Autant qu’on puisse le savoir, le premier contact entre François Hollande et Vladimir Poutine n’a pas été bon. Dommage ! La Russie est un vieux pays, ami de la France, avec lequel nous partageons de nombreux intérêts.
La pomme de discorde aurait été surtout la Syrie.
Cela amène à se poser quelques questions sur la position socialiste à ce sujet. « Nous sommes prêts à faire la guerre en Syrie si le conseil de sécurité vote une résolution dans ce sens » a dit en substance Hollande pendant la campagne et le ministre des affaires étrangères Fabius l’a redit depuis.
Ce genre de déclaration, à l’air belliqueux, était en réalité rassurante pour tous ceux qui pensent qu’une telle intervention serait hautement imprudente. Car chacun sait que ni la Russie, ni la Chine, échaudés par l’affaire libyenne où ils ont l’impression d ‘avoir été dupés, ne sont prêts à voter ce genre de résolution.
Mais Hollande n’espérait-il pas convaincre la Russie de lever son veto à l’opinion militaire ? Cela serait doublement inquiétant.
D’abord parce que cela signifierait que le nouveau pouvoir socialiste veut vraiment la guerre, alors même qu’à l’évidence, l’opinion publique ne la souhaite pas. On n’en serait pas outre mesure étonné : de Suez aux engagements de Jospin en Yougoslavie et en Afghanistan en passant par les multiples interventions de Mitterrand en Afrique, les socialistes français ont derrière eux une longue histoire belliciste.
Cela signifierait aussi que le nouveau président prend au premier degré la rhétorique humanitaire dénonçant le régime de Damas comme le pire qui soit et appelant à une « guerre humanitaire » pour y mettre fin.
Cette rhétorique s’est déjà avérée calamiteuse au Kosovo, en Irak, en Libye ; chaque fois elle a conduit à des dégâts bien supérieurs à ceux qu’on voulait éviter.
L’univers médiatique a besoin, en toute situation , même la plus compliquée, de bons et de méchants, ce qui permet commodément, avant toute enquête sur le terrain, de mettre, comme on le fait aujourd’hui en Syrie, toute atrocité sur le compte des mêmes. Cet emballement, dument manipulé par ceux qui cherchent l’ intervention militaire, peut conduire à la catastrophe.
Et quoi de plus étonnant que François Hollande marche à fond dans cette rhétorique ? N’est-il pas avant tout l’élu de cette sphère médiatique majoritairement de gauche, libérale, libertaire, humanitaire, et en définitive étroitement inféodée, plus encore que ne l’était l’équipe précédente, aux intérêts nord-américains. Il est mieux placé que quiconque pour savoir combien les hautes sphères du parti socialiste, la « haute gauche », vivent en symbiose avec cet univers médiatique au point de se confondre avec lui.
A l’ évidence Poutine ne parle pas la même langue. Non seulement parce que l’image de la Russie est la première à pâtir des préjugés d’une partie de la presse. Mais encore parce que, homme d’Etat, de raison d’Etat, il est plus conscient que quiconque des manipulations de l’opinion mondiale ; il n’avait que faire des appels du nouveau président français à changer son opinion sur la Syrie surtout si ceux-ci ont pris la forme de leçons de morale. Les intérêts de la Russie ne sont pas que le régime d’ Assad tombe. La Russie n’est pas dupe de la campagne internationale qui conduit à mettre sur le compte de ce dernier, sans discernement, toutes les atrocités. Il n’est pas dupe non plus de voir que les champions de la démocratisation sont les monarchies du Golfe, qui elles-mêmes se maintiennent en place par une main de fer. Qu’il ait administré une leçon de de réalisme au novice n’est pas à regretter si cela doit refroidir ses ardeurs guerrières. Que les bons sentiments du nouveau président conduisent à distendre, au bénéfice d’autres naturellement, nos liens avec un pays aussi essentiel que la Russie, serait en revanche hautement regrettable.