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Roland HUREAUX

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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 23:11

 

 

 

Allocution de Roland Hureaux  au Dîner-débat qui s’est tenu à Toulouse le 3 avril 2009.

 

 

Chers compagnons, chers amis,

 

Je vous remercie d’avoir répondu nombreux à notre invitation à ce dîner qui se tient sous la bannière du gaullisme.

Je remercie particulièrement ceux qui viennent de loin, comme notre ami qui vient de Bordeaux et qui représente le R.I.F.

Je remercie aussi tous ceux qui ont contribué  à la préparation de cet événement, en premier lieu  notre compagnon Jean-Guy Dubois.

C’est malheureusement aujourd’hui un jour de grande tristesse pour les gaullistes que nous sommes : demain, 4 avril, la France  se réinsère pleinement dans  l’organisation intégrée de l’OTAN dont le général de Gaulle l’avait fait sortir en 1966. Et cela se passe à Strasbourg,  lieu hautement symbolique de tant de  combats pour l’indépendance française !  

C’est un jour de deuil qui vient clore 43 années où s’est exprimée magnifiquement l’ambition gaulliste d’une France pleinement souveraine.

Comment ne pas voir, dans ce qu’il faut bien appeler une « forfaiture »,  la volonté de porter un coup fatal à l’œuvre du général de Gaulle ?

On cherche à minimiser cet événement, en disant que grâce à Giscard, Mitterrand, Chirac, nous avions déjà fait l’essentiel  du chemin  dans cette direction et que nous étions déjà intégrés à 90 %. Peut-être,  mais il y a la force du symbole : 100 %, c’est infiniment plus que 90 % !

Il n’y a pas que le symbole ; il y a aussi  la réalité : cette intégration implique l’osmose des états-majors. Nos grands chefs militaires comprendront assez vite que leurs vrais patrons, ceux dont dépendent leur carrière ne sont plus à Paris mais à Bruxelles ou plutôt à Washington. Cela est d’autant plus vrai que l’OTAN que nous retrouvons en 2009 est infiniment plus intégrée que celle que nous avions quittée en 1966.

On nous dit que les temps ont changé et qu’il faut s’adapter,  que les idées de De Gaulle étaient bonnes il y a quarante ans mais qu’elles ne le sont  plus aujourd’hui. Justement. Relisons  la conférence de presse du 23 février 1966.  

« D’autre part tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mondiale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une expression telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas l’Europe dont la stratégie est, dans l’OTAN, celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France si l’imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tel ou tel de ses ports dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps. »

Les principaux arguments que le général de Gaulle donne pour justifier sa prise de distance sont, on le voit,  non seulement toujours vrais mais encore plus vrais aujourd’hui qu’alors !

Le premier : il disait que la guerre froide s’était apaisée du fait de la détente : aujourd’hui il n’y a plus de guerre froide et d’excellents esprits se demandent à quoi sert encore l’OTAN ! J’ai assisté un jour à une conférence d’un général américain qui disait froidement qu’elle servait à mieux « contrôler » les alliés !

Le second : il disait qu’il fallait se méfier de la propension des Etats-Unis aux aventures risquées. Il parlait du Vietnam où, à la rigueur, la politique d'endiguement di communisme pouvait se défendre, même si on en contestait les méthodes. Mais aujourd’hui, c’est de l’Afghanistan qu’il s’agit. Or tout le monde sait que cette guerre ne sert à rien : aucun attentat important ne s’est préparé dans ce pays lointain ; et comme le rappelait récemment le premier ministre du Canada, faucon repenti, cette guerre ne peut être gagnée ;  elle  finira donc mal. Malgré ces perspectives inquiétantes,  les deux chefs d’Etat les plus médiatisés aujourd’hui, Obama et Sarkozy,  sont d’accord pour y envoyer des renforts ! Où va-t-on ?

Il est un troisième argument avancé par le général, passé inaperçu alors : « la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire à son propre rôle  et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée ». Autrement dit un pays dont la défense n’est plus la sienne n’a plus la volonté de faire de sacrifices, notamment financiers et par là il n’est pus utile à ses alliés. Cela est d’une brûlante actualité : le Livre blanc de la défense nationale prévoit à la fois un accroissement de notre intégration (dans l’OTAN, dans l’ONU, dans  l’Europe de la défense etc.) et une diminution d’1/2 point de PIB de notre effort de défense. Tout cela est hélas  cohérent. A contrario, la France indépendante, celle que le général de Gaulle avait émancipée de la tutelle américaine, avait été, s’en souvient-on ?  le meilleur soutien des Etats-Unis en 1980-1984  dans la crise des euromissiles. Les pays « intégrés » dans l’OTAN ou neutres, devenus des « chiffes molles » étaient alors  prêts à céder au chantage soviétique et aux sirènes du pacifisme et sans le France, l’Amérique se serait retrouvée seule.  

A côté des mauvais arguments en faveur de cette réintégration, il y a les illusions :

Celle d’une meilleure protection de la France. Contre qui ? L’alliance atlantique, qui est un pacte distinct de l’OTAN, et dont le général n’est jamais sorti,  ne suffirait-elle donc pas ? Si l’ennemi à redouter n’est pas une puissance nucléaire, ne  pouvons nous aussi bien nous défendre seuls ?  Et s’il en est une, qui peut croire – et cela était aussi vrai au temps de la guerre froide  – que les Etats-Unis risqueront une conflagration générale pour défendre qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes ?

L’illusion d’une meilleure défense par la coopération. Mais on sait qu’avec des budgets de plus en plus réduits, cette  coopération n’ira  pas loin; au contraire  la mutualisation  entraine toujours, en ce domaine comme en d’autres ,  l’irresponsabilité et le laisser aller.  

Plus grande illusion encore, celle de peser plus. Tout le monde sait et cela est aussi vrai en politique internationale qu’en politique intérieure qu’on ne vous prend au sérieux que quand on sait que vous n’êtes pas « à la botte ». Sinon vous n’avez qu’à fermer votre gueule et c’est ce dont nos dirigeants sont en train en train de  s’apercevoir. On ne fait jamais  de cadeaux à ceux qui sont acquis d’avance. Et quant au reste du monde, sur toute une série d’enjeux majeurs, comme le Proche-Orient ou  l’Asie centrale, nos partenaires du Tiers monde auront vite compris que la voix de la  France n’est plus que « la voix de son maître ». Ils ne l’écouteront plus.

 

Autre volet capital du démantèlement de l’œuvre du général de Gaulle : les institutions de la Ve République.

Pour la première fois depuis la révolution (avec l’exception de la IIIe république qui avait paru, elle aussi, assurer un temps la stabilité), la France n’avait plus de problème institutionnel. Elle se rapprochait ainsi des Etats-Unis qui ont la même constitution depuis 222 ans. Et voilà, que, sans nécessité, sous  l’effet du   prurit du changement pour le changement, cet équilibre a été remis en cause. Montesquieu disait qu’on ne devait toucher aux lois que la main tremblante. A fortiori les lois constitutionnelles. Il y a longtemps que cela a été oublié.

En juillet dernier, plus de 30 articles de la constitution ont été révisés d’un coup. Ce forfait s’est accompli à une voix de majorité. Qui est le traitre ?  Ce peut être n’importe lequel de ceux qui ont voté pour.  La gauche s’en est pris à  Jack Lang qui fut il est vrai, comme membre de la commission Balladur,  le principal inspirateur  du nouveau texte. On pourrait aussi bien  évoquer François-Xavier Vilain que son vote en faveur de la révision n’a pas empêché d’être élu il y a quelques semaines  vice-président de « Debout la république » sur la recommandation instante de son  président.

Si Sarkozy avait pu faire une sixième république, nul doute qu’il l’aurait fait. Mais c’était trop tôt : ce sera pour la prochaine fois.

On voit déjà les effets désastreux de cette réforme : l’affaiblissement du premier ministre, l’impuissance du gouvernement à faire passer ses projets : à trois reprises ces dernières semaines, il s’est trouvé  désavoué. C’est dire la légèreté du président dans cette affaire qui, voulant agir pour agir, n’a rein trouvé d’autre à faire  que de  se couper les mains. On peut s’en réjouir dans la mesure où les projets bloqués  par les députés étaient, comme la plupart, de mauvais projets (le statut de beaux parents, les privilèges des  stock-options, la réglementation de la toile  etc.). Mais le jour où la France aura à nouveau un gouvernement digne de ce nom, présentant de bons projets pour réformer la France dans le bon sens, il aura aussi les mains coupées. Et c’est ce que le général de Gaulle voulait éviter. Si le gouvernement est mauvais, disait-il, qu’importent  les institutions ; elles n’y changeront rien. Mais s’il est bon, il ne faut pas qu’il se trouve relégué dans l’impuissance comme ce fut le cas sous la IVe république. Tel était l’esprit de la constitution. C’est fini.

Pourquoi cet acharnement à défaire, à « déconstruire » comme disent les philosophes,  l’œuvre du général de Gaulle ?

La haine du général ?  Elle existe certainement  chez certains enthousiastes du président actuel,  dont  les plus vieux sont nostalgiques de Vichy. Pas chez lui, je crois : de Gaulle, tout simplement, il s’en fiche.  

Mais il y a la vanité. Un thuriféraire de choc du président (on peut aussi bien dire  une « cireuse de pompes » !), une certaine Nadine Moreno disait il y a quelques jours : « Il y a eu Napoléon, puis De Gaulle ; maintenant il y a Sarkozy : je ne vois rien d ‘autre dans l’histoire de France». Cela se passe de commentaires. Le grand général fut un fondateur, le petit avocat   veut être un refondateur.

Mais je crois qu’il y a davantage dans cet acharnement: l’exécution d’un plan national et international pour faire rentrer la France « dans le rang », ramener la brebis égarée au bercail (comme si le gaullisme avait été un « égarement » !), couper la tête au coq gaulois, en tous les cas lui rabattre le caquet, pour qu’il cesse d’être en de multiples circonstances un trouble fête. Un trouble fête comme le fut si brillamment Dominique de Villepin lors de son discours à l’ONU contre la guerre  d’Irak, un Villepin dont nous nous réjouissons qu’il revienne aujourd’hui  en politique. 

