Les gens normaux soupçonnent rarement jusqu’où peut aller le machiavélisme de certains hommes politiques.
Le retournement récent de l’opinion, en tous les cas de ceux qui l’inspirent, en faveur de Christine Taubira à la suite des injures à caractère raciste qui lui ont été adressées, en offre l’exemple.
Que le lynchage médiatique d’une gamine de 12 ans, visiblement pas inspirée par ses parents, soit inacceptable – et comme d’habitude, il n’aurait pas eu lieu si les positions avaient été inversées ! -, il faut le dire clairement.
Mais que le même thème, dit « de la banane », ait été enfourché par une candidate aux élections passant sur France 2 ou par un hebdomadaire partisan, tous deux situés à la droite extrême, est le révélateur de ce qu’il faut bien appeler une immense bêtise. D’autant plus inquiétante qu’on suppose que ce qui a ainsi fortuitement transpiré en public est habituel en privé.
Pourquoi bêtise ? Parce que le racisme, le vrai, est bête. Sans doute.
Mais surtout parce que ce qui est reproché, à juste titre, à Mme Taubira, tant sur la question du mariage homosexuel que sur celle de la réforme de la justice, est peut-être ce qu’il y a de plus éloigné de toute considération raciale.
Ce qui s’y trouve en cause en effet est, non la couleur de la peau, mais une des perversions intellectuelles les plus dangereuses de notre époque : l’idéologie. L’arasement des repères familiaux d’un côté, celui du sens élémentaire du bien et du mal, de l’autre, dont procèdent les réformes défendues par le Garde des Sceaux sont des produits on ne peut plus typiques de cette idéologie qui ronge notre société et dont le parti socialiste dans son ensemble est devenu le plus fervent promoteur. Maladie de l’esprit qui n’a rien à voir avec la race.
Ajoutons que les promoteurs des idées perverses en cause (théorie du genre, déresponsabilisation des délinquants) qui inspirent Christine Taubira, si on en refait la généalogie, sont tous de race blanche. Le ministre n’est dans cette affaire que l’exécutrice d’un courant d’idées dont elle n’est sûrement pas à l’origine.
On pourrait même aller plus loin et inverser les choses : ce n’est sans doute pas par hasard que ces idées, au moins celles qui ont trait au mariage, furent rejetées avec le plus de violence dans les territoires de la République dont la majorité est de couleur : Antilles, Guyane, et combattues avec le plus de talent par des élus de ces régions, tel l’admirable Nestor Azerot. Avant de faire l’objet de manifestations hostiles en métropole, Christine Taubira était déjà persona non grata dans sa Guyane natale ! Il y a le « sanglot de l’homme blanc », il y a aussi la décadence de l’homme blanc, le contraire donc de ce que croient les imbéciles.
On peut donc tenir pour une habileté machiavélique de François Hollande de faire porter par quelqu’un comme Christine Taubira les réformes en cause, si contraires à la conscience et au bon sens d’une partie des Français, voire à l’intérêt national, et ressenties comme une injustice. Même stupide, une telle réaction à l’égard de leur promotrice était prévisible et l’exploitation que pouvait en faire le pouvoir également. Il faudrait même remarquer, comme l’a fait Xavier Bongibault, que c’est miracle qu’au sein des marées humaines de protestation qu’on a vues se lever au printemps, il n’y en ait pas eu davantage : preuve, somme toute, qu’on avait vraiment affaire à des gens civilisés !
Il semble certes que si Martine Aubry n’avait pas renoncé à ce poste, Christine Taubira n’aurait pas été nommée Garde des Sceaux, mais, quand même, doit-on écarter l’idée que cela a été fait exprès ?
D’autant qu’il y a un précédent. L’assouplissement de l’interdiction de l’avortement qui est intervenue en 1975 aurait pu être défende au Parlement par beaucoup. Pourquoi fallait-il que ce soit par une juive rescapée des camps, comme Simone Veil ? Les grands catholiques qui étaient alors à la tête de l’Etat, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, sans oublier le Garde des sceaux, Jean Lecanuet (enterré depuis dans un monastère, paix à son âme !) n’auraient-ils pas dû en prendre eux-mêmes la responsabilité ? Il semble que dans le cas d’espèce, le machiavélisme soit patent.
Déjà, ce que nous appelons le « piège à cons », comment l’appeler autrement ? avait fonctionné : il s’était trouvé des excités, pas beaucoup mais qu’importe, pour se laisser aux amalgames et dérapages que l’on pouvait craindre et ainsi disqualifier les opposants à la loi. Les défenseurs de la vie se virent alors assimilés, et cela leur colle encore à la peau, aux auteurs de la destruction planifiée de millions de vies. Comme par un fait exprès.
Roland HUREAUX