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Roland HUREAUX

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 20:42

 

 Article publié par Atlantico 


La sortie de Cécile Duflot demandant à l’Eglise catholique de  mettre ses locaux vacants à la disposition  des sans-abri  n’est pas seulement la bourde d’une jeune ministre écervelée.  Elle exprime les préjugés et les sentiments d’une   partie importante de l’équipe qui   gouverne aujourd’hui la  France.

Préjugés  et même ignorance. Duflot évolue dans une sphère si particulière qu’elle ignorait sûrement de bonne foi que la plupart des paroisses de la région parisienne reçoivent déjà des sans-abri l’hiver  et que des milliers de volontaires catholiques s’activent pour  les prendre en charge, que ce soit au titre  de  l’Eglise elle-même ou  à celui  de nombreuses associations  :   Secours Catholique, Emmaüs et même associations laïques.

Une ignorance qui n’est évidemment  pas innocente : si elle ne savait pas, c’est qu’elle n’avait jamais voulus avoir, et que   , se contentant des stéréotypes véhiculés par Libération et Charlie-Hebdo, elle en était restée à l’image historique d’  une Eglise riche, d’abord préoccupée du culte et indifférente aux misères.

 

Derrière les préjugés, l’hostilité

 

C’est dire que  par  derrière ces préjugés, se trouve  une hostilité profonde que l’ouverture au monde effectuée par les chrétiens au cours des quarante dernières années, n’a nullement atténuée, au contraire.

Au cœur de cette hostilité, bien sûr, les problèmes sociétaux, en particulier l’avortement   et  le statut des homosexuels où l’Eglise catholique apparait comme un obstacle insupportable et totalement ringard aux idéologies aujourd’hui dominantes  en la matière. Leurs adeptes, nourris de  clichés, n’ont naturellement jamais fait le moindre effort pour comprendre ni  même s’intéresser aux raisons de l’Eglise – qui d’ailleurs n’en fait pas  non plus beaucoup  pour  s’expliquer  clairement.

Le  récent projet  loi sur le  mariage prétendu  « pour tous » a ravivé cette hostilité et c’est sans doute la raison de la sortie de Mme Duflot  – même si, fort maladroite, elle    contribuera sans doute  à gonfler les effectifs de la nouvelle  « Manif pour tous » annoncée pour le 13 janvier.

Plus sans doute  que chez  Mélenchon qui cultive l’anticléricalisme rétro, cette  hostilité trouve sa pointe extrême dans le mouvement écologiste. Certes, on comprend mal,  vu de loin, qu’un parti dévoué à la défense de la nature soit le plus ardent à promouvoir la théorie  du genre, négation de la différence sexuelle,   ou  l’insémination artificielle : mais sa  philosophie sous-jacente, dans la lignée de la Fondation Bill Gates,  promeut la réduction de la population de la planète par tous  les  moyens, ce qui fait évidemment  horreur aux Eglises qui  défendent  la grandeur de la vie.  C’est au sein du groupe écologiste du Sénat qu’avait  été concocté un projet de loi sur le  mariage unisexe encore plus radical que celui du  gouvernement ; lors de sa discussion en commission, les représentants de ce groupe n’ont  pas caché que leur but était, non pas d’étendre le mariage mais, à terme,  de le détruire.

Mais cette idéologie va au-delà des écologistes : elle est diffuse dans une grande partie du parti socialiste, comme dans la plupart  des médias.

Il y a certes davantage de chrétiens – ou d’anciens chrétiens formés par l’Action catholique ou  les Scouts  de France -  qu’autrefois au parti socialiste, mais la plupart se sont décolorés. Ils formaient l’essentiel de la « deuxième  gauche » se réclamant de Rocard et Delors. Ils marquaient  leur différence  par un souci plus  grand de la surenchère européenne et de  la  rigueur budgétaire (quitte à passer pour d’ennuyeux « cathos masos » , voire  « deloristes-doloristes » ), que  sur les sujets vraiment clivants de type sociétal  sur lesquels ils préféraient raser les murs. L’émergence au sein du Parti socialiste  de nouveaux mouvements  chrétiens comme les Poissons roses, pas vraiment  émancipés de la culture de la deuxième gauche,   ne semble pas avoir modifié la donne. D’autant que   la culture politique de gauche  admet mal l’objection de conscience : l’engagement à gauche (à la différence de l’engagement à droite), vécu sur le mode religieux,  fait prévaloir les logiques de partis, jusqu’à à étouffer très vite toute  considération morale.   