A la suite de cette dernière affaire, Mme Condolezza Rice a suggéré que la France pouvait être  un Etat-voyou ». On sait ce qui arrive à un état-voyou qui s’avise de contester ce qu’Hubert Védrine appelle l’ « hyperpuissance » : d’abord les sanctions, puis la vitrification sous les bombardements. Pour la France on n’aurait pas osé en faire autant : elle est tout de même un vieil allié et surtout  une puissance nucléaire. Ceux qui alors  voulaient nous « réduire » savaient que le vieux  Chirac n’en avait plus pour longtemps. Il suffisait d’attendre et de   s’assurer que son successeur, lui,  serait  à la botte, par exemple en poussant médiatiquement une rivale un peu godiche et donc facile à battre : suivez mon regard.

J’ai failli dire que ces forces voulaient s’assurer que le nouveau président serait un ami des Etats-Unis. En disant cela, je laisserais entendre que nous serions, nous les gaullistes,  leurs ennemis. Non, nous sommes nous aussi des amis des Etats-Unis. En tous les cas moi.  Mais l’amitié n’est pas l’inféodation. Il est des amis qui vous considèrent comme un ennemi si vous n’êtes d’accord avec vous qu’à 90 %. Je crains que cela ne soit le cas de nos alliés d’outre Atlantique ? Le vertige de la puissance sans doute. C’est dommage. Ce n’est pas une raison pour ne pas rester nous-mêmes,  que cela leur  plaise ou non.

Mais la remise en cause actuelle  de l’œuvre du général de Gaulle va plus loin.

Le gaullisme, ce n’est pas seulement des instituions stables, le souci de l’indépendance nationale, c’est aussi et surtout le sens de l’Etat et c’est  une étique.

Le sens de l’Etat, c’est  la dignité de ceux qui le représentent, c’est  l’opposé de la vulgarité et du bling bling, de ces pitreries qui, n’en doutez pas, font un tort considérable à l’image de la France dans le monde.  

L’Elysée ne servait pas au temps de De Gaulle à promouvoir les chansonnettes de Tante Yvonne !

Il acceptait rarement les invitations : ce n’est pas lui qui se serait invité chez un milliardaire étranger suspect de liens avec les narcotrafics !

Aujourd’hui règne une inquiétante  promiscuité entre le sommet de l’Etat et le monde des affaires, ce qui n’est pas tout à fait nouveau,  mais aussi entre le sommet de l’Etat et le show business, qui fait qu’on ne sait pas où se terminent  les affaires sérieuses et où commencent les amusements,  qui est l’homme d’Etat et qui est le pitre. Brigitte Bardot allait quelquefois  à l’Elysée du temps du général, dans certaines  réceptions  destinées aux personnalités du spectacle,  mais cela s’arrêtait là, elle n’y avait pas ses entrées quotidiennes,  grandes et petites,  et ne se mêlait pas de la politique de la France

Le gaullisme,   une étique : on sait aujourd’hui mieux qu’à l’époque ce qu’étaient les extraordinaires   vertus privées du général, cet homme qui remboursait à la cagnotte de l’Elysée la soupe qu’il prenait en tête à tête avec  son épouse hors  des cérémonies officielles ou le goûter de ses petits enfants – le Canard enchaîné lui-même l’a reconnu !

L’homme politique était alors  là pour servir et non pas se servir.

 

La conséquence de ces dérives : de mauvaises politiques.

De plus en plus de réformes mais presque aucune de bonne.

Tout bouger, tout le temps, n’importe comment : voilà le mot d’ordre.

Sans compter les  effets d’annonces multipliés et généralement non suivis d’actes. On vous a dit dix fois qu’il fallait mieux contrôler le système bancaire,  mais en fait on n’a rien fait (alors que les Américains et les Anglais, dans ce domaine, eux,  ont agi). On « roule les mécaniques »   sur la sécurité dans les banlieues  mais de plus en plus de voitures brûlent au nouvel an. Ce tourbillon qui ressemble à de la réforme mais qui n’en est pas se trouve  à des années lumières des grandes réformes des années soixante : peu nombreuses, bien pesées et, généralement bonnes.

 

Comment s’étonner que rien n’avance, puisque la machine de l’Etat, qui est le ressort de l’action publique est en train d’être détruite. Ne fait-on pas tout pour démoraliser les fonctionnaires ?

La  force de la fonction publique française   (et d’une partie du secteur privé comme les professions libérales), c’était la fierté d’appartenir à un corps, un corps où ceux qui y entraient n’avaient d’autre ambition que d’y atteindre l’excellence : un marin mettait sa gloire à devenir un bon marin, un gendarme un bon gendarme, un énarque voulait devenir un grand commis des l’Etat,  un ingénieur du génie rural faire progresser le monde rural, un ingénieur des ponts faire de beaux ouvrages d’art , un instituteur laisser un bon souvenir chez ses anciens élèves  etc.

La ligne directrice de la réforme de l’Etat depuis vingt ans, c’est la destruction de ces corps, porteur de hautes traditions et par là la destruction de ces vertus qu’ils inspiraient sans qu’il soit nécessaire d’exercer une contrainte, c’est l’instauration, à la place  de cet amour du travail bien fait,  de ce qu’on appelle la  « culture du résultat », ce qui veut dire  la multiplication d’indicateurs chiffrés de toutes sortes, tous aussi artificiels les uns que les autres et le plus souvent mensongers.  La culture du résultat, c’est la  culture du mensonge.

J’entendais récemment des gendarmes dans un bistrot  dire à la cantonade  qu’on ne leu demandait plus que de faire du chiffre,  de la statistique, et de délaisser les choses intéressantes qui n’ont pas d’expression statistique comme par exemple de passer trois semaines à rechercher le voleur d’une voiture. Si on se lance dans ce genre d’investigation, on n’est pas sûr d’y arriver et si on n’y arrive pas, cela fera trois semaines de perdues pour les statistiques, alors que coincer un automobiliste qui roule à 96 au lieu de 90, ça, c’est du résultat…Mais les voleurs sauront vite que s’ils ne sont pas pris sur le fait, ils ne risquent rien. Et tout est à l’avenant.

Ces corps que l’on détruit sont supposés archaïques parce qu’ils ne correspondent pas au modèle américain tenu pour  le meilleur. Et pourtant tel sénateur du Texas a dit récemment que si les effets de la crise étaient atténués en France, c’était grâce au modèle français spécifique  et le dit sénateur de le  proposer en exemple aux Américains !  Mais nos élites s’en fichent : tout ce qui vient d’Amérique – ou supposé tel – est bon. Tout ce qui émane des traditions françaises est archaïque et donc mauvais par définition.

Pour détruire ces corps aux traditions fortes, la grande mode est de les fusionner : ingénieurs des ponts et du génie rural, gendarmes et policiers, instituteurs et professeurs, demain avocats et notaires etc. 

Il est significatif que les grandes réformes soient confiées à des hommes culturellement sinon politiquement  d’extrême gauche : la réforme constitutionnelle à Jack Lang, celle des armées à un socialiste proche de Jospin, Jean-Claude Mallet, celle des lycées au directeur de Sciences Po : Richard Descoings ; l’inspirateur principal de la politique universitaire française depuis huit ans est un ancien trotskiste etc. Car on sait que quand il s’agit de détruire – le modèle français en l’occurrence -, ces gens là  sont plus efficaces que d’autres. Marx nous disait déjà dit que l’hypercapitalisme  était un le plus grand des révolutionnaires. Pour paraphraser l’Evangile (j’espère que je ne blasphème pas en cette veille de semaine sainte !), le sarkozysme n’est pas venu pour abolir mais accomplir mai 68 !

Ce à quoi nous aspirons, nous les gaullistes, se résume en définitive à peu de choses : que la France soi dirigée par des gens sérieux qui feront une politique sérieuse et  des réformes vraiment utiles.

Cela veut dire qu’on en fasse peu.

Cela veut dire qu’on en fasse des bonnes : qu’elles soient bien pensées et bien  mûries pour qu’on soit sûr qu’elles représentent un vrai progrès ;

Cela veut dire que l'on sache les expliquer  au peuple les yeux dans les yeux  à la télévision – comme après de Gaulle, Giscard qui n’avait pas tous les défauts,  savait si bien le faire.

Cela veut dire, quand on est sûr que ces réformes sont bonnes, qu’on ne lâche pas tout  à la première  contestation, comme on vient de le faire avec la seule bonne idée de ce gouvernement en matière scolaire et universitaire, la suppression des IUFM.

Et pour résumer tout cela, il faut des réformes qui ne soient pas faites pour la galerie, pour la com’ mais pour améliorer (je ne dis pas changer,  je dis améliorer !) les choses au fond.

De tout cela, vous voyez combien nous sommes loin.

Alors oui, nous ne sommes pas contents. Alors oui, les gaullistes sont en colère. Alors oui,  les Français sont en colère. Et ils ont bien raison de l’être.

Mais dit-on, le gaullisme, c’est le passé : il faut être de son temps. A quoi je réponds, à quoi nous répondons : non le gaullisme ce n’est pas le passé, c’est le présent. C’est le présent car c’est tout ce qui marche encore en France – et même en Europe.

Tout ce qui fait aujourd’hui encore (et pour combien de temps ?) la force de la France – et celle de l’Europe, c’est l’héritage du général de Gaulle, en tous les cas des années d’après-guerre : une industrie aéronautique qui est devenue la première du monde ; l’espace, le nucléaire,  le pétrole.

 Tout cela n’est pas du passé. Tout cela existe, nous en récoltons les fruits.

Ces réalités industrielles que j’évoque, une région en  a particulièrement profité, c’est celle de Toulouse. A Toulouse tout le monde devrait être gaulliste !  Sans le général, pas d’industrie aéronautique, sans industrie aéronautique, Toulouse ne serait sans doute qu’une ville administrative de dimension  moyenne. Il y a l’aéronautique, il y a aussi l’espace, modèle de coopération européenne telle que la voulait le général de Gaulle « fondée sur les réalités et non point sur les chimères » : elle marche parce qu’elle se construit loin des règlements de Bruxelles ; elle marche parce qu’il y a un pays leader, la France en l’occurrence. Comment se fait-il que les maires de Toulouse, les anciens comme l’actuel ne se réclament pas haut et fort du général de Gaulle ? Voilà bien des ingrats.

Pour réaliser ces prodiges sur lesquels nous vivons encore,  il y avait trois choses : une forte volonté politique (au lieu du laisser faire, laisser aller qui prévaut aujourd’hui), une politique industrielle (un gros mot  à Bruxelles !), un secteur d’Etat servant de pilote (là aussi une incongruité pour les ultralibéraux).

