La mobilisation syndicale du 7 septembre contre la réforme des retraites est une réussite.
Il vaut mieux le dire car tout le monde ne le sait pas: le monde syndical a si bien coordonné sa communication que, la grève des journaux et des NMPP aidant, la nouvelle n’a pu être claironnée dans les devantures des kiosques le lendemain matin.
Le paradoxe – et cette opinion n’engage naturellement que l’auteur de cet article – est que ce grand rassemblement s’est fait contre une des rares réformes de l’ère Sarkozy qui soit à peu près justifiable. Non pas que, sur ce sujet, le président serait devenu raisonnable mais parce que celle-là ne procède pas de la volonté de changer pour changer, mais a été imposée par le principe de réalité : la nécessité de rétablir l’équilibre financier les caisses d’assurance vieillesse.
Sans doute la réforme des retraites telle qu’elle soumise au parlement a-t-elle bien des défauts : elle est défavorable aux femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever des enfants, aux travailleurs les moins qualifiés entrés tôt dans le monde du travail, aux chômeurs âgés. Elle est une réforme a minima qui ne fait que repousser aux calendes une solution de fond du problème.
Mais personne ne conteste la nécessité d’une réforme des retraites. L’évidence démographique fait que, dans une population à la longévité de plus en plus grande, à la relève des générations insuffisante et où les cotisations vieillesse sont déjà très lourdes, un nouvel équilibre entre actifs et inactifs doit être trouvé.
Pour cette raison, il y a peu de chances que la mobilisation contre les retraites aille jusqu’ à faire reculer le gouvernement.
D’ailleurs, le monde syndical, qui a fait sa démonstration de force, et donc montré qu’il existait encore, le souhaite-t-il vraiment ? On peut se poser la question.
Et le parti socialiste qui n’a guère de propositions alternatives ? Sans doute pas davantage.
Pour la même raison, beaucoup de grévistes et de manifestants ont profité de l’occasion pour exprimer leur mécontentement, pas seulement sur la question particulière des retraites mais sur la politique du gouvernement en général.
Et là, les raisons ne manquent pas : on peut même dire que sur les dizaines de réformes lancées par le présent gouvernement, en dehors de celle-là, à peu près toutes auraient appelé des protestations au moins aussi fortes.
Même si toutes ces réformes continuent, chacune dans son secteur, à alimenter un malaise diffus, on n’a pourtant pas vu , en tous les cas pas si massivement, jusqu’ici, les fonctionnaires manifester conte la réforme de l’Etat, les postiers contre le nouveau statut de la Poste, les gendarmes contre le rapprochement avec la police , les policiers contre l’absurde culture du chiffre, les maires contre la loi de réforme des collectivités territoriales, les enseignants contre le lycée à la carte et la perspective de suppression des concours ( encore que beaucoup d’entre eux aient justifié par là leur participation à la journée de mardi) , les classes moyennes pas assez riches pour bénéficier du bouclier fiscal contre l’augmentation des impôts, les chômeurs contre les délocalisations, les pacifistes, si mobilisés jadis face à la guerre d’Algérie, contre la guerre d’Afghanistan etc.
C’est que les mouvements sociaux, comme la politique, ont leur part d’irrationnel. Les psychanalystes distinguent le désir latent ( et inconscient) de la revendication exprimée. En l’espèce, si la revendication exprimée porte sur les retraites, le désir – ou le mécontentement - latent, porte sur bien d’autres sujets.
On peut même se demander, compte tenu de l’impopularité des grèves dans la plus grande partie de l’électorat de droite, si celle du 7 septembre, destinée à s’opposer à une réforme dont une partie de l’opinion admet confusément la nécessité, n’aura pas contribué à rassembler à nouveau l’électorat de Nicolas Sarkozy. Pire encore : si comme dans le cas de la Grèce, l’ampleur de la protestation, ne crédibilise pas la rigueur à la française , qui en a bien besoin, auprès des agences de notation !
Roland HUREAUX