Allocution de Roland Hureaux au Dîner-débat qui s’est tenu à Toulouse le 3 avril 2009.
Chers compagnons, chers amis,
Je vous remercie d’avoir répondu nombreux à notre invitation à ce dîner qui se tient sous la bannière du gaullisme.
Je remercie particulièrement ceux qui viennent de loin, comme notre ami qui vient de Bordeaux et qui représente le R.I.F.
Je remercie aussi tous ceux qui ont contribué à la préparation de cet événement, en premier lieu notre compagnon Jean-Guy Dubois.
C’est malheureusement aujourd’hui un jour de grande tristesse pour les gaullistes que nous sommes : demain, 4 avril, la France se réinsère pleinement dans l’organisation intégrée de l’OTAN dont le général de Gaulle l’avait fait sortir en 1966. Et cela se passe à Strasbourg, lieu hautement symbolique de tant de combats pour l’indépendance française !
C’est un jour de deuil qui vient clore 43 années où s’est exprimée magnifiquement l’ambition gaulliste d’une France pleinement souveraine.
Comment ne pas voir, dans ce qu’il faut bien appeler une « forfaiture », la volonté de porter un coup fatal à l’œuvre du général de Gaulle ?
On cherche à minimiser cet événement, en disant que grâce à Giscard, Mitterrand, Chirac, nous avions déjà fait l’essentiel du chemin dans cette direction et que nous étions déjà intégrés à 90 %. Peut-être, mais il y a la force du symbole : 100 %, c’est infiniment plus que 90 % !
Il n’y a pas que le symbole ; il y a aussi la réalité : cette intégration implique l’osmose des états-majors. Nos grands chefs militaires comprendront assez vite que leurs vrais patrons, ceux dont dépendent leur carrière ne sont plus à Paris mais à Bruxelles ou plutôt à Washington. Cela est d’autant plus vrai que l’OTAN que nous retrouvons en 2009 est infiniment plus intégrée que celle que nous avions quittée en 1966.
On nous dit que les temps ont changé et qu’il faut s’adapter, que les idées de De Gaulle étaient bonnes il y a quarante ans mais qu’elles ne le sont plus aujourd’hui. Justement. Relisons la conférence de presse du 23 février 1966.
« D’autre part tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mondiale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une expression telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas l’Europe dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France si l’imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tel ou tel de ses ports dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps. »
Les principaux arguments que le général de Gaulle donne pour justifier sa prise de distance sont, on le voit, non seulement toujours vrais mais encore plus vrais aujourd’hui qu’alors !
Le premier : il disait que la guerre froide s’était apaisée du fait de la détente : aujourd’hui il n’y a plus de guerre froide et d’excellents esprits se demandent à quoi sert encore l’OTAN ! J’ai assisté un jour à une conférence d’un général américain qui disait froidement qu’elle servait à mieux « contrôler » les alliés !
Le second : il disait qu’il fallait se méfier de la propension des Etats-Unis aux aventures risquées. Il parlait du Vietnam où, à la rigueur, la politique d'endiguement di communisme pouvait se défendre, même si on en contestait les méthodes. Mais aujourd’hui, c’est de l’Afghanistan qu’il s’agit. Or tout le monde sait que cette guerre ne sert à rien : aucun attentat important ne s’est préparé dans ce pays lointain ; et comme le rappelait récemment le premier ministre du Canada, faucon repenti, cette guerre ne peut être gagnée ; elle finira donc mal. Malgré ces perspectives inquiétantes, les deux chefs d’Etat les plus médiatisés aujourd’hui, Obama et Sarkozy, sont d’accord pour y envoyer des renforts ! Où va-t-on ?