A ces cartes maîtresses de la France d’aujourd’hui,  j’ajoute l’agriculture, qui fut en son temps dopée   par le marché commun agricole  fondé sur la préférence communautaire et l’autosuffisance alimentaire. Le marché commun agricole  n’aurait jamais vu le jour si le général n’avait contraint nos partenaires à honorer la signature qu’ils avaient apposée lors du traité de Rome. Contrairement à ce qui se dit, le général n’était pas contre l’Europe ; mais pour lui ce devait être une Europe conforme aux intérêts de la France. Les Etats-Unis ne voulaient pas du marché commun agricole ; nos partenaires, sous influence, préféraient finalement qu’il reste lettre morte. C’est grâce à la forte volonté du  général que le marché commun a vu le jour et tout ce qui  existe aujourd’hui en matière d’institutions européennes est parti de là. C'est-à-dire que le vrai père de l’Europe, comme le reconnaissait récemment un grand européen, l’archiduc Otto de Habsbourg, ce n’est pas Jean Monnet, c’est Charles de Gaulle.  En disant cela, je ne veux pas dire évidemment que le général    approuverait aujourd’hui toutes les dérives de ce qu’est devenu la machinerie de Bruxelles et que nous ne connaissons que trop bien….

Or c’est précisément tout cet héritage, moral, politique, diplomatique, industriel qui est aujourd’hui menacé par l’abandon des principes gaullistes.

Avec de Gaulle et Pompidou, la France s’industrialisait  Avec Sarkozy, elle se désindustrialise. Les usines ferment ou sont délocalisée à vitesse grand V : Arcelor-Mittal, Valeo, Continental, Sony etc. Tout le monde ne s’en rend pas compte mais la  situation est dramatique.  

A Nîmes, il y a deux ans, un entrepreneur de 80 ans s’est suicidé quand il a appris que son successeur délocalisait entièrement  en Tunisie une usine qui employait 500 personnes et qu’il avait édifiée de ses propres mains: toute l’œuvre de sa vie était  anéantie !

La défense de l’industrie française devrait être la priorité absolue d’un gouvernement digne de ce nom, d’un gouvernement n’ayant  d’autre règle, comme tout gouvernement qui se respecte, que de défendre les intérêts français. Cela suppose sans doute une remise en cause de  la politique monétaire, de la politique bancaire, de la politique de la concurrence. Sur tous ces sujets, on   entend les coups de gueule de notre président et rien  ne suit.  

Défendre le tissu industriel français devrait être, je n’hésite pas à le dire,  une grande cause nationale.

Y compris, osons  le mot, par un  protectionnisme ciblé, français ou de préférence européen. Y compris, s’il le faut, par la mise en cause de l’euro (à moins que M.Trichet révise drastiquement sa politique pour l’adapter aux intérêts de tous les pays membres et  pas seulement de l’Allemagne, disons plutôt des retraités allemands.)

Je ne suis pas le seul à  dire tout cela. Louis Gallois, président d’EADS, un excellent homme qui partage la plupart de nos idées,  a dit récemment combien la politique de l’euro menaçait l’industrie aéronautique, notamment le tissu des sous-traitants qui constitue l’armature industrielle du Sud-Ouest,  de Bayonne à Castres, de Figeac à Bordeaux et naturellement Toulouse.

Vous le savez, nous sommes très loin de tout cela.

De grâce, ne laissons pas à Mélenchon le monopole de rappeler les valeurs gaullistes, comme il l’a fait récemment en déplorant publiquement,  à ma grande honte,  le silence des gaullistes.

Un paradoxe quand on sait qu’il vient de l’aile la plus sectaire du Parti socialiste.

Un parti socialiste qui refuse la confiance au gouvernement  Fillon parce qu’il réintègre l’OTAN, ce qu’on ne saurait lui reprocher mais qui apparait comme un singulier paradoxe quand on sait que le même parti socialiste, appelé SFIO,  l’avait refusée en 1966  à De Gaulle parce qu’il quittait  l’OTAN !

Le  PS qui s’était  opposé mordicus à la force de frappe française, défendant  la souveraineté militaire française : on aura tout vu !!

Il faut que les gaullistes fassent entendre leur voix.

Il le faut à l’occasion de ces élections européennes, une occasion unique pour des mouvances comme la notre en raison du système électoral,  de se faire entendre.  

Il le faudra en d’autres occasions.  

C’est pour cela qu’avec d’autres,  avec Paul-Marie Coûteaux à Paris, avec Alain Bournazel, avec Joël Rigolât et  d’autres encore, avec Jean-Guy Dubois ici présent, nous avons décidé de faire entendre une voix gaulliste. Je dis  bien gaulliste. Le gaullisme dépasse de loin  la dimension de tel ou tel groupuscule, de telle ou telle chapelle. Il ne se réduit pas, comme certains voudraient nous l’imposer dans cette région,  à la défense de la chasse à la tourterelle !  Je dis  gaullisme, je dis gaulliste, je ne dis pas comme certains « gaulliste et républicain »  comme s’il fallait en rajoutant quelque chose s’excuser d’être    gaulliste tout court !  

Nous ne nous référons pas à Philippe Dupont,  à  Nicolas Le Joli, à Déclan Machinhose,  à Tartempion. Nous nous  référons à Charles de Gaulle et cela nous suffit.

Et comme nous  le disait Pierre Messmer peu avant sa mort, ne nous lassons pas de dénoncer les contrefaçons !

Je  sais bien que parmi les vieux militants gaullistes -  certains sont ici mais pas tous - ,  il y a qui,  en voyant tout ce qui se passe,  en voyant toutes les contrefaçons qui encombrent la vieille boutique, ont la tentation du découragement, la tentation de se résigner,  de tout laisser tomber, parfois  la tentation de collaborer avec tel ou tel pouvoir en place qui assure les carrières  ou attribue les circonscriptions..

Mais que ceux-là  sachent que l’esprit de résistance doit surmonter ces tentations. L’esprit de résistance, avant d’être la reconquête de la patrie, c’est  la conquête de soi, c’est un immense effort, c’est ce qui donne la force de surmonter la tentation toujours présente de l’abandon. .

C’est à ce prix là que nous pourrons œuvrer  au redressement du pays.

Car le pays a besoin  de nous. Il a besoin de gens comme nous, comme vous.

Le Sud-Ouest a besoin de nous.

La France a besoin de nous, elle a besoin de vous comme le monde a besoin de la France.

Vive la République !

Vive la France !

 

 

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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 23:07


Les récentes polémiques relatives aux déclarations du pape Benoît XVI ont montré l’ignorance où se trouvent beaucoup de nos contemporains, pas seulement les journalistes, de la manière dont se posent les questions morales. Pour dire les choses de manière carrée, toute question morale peut être posée sur quatre registres différents : le bien, le moindre mal, la miséricorde, les politiques publiques.

Le bien

Le premier de ces registres est celui du bien dans l’absolu.

Une société où personne ne ferait violence à personne, où tous les hommes s’aimeraient et s’entraideraient comme des frères, nul doute que cela  soit le bien dans ce qu’il a d’absolu. Cela implique entre les hommes peut-être pas l’égalité mais au moins la justice, la courtoisie, la solidarité.

Qu’en est-il de la relation de l’homme et de la femme ? Françoise Sagan dont les romans ne contribuèrent pas peu à la révolution sexuelle dit une fois : « Si tout était à recommencer, je voudrais n’avoir connu qu’un seul homme ; nous nous serions rencontrés jeunes et nous aurions vieilli ensemble. » On aura reconnu là l’idéal du mariage chrétien.

Que, dans le cadre d’une relation exclusive de ce genre, faire l’amour dans la plus totale confiance et sans aucune sorte d’artefact, soit le mieux, qui en disconviendra ?

À vrai dire, nos contemporains se mettraient assez facilement d’accord sur ce qu’est le bien en soi. Mais tous ne sont pas d’accord sur le point de savoir si cet idéal peut être atteint ou non. Les uns pécheront par excès d’idéalisme, en supposant qu’une société parfaitement harmonieuse est possible, quitte à s’abandonner à de dangereuses utopies. D’autres seront au contraire exagérément pessimistes, pensant par exemple que l’harmonie entre l’homme et la femme est un rêve impossible, qu’un mariage réussi n’existe pas en ce bas monde.

Le moindre mal


Le second registre où se déploie la réflexion morale est celui du moindre mal ou comme on disait autrefois celui de la casuistique ou étude des cas. Une expression à laquelle Pascal a fait une mauvaise presse, dénonçant les abus que, selon lui, les jésuites en faisaient et qui, pourtant, désigne un exercice nécessaire. Le Talmud lui-même n’est-il pas d’abord un vaste manuel de casuistique élaboré à partir de l’absolu de la Torah, la loi, laquelle en reste pour l’essentiel au premier registre ?

Pourquoi l’étude des cas ? Parce que, hélas, la vie morale ne se déroule pas dans un monde parfait, mais dans un univers déjà marqué par le péché et parfois gravement. Quelque bonne volonté que j’aie, je vis dans un monde où pullulent les violents, les voleurs, les menteurs, les adultères et je suis obligé de faire avec. Si je suis attaqué seul, je peux à la rigueur suivre le précepte évangélique « Ne résistez  pas au méchant ». Si ma femme et mes enfants sont attaqués, si mes compatriotes sont agressés, ce précepte ne peut plus s’appliquer. J’ai non seulement le droit mais même le devoir de défendre ceux qui sont agressés et cela en ayant recours à mon tour, le cas échéant, à la violence. Tuer n’est certainement pas devenu un bien mais peut être dans certains cas le moindre mal.

Si une pauvre femme voit ses enfants mourir de faim, voler pour les nourrir est juste. C’est en tous cas le moindre mal.

Il vaut certes mieux qu’une prostituée s’amende et renonce à son négoce. Mais si elle n’y renonce pas, utiliser le préservatif pour se protéger et protéger ses partenaires est sans aucun doute pour elle, non seulement un droit mais un devoir. Ce n’est pas le bien mais c’est là aussi le moindre mal.

Mais où est le moindre mal ? La réponse est rarement claire.  Cette question est à étudier au cas par cas en fonction des temps et des lieux. La casuistique n’est pas seulement affaire de raisonnement, elle est aussi affaire de discernement, de mesure, parfois d’intuition. Elle tient compte en tous les cas des situations concrètes.

