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Roland HUREAUX

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21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 18:31

 

 

Paru dans Valeurs actuelles

 

Le Parti socialiste français voudrait-il jouer les  Berlusconi ?  Au plus bas dans les sondages, comme était le Cavaliere,   veut-il se refaire une popularité en entonnant les sirènes de l’anti-germanisme ?  

Ce qui est sûr : son algarade contre « l’intransigeance égoïste d’Angela  Merkel », même si elle ne doit pas  figurer dans la motion finale du PS,  a fait des vagues ; une certaine  droite,   toujours prête à prôner  l’alignement sur  l’Allemagne, n’ a pas manqué de lui donner de la résonance. Alain Juppé dénonce le risque de confrontation avec l’Allemagne comme un « péril mortel ».  Les gardiens de l’orthodoxie de gauche,  Le Monde et  Libération en tête, dénoncent de leur côté, un « dérapage ». Que les uns et les autres se rassurent : les algarades des socialistes français resteront des   « paroles verbales » !

Moins  que par le  risque de réveiller les démons du passé,   le positon du PS frappe en effet  par son incohérence.

Les exigences de Mme Meckel ne sont pas à proprement  parler  égoïstes ; elles ne font  que rappeler les conditions nécessaires à une survie de l’ euro :  un redressement  des comptes  publics dans toute la zone euro, une baisse  forcée du coût du travail là  où il a trop augmenté,  comme en France - sur le modèle de ce que les Allemands avaient fait du temps de Schroeder - , le refus des facilités inflationnistes telle la monétisation des dettes souveraines . Ces mesures, efficaces ou non c’est une autre question,  sont la  seule solution alternative   à un abandon  de l’euro et donc à de nouvelles parités monétaires.   

Si la relance doit passer par la dépense publique  – et donc de nouveaux déficits, elle est clairement  en contradiction   avec le souci de rétablir les comptes. Relance et rigueur sont aux deux extrémités  d’un  même curseur. Imaginer qu’on puisse échapper à cette alternative est illusoire.

A partir du  moment où  le PS n’envisage  absolument pas  le démantèlement de l’euro ( nous préférons cette expression à celle de « sortie de l’euro »,  car qui croit que l’euro pourrait  continuer sans la  France ?) ,  il est obligé d’en tirer  les conséquences : il faut faire de la rigueur  à l’allemande  !

Exiger cette rigueur n’est pas particulièrement   « égoïste »  de la part de Mme Merkel : les dirigeants allemands étant tout aussi prisonniers que les dirigeants français du dogme de l’euro  n’ont d’autre mérite que d’en tirer les conséquences. La récession qu’entraîne une politique de rigueur les menace  à terme autant que nous : leurs marchés principaux sont au sein de la zone euro ; si ces marchés se rétrécissent, comme c’est inévitable, ils en souffriront aussi. L’Allemagne est  d’ailleurs entrée aujourd’hui, comme nous, en récession.

Certains voudraient   qu’elle  prête  à fonds perdus  ( ou mieux encore,  qu’elle donne via le budget européen ) aux paniers percés de l’Europe.   Elle n’y tient pas : qui le lui reprocherait ?  Elle  que les perroquets du souverainisme  ne cessent de soupçonner de « fédéralisme »  ne fait que prendre en compte  cette réalité  de base :  qu’il n’y a pas en Europe une véritable solidarité analogue à  celle qui a pu s’établir entre l’Allemagne d’Ouest et les anciens territoires de l’Est qui appartenaient  tous deux    à la  même  nation allemande.  Nous le savions.  Les Allemands ne sont pas enthousiastes non plus à faire comme   les  Français : ajouter à leurs dettes , déjà lourdes, en empruntant pour  aller au secours des pays encore plus  endettés du Sud de l’Europe.  Là encore,   qui le leur reprocherait ? Ce n’est pas  parce  que les socialistes français sont irresponsables quant   à leur intérêt  national qu’ils doivent reprocher aux  Allemands de ne pas l’être.

La même inconséquence  se retrouve dans certains cercles socialistes  proches du pouvoir tel  le Collectif Roosevelt 2012  qui prône un New Deal à la française, une politique publique de relance à base de dépenses publiques, sans nullement remettre en cause  l’appartenance  à  l’euro. Que ces   gens- là  prêchent dans le vide, on s’en  rend compte en voyant que plusieurs des fondateurs   de ce collectif, Jean-Marc Ayrault en tête,  sont entrés au  gouvernement ou sont  proches de lui   sans que ce dernier  applique le moindre  petit  commencement de ces idées.

Pensons aussi que dans  ce collectif se trouve  Michel Rocard lequel, il y a peu,   n’a pas craint de dire (parlant du président) : « On attend qu’il parle de l’Europe et qu’il reconnaisse que le commandement est allemand… ».

La contradiction devient abyssale chez un Jean-Luc Mélenchon qui critique avec véhémence  jamais en défaut les mesures d’  austérité  (et propose même  un SMIC à 2000 €)  sans, lui non plus ,  remettre en cause l’appartenance à  l’euro.

Lors un colloque franco-allemand qui s’est tenu le 8 avril dernier  à la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, l’économiste Alain Cotta a justement  rappelé que François Hollande, fils spirituel de Jacques Delors, était si viscéralement  attaché à l’euro qu’il irait jusqu’à  sacrifier le dernier centime de la politique  sociale française  pour en  assurer  la  survie.

Au lieu de mettre en cause stupidement  l’Allemagne, les socialistes français  feraient  mieux d’en tirer les conséquences.

 

Roland HUREAUX

 

France-Inter,  12 /12/2012

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