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Roland HUREAUX

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18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 23:20

Trois paradoxes hypothèquent d’emblée le quinquennat de François Hollande.

Le premier est que le président socialiste  doit, de manière étonnante, son succès à un glissement à droite de l’opinion. Une analyse serrée des chiffres montre que la droite a progressé au premier tour  de   45,29  % en 2007 à  47,12 %  en 2012 [1]. La gauche  a, il est vrai, elle aussi,    grimpé  de 36, 44 %  à  43, 75 %, mais  surtout au dépens de François Bayrou  auquel  la méfiance de l’appareil socialiste  envers Ségolène Royal avait permis de bénéficier en 2007 d’un volant de voix de gauche.  La poussée de la droite est encore plus nette si on la pondère par la  radicalité : le   Front national  est passé de 10,44 % à 17,90  %.    L ‘extrême gauche  (à laquelle on peut assimiler les Verts) seulement de  11,38 %    à  15,12 % : moins qu’il n’a progressé,   ce vote s’est concentré sur  Mélenchon.  De manière notoire, la cause principale de la défaite de Sarkozy, beaucoup moins ample que prévue  au demeurant,  est   la désaffection d’une partie des électeurs du Front national au second tour. Or ce que cet électorat   a  reproché à Sarkozy, ce n’est   pas sa droitisation, au contraire. Virage à droite de l’opinion, basculement à gauche du gouvernement, ce sont les surprises de la démocratie qui s’apparente parfois au jeu de  billard. L’explication principale de ce paradoxe est, on le sait, le rejet de la personnalité de Nicolas Sarkozy par une majorité des Français même de ceux qui ont quand-même voté pour lui in fine. Qu’importe la raison : c’est une situation que François Hollande devra prendre en compte, et  cela d’autant plus que le glissement à droite (confirmé par les sondages thématiques) porte non pas sur l’économique et le social mais sur les aspects les plus clivants du programme socialiste : identité nationale et questions de société. 

Le second paradoxe est que rarement un gouvernement aura été,  autant que le premier gouvernement Hollande, l’expression de  l’oligarchie nationale et internationale qui, de fait, dirige depuis longtemps le pays : pas moins de cinq participants réguliers au Cercle Bilderberg,  autant de membres de la French-American Foundation,  au moins dix membres du Siècle !  Sans compter le Cercle de l’industrie.  Ces gens ne sortent pas de l’ombre : de fait,  ils étaient déjà au pouvoir, le vrai, celui qui, en symbiose étroite avec les médias, inspire la plupart des grandes réformes depuis vingt ans : celles de Sarkozy furent  préparées par Jacques Attali  et d’autres  dont  Luc Ferry, membres des mêmes clubs et d’ailleurs ralliés à Hollande. Ce n’est  à l’évidence  pas d’un tel  gouvernement  qu’il faut attendre une remise en cause  du capitalisme global.

Cette interpénétration de la haute gauche dont est issu le gouvernement et des cercles les plus influents de l’oligarchie  a des effets positifs. Comme ces cercles ne recrutent pas n’importe qui, les nouveau ministres, pris un à un, paraissent presque tous  plus qualifiés que leurs prédécesseurs : nous n’aurons pas la cruauté de citer des noms, seulement  une exception :   Bruno Le Maire, sans doute le meilleur ministre du gouvernement  Sarkozy.  Nous ferons aussi une réserve : dans un climat idéologique, l’adhésion à la pensée unique confère une fausse apparence de qualification. On mesurera un jour à quel point ce   qui a  discrédité le dernier gouvernement Sarkozy, ce n’est pas d’avoir été trop à droite ou trop à gauche, c’est son incompétence, inséparable d’ailleurs  de  sa dépendance intellectuelle par rapport aux cercles dont nous parlons, lesquels sont désormais au pouvoir,  si l’on peut dire,  sans truchement.

Mais cette collusion  a aussi son revers, et pas le moindre : les officines en question  sont les temples où s’élaborent ou à tout le moins se diffusent les idéologies qui inspirent la plupart des  réformes de droite ou de gauche depuis vingt ans. Or sur à peu près tous les sujets, ces réformes suscitent l’incompréhension, l’exaspération et , n’hésitons pas à le dire,   la sécession du peuple français  : politique d’assistance aveugle, gestion libérale des services publics, politique économique sacrifiant l’emploi à la monnaie , enseignement livré aux idéologies pédagogistes, administration territoriale toujours plus  complexe, réforme coûteuse  de l’Etat. Tributaire de la même inspiration,  Sarkozy a payé le prix  de l’impopularité de ces réformes, presque toutes contestables. Mais les Français ne tarderont pas à s’en apercevoir : s’étant vengés sur  la copie, ils ont désormais  l’original !   

Par  derrière ces réformes, les modèles anglo-saxons et  naturellement le dogme européen,  également rejetés par le peuple.    

L’Europe, nous y voilà : c’est le troisième paradoxe.  François Hollande est un « bébé-Delors ». Moins encore  que Sarkozy, il   n ‘a remis en cause dans sa campagne le dogme de la  construction européenne. Pas davantage  celui de la monnaie unique, au nom duquel la croissance européenne est, de plan de rigueur en plan de rigueur, bridée d’une manière qui commence à inquiéter le reste du monde et précipite le  déclin  du vieux continent.    

Or, au point où nous en sommes, personne ne doit se faire d’illusions : ce président archi-européiste  sera, qu’il le veuille ou non,    celui qui devra gérer la fin  de l’euro. Y a-t-il pensé ? Qu’a-t-il prévu face à cette échéance ? Qu’a prévu l’oligarchie d’où est issu son gouvernement et qui a, au fil des ans, fondé toute sa crédibilité sur la réussite de la monnaie unique, au point d’interdire tout débat sur ce sujet ?

Un gouvernement de gauche dans une France qui vire à droite, une émanation directe de l’oligarchie dont le peuple rejette plus que jamais l’idéologie et les politiques qui s’en inspirent, une crise européenne de première magnitude en perspective. L’euphorie des tous premiers commencements ne saurait nous voiler la face sur l’impasse dramatique dans laquelle se trouve   François Hollande, et la France avec lui. 



[1] La droite, c’est-à-dire en 2007,  Sarkozy, Le Pen (père)  Villiers et  Nihous  ( Chasse pêche)  et en 2012,  Sarkozy,   Le Pen (fille),  Dupont-Aignan 

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commentaires

C
Makes sense now to me (and Cindy as well, I’m sure).
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