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Roland HUREAUX

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 07:58

Publié dans Le Figaro du 2/09/2013

Les  intérêts qui entraînèrent  la  première guerre mondiale étaient à peu près clairs : la volonté d’hégémonie européenne et maritime pour l’Allemagne, le souci d’y faire barrage  pour l’Angleterre, la reconquête de l’Alsace et de la Lorraine pour la France, la fuite en avant d’empires en crise, pour l’Autriche et la Russie

Ceux qui ont déclenché la seconde guerre mondiale sont encore plus clairs : l’ambition d’un empire mondial pour  l’Allemagne et le  Japon,  le souci légitime de se défendre une fois attaqués pour la Pologne, la France, le Royaume-Uni, l’URSS et enfin les Etats-Unis.  Seule l’Italie de Mussolini, pas vraiment guerrière, mais aveuglée par un  mimétisme stupide, fut irrationnelle.

Si la crise internationale relative à la Syrie devait gravement dégénérer à la suite des interventions projetées actuellement par les  puissances occidentales,  on chercherait en vain quels intérêts majeurs  auront motivé leur  terrible prise de risque, spécialement celle de la France,   dans cette affaire.

Le  pétrole ? Il n’y en a guère en Syrie.

Nos intérêts historiques ?  Il s’agissait surtout de protéger les chrétiens : ils conduiraient  donc à soutenir le régime d’Assad qui le fait  mieux que quiconque. 

Défendre Israël  ?  Mais il est de notoriété publique que ses dirigeants sont divisés sur la question syrienne : une partie d’entre eux  ne souhaite pas voir, si Assad était renversé, les islamistes, voire les Turcs,  à 100 km de Jérusalem. On les comprend. La Syrie a-t-elle  d’ailleurs jamais menacé Israël depuis   40 ans qu’elle est dirigée par la famille Assad ?

Détruire le Hezbollah, allié de l’Iran et menace pour Israël ? Mais l’extension de  la guerre à toute la Syrie, et sans doute au-delà, n’est-elle pas un détour totalement disproportionné à  un tel objectif ?

Briser  l’arc chiite qui enveloppe aujourd’hui le Proche-Orient, du Liban  à l’Iran ? Mais cet arc n’existerait pas si la  guerre d’Irak n’y avait établi un pouvoir chiite : il n’ y avait pas assez de think tanks  outre-Atlantique pour prévoir que la règle majoritaire appliquée à ce pays conduirait à ce résultat  ?  Avons-nous d’ailleurs  à épouser les intérêts sunnites ?

Contenir la Russie ? Mais elle aussi se trouve sur la défensive. Après la chute de l’URSS, elle a dû  renoncer  à la plupart de  ses positions en Europe et  dans le monde : Angola, Mozambique, Somalie, Yémen  etc.     Géographiquement proche, elle  redoute légitimement l‘extension de l’  islamisme ( et,  pour cela,  soutient l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan), et  a marqué clairement une ligne rouge en Syrie : elle ne tolèrera pas sans réagir  le renversement du régime d’Assad .  Un avertissement clair qu’il est très inquiétant qu’on ne l’entende pas.

 

Les dangers de la diplomatie des droits de l’homme

 

Faute d’intérêt clair et proportionné au risque,  il ne reste aucun autre motif pour expliquer l’escalade à laquelle se livrent aujourd’hui  les Occidentaux que le souci  des droits d’homme : la rhétorique médiatique ( relayée en France par le parti socialiste)  assimile   jour après jour Assad à Hitler. Mais le rapprochement  est absurde. Hitler voulait conquérir le monde. Assad ne veut conquérir rien du tout, seulement qu’on le laisse en paix: il a eu autrefois la velléité d’absorber le Liban, contre nos intérêts pour le coup, mais c’est fini et    nous ne lui en avons pas trop voulu ; il fut l’hôte d’honneur du défilé du 14 juillet 2008.     Hitler avait entrepris  d’éliminer physiquement  les  minorités, principalement  juive,  en   Europe mais  en Syrie, c’est au contraire le régime  Assad qui, depuis quarante ans,  protège, mieux que tout autre,  ses minorités et ce sont ses opposants, au moins les plus radicaux , qui veulent les éliminer.

Le régime d’Assad est loin d’être   idéal ; confronté à  une guerre civile appuyée de l‘extérieur, il a  recours à des moyens atroces  pour se défendre ( sans que l’on soit sûr que la responsabilité de l’utilisation de gaz toxiques lui incombe). Ses adversaires aussi.  Mais il n’était à la base  qu’une dictature  militaire classique , comme l’Occident en a toléré   pendant des années un peu partout dans le monde et en a même  mis en place en Amérique latine  il n’y  a pas si longtemps.  C’est le même type de régime que  beaucoup sont soulagés, depuis quelques   jours,     les illusions du « printemps arabe »  retombées,  de voir revenir  en Egypte !  

Il est  sans doute intrinsèque à   la diplomatie des droits de l’homme, parce qu’elle  est hystérique et immature,  de se fonder sur une analyse  biaisée  des réalités qu’elle se propose de corriger. Mais même si  cette  analyse  n‘était pas biaisée, cette  diplomatie demeure   erronée dans son principe. Une diplomatie mûre doit être une diplomatie guidée par nos seuls intérêts. La récente intervention au Mali entrait dans ce cadre. Cette diplomatie qui a l’air égoïste est en fait la seule  morale. D’abord parce que c’est pour qu’ils  défendent  nos intérêts que   nous avons élu nos dirigeants. Ensuite parce qu’  elle est le meilleur moyen de limiter les risques : on trouve toujours des compromis à partir de intérêts bien compris, jamais à partir des principes et des idéologies.  

Sous les apparences de la supériorité morale, la  diplomatie des principes conduit tout droit à la perdition. « Qui veut faire l’ange fait la bête ».

S’engager dans une  affaire aussi grave que la guerre, spécialement dans  un terrain aussi miné que le Proche-Orient  sans  pouvoir se prévaloir d’un  intérêt clair est le signe d’un grave dérèglement des esprits. Jupiter dementat quos vult perdere.

Roland HUREAUX

 

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