A l’encontre de la plupart des pronostics qui prévoyaient une guerre longue, voire un enlisement, les forces françaises ont reconquis facilement les grandes villes du Nord du Mali.
Les raisons d’un succès
Les armes françaises doivent leur succès à plusieurs facteurs :
D’abord le caractère purement national de l’intervention qui a facilité la prise de décision, évité les lourdeurs et les lenteurs, les difficultés de compréhension propres aux entreprises multilatérales.
Ensuite la communauté de langue : une bonne partie de la population malienne perle français, ce qui facilite les contacts, non seulement avec l’armée malienne mais avec le reste de la population. Dans cette région, le Mali est sans doute le pays le plus proche de la France du fait d’une émigration importante : la plupart des familles maliennes ont des parents en région parisienne.
Enfin, la préparation de notre armée. Quoi qu’ on pense de l’intervention française en Afghanistan, elle lui a permis de s’entraîner contre des adversaires particulièrement aguerris. Malgré les déclarations de François Hollande excluant toute action au sol, l’armée française s’est préparée discrètement au cours des derniers mois en concentrant des forces dans les pays voisins et en rassemblant des renseignements précis sur les islamistes.
Le soutien de la population à notre intervention a été un atout supplémentaire. Même musulmans, les Maliens ont vécu l’équipée fondamentaliste comme une agression étrangère. Les dirigeants de l’AQMI ou de ses dissidences comme Mujao sont des blancs du Maghreb, ennemis héréditaires des noirs du Sahel. L’islam arabe fondamentaliste a peu de choses en commun avec l’islam tolérant et coloré, mâtiné de traditions africaines qui se pratique au sud du Sahara. Les islamistes s’étaient en outre comportés de manière odieuse vis-à-vis des populations.
Ajoutons, avec prudence, que l’adversaire n’était peut-être pas aussi redoutable qu’on l’a cru. Ni par le nombre : personne ne parle plus de 30 000 combattants comme on l’a fait, ni par la capacité guerrière. Sous le truchement d’un islamisme pur et dur, les milices du Nord Mali avaient le comportement de la soldatesque ordinaire, qui ne méprise pas les canettes de bière, viole et pille quand elle en a l‘occasion. Ces groupes s’enrichissaient du trafic de drogue (comme d’ailleurs l’armée malienne) et de prises d’otages.
Et après ?
Ce succès sera-t-il confirmé ou pourrait-il n’être qu’un feu de paille ?
Tout dépend de la capacité de reconstitution de la force adverse, jusqu’ici dispersée mais non anéantie. L’armement formidable reçu de Libye a été en partie détruit. Ce qui reste est-il encore opérationnel ? Ce n’est sans doute pas une mince affaire que de maintenir ou d’utiliser des matériels sophistiqués dans l’environnement saharien sans compétences techniques de premier ordre.
Mais la capacité de nuisance des islamistes est surtout tributaire de leur stratégie. N’étaient-ils que des fanfarons ou ont-ils parmi eux un grand chef de guérilla ? N’est pas Massoud qui veut. Le facteur personnel sera, en la matière, décisif.
Si la résistance s’organise, l’armée française n’est pas à l’abri de mauvaises surprises comme l’enlèvement d’un groupe de soldats par quelque audacieux coup de main.
Mais la stabilité du Mali dépendra surtout de deux autres facteurs :
Dans le Nord, le facteur touareg. Les Touaregs occupent le plus gros du nord Mali et ils y sont chez eux. Traditionnellement amis de la France, ils reviennent déjà de la tentation islamiste, abandonnant Ansar Dine pour le MNLA, plus laïc, mais ne veulent toujours pas être gouvernés de Bamako. Un régime de large autonomie, garanti par la France, devra leur être rapidement accordé Sans leur appui, AQMI ne peut pas grand-chose dans les monts de l’Adrar.
Il serait désastreux de laisser, comme cela est envisagé, la reconquête de la région de Kidal aux armées africaines : à supposer qu’elles en soient capables, seule l’armée française est à même de protéger les Touaregs qui la peuplent de représailles dont les conséquences seraient incalculables.
L’autre facteur est la stabilisation, voire la reconstitution, de l’Etat malien (notamment de l’armée). Il faut cesser là aussi de se payer de mots. L’enthousiasme avec lequel les foules maliennes ont brandi des drapeaux français à l’arrivée de nos troupes (et, au-delà, celui de toute l’Afrique subsaharienne) devrait nous libérer de nos complexes postcoloniaux. La France dispose aujourd’hui d’une grande légitimité internationale dans la région. Elle doit prendre pleinement ses responsabilités dans la reconstruction du Mali, ce qui signifie qu’elle apporte une aide directe à la reconstitution de son administration, et qu’elle ne se repose pas trop sur des structures multilatérales qui n’ont que trop montré leur inefficacité. C’est là le seul moyen, à terme, de préserver la paix dans le Sahel.
Roland HUREAUX
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