La miséricorde


Le troisième registre de la morale est celui de la miséricorde. Elle est une composante essentielle de l’héritage juif et chrétien – et même de l’islam qui a repris à son compte l’expression biblique « Dieu le miséricordieux, le compatissant ».  Dieu est miséricordieux pour les pécheurs nous disent les testaments, l’ancien et encore plus le nouveau, et il nous demande de l’être à notre tour « C’est la miséricorde que je demande et non point le sacrifice » (Os 6,6), « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Mt 7,1). L’Église est le ministre de cette miséricorde. Une miséricorde qui s’exerçait, il faut bien le dire, plus facilement dans les sociétés où tout le monde était d’accord sur  ce qu’étaient  le bien et le mal.

Aujourd’hui, les choses sont moins simples. Comme jamais dans le passé, la nature du bien est l’objet de controverses, en particulier en matière sexuelle et familiale. L’Église est dès lors, plus que dans le passé, obligée de jouer le rôle rébarbatif de qui rappelle la règle morale car personne le fera à sa place : elle semble alors manquer à la miséricorde. Depuis le commencement, l’Église tient ce double discours : rappel de la règle, annonce du pardon en mettant selon les temps et les lieux l’accent tantôt sur l’un tantôt sur l’autre.

Mais cela, du fait de l’inculture chrétienne, est de plus en plus ignoré. C’est ce qui conduisit une fois tel journal du soir, en recherche de scoop,  à titrer stupidement « Les évêques de France changent de position sur la contraception » alors qu’ils s’étaient contentés de passer du registre du bien en soi à celui de la miséricorde.

Cette miséricorde, est-il nécessaire de le rappeler ? est sans mesure, aussi immense que Dieu lui-même. « Comme est loin l’Orient de l’Occident, il efface de nous nos péchés » (Ps 103). Mais elle suppose que le pécheur se repentisse, qu’il reconnaisse son tort et donc qu’il accepte la règle morale, qu’il ne s’enferme pas, comme il arrive souvent, dans un processus sans fin d’auto-justification.

Les politiques publiques

S’agissant de la morale individuelle, on a fait le tour de la question avec ces trois registres. Il en existe cependant un quatrième, proprement politique. La question est la manière dont les pouvoirs publics doivent se comporter face à telle ou telle règle morale. Doivent-ils la traduire en loi civile, assortie au besoin de sanctions pénales, ou engager telle ou telle politique publique pour en favoriser le respect, les deux options n’étant pas d’ailleurs incompatibles : la sobriété au volant fait l’objet de sanctions lourdes en cas de manquement mais aussi d’une propagande insistante. Doivent-ils au contraire s’abstenir de légiférer et laisser les individus libres face à leur conscience ?

Un certain libéralisme promeut cette dernière position au motif que la morale serait une affaire privée, qu’au nom de la « laïcité », l’État n’aurait pas à imposer tel ou tel choix, que les tenants de telle out telle confession n ‘auraient pas à étendre leurs options morales aux autres.

Le raisonnement libéral ne prend pas en compte que la morale, y compris la morale chrétienne, ne fait, pour l’essentiel, que prescrire les règles d’une vie sociale harmonieuse, la coexistence pacifique et la solidarité des hommes en société. Or cela est aussi l’objet de la loi civile. Personne n’en doute s’agissant du Code de la route. La corrélation est aujourd’hui moins évidente (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existe pas) en matière de morale sexuelle. D’où les polémiques qui existent à ce sujet.

L’idée d’une laïcisation de la morale  est d’autant plus étrangère à l’Église qu’elle n’a jamais prétendu avoir une morale propre,  que sa morale n’est rien d’autre que la « loi naturelle » qu’il lui revient de rappeler mais seulement par subsidiarité, quand les autres autorités sociales l’ont perdue de vue. Le principal théologien qui se soit penché sur la morale, saint Thomas d’Aquin, ne fit pour l’essentiel que reprendre la morale d’Aristote, tenue pour universelle sous la réserve de quelques ajustements comme en  ce qui concerne l’esclavage

Même si la morale et la loi civile se recouvrent assez largement, un certain décalage a toujours existé. Il est ainsi des règles morales qui ne sont que rarement sanctionnées par la loi. Si personne ne nie que le mensonge, quel qu’il soit, soit moralement mauvais, il n’est sanctionné dans aucune société dès lors qu’il n’a pas de caractère solennel. Dans le droit positif français, il ne l’est que dans les cas les plus graves : faux serment, dénonciation calomnieuse, tromperie sur les marchandises, propagation de fausses nouvelles etc.

Mais hors le cas des fautes bénignes, la limite entre ce qui est du ressort de la morale privée, individuelle ou familiale et ce qui est du ressort de la loi varie d’une société à l’autre. Le droit du chef de famille de châtier sa femme et ses enfants  fut longtemps admis par la société, sur le modèle romain, comme quelque chose qui n’était pas du ressort de l’Etat. Aujourd’hui, ce dernier est heureusement de plus en plus mobilisé contre les violences conjugales ou la maltraitance des enfants.

S’agissant de l’avortement, l’évolution est inverse : longtemps tenu pour une affaire d’État, il est considéré par la majorité de nos concitoyens comme une affaire privée. La loi a suivi sur ce sujet l’évolution des mentalités, malgré l’opposition de l’Église. Derrière cette question se trouve un débat plus fondamental : qui est l’autre qu’il faut respecter dans la vie en société ? Est-ce seulement la personne inscrite à l’état-civil ou bien faut-il inclure l’enfant conçu et pas encore né ? Le devoir du respect d’autrui n’est pas aujourd’hui mis en cause dans les politiques  publiques ; il se durcit même si l’on considère la toute nouvelle interdiction de fumer dans les lieux publics ; mais le périmètre de prise en compte d’autrui, le « périmètre civique » est objet de débat. Au temps d’Aristote, les esclaves en étaient exclus ; aujourd’hui, pour beaucoup, les enfants à naître. Le christianisme a toujours tendu à élargir ce périmètre.

Dès qu’il est question de l’avortement, on ne sait jamais sur quel registre se situe le débat. « Êtes-vous pour ou contre l’avortement ? » ne veut rien dire. Dans l’absolu, bien peu de gens le considèrent comme un acte positif (premier registre) et aucun pays d’Europe n’a adopté le régime de la permissivité totale qui prévaut aux États-Unis depuis 1973. La vraie question politique (quatrième registre) est : quel statut légal doit-il avoir ? Doit-il faire l’objet d’une interdiction pure et simple ou bien, même si on le considère comme un acte mauvais, faut-il ouvrir la porte à une certaine tolérance ?

Même une encyclique aussi rigoureuse qu’Evangelium vitae (1995) laisse sur ce sujet la porte entrebâillée (n. 71). Tout en rappelant avec insistance la gravité de l’avortement et le caractère absolu du droit à la vie dès la conception, elle reconnait que « le rôle de la loi civile est certainement différent de la morale et de portée plus limitée » et que « les pouvoirs publics peuvent parfois renoncer à réprimer ce qui provoquerait par son interdiction un dommage plus grave ». Elle envisage ainsi de manière incidente la possibilité d’une « tolérance légale de l’avortement et de l’euthanasie », tout en précisant que cette tolérance ne saurait se fonder ni sur la reconnaissance d’un droit,  ni sur le vœu d’une majorité. Il n’est question là ni du  bien en soi, ni même de la  miséricorde. Si on rejoint  la logique du moindre mal, ce n’est pas   au niveau du   choix individuel,  mais  seulement  de l’attitude que doivent adopter les pouvoirs publics.

 
À côté des lois, il y a les politiques publiques. Quand le pape a récemment  répondu à des questions de journalistes dans l’avion qui le menait au Cameroun, il n’a pas porté un jugement sur la légitimité du préservatif. Il ne s’est placé sur aucun des trois premiers registres. Il s’est placé uniquement sur le plan politique. Il n’a pas nié — à la différence de l’évêque d’Orléans (qui a reconnu son erreur) et contrairement à ce que certains Occidentaux ont fait semblant de comprendre pour pouvoir mieux se déchaîner contre lui —, que l’usage d’un préservatif par un homme un jour  soit  efficace pour protéger cet homme ce jour-là. Il a porté un jugement critique sur une politique de prévention qui se réduirait à la distribution massive de préservatifs, la seule qui soit préconisée par les organisations internationales et pratiquée dans les pays développés.

Promouvoir le préservatif dans les milieux les plus menacés par le sida est sans doute nécessaire. Mais si cette promotion s’adresse à l’ensemble de la société, ne revient-elle pas de manière subliminale à poser comme normatif un comportement à risque et donc à favoriser l’épidémie ? Dans les pays d’Afrique, les organisations caritatives, dont la majorité sont catholiques, associent la distribution du préservatif (la logique du moindre mal) à l’éducation à une sexualité responsable, cela en plein accord avec les gouvernements africains. C’est ce primat de l’éducation et de l’amour qu’a rappelé le pape : « Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec la distribution de préservatifs. Si on n'y met pas l'âme, si on n'aide pas les Africains, on ne peut résoudre ce fléau. »

Le problème est que le jugement à porter en matière de politique publique ne peut être lui aussi que très délicat. Il s’appuie sur une connaissance du terrain : on ne peut par exemple raisonner de la même manière dans un village africain où le cachet d’aspirine est déjà un luxe et dans une société de consommation comme la nôtre. Il suit, comme la casuistique dont il se rapproche, la logique du moindre mal, laquelle dépend d’une appréciation des réalités qui ne peut être que complexe.

L’Église, qui s’est toujours attachée , non seulement à sauver les âmes,  mais aussi à élever le niveau de l’humanité dans toutes ses composantes et l’a fait au cours des siècles en adoucissant la condition de l’esclave (Antiquité),   en promouvant le mariage monogame et l’exogamie  (Haut Moyen-Âge), puis en instituant l’Université (XIIe siècle), l’école secondaire (Ignace de Loyola, XVIe siècle) puis primaire (Jean-Baptiste de la Salle, XVIIe siècle), l’hôpital (Vincent de Paul, XVIIe siècle), doit suivre un chemin étroit en évitant deux écueils : celui d’un irréalisme qui ne tiendrait pas assez compte de l’humanité réelle — c’est ce qu’on lui reproche  en matière de sexualité —, et celui du laxisme qui, en  prenant au contraire cette  humanité réelle  trop en compte, l’encouragerait à demeurer dans son état de stagnation — c’est ce qu’on lui a souvent  reproché dans le passé en matière sociale, notamment du côté  de la « théologie de la libération ».  Elle cherche à servir de levier (de « levain dans la pâte » dit l’Évangile) mais le levier ne doit pas casser. L’exercice est délicat ; il suppose lui aussi du discernement.