Il est un troisième argument avancé par le général, passé inaperçu alors : « la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire à son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée ». Autrement dit un pays dont la défense n’est plus la sienne n’a plus la volonté de faire de sacrifices, notamment financiers et par là il n’est pus utile à ses alliés. Cela est d’une brûlante actualité : le Livre blanc de la défense nationale prévoit à la fois un accroissement de notre intégration (dans l’OTAN, dans l’ONU, dans l’Europe de la défense etc.) et une diminution d’1/2 point de PIB de notre effort de défense. Tout cela est hélas cohérent. A contrario, la France indépendante, celle que le général de Gaulle avait émancipée de la tutelle américaine, avait été, s’en souvient-on ? le meilleur soutien des Etats-Unis en 1980-1984 dans la crise des euromissiles. Les pays « intégrés » dans l’OTAN ou neutres, devenus des « chiffes molles » étaient alors prêts à céder au chantage soviétique et aux sirènes du pacifisme et sans le France, l’Amérique se serait retrouvée seule.
A côté des mauvais arguments en faveur de cette réintégration, il y a les illusions :
Celle d’une meilleure protection de la France. Contre qui ? L’alliance atlantique, qui est un pacte distinct de l’OTAN, et dont le général n’est jamais sorti, ne suffirait-elle donc pas ? Si l’ennemi à redouter n’est pas une puissance nucléaire, ne pouvons nous aussi bien nous défendre seuls ? Et s’il en est une, qui peut croire – et cela était aussi vrai au temps de la guerre froide – que les Etats-Unis risqueront une conflagration générale pour défendre qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes ?
L’illusion d’une meilleure défense par la coopération. Mais on sait qu’avec des budgets de plus en plus réduits, cette coopération n’ira pas loin; au contraire la mutualisation entraine toujours, en ce domaine comme en d’autres , l’irresponsabilité et le laisser aller.
Plus grande illusion encore, celle de peser plus. Tout le monde sait et cela est aussi vrai en politique internationale qu’en politique intérieure qu’on ne vous prend au sérieux que quand on sait que vous n’êtes pas « à la botte ». Sinon vous n’avez qu’à fermer votre gueule et c’est ce dont nos dirigeants sont en train en train de s’apercevoir. On ne fait jamais de cadeaux à ceux qui sont acquis d’avance. Et quant au reste du monde, sur toute une série d’enjeux majeurs, comme le Proche-Orient ou l’Asie centrale, nos partenaires du Tiers monde auront vite compris que la voix de la France n’est plus que « la voix de son maître ». Ils ne l’écouteront plus.
Autre volet capital du démantèlement de l’œuvre du général de Gaulle : les institutions de la Ve République.
Pour la première fois depuis la révolution (avec l’exception de la IIIe république qui avait paru, elle aussi, assurer un temps la stabilité), la France n’avait plus de problème institutionnel. Elle se rapprochait ainsi des Etats-Unis qui ont la même constitution depuis 222 ans. Et voilà, que, sans nécessité, sous l’effet du prurit du changement pour le changement, cet équilibre a été remis en cause. Montesquieu disait qu’on ne devait toucher aux lois que la main tremblante. A fortiori les lois constitutionnelles. Il y a longtemps que cela a été oublié.
En juillet dernier, plus de 30 articles de la constitution ont été révisés d’un coup. Ce forfait s’est accompli à une voix de majorité. Qui est le traitre ? Ce peut être n’importe lequel de ceux qui ont voté pour. La gauche s’en est pris à Jack Lang qui fut il est vrai, comme membre de la commission Balladur, le principal inspirateur du nouveau texte. On pourrait aussi bien évoquer François-Xavier Vilain que son vote en faveur de la révision n’a pas empêché d’être élu il y a quelques semaines vice-président de « Debout la république » sur la recommandation instante de son président.
Si Sarkozy avait pu faire une sixième république, nul doute qu’il l’aurait fait. Mais c’était trop tôt : ce sera pour la prochaine fois.