 

Le grand parti de la déchristianisation

 

De fait le parti socialiste apparait  comme le grand parti de la déchristianisation de la France. Du christianisme, il a gardé un vague relent « humanitaire » qui se traduit  par exemple par l’ouverture à l’immigration ou un reste de rhétorique sociale,  d’  effet limité dans la mesure où il s’accompagne d’une acceptation (particulièrement nette chez les chrétiens de gauche)   des logiques ultralibérales et mondialistes. Cette France qui  non seulement a rejeté son héritage chrétien,   mais est  à peu près dépourvue de culture religieuse – et méprise tant le faut religieux qu’elle ne daigne l’approfondir,  c’est d’abord au parti socialiste qu’elle se retrouve.

Ceux qui prennent tant soit  peu au sérieux les dogmes et surtout la doctrine morale  de l’Eglise telle que les papes la formulent   y sont facilement traités d’ultracathos ou d’intégristes, voir suspects d’être « fachos », même s’ils   sont très éloignés des lefévristes.  

Les réformes sociétales, précisément celles que l’Eglise catholique réprouve sont, dans cette ambiance, un marqueur idéologique fort   de la gauche, le seul qui lui reste peut-être. Tribut payé à l’idéologie : à peine en place, Marisol Touraine, ministre de la santé a rétabli le remboursement  à 100 % de l’avortement alors même que les caisses de l’assurance-maladie sont vides et que  le  remboursement de soins de première nécessité, notamment dentaires, est si faible que beaucoup ne se soignent plus !  

Que dans cette ambiance, l’idée de promouvoir  le mariage homosexuel ait paru une sorte d’évidence indiscutée, que Hollande ait considéré qu’elle ne devait rencontrer qu’une protestation marginale et  rétrograde, comment  s’en étonner ?  

L’inconscience du parti socialiste sur ce sujet ressemble à celle  de l’Assemblée constituante de 1789 : imbibée par un siècle de philosophie des lumières, elle crut   que le fait religieux était un vestige du passé que l’on pouvait traiter par-dessus la jambe. Il s’en suivit une guerre civile de dix ans qui fit des centaines de milliers de morts  que seul Bonaparte, en signant le Concordat,  parvint à terminer. Cette guerre éclata, de manière significative, non à cause de la  confiscation des biens (alors immenses) de l’Eglise mais de  la Constitution civile du clergé qui ne posait que des problèmes de principe.

 

Vers un durcissement ?

 

L’inconscience   avec laquelle la majorité actuelle a rédigé son programme explique l’impatience avec laquelle elle ressent  une résistance à   laquelle elle ne s’attendait pas. Toute à son idéologie de la modernité,    elle découvre tout à coup que les évêques    ne sont pas seulement  de doux  marginaux tout juste bons à faire  de  temps en temps un déclaration générale en faveur des immigrés ou contre  la pauvreté ,ce  dont elle s’ accommodait plutôt bien.

Face  à cette résistance inattendue, il n’est pas exclu que cette majorité devienne méchante.

On en a eu le témoignage par  la grossière  désinvolture avec laquelle la commission compétente de l’Assemblée nationale a reçu les représentants non seulement de  l’Eglise catholique mais de toutes les religions.

On pourrait mettre aussi sur le compte du même état d’esprit l' indifférence  du gouvernement au sort des chrétiens d’Orient, que la France,  dont la vocation historique était de les protéger, promet au contraire à la destruction en soutenant les islamistes en guerre contre le régime d’Assad ; on s’en gardera cependant car  le gouvernement précédent, si prompt, lui,  à  chercher la bénédiction du Saint-Siège, n’agissait pas autrement. 

 

Un terrain miné

 

L’affrontement qui commence avec  l’Eglise catholique est  très différent de celui du début du XXe siècle.  

