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Roland HUREAUX

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 08:55

 

 

Jusqu’à une date récent, l’opinion la plus commune sur le président Sarkozy était : « d’accord,  c’est un médiocre réformateur qui , à force de s’agiter, met plus de désordre dans l’Etat qu’il ne  résout  les problèmes ;  c’est , comme Chirac, un faux dur, un diplomate catastrophique qui multiplie les bourdes à l’étranger, mais tout de même,  il reste une  « bête politique » : c’est ainsi qu’il a   réussi à se faire élire président ; c’est également ainsi  qu’il manœuvre habilement au milieu des difficultés : il a le sens de la communication, de l’opportunité  et il n’a pas  dit son dernier mot. »

Que la ligne présidentielle soit  toute entière dictée par des considérations de communication politique et non par des considérations de fond, on le savait. Mais même  dans ce domaine où on lui reconnait une supériorité sur la plupart de ses rivaux, Sarkozy est-il vraiment aussi habile  qu’on le dit ?

C’est la question qu’on peut  se poser au vu de la gestion calamiteuse de l’affaire Woerth.   

Il semble que dans un premier temps, l’Elysée ait choisi  la ligne de la dénégation et botté en touche : « Eric Woerth est irréprochable ; il reste  à son poste. Un grand remaniement aura  lieu en octobre ; il sera temps alors de faire le ménage ». Puis, que cette ligne soit apparue insuffisante,  ou que les intéressés (au moins l’un des deux) aient pris les devants en présentant leur démission,  le président et son équipe ont  décidé de jeter du lest,  de faire savoir que  Blanc et Joyandet avaient accepté la démission de Blanc et Joyandet, dans l’espoir de préserver Woerth, jugé nécessaire à la poursuite  de la réforme des retraites.

Mais qui ne voit que la position de Woerth se trouve, non point  confortée mais  fragilisée par la démission de  ses deux collègues ?

Sans soute Woerth n’est, à ce jour, pénalement répréhensible  en rien ; il ne s’agit dans son cas que de ce que les Anglais appellent la « common decency ».  Alors que l’achat de 12 500 € de cigares aux frais de l’Etat par le ministre en charge du Grand Paris  peut amener le parquet à se poser des questions. Mais  comme la femme de César, l’homme public ne doit pas seulement être innocent, il  doit aussi  être insoupçonnable. Vu sous cet angle, l’affaire Woerth et la suspicion de sa collusion avec la plus riche héritière de France  - et d’autres généreux donateurs du parti majoritaire – touchent  à des intérêts  autrement plus essentiels que celles, plutôt ridicules,   de  ses collègues. Il y a un fort risque que l’opinion ne soit pas satisfaite des gages qu’on lui donne et que la pression sur Eric Woerth continue d’empoisonner la vie politique. Le  jour où, de guerre lasse,  il faudra le lâcher aussi, le président sera entièrement  sur la défensive ; il donnera  le sentiment fâcheux, non de dominer les événements, mais de s’être laissé acculer dans  les cordes.

Il nous semble qu’il eut été préférable de sacrifier Woerth sans attendre, en ne mettant pas  nécessairement  en cause son honorabilité,  mais dans un souci de clarification. Les deux autres affaires eussent été alors  tenues de manière implicite, non pour des peccadilles, mais pour des affaires de moindre envergure, ne justifiant pas des mesures aussi radicales,   l’expression  d’une vulgarité qui, après tout,  est bien dans l’esprit du temps. Encore qu’il faille distinguer  le cas d’ Alain Joyandet, notable de province, monté dans la hiérarchie par le parti et par sa fidélité sans faille au président,  de celui de celui de Christian Blanc, préfet rocardien tirant au centre,  suffisamment incolore et  dépourvu d’idées dans tous les domaines auxquels il   a touché pour  préserver jusqu’ici,  à droite comme à gauche,  une bonne réputation. La réussite étonnante de l’un et de l’autre profil dans  la  république de basse époque que nous connaissons aujourd’hui,  est sans doute aussi emblématique  que celle d’un Bel-Ami  dans le Paris   du baron Haussmann.

Et les retraites, dira-t-on ? Là aussi,  l’art de la politique n’est-il pas de savoir rebondir sur les difficultés ?  Pour larguer Woerth  sans rien lâcher  sur la réforme des retraites,  Sarkozy n’avait qu’une chose à faire : confier  le dossier au premier ministre. Fillon le connaît bien et  la fonction de premier ministre s’est trouvée, depuis 1987, suffisamment  vidée de  sa substance pour qu’on puisse  faire  de son titulaire ce qu’il a  toujours un peu été  sous la Ve République, un super ministre des affaires sociales.

Biographe présumé de Georges Mandel, le président devrait savoir que quand Clémenceau  constitua  son cabinet de guerre en 1917, il s’attribua,  pour montrer sa détermination face à l’ennemi,  le portefeuille de la guerre.   Et appelé dans la tourmente financière de 1952, Pinay fut non seulement président du conseil mais ministre des finances. Certes la question des retraites n’est pas du même ordre mais ce qui qualifie le leader de crise, ce  ne sont pas ses paroles (surtout quand il tant parlé à tort et à travers que, comme le  Guillot de la fable, on ne l’écoute  plus) mais ses actes.

En ne portant pas,  face aux ambigüités et aux mauvaises manières de ses ministres,   d’emblée le fer dans la plaie, Sarkozy doit  redouter une lente et pénible agonie.

 Roland HUREAUX

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