles dirigeants de  la droite,  que Sarkozy est le seul candidat possible pour la majorité  et qu’il pourrait encore l’emporter. Le président, n’en doutons pas, le croit aussi. Or, à la base, dans les banlieues, les petites villes, les campagnes, personne ne croit plus  à sa réélection.

Le coup de Jarnac qui menace dès lors Sarkozy  est que le groupe parlementaire UMP, animé par  l’instinct de survie,  lui substitue un autre candidat, comme il est arrive que les députés britanniques le fassent et comme cela aurait pu arriver à Chirac après la dissolution de 1997,  si Séguin   n’était tombé dans le piège grossier de la mairie de Paris.

Car pour que l’opération se fasse, il ne suffit pas que le sortant  ait cessé d’être  un « bon cheval », il faut encore  qu’il y ait une ou des solutions alternatives. Tout l’art du président en place, un art que Chirac maîtrisait mieux que quiconque, est de les éliminer.   Si Borloo n’a finalement pas été retenu pour diriger le gouvernement, c’est qu’il y avait   peu de chances qu’il joue ce rôle : lui rendre sa liberté fut jugé  sans risques.

Villepin pourrait être cette carte de rechange ; mais il a,  au fil des ans, tellement marqué sa condescendance à l’égard des parlementaires – qui sont les ultimes décideurs en la matière – , que ses chances sont limitées. D’autant que, faute d’expérience électorale véritable, il fait, comme beaucoup de débutants,  surtout campagne à gauche : cela lui assure une bonne image dans les médias, mais  ne lui rapportera guère de voix de ce côté-là, tout en le  coupant de son vivier naturel qu’est l’électorat UMP.    

Il y a ensuite   Filon et Juppé : au gouvernement,  ils n’auront qu’une liberté de parole limitée  et ils seront, bon gré mal gré, solidaires de la politique du président.  Les avoir au gouvernement, c’est pour le président, les garder à l’œil.

Reste Copé qui a tant dit que l’échéance de 1992  ne l’intéressait pas, seulement celle de 1997, qu’on a fini par le croire et que le président lui a laissé cette position  stratégique  pour préparer une  candidature (Nicolas Sarkozy en sait quelque chose) qu’est la présidence du parti. L’intéressé tiendra-t-il parole ?

Un remaniement  plus rempli d’arrière-pensées que d’idées.  Le faux changement  que le président  vient d’opérer a peu de chances de lui sonner un nouveau souffle.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

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