On peut regretter que ceux qui rapportent tel ou tel jugement moral ou telle ou telle prise de position de l’Église ne précisent pas sur lequel de ces quatre registres se situe le débat. Compte-tenu du manque d’éducation de nos contemporains sur ces questions, il vaudrait mieux qu’ils le fassent. Mais les autorités morales, en premier lieu l’Église elle-même, devraient aussi prendre en compte cette ignorance et, les premières, prendre l’initiative d’être plus explicites. À coup sûr certains malentendus seraient ainsi évités.

Roland HUREAUX 

 

 

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 15:25

Le 4 avril à Strasbourg, sera rendue officielle la décision du  président Sarkozy de réintégrer pleinement la France dans le dispositif militaire de l’OTAN, dont le général de Gaulle l’avait sortie en 1966.

Il est de bon ton de minimiser l’enjeu en disant que la France, à la suite des petits pas de ses prédécesseurs immédiats, cette réintégration  a déjà fait les trois quarts du chemin.  C’est oublier la valeur des symboles: une intégration à 100 % représent , qu’on le veuille ou non, la mise à mort  de la « différence française » qui a longtemps donné tout son  poids  à la voix de la France dans le  monde et , d’ailleurs, tous ceux qui, en France et à l’étranger,   souhaitent cette mise à mort ne cachent pas leur jubilation.  Le sommet de Strasbourg du 4 avril doit célébrer le plein  retour de la « brebis égarée » au bercail  Comme si la posture gaulliste n’avait été qu’un égarement !   Un autre changement capital se produira  dans la tête de notre haut commandement militaire quand il aura compris que ses chefs ne sont plus à l’Elysée mais à Bruxelles et à Washington.

Malgré des sondages de complaisance s’efforçant de prouver le contraire, tout le  monde sait que l’opinion   est hostile à cette réintégration.    

Malgré les réticences de beaucoup, les députés du parti majoritaire, à l’exception de quelques vois courageuses, ont par leur vote du 17 mars dernier approuvé cette réintégration.

Comment ne pas voir là, de la part d’un parti dont le courant principal ose encore se réclamer du gaullisme, un honteux reniement. Comment ces gens ont-ils pu donner leur aval à un   acte  qui vise de manière aussi directe le démantèlement de l’oeuvre du général de Gaulle ?  

Auront-ils à en rendre compte un jour comme ceux qui votèrent la confiance  à  Pétain le 10 juillet 1940 ?

Les deux choses ne sont pas de même ordre, dit-ton. Dans les deux cas pourtant, c’est de l’indépendance nationale qu’il s’agit. Et qui sait comment finira cette affaire ?  Les deux raisons que le général donna en 1966 à son retrait  du dispositif militaire intégré de l’OTAN,   sont aujourd’hui plus valables que jamais. La première : l’alliance atlantique n’a plus de raison d’être avec la détente et le recul  de la menace soviétique : aujourd’hui cette menace a disparu !   La seconde : les Américains ont une propension à l’aventure dans laquelle nous ne devons pas nous laisser entraîner. Il pensait alors au Vietnam, pas encore à l’Afghanistan.

Propension à l’aventure ?  Les deux vedettes de la scène contemporaine,   Obama et Sarkozy, qui presque chaque jour  font la une des journaux,  ont tous les deux le projet fou de renforcer le corps expéditionnaire en Afghanistan !  Alors même qu’aucun stratège sérieux, aucun homme politique lucide ( comme vient de le rappeler récemment le premier ministre du Canada) ne pense que la guerre qui est menée là puisse être jamais gagnée. Alors qu’aucun policier engagé dans la lutte contre le terrorisme ne pense sérieusement  que c’est dans la vallée de Kandahar qu’elle se joue.

Quelle catastrophe aurions-nous donc à redouter ? Une  embuscade retentissante qui discréditerait durablement les armes de l’Occident ? Qui sait ? Mais il y a pire : que le Pakistan, Etat  de 200 millions d’habitants, Etat nucléaire devienne à son tour un état terroriste  (à comparer avec  l’Irak  de Saddam Hussein non nucléaire et de 20 millions) !

Nous lançons un appel solennel à tous ceux qui savent ce que le général de Gaulle a apporté à notre pays  de  manifester par tous les moyens leur colère devant l’acte grave qui va se commettre dans les jours prochains.

« Puisque toujours tout recommence toujours » comme disait Charles de Gaulle, nous leurs demandons de se tenir prêt à un nouveau combat  pour la reconquête de la souveraineté nationale.

Un combat qui commencera le 4 avril et qui ne saurait s’ achever que par la restauration de la liberté française.

Car la France a traversé les siècles. Quant on l’a cru finie, elle  a su renaître.  En dépit de tout , elle a survécu.  Tous ceux qui ont voulu étouffer sa voix n’y sont pas parvenus.

Ils n’y parviendront pas cette fois encore.

Vive la France !

 

 Roland HUREAUX

 

 

 

  

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 15:25

 

 

Le 4 avril à Strasbourg, sera rendue officielle la décision du  président Sarkozy de réintégrer pleinement la France dans le dispositif militaire de l’OTAN, dont le général de Gaulle l’avait sortie en 1966.

Il est de bon ton de minimiser l’enjeu en disant que la France, à la suite des petits pas de ses prédécesseurs immédiats, cette réintégration  a déjà fait les trois quarts du chemin.  C’est oublier la valeur des symboles: une intégration à 100 % représent , qu’on le veuille ou non, la mise à mort  de la « différence française » qui a longtemps donné tout son  poids  à la voix de la France dans le  monde et , d’ailleurs, tous ceux qui, en France et à l’étranger,   souhaitent cette mise à mort ne cachent pas leur jubilation.  Le sommet de Strasbourg du 4 avril doit célébrer le plein  retour de la « brebis égarée » au bercail  Comme si la posture gaulliste n’avait été qu’un égarement !   Un autre changement capital se produira  dans la tête de notre haut commandement militaire quand il aura compris que ses chefs ne sont plus à l’Elysée mais à Bruxelles et à Washington.

Malgré des sondages de complaisance s’efforçant de prouver le contraire, tout le  monde sait que l’opinion   est hostile à cette réintégration.    

Malgré les réticences de beaucoup, les députés du parti majoritaire, à l’exception de quelques vois courageuses, ont par leur vote du 17 mars dernier approuvé cette réintégration.

Comment ne pas voir là, de la part d’un parti dont le courant principal ose encore se réclamer du gaullisme, un honteux reniement. Comment ces gens ont-ils pu donner leur aval à un   acte  qui vise de manière aussi directe le démantèlement de l’oeuvre du général de Gaulle ?  

Auront-ils à en rendre compte un jour comme ceux qui votèrent la confiance  à  Pétain le 10 juillet 1940 ?

Les deux choses ne sont pas de même ordre, dit-ton. Dans les deux cas pourtant, c’est de l’indépendance nationale qu’il s’agit. Et qui sait comment finira cette affaire ?  Les deux raisons que le général donna en 1966 à son retrait  du dispositif militaire intégré de l’OTAN,   sont aujourd’hui plus valables que jamais. La première : l’alliance atlantique n’a plus de raison d’être avec la détente et le recul  de la menace soviétique : aujourd’hui cette menace a disparu !   La seconde : les Américains ont une propension à l’aventure dans laquelle nous ne devons pas nous laisser entraîner. Il pensait alors au Vietnam, pas encore à l’Afghanistan.

Propension à l’aventure ?  Les deux vedettes de la scène contemporaine,   Obama et Sarkozy, qui presque chaque jour  font la une des journaux,  ont tous les deux le projet fou de renforcer le corps expéditionnaire en Afghanistan !  Alors même qu’aucun stratège sérieux, aucun homme politique lucide ( comme vient de le rappeler récemment le premier ministre du Canada) ne pense que la guerre qui est menée là puisse être jamais gagnée. Alors qu’aucun policier engagé dans la lutte contre le terrorisme ne pense sérieusement  que c’est dans la vallée de Kandahar qu’elle se joue.

Quelle catastrophe aurions-nous donc à redouter ? Une  embuscade retentissante qui discréditerait durablement les armes de l’Occident ? Qui sait ? Mais il y a pire : que le Pakistan, Etat  de 200 millions d’habitants, Etat nucléaire devienne à son tour un état terroriste  (à comparer avec  l’Irak  de Saddam Hussein non nucléaire et de 20 millions) !

Nous lançons un appel solennel à tous ceux qui savent ce que le général de Gaulle a apporté à notre pays  de  manifester par tous les moyens leur colère devant l’acte grave qui va se commettre dans les jours prochains.

« Puisque toujours tout recommence toujours » comme disait Charles de Gaulle, nous leurs demandons de se tenir prêt à un nouveau combat  pour la reconquête de la souveraineté nationale.

Un combat qui commencera le 4 avril et qui ne saurait s’ achever que par la restauration de la liberté française.

Car la France a traversé les siècles. Quant on l’a cru finie, elle  a su renaître.  En dépit de tout , elle a survécu.  Tous ceux qui ont voulu étouffer sa voix n’y sont pas parvenus.

Ils n’y parviendront pas cette fois encore.

Vive la France !

 

 Roland HUREAUX

 

 

 

  

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 15:19

 

Si l’efficacité d’une action politique se mesure au bruit médiatique qu’elle provoque, la levée de l’excommunication du pape Benoît XVI a atteint son objectif, d’une manière il est vrai dont l’intéressé se serait sans doute passé.  

Il faut dire que le diable s’en est mêlé : ce qui n’aurait dû n’être au départ qu’une affaire de sacristie a pris une toute autre dimension avec les propos absurdes  - et concomitants - de l’un des quatre évêques concernés,  niant l’extermination des juifs par Hitler (1).

On peut certes se demander ce qu’allait faire à ce moment là sur une télévision suédoise un évêque schismatique anglais vivant en Argentine. Mais, manipulation ou pas, des propos scandaleux ont bien été tenus et même s’il ne les connaissait pas (2)  quand il a pris sa décision   le pape ne pouvait ignorer complètement  les idées de cet individu..   

Le confinement social, politique et intellectuel où vivent depuis de nombreuses années les traditionnalistes de la mouvance de Mgr Lefèvre a laissé prospérer de sombres fantasmes. Nul doute qu’en levant l’excommunication, le pape a voulu remettre dans les courants d’air la vieille tour gothique. Cela ne plait généralement  pas à tous ceux qui l’habitent. Et de la tour ainsi éventée, si l’on nous pardonne cette image à la Walt Disney, ne surgit  pas toujours la Belle au bois dormant : d’étranges chéiroptères peuvent aussi en sortir bruyamment  -  nous parlons des idées, non des hommes, même si ceux-ci sont hautement  blâmables.

