Il y aura désormais deux lois Taubira. Le première , la loi du 21 mai 2001, sur l’esclavage dispose à l’ article 1 que La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.
Cette loi est, on le sait, biaisée puisque elle ne mentionne que les traites transatlantiques, opérés donc par les Européens, et non celles qui furent pratiquées par d’autres au même moment, ou l’esclavage en général.
L’autre loi Taubira, qui devrait être promulguée aujourd’hui, ouvre le mariage aux personnes du même sexe.
La propagande libertaire met en continuité ces deux lois comme deux lois d’émancipation. N’est–il pas normal, laisse-t-on entendre, que la même personne ait d’abord rendu justice aux esclaves et descendants d’esclaves de l’outre-mer et ensuite fait droit à cette autre malheureuse minorité opprimée que sont les homosexuels ?
Vision totalement fallacieuse. Pour qui connait le contexte, la seconde loi Taubira s’oppose frontalement la première.
On ne comprendrait pas, sinon, le rejet violent et quasi-unanime des élus et de la population de l’outre-mer, si brillamment exprimé à l’Assemblée nationale par le député de la Martinique, Bruno Nestor Azerot, devant le mariage homosexuel. Au point que Mme Taubira ne pourra plus sans doute remettre les pieds dans sa Guyane natale !
Esclavage et homosexualité
La vérité est que pour les descendants d’esclaves, l’homosexualité évoque d’abord les pratiques de certains colons, ou de leurs contremaîtres à l’encontre de leurs jeunes esclaves mâles. Pratiques qui avaient un caractère sexuel, bien sûr, mais qui étaient aussi le signe de leur condition humiliante dans la mesure où les esclaves n’avaient pas, de fait, le droit, de refuser les sollicitations des blancs.
C’est pourquoi le mariage homosexuel horrifie ben davantage les Antillais que les Africains pas enthousiastes certes, mais moins indignés.
Que l’homosexualité – et particulièrement la pédérastie qui veut dire, on le sait, en grec la relation érotique avec des enfants ou des adolescents, ait partie liée avec l’esclavage, constitue une des grandes réalités de l’histoire, aujourd’hui occultées, d’autant moins étonnante que la relation homosexuelle est rarement égalitaire.
Occulté également, le fait qu’elle ait été presque toujours dans le passé l’apanage des classes dominantes – et, souvent contraint et forcé, de leur environnement ancillaire. Combien de villages français au temps de Proust où on ne savait même pas de quoi il s’agissait ?
Pratiquement inconnue des sociétés primitives, relativement égalitaires, ignorant d’autant plus l’esclavage qu’on n’y laissait guère aux prisonniers la vie sauve, l’homosexualité apparait en Grèce et à Rome, non point aux temps primitifs, mais à l’époque de la puissance, dans des sociétés où l’esclavage est très répandu, surtout chez les plus riches.
Avoir à sa disposition un giton de condition servile, est alors rarement puni chez les jeunes aristocrates en mal d’amours juvéniles. Les initiations hétérosexuelles avec une jeune esclave existent aussi mais elles sont plus surveillées, aucun grand lignage ne souhaitant multiplier les bâtards. C’est pour cette raison que, de manière notoire, de personnages comme Alexandre, Pompée, Jules César furent bisexuels (pas Auguste en revanche, mais tous les successeurs de ce dernier : Tibère, Caligula, Claude et Néron). Ils n’étaient pas les seuls. Initiés, dans leur prime jeunesse grâce à des esclaves, les aristocrates grecs et romains pouvaient aussi avoir des relations homosexuelles avec des pairs : ce fut particulièrement le cas, on le sait, dans l’Athènes des Ve et IVe siècles.
Le recul de l’esclavage et l’avènement du christianisme (parallèle à l’apparition d’un paganisme tardif plus rigoriste) font reculer l’homosexualité à la fin de l’Antiquité.
Dans le monde musulman des origines, la polygamie crée un excédent de jeunes gens n’ayant pas accès à la femme qui l’a peut-être favorisée aussi, malgré les terribles punitions du Coran.
L’homosexualité ne disparait certes jamais dans aucune société, au moins au niveau des classes dirigeantes mais on ne sera pas étonné qu’elle se soit développée dans les sociétés esclavagistes d’outre-Atlantique, dans les conditions humiliantes que l’on a vues.
C’est dire que donner un statut officiel à cette pratique comme le fait la seconde loi Taubira est , on ne peut plus contraire , à l’esprit de la première loi.
C’est pourquoi le principal obstacle à son adoption a été le refus absolu de la voter d’une dizaine de sénateurs de l’outre-mer, le gouvernement ne disposant que d’une courte majorité au Sénat. Une majorité de rechange était certes possible sans eux grâce à la défection d’un nombre analogue de sénateurs de droite, mais elle eut fait apparaitre au grand jour que la loi était passée grâce à l’UMP, ce que celle-ci voulait éviter. Pour résoudre la quadrature du cercle, une seule solution : un scrutin à main levée au décompte approximatif et où surtout, personne ne saurait qui a voté quoi. Notamment dans les Antilles où nul ne devait savoir ce qu’avaient voté les sénateurs de ces départements.
Le devenir de la loi Taubira demeure pour une part lié à l’outre-mer dans la mesure où les maires de la Martinique ont déjà fait savoir qu’ils ne l’appliqueraient pas.
Cette antinomie entre la mémoire de l’esclavage et l’exaltation de homosexualité, Mme Taubira la connait sans nul doute. Quelle est donc sa motivation si, levées les brumes de l’idéologie, sa production législative révèle une aussi violente incohérence ?
Disons-le clairement ; on ne voit pas d’autre lien entre les deux lois Taubira que l’hostilité à l’héritage de la France chrétienne. La première loi Taubira vise à porter atteinte à la France (et à l ’Europe en général), tenue pour collectivement coupable d’un crime contre l’humanité, la traite négrière, tandis que les traites non européennes sont sciemment laissées hors du champ de la loi. La seconde loi s’en prend directement à l’héritage chrétien et à une de ses instituions clef, le mariage. C’est ainsi d’ailleurs que l’ont ressenti les centaines de milliers de manifestants qui ont tenté de lui faire barrage.
Que Mme Taubira ait pris en grippe l’héritage national ne nous étonnera guère, puisque elle a commencé sa carrière comme indépendantiste. Comme ses concitoyens guyanais ne voulaient pas de l’indépendance, elle n’a pu devenir la présidente d’une république tropicale ! Sa passion et, il faut bien dire, son talent ont alors cherché un autre exutoire, avec la complicité d’un parti socialiste rallié au mondialisme libéral et dont l’idéologie de référence est désormais la seule volonté de déconstruire l’héritage de la France chrétienne. On aurait préféré qu’ils fussent mieux employés.
Roland HUREAUX