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Roland HUREAUX

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 08:29

A propos de l'affaire des  minarets en Suisse (2)

 

Dans le ciel de la bonne conscience et de la pensée  unique  européennes, la votation des Suisses tendant  interdire les minarets a fait l’effet d’un coup de tonnerre.

Si beaucoup de bonnes âmes, y compris ecclésiastiques, jettent l’anathème sur  la nation helvétique suspecte de repli  sur elle-même et de xénophobie, personne   n’est dupe : un référendum analogue dans la plupart des  pays de l’Union européenne aboutirait  au même  résultat.  D’ailleurs personne   ne se  risquera  à l’organiser.  Comme dans le cas des votes français et néerlandais sur la constitution européenne, le vote d’un seul pays  sert de révélateur de  ce que pensent les autres. On est d’ailleurs surpris que les augures politiques, s’appuyant sur des sondages  pourtant effectués dans les règles de l’art  aient pu imaginer que le résultat du vote serait  différent.

Ce vote est un avertissement pour  les élites  européennes  qui pensent que les peuples, éduqués ou rééduqués à grand renfort de discours officiels, de pression  médiatique ,  d’affiches, de programmes scolaires,   se sont une fois pour toutes résignés à une Europe multiculturelle, multiethnique et  composant avec un islam de plus en plus prégnant.   Ceux là ne doivent se faire aucune illusion sur les sentiments réels de la  majorité, malgré ou peut-être  à cause des leçons  qu’on lui  assène.

De même devraient perdre leurs illusions les   fanatiques  qui se figurent que l’ultime assaut de l’islam contre une Europe fatiguée et déchristianisée  est  pour bientôt.  On connait les paroles du président Boumediene pour  qui  les musulmans, après avoir été conquis,  conquerraient  à leur tour l’Europe grâce à la fécondité de leurs femmes.  Le premier ministre   Erdogan cache mal  son sentiment  que l’entrée d’une Turquie  de 80 millions d’habitants dans l’Union européenne, conjuguée  à la montée des populations immigrées  dans les   pays de l’ouest, devrait permettre au musulmans  d’être un jour  majoritaires en Europe. Tarik Ramadan et consorts  le pensent aussi.  Le vote suisse devrait leur montrer que cette conquête  pacifique du continent  n’est pas pour demain. 

Que va-t- il dès lors se passer   ? Il est indubitable que grâce à la poursuite de l’immigration, moins contrôlée que jamais depuis qu’elle n’est plus  du ressort national mais communautaire   , et au différentiel de fécondité – surtout chez les nouveaux arrivants -   , la part des musulmans dans la population,  qui se situe autour de 6,5 %  en France  et  en Allemagne, devrait continuer à  progresser.

Jusqu’où ?  Aucun fait nouveau, comme pourraient l’être, un contrôle de l’immigration beaucoup plus strict, une baisse rapide de la fécondité  dans les populations musulmanes de l’  Europe ou encore un regain de vitalité des Eglises chrétiennes du vieux continent, ne  laisse prévoir  à court ou moyen terme un retournement de la  tendance.

C’est d’ailleurs la conscience diffuse de cela   et l’inquiétude qui l’accompagne qui sous-tendent    la réaction des Suisses, une réaction dont aura beau jeu de dire que,  fondée sur le seul refus de l’islamisation du  paysage urbain, elle est plutôt une manière de se voiler la face que d’aller  au fond des choses.

La perspective brossée par  Emmanuel Todd ou d’autres, d’une   laïcisation progressive, au recul de la foi chrétienne répondant   celui de la foi musulmane, quoique plausible, ne doit pas nécessairement nous rassurer.  Parce que des    différences  culturelles fortes  subsisteraient, la  principale étant le registre des prénoms, et aussi du fait  que l’affaiblissement  des repères religieux peut aussi bien favoriser le  durcissement identitaire, comme le même auteur  l’a montré dans le cas de l’Allemagne  nazie. 

Bien des  traits de l’Europe actuelle peuvent s’apparenter à   des  signes de déclin : la déchristianisation,  l’attrition de  nations tenues pour un vestige du passé, voire une référence  suspecte,  fasciste ou nazie,  la désindustrialisation, la dénatalité,  le chômage endémique, la démilitarisation relative, l’absence de volonté politique propre.  L’esprit de tolérance, souvent à sens unique, la culpabilité postcoloniale, le politiquement correct  qui prévalent  actuellement  dans les élites ne favorisent  certes pas le ressaisissement.  Le christianisme  est   tenu en suspicion dans ses propres rangs et, critiqué, voire ridiculisé de toutes parts, n’a pas les moyens de faire face à la montée de l’islam.   Celle-ci  trouve l’appui de tout un arsenal idéologique fondé sur la non- discrimination ou l’antiracisme (comme si la plupart des  musulmans  n’étaient pas  de race blanche !). L’école laïque qui donnait de la viande le vendredi au temps où l’Eglise   l’interdisait  (1)   impose dans certaines villes des menus sans porc  même aux  élèves non-musulmans, comme si la minorité musulmane avait déjà réussi à imposer la charia.

Malgré son ambigüité, la  votation suisse nous laisse cependant soupçonner que la population de la vielle  Europe, quelle que soit l’attitude de ses élites, ne se laissera pas réduire à la dlimmitude   (position du minoritaire en terre d’islam)  sans régir.

