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Roland HUREAUX

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 06:56

Il y aura un grand absent au festival de Cannes : Roman Polanski dont le  dernier film,   aurait  assurément  mérité un hommage spécial. Mais il se trouve en Suisse,  assigné en résidence et sous la menace d’une extradition vers les  Etats-Unis.

Un  récent article de Philippe Bilger, paru dans ces colonnes,  a   ouvert  les yeux à tous ceux qui , comme nous, ne maîtrisent pas   les arcanes   de la procédure pénale  américaine. De toutes les façons, il y a assez de films, de romans  ou de faits divers pour nous faire comprendre  que ce pays n’est plus depuis longtemps – s’il  le fut jamais - le modèle d’état de droit qu’on se plait à nous présenter.    Et sans doute Roman Polanski a-t-il de bonnes raisons de ne pas vouloir être livré pieds et poings liés à une justice connue pour être particulièrement imprévisible.

On peut penser beaucoup de choses de la  nature et de la  gravité de l’acte commis par le cinéaste en  1977. Il reste que  33 ans  se sont écoulés depuis lors  et que la victime, qui n’est plus toute jeune,  a depuis longtemps demandé qu’on laisse son auteur en paix.  

Pourquoi cette affaire est-elle relancée maintenant –  et non pas il y a cinq ans ou dans cinq ans ? Il  y a souvent  des coïncidences étranges. Mais il en est une, en l’espèce,  qui   saute aux yeux : la demande d’extradition et le tournage du  dernier film  de Polanslki :   The Ghost writer .

Car ce film n’est pas n’importe lequel. Outre l’immense talent qu’il démontre, il s’agit d’une des attaques les plus féroces qui soient  contre les manipulations de la politique européenne auxquelles  se livrent depuis longtemps certaines officines américaines. Des manipulations qui ne sont pas un secret : des  auteurs comme Zbigniew Brzezinski les avouent  ouvertement.

On connaît l’argument du film : un  ancien  premier ministre britannique ( toute ressemblance avec Tony Blair est naturellement   fortuite !) trouve un « nègre » ( en anglais ghost-writer) pour écrire ses mémoires. Celui-ci découvre, au fil de son enquête, que son commanditaire a été programmé dès sa  prime jeunesse pour être un exécutant fidèle de la politiqua américaine : sa carrière s’en est trouvé facilitée et , parvenu au pouvoir , il a pleinement  rempli  le   « contrat ».

Cela se passe au Royaume-Uni mais aurait pu, aussi bien,  se  passer en France.

Ces manipulations  ne sont pas nouvelles ; tous les « empires » s’ y sont livrés. Elles reposent entre autres sur des contacts avec d’ambitieux jeunes gens, des  Young leaders,  soigneusement sélectionnés et conditionnés en début de carrière. Vues du côté américain, ces manipulations  pouvaient paraître  légitimes aussi longtemps que durait la guerre froide et la menace d’un asservissement de l’Europe de l’Ouest au totalitarisme. Depuis 1990,  elles se trouvent, paradoxalement,  plus efficaces que jamais en même temps que  dépouillées de toute légitimité. Plus efficaces que jamais parce que l’effondrement du communisme les libère de tout contre-pouvoir, et que s’agissant d’actions a long terme programmées longtemps  à l’avance, elles n’atteignent leur pleine  efficacité que vingt  ou trente ans après, dépourvues de toute légitimité car aucune menace ne les justifie plus désormais.

Polanski a certes  été arrêté le  29 septembre 2009  alors que le film   n’est sorti en salle que le 3 mars 2010 ; mais au moment  de l’arrestation, le tournage était terminé et ceux qui devaient savoir savaient évidemment  quel était le contenu du film.

Quelque argument qu’on nous oppose, la coïncidence des dates nous laisse quelques doutes. On comprend en tous cas que l’auteur d’un tel film, un des plus terribles qui aient jamais été produits  sur les méthodes de l’action extérieure  des Etats-Unis , n’ait pas  très  envie d’être jugé dans ce pays.

 

Roland HUREAUX

 

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