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Roland HUREAUX

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9 octobre 2014 4 09 /10 /octobre /2014 17:33

Paru dans Figaro Vox 8/10/2014

 

Comme on pouvait le craindre, le gouvernement socialiste, incapable de réduire les dépenses publiques  et contraint par Bruxelles de limiter les déficits,  envisage, pour parer au plus pressé,  d'adopter les solutions de facilité .

A court de ressources , il  s'en prend  une nouvelle fois  à la politique familiale, proposant, dans le projet de budget social,  de réduire encore  le congé parental et  la prime à la naissance du troisième enfant  et de porter atteinte au complément du mode de garde,  ce que Mme Touraine appelle «poursuivre la modernisation de la politique familiale».  On reparle également  au parti socialiste de moduler les allocations familiales selon le revenu.

Cette proposition, vieux serpent de mer,   revient   sur le tapis  chaque fois qu'un gouvernement , à court d'argent,  cherche une issue facile à ses difficultés.  Cela avait été le cas avec la réforme Juppé ( 1995) et la réforme Jospin (1997). La réaction forte du mouvement familial avait alors gelé  ces projets  pendant quelques années, sans empêcher toutefois un grignotage au fil des ans de l'ensemble de avantages familiaux, que l'on peut estimer  à 17 milliards  sur 20 ans.

S'est poursuivi en  outre un  transfert de charges de la branche vieillesse vers la branche famille ( 9 milliards d'euros au moins) qui permet d'alléguer un déficit de celle-ci parfaitement artificiel.  

Les  arguments qui avaient été mis en avant pour défendre l'universalité des allocations familiales semblent  avoir été  perdus de vue. Il convient de les rappeler.  

Beaucoup ont dit fort justement que la politique familiale doit demeurer   distincte de la politique sociale de redistribution "verticale" qui se fait par l'impôt ou autrement. La politique familiale vise une redistribution "horizontale", sans considération du revenu,  des familles sans enfants vers celles qui en élèvent. Loin d'être une politique "nataliste", cette redistribution n'est que le légitime pendant du système de retraites où la solidarité joue en sens inverse ,  les personnes âgées n'ayant pas eu d'enfants - ou peu - ( et ayant eu par là la vie plus facile)   bénéficiant  des cotisations des enfants des autres. Compensation partielle: si la solidarité est de presque 100 %pour le troisième âge, elle n'atteint  pas les 50 % pour le premier âge, malgré les allocations.

On  sait moins que ce principe d'une allocation universelle ( ne tenant pas compte du revenu) avait été  si bien compris à la Libération que l'Assemblée constituante, largement dominée  par la gauche  (PC et SFIO), l'avait  adopté à l'unanimité et sans débat  - de pair avec un quotient familial non plafonné.  Mais il semble que cela soit sorti de la mémoire  du Parti socialiste , qui n'est plus celui  de l'après-guerre et  ne  cache pas au contraire depuis 30 ans son hostilité sournoise  à la famille.

Au demeurant le principe d 'universalité   a été  bien entamé au fil des ans puisque il ne s'applique qu'à 50 % des prestations. Raison de plus pour ne pas toucher à ce qui reste.

Car, cette universalité  est essentielle pour assurer  la dignité de la politique familiale laquelle  doit rester attachée à la qualité de citoyen ( ou de résident). Il n'en serait pas ainsi si, en concentrant les allocations sur les familles nombreuses (les autres ne recevant  que peu) affichant les plus faibles revenus, on donnait le sentiment  fâcheux qu'elles sont réservées  en grand partie  aux populations immigrées.  Un sentiment qu'a  déjà  une partie des Français  et    qu'il serait fort inopportun d'aggraver , d'autant qu'il ne profite guère  au vote PS !

D'ailleurs les bénéficiaires restants auraient vite honte de recevoir  une aide  qui ne serait pas un droit, mais un "secours".

La modulation ou la mise sous condition de ressources a un tel effet destructeur sur la politique  familiale qu'elles ont servi de préalable à leur démantèlement dans tous les pays latins ( Espagne, Portugal, Italie) où le déficit de naissances est devenu criant.

Ajoutons qu'une modulation  des prestations de base selon les revenus, exige  une lourde procédure bureaucratique de contrôle de ceux-ci .

Ne négligeons pas non plus dans la tentation socialiste de plafonner  ou moduler les allocations, celle de prendre une revanche sur la Manif pour tous. Les familles nombreuses sont  rares en France, en dehors de l'immigration. Nul n'ignore le  rôle qu'ont joué celles de la classe moyenne  dans le  au grand mouvement  de protestation contre la "mariage pour tous" qui vient encore de montrer le 5 octobre qu'il conserve sa vitalité.

Déjà le budget 2014 avait ponctionné ces familles de 1 milliard d'euros par une nouvelle  réduction du plafond du quotient familial. 

Nul doute enfin que l'existence d'une politique familiale généreuse ( quoique elle le soit beaucoup moins qu'autrefois) a contribué à maintenir  la France en tête de la fécondité en Europe  (2,01 pour une moyenne européenne de 1,5) . Le congé parental d'éducation que l'on a commencé  à réduire, sous prétexte de parité homme/femme,  avait joué un rôle   particulier   dans le redémarrage des naissances.

Confrontée à une Allemagne qui   maintient sa croissance et a rétabli son équilibre budgétaire, notre pays pouvait se réjouir  d'avoir, depuis 2006 plus d'enfants qui naissent chaque année ( pour la première fois  depuis 1870) que son partenaire d'Outre-Rhin. Faute d'autres, il se doit de garder cet atout.

Loin d'être un cas dont il faudrait raboter la singularité,   , la France montre le chemin de la survie  à une Europe qui meurt lentement.  Tailler encore une fois dans la politique familiale   pour des raisons budgétaires témoignerait d'une singulier  manque de vision.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

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