Fallait-il pour autant que le pape s’abstint ?   

S’il ne s’agissait pour lui que de réduire le schisme lefévriste, peut-être. D’autant que l’ aboutissement de l’opération est encore loin : nul n’ignore en effet que la levée de l’excommunication -  une sanction que malheureusement  le droit canon n’a pas prévu pour la bêtise ! -  est une mesure d’indulgence qui n’implique  nullement la réintégration immédiate dans l’Eglise et encore moins que la moindre responsabilité soit confiée aux intéressés.

Il faut évidemment écarter  les allégations stupides qui voudraient voir là  l’effet d’une pénétration de l’extrême droite dans l’Eglise ou encore l’insinuation  proprement  odieuse  que le pape allemand aurait lui-même des relents antisémites. Tout ce qu’il a écrit le dément et Joseph Ratzinger  n’a pas sûrement pas oublié comment il fut chassé à quinze ans,  à coup de pieds et sous les quolibets d’un corps de garde   SS  quand il leur eut fait part de son refus de les rejoindre et de son projet  d’entrer dans les ordres.

 

Orient et Occident

 

On ne peut en réalité comprendre cette initiative à  haut risque  qu’en la situant dans le dessein bien plus vaste qui est celui de Benoît XVI. . 

Le grand objectif de son pontificat est le rapprochement avec  l’orthodoxie.  A l’instar de Jean Paul II, il la  tient pour le  poumon oriental de la chrétienté européenne dont la séparation lui paraît contre nature. Mais il ne souffre pas du handicap qui obérait toutes les tentatives de son prédécesseur: il n’est pas polonais, tare  rédhibitoire, semble-t-il,  pour un russe. L’aboutissement de ce vaste dessein  remettrait  sans doute en cause un ordre géopolitique dominé  depuis longtemps par le « Nord-Ouest » anglo-saxon et protestant (2). Un tel projet rompt notamment avec la géographie d’un Samuel Huntington  pour qui  dans sa théorie du « choc des civilisations », une césure majeure sépare l’Ouest catholique et réformé de  l’Est orthodoxe. Si la guerre de Yougoslavie a paru valider cette division, les théologiens ne l’acceptent pas, considérant que les différences entre catholiques et orthodoxes sont mineures à côté de celles qui séparent Rome de la Réforme.

On ne comprendrait pas sans une telle perspective  la modération de l’attitude du Saint-Siège lors de l’affaire de Georgie. Pas davantage son obstination à réduire le schisme traditionnaliste.  

Comment en effet prétendre  se réconcilier avec ceux qui ont arrêté le temps au XIe siècle, si  l’on n’est pas, dans son propre pré carré, capable de le faire avec ceux qui l’ont arrêté au XVIe ?  C’est , n’en doutons pas,  ce que des orthodoxes ont dit au pape, sûrement pas dans ces termes d’ailleurs.

En sus de sa portée géopolitique, une telle problématique illustre ce que sont  les nouveaux chemins de l’œcuménisme.  Pour les tenants « progressistes » de ce dernier,  qui tenaient le haut du pavé dans l’Eglise dans les années soixante et soixante-dix,  l’interlocuteur  privilégié  était, même si cela n’était pas dit ouvertement, le protestantisme libéral. Le programme proposé au catholicisme, dans la suite de   Vatican II,  n’était  d’ailleurs pour beaucoup d’entre eux  que  de  lui ressembler de plus en plus.

Cette voie a-t-elle encore un sens ? On peut se le demander au vu de l’évanescence de l’interlocuteur,  largement débordé par une mouvance « évangéliste »  bien plus obscurantiste sur les questions de science que Rome ne le fut jamais.  L’évolution affligeante d’un Mgr Williamson illustre à sa manière la déliquescence de l’anglicanisme d’où il est issu.

Le protestantisme, qui avait pourtant trouvé son équilibre pendant cinq siècles, apparaît aujourd’hui comme une molécule instable : certains parmi les plus engagés, comme Frère Roger,  ancien prieur de Taizé ou le père Viot, ancien évêque luthérien de Paris,   rejoignent le catholicisme.  Mais la plupart se décolorent au point de sembler de plus en plus sécularisés.

La même chose arrive d’ailleurs au sein du catholicisme.  Dans le repli général de la foi, l’aile « gauche »  s’effrite le plus vite.   Martine Aubry avait  le droit de manifester en 1995 avec la Libre pensée contre la venue du pape à Reims,   mais elle ne saurait prétendre comme son père Jacques Delors, authentique chrétien de gauche,   être un conseiller écouté de l’épiscopat français. Il ne faut pas chercher ailleurs le sentiment d’une droitisation de l’Eglise – qui n’a rien à voir avec une supposée  prise de contrôle par l’extrême droite.

Si elle veut encore faire progresser  l’unité des Eglises, l’Eglise catholique n’a donc pas   le choix : ce n’est plus à des libéraux qu’elle a à faire désormais. Les uns sont crispés sur telle ou telle forme de rituel, les autres sur une interprétation littérale de la Bible, en particulier du récit de la Création, que même saint Augustin, au IVe siècle écartait. Même si, par rapport à  certains, comme les   orthodoxes, les vraies divergences apparaissent mineures au profane, le rapprochement n’en est que plus difficile. Les religions non chrétiennes, avec lesquelles le dialogue continue, sont elles-mêmes le plus souvent  attachées à différentes  formes de littéralisme. Littéralisme  que le pape a précisément pris à contrepied dans son discours des Bernardins  en rappelant que dans la grande tradition européenne, pour sacré qu’il fut, tout texte appelait une interprétation.  

En tendant la main aux lefévristes, le pape Benoît XVI a pris un risque considérable. S’il a cru devoir le faire, c’est que l’enjeu  pour lui  était bien davantage qu’une affaire de chapelle.

 
                                                                              Roland HUREAUX

 

1.                      Quoique fort réactionnaires eux aussi, les  trois autres s’en sont désolidarisés.

2.                      On ne saurait mettre en doute la bonne foi du pape quand il affirme ne pas avoir été au courant de ces propos avant la signature de la levée d’excommunication.  Cela vaut-il cependant pour tous les membres de la Curie ?

3.                      Est-ce pourquoi  l’offensive contre le pape est partie du Spiegel, le grand hebdomadaire de Hambourg ? Le protestantisme de l’Allemagne du Nord est aujourd’hui largement sécularisé. Les résultats des élections de 1932 et 1933 montre qu’il résista  moins bien au nazisme que la Bavière catholique.

 

 

 

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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 09:12

La crise que traverse la Guadeloupe – et qui pourrait gagner d’autres parties de l’outre-mer français -  ne peut être comprise sans que l’on prenne en compte quelques données fondamentales de l’économie de ces territoires.

Une économie qui demeure très spécifique même si l’on écarte les vieux schémas aujourd’hui dépassés : bien qu’exigus et de forte densité (à l’exception de la Guyane qui a au contraire une densité très faible mais qui rencontre des problèmes analogues), ils ne sont pas surpeuplés et leur natalité est aujourd’hui   faible (1).

 

Une économie sous perfusion

 

Leur revenu par tête est  très au-dessus de  celui des autres îles des Caraïbes, de l’Océan indien, ou du Pacifique.  Cela grâce à une aide importante de la métropole qui emprunte les  canaux les plus divers : salaire des fonctionnaires (nombreux et rémunérés 40 % de plus qu’en métropole, avantage initialement consenti aux métropolitains expatriés puis étendu aux locaux), RMI, équilibre des caisses de sécurité sociale, dotations aux collectivités locales – et de l’Europe qui subventionne les  grands investissements. S’y ajoute l’attrait de la loi Pons pour les investissements privés défiscalisés, essentiellement immobiliers. Ces données fortes  excluent, sauf vent de folie, toute idée d’indépendance.  

Sans ces aides, la  balance des paiements serait gravement déséquilibrée. Elles représentent environ 20 % du PIB mais,  si l’on ne prend pas en compte les services locaux qui fonctionnent comme partout en circuit fermé,  le taux serait d’au moins  80 %. En Guadeloupe, les exportations  ne couvrent  que 7 %  des importations.

Cette situation que d’aucuns qualifient d’artificielle a plusieurs effets. Le premier est de tirer les salaires à la hausse  par rapport aux pays indépendants de la zone  ou aux pays du Tiers monde en général. Un tel différentiel se justifierait si l’économie antillaise, réunionnaise ou polynésienne était très hautement productive mais ce n’est pas le cas. Le second effet est  qu’il est difficile de maintenir dans l’outre-mer français des activités économiques rentables en dehors de celles qui sont destinées au marché intérieur et sont donc à l’abri de la concurrence (commerce, services, construction, travaux publics), activités  qui elles-mêmes s’effondreraient si la consommation n’était soutenue par les transferts de métropole. Les secteurs productifs susceptibles d’apporter des devises nettes : banane, sucre,  rhum, sont en crise et menacés par la pression de l’OMC tendant à abolir les débouchés protégés dont ils disposaient en Europe. C’est sur ces critères que l’on a longtemps opposé l’économie protégée de la Réunion avec celle de l’ile Maurice laquelle, ne bénéficiant pas d’aide extérieure, a pu développer grâce à ses bas salaires, une industrie textile efficace (mais bien des petits Etats indépendants de la zone  caraïbe, très pauvres, continuent de stagner : la Dominique a demandé une fois à devenir un DOM !). En tous les cas, rien de comparable au développement industriel de Maurice à espérer pour nos territoires. Reste le tourisme ; mais pour les mêmes raisons, le rapport qualité/prix y souffre de la comparaison avec certains pays voisins. La conséquence de tout cela est un taux de chômage élevé : 27 % de la population active en Guadeloupe (pour 8 % en métropole). Ces considérations   expliquent  la réticence du patronat local à accorder des augmentations de salaire, lesquelles, si elles n’étaient pas compensées  par de nouveaux allègements de charges, aboutiraient à appauvrir encore le tissu économique local et donc à aggraver le chômage.   