On voit déjà les effets désastreux de cette réforme : l’affaiblissement du premier ministre, l’impuissance du gouvernement à faire passer ses projets : à trois reprises ces dernières semaines, il s’est trouvé désavoué. C’est dire la légèreté du président dans cette affaire qui, voulant agir pour agir, n’a rein trouvé d’autre à faire que de se couper les mains. On peut s’en réjouir dans la mesure où les projets bloqués par les députés étaient, comme la plupart, de mauvais projets (le statut de beaux parents, les privilèges des stock-options, la réglementation de la toile etc.). Mais le jour où la France aura à nouveau un gouvernement digne de ce nom, présentant de bons projets pour réformer la France dans le bon sens, il aura aussi les mains coupées. Et c’est ce que le général de Gaulle voulait éviter. Si le gouvernement est mauvais, disait-il, qu’importent les institutions ; elles n’y changeront rien. Mais s’il est bon, il ne faut pas qu’il se trouve relégué dans l’impuissance comme ce fut le cas sous la IVe république. Tel était l’esprit de la constitution. C’est fini.
Pourquoi cet acharnement à défaire, à « déconstruire » comme disent les philosophes, l’œuvre du général de Gaulle ?
La haine du général ? Elle existe certainement chez certains enthousiastes du président actuel, dont les plus vieux sont nostalgiques de Vichy. Pas chez lui, je crois : de Gaulle, tout simplement, il s’en fiche.
Mais il y a la vanité. Un thuriféraire de choc du président (on peut aussi bien dire une « cireuse de pompes » !), une certaine Nadine Moreno disait il y a quelques jours : « Il y a eu Napoléon, puis De Gaulle ; maintenant il y a Sarkozy : je ne vois rien d ‘autre dans l’histoire de France». Cela se passe de commentaires. Le grand général fut un fondateur, le petit avocat veut être un refondateur.
Mais je crois qu’il y a davantage dans cet acharnement: l’exécution d’un plan national et international pour faire rentrer la France « dans le rang », ramener la brebis égarée au bercail (comme si le gaullisme avait été un « égarement » !), couper la tête au coq gaulois, en tous les cas lui rabattre le caquet, pour qu’il cesse d’être en de multiples circonstances un trouble fête. Un trouble fête comme le fut si brillamment Dominique de Villepin lors de son discours à l’ONU contre la guerre d’Irak, un Villepin dont nous nous réjouissons qu’il revienne aujourd’hui en politique.
A la suite de cette dernière affaire, Mme Condolezza Rice a suggéré que la France pouvait être un Etat-voyou ». On sait ce qui arrive à un état-voyou qui s’avise de contester ce qu’Hubert Védrine appelle l’ « hyperpuissance » : d’abord les sanctions, puis la vitrification sous les bombardements. Pour la France on n’aurait pas osé en faire autant : elle est tout de même un vieil allié et surtout une puissance nucléaire. Ceux qui alors voulaient nous « réduire » savaient que le vieux Chirac n’en avait plus pour longtemps. Il suffisait d’attendre et de s’assurer que son successeur, lui, serait à la botte, par exemple en poussant médiatiquement une rivale un peu godiche et donc facile à battre : suivez mon regard.
J’ai failli dire que ces forces voulaient s’assurer que le nouveau président serait un ami des Etats-Unis. En disant cela, je laisserais entendre que nous serions, nous les gaullistes, leurs ennemis. Non, nous sommes nous aussi des amis des Etats-Unis. En tous les cas moi. Mais l’amitié n’est pas l’inféodation. Il est des amis qui vous considèrent comme un ennemi si vous n’êtes d’accord avec vous qu’à 90 %. Je crains que cela ne soit le cas de nos alliés d’outre Atlantique ? Le vertige de la puissance sans doute. C’est dommage. Ce n’est pas une raison pour ne pas rester nous-mêmes, que cela leur plaise ou non.
Mais la remise en cause actuelle de l’œuvre du général de Gaulle va plus loin.