D’abord parce que, pour la première fois de manière aussi nette,  toutes les religions font front avec elle.   

Ensuite parce que le terrain n’est pas le même.  Contrairement  à ce qu’on croit dans les milieux anticléricaux,   l’Eglise catholique est  beaucoup plus attachée à ses dogmes  et à la morale   qu’à ses biens, ses revenus ou son statut. Jules Ferry  et Emile Combes s’en prenaient qu’à ceux-ci, François Hollande s’en prend à ceux-là. En séparant l’Eglise de l’Etat, Briand ne marquait aucun mépris pour le culte catholique.  Pragmatiques, les chefs radicaux voulaient limiter la réforme au strict nécessaire : « je ne risquerai pas la vie d’un seul de mes gendarmes pour un chandelier » avait dit non sans  humour Clémenceau  au moment des inventaires. D’une façon générale, l’Eglise (alors plus puissante,  il est vrai) était beaucoup plus respectée dans les milieux anticléricaux de la IIIe République que dans les milieux bobos de la Ve.

Elle le fut aussi de Léon Blum, premier président du conseil de l’IIIe République à se rendre à la Nonciature ou de Guy Mollet qui rêvait d’un nouveau concordat. François Mitterrand est un cas à part : sa formation catholique, sa familiarité   avec l’ancienne France lui faisaient considérer avec une infinie prudence les questions touchant au fait religieux.  Il  manifesta toujours un grand respect pour l’Eglise catholique  et sut gérer avec doigté, par exemple sur  la question de l’école privée,  la tension entre les tendances antireligieuses du parti socialiste, qu’au fond de lui il méprisait,  et son sens, sinon de la religion,  du moins de l’histoire.   

A la différence de la séparation des Eglises et de l’Etat, le  mariage homosexuel est conçu par la plupart des catholiques comme une énormité et, même si les évêques ne le disent pas ouvertement, une profanation de ce qu’ils tiennent pour une des  institutions   les plus sacrées, le mariage. Certains  y voient même une volonté   blasphématoire rappelant  les mariages homosexuels  parodiques qu’organisait l’empereur Néron au cours de  ses orgies, si on en croit Suétone.

Un autre grand changement est que sur le terrain de la morale, les catholiques , surtout   ceux qui se réfèrent à la doctrine thomiste,  ne considèrent pas qu’ils défendent une morale particulière, mais la morale naturelle ( point différente de la morale laïque que  Jules Ferry demandait à ses instituteurs d’enseigner )  et qu’ils interviennent , non pour défendre leurs intérêts  mais  parce qu’ils se sentent responsables de toute  la société. Les juristes liés à l’idéologie dominante tiennent l’idée d’un droit naturel pour une énormité, mais la population pas. Ce qui fait que la position des religions, dans cette affaire,   rejoint  le sentiment spontané d’une partie de l’opinion, de plus en plus large au fur et à mesure que le débat s’approfondit,  et lui vaut son soutien.   

Parallèlement, les milieux déchristianisés qui sont ceux du  parti socialiste, n’ont pas pris en compte l’évolution du monde catholique, devenu certes  très minoritaire mais beaucoup plus engagé, organisé, ayant pleinement intégré  la culture de la communication et du lobbying. Il était hier une majorité  passive, il  veut être aujourd’hui une minorité   agissante comme le sont les juifs  ou  les protestants.

Sa combativité est démultipliée par le fait que beaucoup de catholiques ont les nerfs à vif, constatant chaque jour que toutes les formes de critiques ou d’injures sont permises dans les médias à l’égard de l’Eglise catholique et interdits vis-à-vis de tous les autres.

Entre la volonté de mettre en œuvre des réformes sociétales promises imprudemment par un  gouvernement socialiste qui n’a , faute de  marge de manœuvre   économique ou sociale, rien d’autre à se mettre sous la dent , et  une forte minorité convaincue  que ce ne sont pas des  privilèges catégoriels  qu’elle défend  mais l’intérêt de toute la société, il se peut que nous ayons en perspective un affrontement  beaucoup  plus grave qu’on imagine.


Roland HUREAUX

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