 

 

Un vrai problème de pouvoir d’achat

 

Malgré des salaires très au-dessus de leur environnement, les départements français ne rencontrent pas moins un réel  problème de pouvoir d’achat. D’abord parce que, si les fonctionnaires perçoivent sensiblement  plus qu’en métropole, les salariés du secteur privé sont au contraire moins bien rémunérés : 1000 € de moins pour le salaire médian. Inutile de les comparer aux habitants des pays indépendants qui les entourent : les ultramarins français ont un mode de vie très différent du leur : les crédits à la consommation, les loyers élevés  rendent, comme en métropole, les budgets familiaux inélastiques à la baisse.

Surtout le coût de la vie est très au-dessus de celui de la métropole, la différence variant d’un territoire à l’autre autour de 50 %.

A cette cherté de la vie, deux raisons. L’une est légitime : l’isolement rend pour beaucoup de produits, le coût d’approvisionnement élevé. L’autre  ne l’est pas : l’économie de ces îles est encombrée de monopoles à l’importation extrêmement lucratifs qui, tout en tirant le coût de la vie à la hausse découragent la production locale. L’eau minérale importée d’Europe est, à la Réunion, moins chère que celle qui provient de sources locales ! Ces monopoles concernent notamment les transports aériens où les compagnies low-cost n’ont guère accès, l’énergie – où l’électricité et les hydrocarbures sont hors de prix. Ils peuvent porter des noms connus : Air France, EDF, Total, mais sont aussi le fait de grossistes appartenant le plus souvent à la minorité blanche et influents dans les allées du pouvoir métropolitain. A leur manière certains syndicats, comme celui des dockers font partie de ces monopoles abusifs. Les énergies douces (éoliennes, solaire) qui pourraient trouver dans l’outre-mer un terrain de prédilection ne sont guère encouragées.  

Il est difficile de dire jusqu’à quel point ces monopoles sont liés à des pouvoirs locaux  de plus en plus autonomes et proliférants. De manière absurde, les quatre départements d’outre-mer ont aussi le statut de région,  disposant chacun de deux assemblées élues concurrentes (2): un conseil régional et un conseil général dont les fonctionnaires, nombreux,  s’ajoutent à ceux de l’Etat et des communes. La légèreté avec laquelle sont prises certaines décisions concernant l’outre-mer est inconcevable : l’an dernier, un poste de député et un poste de sénateur ont été  attribués à l’île de Saint Barthélémy (8500 habitants en majorité blancs) alors que la Guadeloupe voisine, en majorité noire, n’ a que quatre députés et trois sénateurs pour  450 000 habitants   – heureusement le Conseil d’Etat a atténué cette anomalie.    

La décentralisation n’en a pas moins eu dans ces territoires les mêmes effets pervers qu’en métropole : émergence de féodalités locales, inflation des dépenses publiques, corruption, rétrécissement des horizons. Dans cette ambiance confinée, les entrepreneurs venus d’ailleurs trouvent difficilement des oreilles attentives quand la société locale ne  conjugue pas ses efforts pour leur miner le terrain.

 

Les problèmes français exacerbés

 

En résumé, l’outre-mer connaît de manière exacerbée les problèmes qui sont aujourd’hui ceux de la France : la perte de compétitivité du fait d’une monnaie ( l’euro, sauf  dans le Pacifique) au cours trop élevé, inadaptée à leur niveau de productivité, la multiplication des féodalités publiques, l’hypertrophie de la fonction publique d’Etat et locale et en conséquence un taux de chômage élevé, que les aides sociales contribuent à entretenir tout en en atténuant les effets. S’ajoutent à cela les effets proprement spécifiques  de l’isolement et des monopoles. Fonctionnaire local en charge du chômage (3), le chef du LKP, Elie Domota,  se trouvait professionnellement  au cœur des problèmes de l’outre-mer.

Il se peut que ces problèmes se soient trouvés  exacerbés en Guadeloupe,  longtemps   tenue pour  le parent pauvre des Antilles et où le taux de chômage est plus le plus élevé. De manière significative; la présence militaire de l’Etat y est plus faible (non que ces militaires aient une quelconque responsabilité en matière de maintien de l’ordre mais nos forces armées mises à contribution après le passage des cyclones ou autres catastrophe naturelles,  constituent un lien avec  la métropole.)

La Martinique, qui dispose d’une élite significative, largement  métissée, revendicative, particulièrement sensible à la mémoire coloniale mais  cultivée,  semble à ce jour plus stable.

La Guyane, moins peuplée et adossée à une immense forêt vierge, redynamisée par le centre spatial de Kourou  connaît des problèmes spécifiques comme une  immigration clandestine incontrôlée (que l’on retrouve à Mayotte). 

La Réunion, la  plus peuplée des régions d’outre-mer est aujourd’hui plus dynamique ; la diversité d’origine de sa population ( au sein de  laquelle des communautés asiatiques actives) en fait une société bigarrée aux explosions intermittentes mais sans lendemain.

L’économie de la Nouvelle Calédonie a été revivifiée récemment par le boom du nickel, facteur parmi d’autres d’un certain apaisement politique.

Quoique la Polynésie soit la moins peuplée  de ces territoires, elle est seule entièrement peuplée d’autochtones. Liée au reste de la nation, comme la Nouvelle Calédonie, par un lien fédéral, ce pays d’outre-mer (POM) a  une vie politique toujours chaotique. La fermeture du centre d’essais du Pacifique a clos les polémiques relatives aux essais nucléaires mais laissé un trou dans l’économie locale qu’ aucun grand projet n’est venu combler. Au rebours de l’opinion commune, on devrait la considérer comme l’enjeu le plus important : grâce à elle, la France dispose de  la première zone économique maritime du monde, à égalité avec les Etats-Unis.

 

Une dimension essentielle de la France

 

Malgré le caractère que l’on peut juger artificiel de l’  économie de ces territoires, ils contribuent à faire de la France une puissance  universelle par sa présence sur tous les océans du globe et par sa diversité ethnique; ils sont le lieu d’ une civilisation originale, appelée créole dans les Antilles et à la Réunion,   dont témoigne une école littéraire pleine de vitalité, où les Martiniquais se distinguent. Ils représentent au total 2,5 millions d’habitants soit près de 4 % de la population française.

Les problèmes de l’outre-mer furent longtemps gérés, sinon réglés, par le biais de réseaux politiques suivis de près par les grands leaders nationaux. Après De Gaulle et Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac disposèrent de tels réseaux. A présent que la politique nationale n’a plus d’autre partenaire que les médias, au temps de la politique « bling bling »,    l’outre-mer n’intéresse  plus guère. Sarkozy pâtit  gravement de la disparition de ces réseaux dont sa légèreté est largement responsable.

Cette légèreté est à tous les niveaux. Est-il vrai que le malheureux Jégo a été nommé au ministère de l’outre-mer, dont il ignorait tout,  parce qu’il « fallait le mettre quelque part » ? Il est évidemment beaucoup plus difficile d’être préfet de la Guadeloupe que de la région Champagne-Ardennes. Si ce dernier est mauvais, personne ne s’en apercevra, tandis qu’un mauvais  préfet de la Guadeloupe peut mettre l’île à feu et à sang.  Or longtemps les ministères ont nommé dans l’outre-mer des fonctionnaires en début de carrière, inexpérimentés,  une tendance en voie de correction, semble-t-il.   

Le désintérêt croissant de la classe dirigeante française pour son outre-mer n’est pas la moindre cause du malaise qui s’y exprime aujourd’hui. La mondialisation où se délectent les élites parisiennes  nourrit en fait leur égocentrisme et leur ignorance de ce qui constitue pourtant un facteur essentiel de dimension mondiale de la France.

On peut craindre que les remèdes apportés à la crise : un peu plus d’avantages sociaux, un peu plus d’autonomie des collectivités locales,  terreau de féodalités dispendieuses, ne contribue à terme, comme ce fut presque toujours le cas dans le passé,   à aggraver les maux de l’outre-mer. Un vrai retour de l’Etat par la  nomination de représentants de haut niveau  et un démantèlement énergique des monopoles abusifs serait plus approprié.

                                               Roland HUREAUX

 

 

  1. A l’exception de Mayotte
  2. Cela résulte d’une décision du Conseil constitutionnel de 1983 qui a considéré de manière absurde que les deux échelons, départemental et régional, étaient un droit pour toute partie du territoire français.
  3. Il est directeur adjoint de l’agence locale de l’ANPE  de Pointe-à-Pitre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 09:08

 

Nicolas Sarkozy, président bling bling, donne à de plus en plus de Français l’impression de n’être pas un président sérieux : réformes brouillonnes,   retirées à la moindre pression, annonces non suivies d’effets, foucades malencontreuses, personnalisation du pouvoir jusqu’à la caricature, osmose sans précédent du pouvoir politique et du show business, manœuvres diplomatiques douteuses. Comment les Français qui étaient il y a à peine quarante ans gouvernés par un homme comme Charles  de Gaulle n’en seraient-ils pas profondément déstabilisés ?

Mais le président connaît les lois fondamentales de la politique. Il est des forces  avec lesquelles il ne faut pas plaisanter : celles qui vous ont aidé  à accéder au  pouvoir, auxquelles des gages ont été en son temps donnés et qui ne s’attendent pas à être payées en roupies de sansonnet.

Sur le plan intérieur,  il y avait les invités du Fouquet’s : quelques grandes fortunes, notamment celles qui tiennent les grands médias, quelques copains du show business qu’il ne faut pas décevoir  - surtout s’ ils ont une « conscience de gauche » comme Carla Bruni ou Jacques Seguela.  Tout de suite, on a voté le bouclier fiscal, l’aménagement de l’ISF et l’allègement du droit de succession (mesure antilibérale par excellence puisque le vrai libéralisme est fondé sur l’égalité des chances et le succès individuel). Les vieux politiciens disent que les électeurs ne se souviennent que de ce qui a été fait en début et en fin de mandat. Ces cadeaux aux riches ont fait mauvais effet. Ségolène Royal y voit   le  péché originel du règne. Qu’importe ! Le nouveau président  avait un contrat  remplir. Il devait le faire  vite. Les mêmes liens le dissuadent aujourd’hui  de  prendre un vrai contrôle des banques, pourtant nécessaire s’il  veut agir sérieusement contre la crise, comme Gordon Brown a su , lui, le faire

Sur le plan international, les parrains de la candidature de Sarkozy s’attendaient à ce qu’il « normalise » la France, qu’elle soit  castrée  une bonne fois pour toutes,  pour ne plus jouer les  emmerderesses de service comme c’était le cas presque tout le temps sous le général de Gaulle et le fut encore sous Chirac et Villepin avec la guerre d’Irak. Il fallait que les froggies comprennent une bonne fois qu’il ne leur faut  plus faire les malins. Là aussi le président avait un contrat à remplir : Sarko l’américain , dont la carrière était sans doute suivie depuis longtemps par les officines transatlantiques qui « traitent » la politique européenne, a tout de suite multiplié les actes d’allégeance à l’Amérique de Bush , rompu ostensiblement au bénéfice d’Israël avec trois décennies d’équilibre diplomatique au Proche Orient, insulté les Québécois, transféré des soldats d’un pré carré africain tenu pour définitivement ringard vers un Afghanistan où il faut absolument être  puisque les autres y sont.