Le gaullisme, ce n’est pas seulement des instituions stables, le souci de l’indépendance nationale, c’est aussi et surtout le sens de l’Etat et c’est une étique.
Le sens de l’Etat, c’est la dignité de ceux qui le représentent, c’est l’opposé de la vulgarité et du bling bling, de ces pitreries qui, n’en doutez pas, font un tort considérable à l’image de la France dans le monde.
L’Elysée ne servait pas au temps de De Gaulle à promouvoir les chansonnettes de Tante Yvonne !
Il acceptait rarement les invitations : ce n’est pas lui qui se serait invité chez un milliardaire étranger suspect de liens avec les narcotrafics !
Aujourd’hui règne une inquiétante promiscuité entre le sommet de l’Etat et le monde des affaires, ce qui n’est pas tout à fait nouveau, mais aussi entre le sommet de l’Etat et le show business, qui fait qu’on ne sait pas où se terminent les affaires sérieuses et où commencent les amusements, qui est l’homme d’Etat et qui est le pitre. Brigitte Bardot allait quelquefois à l’Elysée du temps du général, dans certaines réceptions destinées aux personnalités du spectacle, mais cela s’arrêtait là, elle n’y avait pas ses entrées quotidiennes, grandes et petites, et ne se mêlait pas de la politique de la France
Le gaullisme, une étique : on sait aujourd’hui mieux qu’à l’époque ce qu’étaient les extraordinaires vertus privées du général, cet homme qui remboursait à la cagnotte de l’Elysée la soupe qu’il prenait en tête à tête avec son épouse hors des cérémonies officielles ou le goûter de ses petits enfants – le Canard enchaîné lui-même l’a reconnu !
L’homme politique était alors là pour servir et non pas se servir.
La conséquence de ces dérives : de mauvaises politiques.
De plus en plus de réformes mais presque aucune de bonne.
Tout bouger, tout le temps, n’importe comment : voilà le mot d’ordre.
Sans compter les effets d’annonces multipliés et généralement non suivis d’actes. On vous a dit dix fois qu’il fallait mieux contrôler le système bancaire, mais en fait on n’a rien fait (alors que les Américains et les Anglais, dans ce domaine, eux, ont agi). On « roule les mécaniques » sur la sécurité dans les banlieues mais de plus en plus de voitures brûlent au nouvel an. Ce tourbillon qui ressemble à de la réforme mais qui n’en est pas se trouve à des années lumières des grandes réformes des années soixante : peu nombreuses, bien pesées et, généralement bonnes.
Comment s’étonner que rien n’avance, puisque la machine de l’Etat, qui est le ressort de l’action publique est en train d’être détruite. Ne fait-on pas tout pour démoraliser les fonctionnaires ?
La force de la fonction publique française (et d’une partie du secteur privé comme les professions libérales), c’était la fierté d’appartenir à un corps, un corps où ceux qui y entraient n’avaient d’autre ambition que d’y atteindre l’excellence : un marin mettait sa gloire à devenir un bon marin, un gendarme un bon gendarme, un énarque voulait devenir un grand commis des l’Etat, un ingénieur du génie rural faire progresser le monde rural, un ingénieur des ponts faire de beaux ouvrages d’art , un instituteur laisser un bon souvenir chez ses anciens élèves etc.
La ligne directrice de la réforme de l’Etat depuis vingt ans, c’est la destruction de ces corps, porteur de hautes traditions et par là la destruction de ces vertus qu’ils inspiraient sans qu’il soit nécessaire d’exercer une contrainte, c’est l’instauration, à la place de cet amour du travail bien fait, de ce qu’on appelle la « culture du résultat », ce qui veut dire la multiplication d’indicateurs chiffrés de toutes sortes, tous aussi artificiels les uns que les autres et le plus souvent mensongers. La culture du résultat, c’est la culture du mensonge.
