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Roland HUREAUX

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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 19:47

Réflexions  sur la  Passion du Christ

 

 

Le jour du Vendredi saint, tous les chrétiens fêtent la passion du Christ.

Passion, vient de pâtir, souffrir, du grec pathein qui a donné pathétique.

C’est le jour où sont remémorés  l’arrestation, le procès, les supplices et la mort de Jésus Christ,  qui ont eu lieu probablement le  vendredi 7 avril de l’an 30,  à Jérusalem, sous   l’empereur Tibère  représenté sur place par le préfet Ponce Pilate.

Cet événement est rappelé dans toute la chrétienté par l’image de la Croix, devenue le symbole du christianisme. Depuis des siècles, les terres chrétiennes sont parsemées de crucifix.

 

Qu’est-ce qui fait que cet événement  est si  important ?

On pourrait en effet objecter: des gens qui se prenaient pour des prophètes ou des agitateurs de foule arrêtés, condamnés et exécutés, il y en a eu beaucoup dans l’histoire.

 

Ce qui fait de la mort  de Jésus Christ un événement unique est :

 

-                    d’abord le caractère particulièrement atroce des supplices  (passage à tabac par les soldats, flagellation, couronne d’épines,  portement de croix, mise en croix et mort lente sur cette croix) et du contexte (condamnation par les autorités légitimes, caractère infâmant de ce  supplice réservé aux esclaves, haine de la foule, quolibets, lâchage par les proches – sauf les femmes - , mise à nu  publique).  A-t-on infligé des supplices pires à d’autres ? Peut-être mais ce n’est pas sûr.

 

-                    ensuite par  le caractère particulier de la  victime qui apparaît dans les Evangiles comme un homme absolument innocent,  d’une parfaite bonté qui va même jusqu’à pardonner à ses bourreaux,  mais aussi un grand homme : d’une intelligence supérieure,  d’une exceptionnelle autorité, d’une grande force d’âme. Il avait l’étoffe d’un grand chef. En inscrivait sur la croix « Jésus de Nazareth, roi des Juifs », Ponce Pilate le reconnait comme digne d’être roi ; il serait le descendant en ligne directe du roi David.

 

Cet événement est plus qu’émouvant. Il est un des sommets de ce que peut avoir l’humanité d’injuste et d’absurde. L’homme le plus parfait qui ait existé, ses contemporains ne trouvent rien d’autre à faire que de le mettre à mort dans des conditions abjectes dans la force de l’âge : 30-33 ans environ !

La littérature,  l’histoire et l’actualité  nous font connaître de nombreuses  victimes de l’injustice. Mais soit le supplice est plus doux (Socrate empoisonné), soit il s’agit de gens qui n’étaient pas irréprochables, soit   il s’agit de    « pauvres types » comme les innombrables victimes des guerres : des faibles, dirait Nietzsche, un philosophe antichrétien qui pense qu’il est normal que les forts écrasent les faibles. Beaucoup, à tort, se figurent le Christ  ainsi : un « pauvre diable » trop gentil : à tort,  car les évangiles nous montrent  au contraire un homme qui respire la force et l’autorité, un type accompli d’humanité.

Cet événement est-il invraisemblable ? Hélas non ! L’histoire, la littérature, l’expérience de  la vie   nous montrent   qu’il  n’est que trop en conformité avec ce que sont  les hommes. Les plus méchants sont ceux qui vous doivent le plus, les plus détestés sont les meilleurs, de parfaites canailles ont la Légion d’honneur et toutes les réussites terrestres etc.

On pense en général que les qualités, humaines ou morales sont récompensées. C’est vrai au premier niveau. Mais pas au niveau le plus élevé :   il est inévitable que ceux qui approchent les sommets de  la perfection rencontrent une hostilité, sournoise ou ouverte, plus grande que les autres. Cela semble être malheureusement la règle plutôt que l’exception.

Les juifs de l’Ancien Testament pensèrent, dans  un premier temps, que les justes qui respectaient la Loi de Moïse, réussissaient mieux que les autres. Le Psaume 1 exprime cette confiance naïve : «Heureux est l’homme  qui se plait dans la loi de Yahvé… tout ce qu’il fait réussit ». C’est ce qui arrive aux patriarches : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph. Les premiers rois, Saül, David et Salomon sont punis parce qu’ils ont péché. Mais à mesure que le peuple juif approfondit sa foi  et qu’on avance dans la Bible, on voit de plus en plus de figures de justes persécutés : Job, les prophètes Isaïe ou Zacharie qui sont mis à mort. Puis Jean-Baptiste, le dernier des prophètes. Tous annoncent le Christ.

C’est la profondeur humaine du récit de la Passion, supérieure à celle de toutes les tragédies antiques ou modernes,  que nous devons ressentir en méditant dessus. Ce point est absolument  capital.

