Lors du dernier Congrès des maires de France, le président de la République a concédé, du bout des lèvres il est vrai, que le droit à l’objection de conscience pourrait être reconnu aux maires qui ne voudront pas célébrer de mariage homosexuel, comme c’est le cas de beaucoup.
Il est d’ailleurs bon qu’il s’y prépare : les maires de la Martinique, presque tous socialistes, ont, dès le mois de septembre, déclaré à l’unanimité, sans que personne les rappelle à l’ordre, qu’ils ne célébreraient pas ce genre de cérémonie.
Même si le président s’est depuis ravisé, signe de son embarras (ou de son double jeu), le dilemme est là. Si la loi est votée, il faudra, soit permettre une partie des élus, voire à des fonctionnaires, de s’en exonérer, soit forcer les consciences comme on ne le fait généralement que dans les pays totalitaires.
Dès lors que certains représentants de l’autorité publique peuvent dire avec quelque légitimité : la loi est la loi, certes, mais cette loi, je ne l‘appliquerai pas parce qu’elle me parait immorale ou absurde, c’est tout l’ordre juridique d’un pays qui se trouve mis en cause.
Ainsi apparait une condition fondamentale de l’ordre législatif et réglementaire : il ne suffit pas que les lois votées aient le sceau d’une majorité démocratique pour s’ imposer, il faut aussi qu’elles ne soient pas évidemment contraires à la raison, au bon sens et pourquoi ne pas le dire, à la nature.
La nature, en matière juridique est aujourd’hui un gros mot. Précisément à cause des débats sociétaux, l’idée d’un droit naturel a été rejetée par les facultés dans les ténèbres de obscurantisme, au nom du positivisme juridique : seule le droit positif importe, interdisant toute objection de conscience puisque, dans la perspective positiviste, il n’y a rien au-delà du droit réel à quoi on puisse se référer.
Paradoxe : l’idée d’un droit naturel est écartée au moment où les droits de l’homme, pour lesquels on entreprend des guerres de plus en plus sanglantes aux quatre coins du monde, n’ont jamais été mis aussi en valeur. La théorie de l’ingérence humanitaire les place même, dans l’ordre juridique, avant le droit international positif. Ces droits, tels que les définit la déclaration du 26 août 1789, sont pourtant déclarés « naturels et imprescriptibles ».
Pour la mentalité contemporaine, il ne saurait y avoir de « devoirs naturels », seulement des droits Pourtant le droit de Pierre est-il autre chose que le devoir de Paul ?
C’est dire qu’il n’est pas facile d’évacuer de l’ordre juridique la notion de nature. Il est inutile de dire combien l’idée d’un « mariage » entre homosexuels ou encore davantage d’un droit d’adoption à eux conférés, lui parait contraire, au regard de la conscience commune.
Il existe un contrôle de constitutionnalité mais pas encore un contrôle de cet ordre méta-constitutionnel qui est celui du bons sens. Ce qui ne veut pas dire que les décisions qui lui seraient contraires n’encourent aucune sanction. Dès lors qu’une partie de la législation parait contraire à cet ordre implicite, objection de conscience ou pas, c’est tout l’ordre juridique qui se trouve ébranlé. Si certaines lois inspirent l’irrespect, l’habitude du mépris se répandra au-delà et nous nous trouverons bien vite non seulement sans foi mais sans loi.
Le projet de « mariage pour tous » ne révolutionne pas seulement le Code civil, il prépare une subversion de l’Etat de droit lui-même.
Roland HUREAUX
Les livres de Roland HUREAUX peuvent être commandés chez votre libraire ou sur
http://www.amazon.fr/Roland-Hureaux/e/B004MNSEEK