J’entendais récemment des gendarmes dans un bistrot dire à la cantonade qu’on ne leu demandait plus que de faire du chiffre, de la statistique, et de délaisser les choses intéressantes qui n’ont pas d’expression statistique comme par exemple de passer trois semaines à rechercher le voleur d’une voiture. Si on se lance dans ce genre d’investigation, on n’est pas sûr d’y arriver et si on n’y arrive pas, cela fera trois semaines de perdues pour les statistiques, alors que coincer un automobiliste qui roule à 96 au lieu de 90, ça, c’est du résultat…Mais les voleurs sauront vite que s’ils ne sont pas pris sur le fait, ils ne risquent rien. Et tout est à l’avenant.
Ces corps que l’on détruit sont supposés archaïques parce qu’ils ne correspondent pas au modèle américain tenu pour le meilleur. Et pourtant tel sénateur du Texas a dit récemment que si les effets de la crise étaient atténués en France, c’était grâce au modèle français spécifique et le dit sénateur de le proposer en exemple aux Américains ! Mais nos élites s’en fichent : tout ce qui vient d’Amérique – ou supposé tel – est bon. Tout ce qui émane des traditions françaises est archaïque et donc mauvais par définition.
Pour détruire ces corps aux traditions fortes, la grande mode est de les fusionner : ingénieurs des ponts et du génie rural, gendarmes et policiers, instituteurs et professeurs, demain avocats et notaires etc.
Il est significatif que les grandes réformes soient confiées à des hommes culturellement sinon politiquement d’extrême gauche : la réforme constitutionnelle à Jack Lang, celle des armées à un socialiste proche de Jospin, Jean-Claude Mallet, celle des lycées au directeur de Sciences Po : Richard Descoings ; l’inspirateur principal de la politique universitaire française depuis huit ans est un ancien trotskiste etc. Car on sait que quand il s’agit de détruire – le modèle français en l’occurrence -, ces gens là sont plus efficaces que d’autres. Marx nous disait déjà dit que l’hypercapitalisme était un le plus grand des révolutionnaires. Pour paraphraser l’Evangile (j’espère que je ne blasphème pas en cette veille de semaine sainte !), le sarkozysme n’est pas venu pour abolir mais accomplir mai 68 !
Ce à quoi nous aspirons, nous les gaullistes, se résume en définitive à peu de choses : que la France soi dirigée par des gens sérieux qui feront une politique sérieuse et des réformes vraiment utiles.
Cela veut dire qu’on en fasse peu.
Cela veut dire qu’on en fasse des bonnes : qu’elles soient bien pensées et bien mûries pour qu’on soit sûr qu’elles représentent un vrai progrès ;
Cela veut dire que l'on sache les expliquer au peuple les yeux dans les yeux à la télévision – comme après de Gaulle, Giscard qui n’avait pas tous les défauts, savait si bien le faire.
Cela veut dire, quand on est sûr que ces réformes sont bonnes, qu’on ne lâche pas tout à la première contestation, comme on vient de le faire avec la seule bonne idée de ce gouvernement en matière scolaire et universitaire, la suppression des IUFM.
Et pour résumer tout cela, il faut des réformes qui ne soient pas faites pour la galerie, pour la com’ mais pour améliorer (je ne dis pas changer, je dis améliorer !) les choses au fond.
De tout cela, vous voyez combien nous sommes loin.
Alors oui, nous ne sommes pas contents. Alors oui, les gaullistes sont en colère. Alors oui, les Français sont en colère. Et ils ont bien raison de l’être.
Mais dit-on, le gaullisme, c’est le passé : il faut être de son temps. A quoi je réponds, à quoi nous répondons : non le gaullisme ce n’est pas le passé, c’est le présent. C’est le présent car c’est tout ce qui marche encore en France – et même en Europe.