Inutile de dire qu’on ne trouve l’équivalent dans aucune autre religion : Hercule est mis à mort après avoir fait des travaux utiles à l’humanité mais ce sont des travaux de force, généralement guerriers et qui n’ont aucun caractère historique. Le prophète Mahomet, prêche une religion nouvelle, constitue une armée, gagne des batailles, commet des massacres et finit ses jours entouré de richesses et du symbole de la réussite, de nombreuses épouses…Il meurt dans son lit.

 

Le Vendredi Saint est-il  donc le jour le plus triste du monde ?  En un sens oui et la liturgie de ce jour exprime une infinie tristesse, en reprenant en particulier les admirables lamentations de Jérémie. Mais en un autre sens, c’est le contraire.

L’Evangile de saint Jean nous relate  en détail, aux chapitres 14à 17, ce que dit Jésus Christ à ses disciples la veille de sa mort : il répète à plusieurs reprises  «Le temps vient où  je serai glorifié », « Mon père me glorifiera et je glorifierai mon père »,   «  En étant glorifié, je vous glorifierai ».

La gloire est une notion politique : le signe de la victoire au combat contre l’ennemi.

La gloire est aussi une notion esthétique : le sommet de la beauté. La gloire de dieu, cela signifie la splendeur de Dieu.

Un roi glorieux, c’est un roi jeune et beau, qui  triomphe de ses ennemis.

Soit, en apparence,  le contraire du  Christ lors de sa  Passion.

On pourrait dire que l’Evangile de saint Jean parle de la gloire de la résurrection.  Non, en lisant le texte de  près, on voit que la glorification du Fils, c’est déjà  la Croix.

Ainsi, ce qui, aux yeux des hommes passe  pour le plus grand des échecs, est  pour l’Evangile, la plus grande gloire, la suprême victoire.

C’est là le centre du mystère chrétien.

Cette victoire, ce n’est pas le supplice en tant que tel, c’est le fait que ce supplice n’altère en rien la perfection du Christ, ni son amour des hommes. Il va même jusqu’à dire :   « Père pardonne leur, parce qu'ils ne  savent pas ce qu'ils font » ; il n’en veut pas à ses ennemis ; il n’en veut pas non plus à Dieu :   malgré un moment de désespoir  « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »,  il ne se rebelle pas    « Que non pas ma volonté,  mais  ta volonté soit faite ». Et il  dit à la fin : « Tout est consommé », ce qu’on peut comprendre comme :   «malgré tout, tout est bien ».

De ce seul fait, il « sauve »  le monde, puisque même lui, qui a connu le comble de l’injustice et de la souffrance, a échappé à la  tentation de penser que le monde était radicalement mauvais, de le condamner. 

Longtemps les  théologiens ont été sensibles à la dimension morale de cet événement.  Au XXe siècle, un grand théologien suisse,  Hans Urs  von Balthazar a écrit une   œuvre magistrale qui s'appelle « La gloire et la croix »  et qui  met   l’accent sur la dimension esthétique de ce drame : la plus grande tragédie est aussi la plus sublime histoire. La tragédie et la beauté réunies, superposées, identifiées  sur la croix.

On ne sera pas étonné que, pendant des siècles, la Passion du Christ ait  inspiré des milliers d’artistes : peintres, sculpteurs, musiciens.

Par une extraordinaire coïncidence, un photographe a fait en 1899 pour  la première fois une photo  d’une vielle relique jaune qui se trouvait  à Turin  et qu'on identifiait au  Linceul  ayant  enveloppé le Christ après sa mort. Par la double technique du  négatif et de la surexposition qui accuse les contrastes, il a trouvé sur le cliché, sans l’avoir prémédité, une admirable image du Christ mort  sur la Croix, une image à la fois profondément pathétique et profondément belle.

Ce Linceul est il authentique ? Qu’importe : il date au minimum du Moyen-âge,  une époque où personne ne connaissait ni la photographie, ni le négatif, ni la surexposition. Mais l’essentiel n’est pas  là, c’est la qualité de l’image  qui résume à elle seule le drame de la Passion et qui est un signe pour notre temps.

Face au drame de la Croix,  on pense à la mort de Molière. Il est mort en jouant Le malade imaginaire. Le public  trouvait qu’il jouait si bien qu’on se disait : « ce n'est pas possible qu'on puisse jouer si bien, il doit être  vraiment malade ». Et en effet, il l’était.

Face au  drame du  Vendredi saint, on dira : un tel drame, ce n’est pas possible  qu’il ait été inventé comme un récit littéraire : il contient tellement de vérité humaine,  tellement de profondeur morale et  spirituelle, tellement de beauté  qu’il ne peut être que véridique.

C’est ce que ressent le centurion romain  Longus  qui a assisté à tout le drame et donné le dernier coup de lance pour achever le supplicié. Juste après que le Christ ait rendu le dernier souffle,  il ne dit pas : « Maintenant, c’est fini, on n’entendra plus parler de cet imposteur »,  mais il dit au contraire, ému par ce qu’il a vu :   «  Oui, cet homme était vraiment le fils de Dieu ».

 

Roland HUREAUX

  

 

 

 

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