Parmi les nombreuses erreurs qui ont conduit Peugeot, la plus française des marques automobiles depuis que Renault a délocalisé massivement, à la situation que l’on sait, il est une erreur stratégique du groupe déjà ancienne mais fort dommageable : l’abandon de ses positions en Afrique .
Replaçons-nous en 1980 : les voitures Peugeot étaient omniprésentes en Afrique subsaharienne dominant le marché, non seulement des pays francophones mais aussi des pays anglophones. A peu près tous les taxis de brousse en étaient, taxis de brousse que l’on appelait même au Kenya les « Pudjot ».
Peugeot avait une usine au Nigéria.
Puis vint l’invasion des 4x4, anglais pour le haut de gamme, japonais pour le tout-venant. Rien n’était perdu. Peugeot aurait pu adapter sa gamme, éventuellement lancer son propre 4x4 qui, vu le prestige de l’ enseigne, aurait sans doute fait un tabac sur le marché africain et se serait répandu ensuite en Europe, ce véhicule étant devenu à la mode dans le milieu bobo.
Mais c’est au contraire à ce moment-là (vers 1985) que Peugeot a choisi de se retirer assez brutalement de l’Afrique au grand dam de beaucoup d’Africains qui étaient attachés à cette marque. Un grand homme d’affaires indien d’Afrique orientale fit même alors le déplacement à Montbéliard pour demander à Peugeot de rester, proposant de diffuser lui-même la marque de Nairobi au Cap. Rien n’y fit.
Pourquoi ? C’est difficile de le dire. L’Afrique n’était pas alors à la mode. Elle stagnait. Le FMI avait mis en tutelle la plupart des Etats. Les élites parisiennes n’avaient que mépris pour l’Afrique. Faire un séjour en Afrique pouvait vous gâcher une carrière, soit dans les grands groupes, soit même au Quai d’Orsay. L’Afrique était salissante pour une réputation. Qu’un séjour sur ce continent démontre au contraire une grande capacité d’adaptation n’était pas pris en compte ; il valait mieux faire carrière au siège, dans le confort douillet des bureaux européens.
Ces réflexes très parisiens ont dû jouer mais peut-être aussi d’autres considérations que la firme de Sochaux a gardée dans ses secrets.
Au même moment Accor plaçait ses billes dans les hôtels tanzaniens alors en pleine décrépitude, mais ce sont aujourd’hui un des fleurons du tourisme mondial. Accor avait une vision à long terme ; Peugeot pas.
Le résultat : Peugeot a pratiquement disparu de ce continent à un moment où le monde entier s’y intéresse à nouveau : les Américains, les Chinois, les Israéliens. La croissance de l’Afrique est aujourd’hui de 5 % par an, les consommateurs y sont de plus en plus nombreux.
Que dire devant ces occasions gâchées. Rien. Le chagrin et la pitié !
Est-ce rattrapable ? On ne sait, cela sera de toutes les façons difficile.
Autre information entendue. La production de l’usine d’ Aulnay-sous-bois que le groupe va fermer correspond à peu près au montant de voitures que nous vendions à l’Iran, où la firme sochalienne était bien implantée aussi. En raison des sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de ce pays , ce marché est désormais fermé. Mais il se dit qu’en revanche on peut encore acheter des Chrysler ou des Ford neuves à Téhéran. A vérifier.
Roland HUREAUX