Tout ce qui fait aujourd’hui encore (et pour combien de temps ?) la force de la France – et celle de l’Europe, c’est l’héritage du général de Gaulle, en tous les cas des années d’après-guerre : une industrie aéronautique qui est devenue la première du monde ; l’espace, le nucléaire, le pétrole.
Tout cela n’est pas du passé. Tout cela existe, nous en récoltons les fruits.
Ces réalités industrielles que j’évoque, une région en a particulièrement profité, c’est celle de Toulouse. A Toulouse tout le monde devrait être gaulliste ! Sans le général, pas d’industrie aéronautique, sans industrie aéronautique, Toulouse ne serait sans doute qu’une ville administrative de dimension moyenne. Il y a l’aéronautique, il y a aussi l’espace, modèle de coopération européenne telle que la voulait le général de Gaulle « fondée sur les réalités et non point sur les chimères » : elle marche parce qu’elle se construit loin des règlements de Bruxelles ; elle marche parce qu’il y a un pays leader, la France en l’occurrence. Comment se fait-il que les maires de Toulouse, les anciens comme l’actuel ne se réclament pas haut et fort du général de Gaulle ? Voilà bien des ingrats.
Pour réaliser ces prodiges sur lesquels nous vivons encore, il y avait trois choses : une forte volonté politique (au lieu du laisser faire, laisser aller qui prévaut aujourd’hui), une politique industrielle (un gros mot à Bruxelles !), un secteur d’Etat servant de pilote (là aussi une incongruité pour les ultralibéraux).
A ces cartes maîtresses de la France d’aujourd’hui, j’ajoute l’agriculture, qui fut en son temps dopée par le marché commun agricole fondé sur la préférence communautaire et l’autosuffisance alimentaire. Le marché commun agricole n’aurait jamais vu le jour si le général n’avait contraint nos partenaires à honorer la signature qu’ils avaient apposée lors du traité de Rome. Contrairement à ce qui se dit, le général n’était pas contre l’Europe ; mais pour lui ce devait être une Europe conforme aux intérêts de la France. Les Etats-Unis ne voulaient pas du marché commun agricole ; nos partenaires, sous influence, préféraient finalement qu’il reste lettre morte. C’est grâce à la forte volonté du général que le marché commun a vu le jour et tout ce qui existe aujourd’hui en matière d’institutions européennes est parti de là. C'est-à-dire que le vrai père de l’Europe, comme le reconnaissait récemment un grand européen, l’archiduc Otto de Habsbourg, ce n’est pas Jean Monnet, c’est Charles de Gaulle. En disant cela, je ne veux pas dire évidemment que le général approuverait aujourd’hui toutes les dérives de ce qu’est devenu la machinerie de Bruxelles et que nous ne connaissons que trop bien….
Or c’est précisément tout cet héritage, moral, politique, diplomatique, industriel qui est aujourd’hui menacé par l’abandon des principes gaullistes.
Avec de Gaulle et Pompidou, la France s’industrialisait Avec Sarkozy, elle se désindustrialise. Les usines ferment ou sont délocalisée à vitesse grand V : Arcelor-Mittal, Valeo, Continental, Sony etc. Tout le monde ne s’en rend pas compte mais la situation est dramatique.
A Nîmes, il y a deux ans, un entrepreneur de 80 ans s’est suicidé quand il a appris que son successeur délocalisait entièrement en Tunisie une usine qui employait 500 personnes et qu’il avait édifiée de ses propres mains: toute l’œuvre de sa vie était anéantie !
La défense de l’industrie française devrait être la priorité absolue d’un gouvernement digne de ce nom, d’un gouvernement n’ayant d’autre règle, comme tout gouvernement qui se respecte, que de défendre les intérêts français. Cela suppose sans doute une remise en cause de la politique monétaire, de la politique bancaire, de la politique de la concurrence. Sur tous ces sujets, on entend les coups de gueule de notre président et rien ne suit.
Défendre le tissu industriel français devrait être, je n’hésite pas à le dire, une grande cause nationale.
