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Roland HUREAUX

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 17:42

 

Un vieil ami me présenta un jour comme «un des plus conséquents», avec Chevènement dont le voisinage n’était pas pour me déshonorer, parmi les adversaires de l’euro et de l’Europe.

Ce qui voulait dire à demi-mot que mon opposition à l’euro avait un fondement intellectuel mais que celle du tout-venant n’en avait pas : elle n’était que réflexe grossier, que dans la masse des adversaires « cavernicoles » de la construction européenne, je faisais figure d’exception parce que jouissant d’un rayon de lumière.

Je fus  tenté de lui dire que   ce sont au contraire les partisans de l‘euro qui n’ont aucune respectabilité intellectuelle.

Nous nous en doutons aujourd’hui où nous voyons la lente et pénible agonie de la monnaie unique ponctuée de dix-neuf sommets destinés à le « sauver », tâche chaque fois plus difficile.

Mais nous aurions pu nous en douter plus tôt : l’idée même de l’euro heurtait les théories les plus claires de l’économie, comme celle des zones monétaires optimales ;  son évolution depuis cinq ans fait qu’on ne peut être favorable à l’entreprise sans aller violemment contre des lois économiques enseignées dès la première année d’économie : par exemple, comment espérer des échanges équilibrés entre les pays avec des hausses de prix divergentes ? Comment espérer un rétablissement des déséquilibres existants avec des divergences qui s’accroissent ? Comment attendre que les comportements   s’harmonisent alors que la monnaie unique mettait fin à la discipline minimale  imposée  par le marché des changes ?

Ceux qui ont espéré que les comportements économiques allaient converger en dix  ans, ignoraient non seulement quarante ans d’histoire économique européenne qui ont vu  ces comportements remarquablement  constants dans chacun de nos  pays, mais toute l’histoire de l’Europe qui démontre  le caractère profondément ancré des   tendances de chacun.

 

Qui  sont les ignorants ?

 

Face au mépris intellectuel dont les partisans de l’Europe accablent leurs adversaires, jusqu’à refuser le plus souvent tout débat avec eux, n’hésitons pas à le dire avec violence : il faut une rare inculture, une rare ignorance de la civilisation  et de l’histoire européennes pour croire que la machine bureaucratique installée à Bruxelles ou à Francfort pourra aboutir à quelque chose.

Il faut une absence totale de connaissance ou d’intuition de ce qu’est  la variété des tempéraments européens,  de  leurs différences charnelles, pour croire que les institutions de Bruxelles puissent en être l’émanation.

Disons-le : si nous sommes contre l’euro et la stupide bureaucratie bruxelloise ou francfurtoise, c’est que nous sommes, nous, comme l’était le général de Gaulle, les  véritables européens. J’ai d’ailleurs toujours vu plus de connaissances de la vraie culture européenne, de Shakespeare, de Schiller, de Pirandello, chez les « souverainistes » que chez les partisans de la construction européenne qui, à l’image de la bureaucratie stérile  qu’ils idolâtrent,  ne peuvent avoir qu’une culture profondément desséchée.

Hélas, ce n’est pas ainsi que fonctionnent les «citernes d’intelligence»  think tanks de tout acabit qui se chargent de réfléchir à l’économie ou à la géopolitique européenne ou mondiale. Ces officiels, à quelques exceptions près, partagent les préjugés que nous dénonçons et disqualifient dès le départ les eurocritiques (ceux qui critiquent l’Europe institutionnelle), comme des minus habens prisonniers de leurs préjugés grossiers.

Pourquoi, face à un phénomène comme la construction européenne, ce qui devrait être intelligent ne l’est pas et ce qui est supposé ne pas l’être, seul l’est ?

 

L’idéologie

 

Le mécanisme là aussi est clair pour ceux qui n’ont pas oublié l’histoire du XXe siècle : c’est le  «mécanisme idéologique », à la fois fausse science, eschatologie illusoire et  religion initiatique séculière,  qui tient pour seuls éclairés ceux qui adhèrent à ses formulations simplificatrices.

Car le propre de l’idéologie, c’est cela : simplifier la réalité, la méconnaître donc et,  en  la méconnaissant, la fausser et,  pourquoi pas, la charcuter et la détruire.  Les réglementations nombreuses de Bruxelles se résument à la déclinaison d’un seul principe simple : la réalisation d’un marché unique, normes uniques, libre circulation de tous les facteurs en prise avec un marché unique mondial. Point à la ligne. L’immense richesse accumulée par vingt cinq siècles de civilisation européenne, dont le fondement fut au contraire, la diversité proliférante, est ainsi vouée à l’arasement, comme l’agriculture russe fut arasée, avec le succès que l’on sait, par la collectivisation.

L’abolition des frontières est , dans cette logique, tenue  pour le signe du progrès avec le même aveuglement qu’au  temps des plans quinquennaux on tenait l’abolition de la propriété privée.

Les think tanks, prenons-en notre parti, ne seront pas longtemps pris au sérieux : ils ne sont en réalité que la forme éclatée de l’ancienne Académie des Sciences de l’Union soviétique où pour mériter les titres éminents qu’elle décernait, il fallait faire allégeance à la théorie, dont aujourd’hui tout le monde convient qu’elle était  absurde,  du  matérialisme dialectique.

Nous parlons des  effets  de l’idéologie : que l’Europe après quinze années de dévergondage financier provoqué par l’euro, plonge dans une récession qui pourra lui coûter la destruction de sa base industrielle, et à terme un effondrement dramatique de  son savoir-faire, est le résultat direct des politiques qui ont été menées, comme la famine fut le résultat de la collectivisation. Cette récession inquiète le monde entier : elle est le maëlstrom, le trou noir,  où pourrait s’engouffrer la prospérité mondiale.

Quelle que soit la morgue des nouveaux idéologues, n’ayons pas honte de nous-mêmes : nous  sommes les vrais partisans de l’Europe parce que nous seuls avons les clefs de sa future richesse et du maintien de sa civilisation,   nous  seuls  avons vu juste au sujet de l’euro et de tous les mythes qui sont derrière la construction européenne, nous seuls avons toujours eu et avons encore une conscience lucide de ce que fut l’Europe et de ce qu’elle doit être.

 

Roland HUREAUX

 

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