Ce serait mal connaître l’histoire de   ce continent, qui a  joué un rôle si singulier dans l’émergence de la modernité, que d’imaginer qu’il pourrait laisser ses traditions les mieux établies  -   pas seulement le christianisme -, s’étioler dans la passivité. Chaque fois qu’elle  fut confrontée au risque d’être submergée par les populations ou les influences orientales ,  l’ Europe s’est in extremis ressaisie :  Marathon, les Thermopyles,  Salamine,  Platées , Actium,  plus tard  les Champs catalauniques,  Covadonga,  Poitiers,  Las Navas de Tolosa,  Lépante,   Vienne :  la liste de ces lieux de résistance est longue.

A l’inverse d’ailleurs,  l’Orient  a  fini, lui aussi, par rejeter  la romanité puis les croisés, puis Byzance,  puis la  colonisation. (Quoi que disent certains  Arabes, l’épopée d’Israêl  est trop singulière pour être amalgamée à  ces précédents.)

Le retournement, pour le meilleur et pour le pire,   s’effectue d’abord  dans les têtes.  Point de pays plus tolérant à l’islam et au judaïsme que l’Espagne du XIVe  siècle,  avant qu’une mystérieuse mutation  n’induise une réaction violente de rejet des minoritaires.  Inutile de chercher à juger ce  genre de mutation à partir de la morale  d’une époque ;  les repères basculent avec elle : ce qui était politiquement correct la veille, la tolérance en l’occurrence, cesse de l’être et inversement. Et  si cela nous  arrivait, probablement verrions-nous  les chiens de garde les plus vigilants dans la première  configuration continuer  leur office avec la même hargne  quand le paradigme a changé,  les modérés se trouvant  toujours, dans ces cas,  débordés.

De même,  le christianisme européen, tenu plusieurs   fois au cours de son histoire  pour moribond a su se ressaisir : après les invasions barbares,  puis  arabes,  au temps des déchirements  des  XVe et  XVIe siècles, après la Révolution française.

Quand s’effectuera ce réveil ? On peut penser que le plus tôt sera le mieux. Pour une raison bien simple : si d’aventure nos pays devaient arriver à un point où  musulmans et non-musulmans représenteraient  des forces  comparables  (2), on peut craindre ,  au vu des précédents de pays comme   Chypre, le Liban ou la Bosnie  que notre continent n’échapperait  pas aux affres d’une guerre civile de grande ampleur .

Les esprits  responsables comprendront que personne en Europe n’a intérêt à ce  que ce point  soit jamais  atteint.

 

Roland HUREAUX

 

1.                   L’Eglise catholique interdisait à ses fidèles de manger de la viande le vendredi jusqu’en 1966.  Les Espagnols étaient dispensés de cette règle depuis la bataille  de Lépante.

2.                   Ce qui ne signifie pas nécessairement un poids démographique équivalent : au XVIe, les protestants ne représentaient en France qu’environ 10 % de la population (mais 50 % de la noblesse ).

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commentaires

A
<br /> Vous savez comme moi que les statistiques sont parfois moins fiables qu'il n'y parait, pour diverses raisons.<br /> Pendant des décennies on nous a gavés de stat. qui dénonçaient ce que nos yeux voyaient pourtant. Alors, qui et que croire?<br /> <br /> Je vous propose, plus proche de mon évaluation, ce qui ressemble à un consensus: Lors d'un colloque à Nice le 31 octobre dernier,l'ensemble des orateurs,de Ch.Estrosi à<br /> D.Boubakeur, a parlé de "6 millions de citoyens français de sensibilité musulmane", soit près de 10%des Français.<br /> Si on ajoute les étrangers de confession ou sensibilité musulmanes(Maghrebins,Turcs, Noirs musulmans, et quelques autres -sans compter les clandestins), cela fait facilement 1,5 millions de plus,<br /> soit 7,5millions au total la "part des musulmans dans la population", -soit 12% environ- que vous évaluez, vous, à 6,5%!<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Vousévaluiezà6,5%"lapartdesmusulmansdanslapopulationdelaFrance".doncycomprislesétrangers.<br /> SionajoutelesMaghrébins,TurcsetAfricainsnoirsmusulmans<br /> <br /> <br />
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L
<br /> En général (à l'exception de M.Juppé) les gens qui tiennent des blogs répondent aux commentateurs,surtout quand il y en a peu.Pas M.Hureaux, semble-t-il. Le commentaire de P.A.Albertini posait une<br /> question pourtant intéressante. A moins que les propos de M.Hureaux soient à prendre comme parole d'Evangile?<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je vous lis généralement avec plaisir,mais j'ai bondi à la lecture du présent article quand vous estimez à 6,5% la part de population musulmane en France!!!<br /> Vous rigolez??? ça donnerait environ 4millions de personnes,alors qu'en réalité c'est au moins le double! D'où sortez-vous vos chiffres????<br /> P-A.Albertini.DLR06.<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Et le votre ?<br /> J.P.Gourévitch avance 7, 5 % .<br /> Dans l'incertitude,  je ne voulais pas, en prenant un chiffre trop  élevé,  affaiblir le reste du propos.<br /> RH<br /> <br /> <br />