Y compris, osons le mot, par un protectionnisme ciblé, français ou de préférence européen. Y compris, s’il le faut, par la mise en cause de l’euro (à moins que M.Trichet révise drastiquement sa politique pour l’adapter aux intérêts de tous les pays membres et pas seulement de l’Allemagne, disons plutôt des retraités allemands.)
Je ne suis pas le seul à dire tout cela. Louis Gallois, président d’EADS, un excellent homme qui partage la plupart de nos idées, a dit récemment combien la politique de l’euro menaçait l’industrie aéronautique, notamment le tissu des sous-traitants qui constitue l’armature industrielle du Sud-Ouest, de Bayonne à Castres, de Figeac à Bordeaux et naturellement Toulouse.
Vous le savez, nous sommes très loin de tout cela.
De grâce, ne laissons pas à Mélenchon le monopole de rappeler les valeurs gaullistes, comme il l’a fait récemment en déplorant publiquement, à ma grande honte, le silence des gaullistes.
Un paradoxe quand on sait qu’il vient de l’aile la plus sectaire du Parti socialiste.
Un parti socialiste qui refuse la confiance au gouvernement Fillon parce qu’il réintègre l’OTAN, ce qu’on ne saurait lui reprocher mais qui apparait comme un singulier paradoxe quand on sait que le même parti socialiste, appelé SFIO, l’avait refusée en 1966 à De Gaulle parce qu’il quittait l’OTAN !
Le PS qui s’était opposé mordicus à la force de frappe française, défendant la souveraineté militaire française : on aura tout vu !!
Il faut que les gaullistes fassent entendre leur voix.
Il le faut à l’occasion de ces élections européennes, une occasion unique pour des mouvances comme la notre en raison du système électoral, de se faire entendre.
Il le faudra en d’autres occasions.
C’est pour cela qu’avec d’autres, avec Paul-Marie Coûteaux à Paris, avec Alain Bournazel, avec Joël Rigolât et d’autres encore, avec Jean-Guy Dubois ici présent, nous avons décidé de faire entendre une voix gaulliste. Je dis bien gaulliste. Le gaullisme dépasse de loin la dimension de tel ou tel groupuscule, de telle ou telle chapelle. Il ne se réduit pas, comme certains voudraient nous l’imposer dans cette région, à la défense de la chasse à la tourterelle ! Je dis gaullisme, je dis gaulliste, je ne dis pas comme certains « gaulliste et républicain » comme s’il fallait en rajoutant quelque chose s’excuser d’être gaulliste tout court !
Nous ne nous référons pas à Philippe Dupont, à Nicolas Le Joli, à Déclan Machinhose, à Tartempion. Nous nous référons à Charles de Gaulle et cela nous suffit.
Et comme nous le disait Pierre Messmer peu avant sa mort, ne nous lassons pas de dénoncer les contrefaçons !
Je sais bien que parmi les vieux militants gaullistes - certains sont ici mais pas tous - , il y a qui, en voyant tout ce qui se passe, en voyant toutes les contrefaçons qui encombrent la vieille boutique, ont la tentation du découragement, la tentation de se résigner, de tout laisser tomber, parfois la tentation de collaborer avec tel ou tel pouvoir en place qui assure les carrières ou attribue les circonscriptions..
Mais que ceux-là sachent que l’esprit de résistance doit surmonter ces tentations. L’esprit de résistance, avant d’être la reconquête de la patrie, c’est la conquête de soi, c’est un immense effort, c’est ce qui donne la force de surmonter la tentation toujours présente de l’abandon. .
C’est à ce prix là que nous pourrons œuvrer au redressement du pays.
Car le pays a besoin de nous. Il a besoin de gens comme nous, comme vous.
Le Sud-Ouest a besoin de nous.
La France a besoin de nous, elle a besoin de vous comme le monde a besoin de la France.
Vive la République !
Vive la France !