Paru dans Valeurs actuelles
Le Parti socialiste français voudrait-il jouer les Berlusconi ? Au plus bas dans les sondages, comme était le Cavaliere, veut-il se refaire une popularité en entonnant les sirènes de l’anti-germanisme ?
Ce qui est sûr : son algarade contre « l’intransigeance égoïste d’Angela Merkel », même si elle ne doit pas figurer dans la motion finale du PS, a fait des vagues ; une certaine droite, toujours prête à prôner l’alignement sur l’Allemagne, n’ a pas manqué de lui donner de la résonance. Alain Juppé dénonce le risque de confrontation avec l’Allemagne comme un « péril mortel ». Les gardiens de l’orthodoxie de gauche, Le Monde et Libération en tête, dénoncent de leur côté, un « dérapage ». Que les uns et les autres se rassurent : les algarades des socialistes français resteront des « paroles verbales » !
Moins que par le risque de réveiller les démons du passé, le positon du PS frappe en effet par son incohérence.
Les exigences de Mme Meckel ne sont pas à proprement parler égoïstes ; elles ne font que rappeler les conditions nécessaires à une survie de l’ euro : un redressement des comptes publics dans toute la zone euro, une baisse forcée du coût du travail là où il a trop augmenté, comme en France - sur le modèle de ce que les Allemands avaient fait du temps de Schroeder - , le refus des facilités inflationnistes telle la monétisation des dettes souveraines . Ces mesures, efficaces ou non c’est une autre question, sont la seule solution alternative à un abandon de l’euro et donc à de nouvelles parités monétaires.
Si la relance doit passer par la dépense publique – et donc de nouveaux déficits, elle est clairement en contradiction avec le souci de rétablir les comptes. Relance et rigueur sont aux deux extrémités d’un même curseur. Imaginer qu’on puisse échapper à cette alternative est illusoire.
A partir du moment où le PS n’envisage absolument pas le démantèlement de l’euro ( nous préférons cette expression à celle de « sortie de l’euro », car qui croit que l’euro pourrait continuer sans la France ?) , il est obligé d’en tirer les conséquences : il faut faire de la rigueur à l’allemande !
Exiger cette rigueur n’est pas particulièrement « égoïste » de la part de Mme Merkel : les dirigeants allemands étant tout aussi prisonniers que les dirigeants français du dogme de l’euro n’ont d’autre mérite que d’en tirer les conséquences. La récession qu’entraîne une politique de rigueur les menace à terme autant que nous : leurs marchés principaux sont au sein de la zone euro ; si ces marchés se rétrécissent, comme c’est inévitable, ils en souffriront aussi. L’Allemagne est d’ailleurs entrée aujourd’hui, comme nous, en récession.
Certains voudraient qu’elle prête à fonds perdus ( ou mieux encore, qu’elle donne via le budget européen ) aux paniers percés de l’Europe. Elle n’y tient pas : qui le lui reprocherait ? Elle que les perroquets du souverainisme ne cessent de soupçonner de « fédéralisme » ne fait que prendre en compte cette réalité de base : qu’il n’y a pas en Europe une véritable solidarité analogue à celle qui a pu s’établir entre l’Allemagne d’Ouest et les anciens territoires de l’Est qui appartenaient tous deux à la même nation allemande. Nous le savions. Les Allemands ne sont pas enthousiastes non plus à faire comme les Français : ajouter à leurs dettes , déjà lourdes, en empruntant pour aller au secours des pays encore plus endettés du Sud de l’Europe. Là encore, qui le leur reprocherait ? Ce n’est pas parce que les socialistes français sont irresponsables quant à leur intérêt national qu’ils doivent reprocher aux Allemands de ne pas l’être.
La même inconséquence se retrouve dans certains cercles socialistes proches du pouvoir tel le Collectif Roosevelt 2012 qui prône un New Deal à la française, une politique publique de relance à base de dépenses publiques, sans nullement remettre en cause l’appartenance à l’euro. Que ces gens- là prêchent dans le vide, on s’en rend compte en voyant que plusieurs des fondateurs de ce collectif, Jean-Marc Ayrault en tête, sont entrés au gouvernement ou sont proches de lui sans que ce dernier applique le moindre petit commencement de ces idées.
Pensons aussi que dans ce collectif se trouve Michel Rocard lequel, il y a peu, n’a pas craint de dire (parlant du président) : « On attend qu’il parle de l’Europe et qu’il reconnaisse que le commandement est allemand… ».
La contradiction devient abyssale chez un Jean-Luc Mélenchon qui critique avec véhémence jamais en défaut les mesures d’ austérité (et propose même un SMIC à 2000 €) sans, lui non plus , remettre en cause l’appartenance à l’euro.
Lors un colloque franco-allemand qui s’est tenu le 8 avril dernier à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, l’économiste Alain Cotta a justement rappelé que François Hollande, fils spirituel de Jacques Delors, était si viscéralement attaché à l’euro qu’il irait jusqu’à sacrifier le dernier centime de la politique sociale française pour en assurer la survie.
Au lieu de mettre en cause stupidement l’Allemagne, les socialistes français feraient mieux d’en tirer les conséquences.
Roland HUREAUX