Ceux qui ont détesté l’œuvre du général de Gaulle ( il ne nous semble pas que Sarkozy en fasse partie,  mais ses soutiens oui) espéraient qu’il ferait la VIe République. Si la réforme de juillet 2008  a largement dénaturé la constitution  de 1958, on est encore resté à mi chemin.

Par contre, en réintégrant pleinement  les structures de l’OTAN le 4 avril prochain,  à l’occasion du soixantième  anniversaire du Pacte atlantique, Sarkozy   donne vraiment le coup de grâce à  l’œuvre diplomatique du général de Gaulle. Ceux qui, outre Atlantique, n’étaient pas loin de considérer lors de la guerre d’Irak la France comme un « Etat voyou », ont tout lieu d’être satisfaits :  elle est rentrée dans le rang.

 

Les flonflons et les  ronchons

 

Nul doute qu’on tuera le veau gras à Strasbourg pour le fils  prodigue, que ce retour plein dans les structures intégrées se fera au milieu de festivités, festivités  qui marqueront la joie insolente de  ceux qui voulaient la mort de la différence française, mais qui auront aussi  une visée pédagogique à l’égard du peuple français. Même si celui-ci demeure, dans ses profondeurs réticent à cette réintégration ( c’est pour cela qu’il n’y aura pas de référendum sur ce sujet), on ne s’attend encore qu’à quelques manifestations symboliques de ronchons qui ne pèseront pas lourd à côté des  flonflons.

Et l’Europe ? Certes le président était  allé à Bruxelles promettre peu avant son élection qu’il sortirait de l’ornière l’Europe enlisée depuis le refus de la constitution européenne par le peuple français le 29 mai 2005. Il a essayé avec le traité de Lisbonne. Mais le vrai pouvoir n’est pas à Bruxelles, il est à Washington. Même s’il ne rompt pas avec les fondamentaux de la construction européenne et notamment les contraintes étouffantes imposées par l’Allemagne à l’économie française, le président Sarkozy a pu jouer « perso », s’agiter, tirer la couverture à lui, sembler  même flirter un moment avec la Russie de Poutine, sans qu’on lui en veuille trop. Politique d’abord : l’essentiel, c’est l’OTA N.  Son contrat rempli, Sarkozy aura bien mérité de ses parrains.

Avait-il le choix d’ailleurs ? Certes on n’assassine plus les présidents qui ne respectent pas les contrats comme cela arriva, semble-t-il, à John Kennedy. Mais la mort politique ne passe pas que par la mort physique.  Tel qui trahit voit soudain quelque mauvaise affaire éclater et cela suffit.  

Il est donc des sujets sur lesquels Sarkozy est sérieux. Tout le  reste est littérature. La réforme de l’Etat, celle de la justice, le service minimum,   la réforme des lycées, de l’université. Tout cela ne sert qu’à occuper la galerie,   et plus qu’il  ne voudrait parfois.

Seuls quelques blogueurs grincheux du genre vielle  gauche croient encore  sérieusement que le président a un plan cohérent  pour instaurer un Etat sécuritaire ou introduire en France le libéralisme à l’anglo-saxonne. Si encore… Seuls quelques  électeurs UMP aveuglés,  trop vieux pour  s’avouer qu’ils ont été trompés, se figurent encore qu’on réforme la France. On ne fait que de la com’ car l’essentiel est ailleurs. D’annonces sans lendemain, d’avancées en reculs, de réformes contre-productives en remue-ménage inutile,   qu’ils sachent qu’  il ne se  fait rien,  en tous les cas pas grand-chose, car en définitive ce n’est pas cela qui a de  l’importance.
                                           Roland HUREAUX

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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 10:31

Entre Washington et Berlin

 

 

La crise économique de 2008  a vu clairement prévaloir deux modèles distincts de réponse.

 

Deux modèles de réponse à la crise

 

D’un côté le monde anglo-saxon, dont il est vrai la responsabilité dans la crise était plus directement engagée, a fait preuve d’une réactivité très forte : quant à l’appui apporté aux banques en difficulté dans le cadre du plan Paulson, quant à l’injection de crédits pour relancer l’économie, quant à la volonté de contrôler le système bancaire. La Fed est même disposée à  prêter directement pour contourner les rigidités éventuelles de celui-ci. En dévaluant sa monnaie de 30 %,  le Royaume-Uni est allé plus encore plus loin. Vieux pays de flibustiers où l’on sait ce que veut dire virer de bord dans la tempête, y compris quand il s’agit de transgresser des principes libéraux tenus jusque là pour sacro-saints.

A ce bloc anglo-saxon s’oppose le bloc de l’Europe continentale, disons de la zone euro. Dans celle-ci, les sommes consacrées au sauvetage des banques ont été moins importantes (admettons pour le coup que le besoin y était moindre). Celles consacrées à la relance de l’économie encore moins.  Si les banques ont reçu quelques coups de pouce, on n’a pas cherché à en prendre le contrôle. Les mesures de relance n’y ont porté que sur les investissements publics de peur de  relancer l’inflation par les salaires. La baisse  des taux d’intérêt par la Banque centrale européenne a été plus lente et plus timide : les taux sont aujourd’hui de  0 % en Amérique, de 2,5 % chez nous (et encore cette baisse n’est-elle guère répercutée par les banques).

Entre les deux zones géographiques, seul point commun : la volonté de sauver l’industrie automobile, symbole de leur antique puissance industrielle.   

On dira que les uns et les autres se sont entendus au G20 pour ne pas remettre en cause le libre-échange, refusant ainsi de céder au courant néo-protectionniste. Mais qu’est-ce qu’une dévaluation massive comme celle de la Livre sterling sinon une barrière douanière ? Quant aux Etats-Unis, on sait bien qu’à la première difficulté, ils n’hésiteront pas, comme ils l’ont fait pour l’acier ou le coton, à protéger leurs productions, en dépit des principes libre-échangistes affichés.

 

Une dissymétrie fondamentale

 

Cette dissymétrie des deux rives de l’Atlantique (et du Channel)  est le reflet de celle que l’on a pu observer dans le comportement des deux économies dans les années qui ont précédé la crise. Contrairement à la rhétorique qui tend à remettre en cause les banques occidentales en général, les deux modèles de comportement étaient aussi très différents avant la crise.

Du côté anglo-saxon, l’extrême imprudence : imprudence du système bancaire bien connue aujourd’hui ,  prêts risqués aux particuliers peu solvables (subprimes) , transformation de ces prêts par la titrisation, spéculation sur ces titres et sur d’autres par les hedge funds , pyramides de crédit incontrôlées,  doublée de l’imprudence du système monétaire sous le régime du benign neglect d’Allan Greenspan entraînant  une expansion jamais vue des déficits américains ( budgétaire et commercial ) et de la masse monétaire mondiale.

Du côté de la zone euro,   on sait combien la politique de M. Trichet  fut au contraire tout au long de ces années, restrictive, ce qui eut pour effet  de surévaluer de  l’euro  et de brider la  croissance européenne en laissant subsister un volant de chômage lourd dans des pays comme la France, malgré les objections de la quasi totalité des économistes  ou des acteurs de l’économie réelle. Les banques européennes furent  certes imprudentes mais pas sur leur  marché domestique, au contraire. Restrictives à l’égard des PME, restrictives à l’égard des particuliers,  beaucoup moins endettés en France, en Allemagne, en Italie qu’ailleurs, elles ont en revanche utilisé leurs excédents de liquidités pour spéculer dans des proportions plus ou moins grandes sur les marchés sulfureux de Wall Street. L’argent que l’agence de quartier  refusait à ses clients était joué au casino par le back-office ! C’est dire combien  la surenchère actuelle sur le thème « il faut mieux réglementer les banques », justifiée aux Etats-Unis,  a des effets pervers chez nous où elle encourage tout le système à être encore plus restrictif vis-à-vis des entreprises et des particuliers (malgré l’institution d’un médiateur à la crédibilité douteuse).

 

La France a fait le choix du modèle allemand

 

Entre ces deux modèles, l’anglo-saxon  et le  continental, où se situe la France ?  

Même si  M. Sarkozy a su donner à l’opinion publique le sentiment qu’il épousait le dynamisme anglo-saxon, au-delà des mots, il y a les actes et ceux-ci sont clairs : la France  reste en définitive solidaire de la sone euro, non seulement en subissant la timidité de la BCE mais encore en se contentant d’une relance modeste. Un plan de 26 Milliards d’euros seulement, un léger accroissement du déficit budgétaire qui passe de  3% à 4 % du PIB (conforme au pacte de stabilité, assoupli en temps de récession) – alors que le Royaume-Uni saute à 8 %, l’absence de contrôle de l’activité bancaire.    

Derrière le comportement timoré des Européens, se trouve bien sûr tout le poids de l’Allemagne qui  n’avait concédé en 1992 de troquer le  mark contre  l’euro qu’à condition que l’euro soit géré comme le mark, un pacte fondamental dont M. Trichet ne fut jamais  que l’exécutant. Rien en Europe ne saurait se faire contre Allemagne. Qu’il pleuve ou qu’il vente le panzer allemand, au contraire de la frégate anglaise,  suit sa route. Malgré l’agitation de Nicolas Sarkozy tout au long de la présidence française, l’Allemagne a bloqué toute idée de relance européenne coordonnée et vigoureuse.

Ainsi, malgré ses rodomontades, Nicolas Sarkozy a dû se rallier au modèle allemand de relance  prudente.

 

Le maintien de ce choix comporte des risques lourds pour l’économie française

 

Ce choix est-il définitif ?

D’excellentes raisons politiques incitent à s’y tenir : préserver la construction européenne,  préserver l’euro, grande conquête de la fin du XXe siècle, maintenir le « couple » franco-allemand (on sait pourtant  combien cette notion de couple déplait aux Allemands !) et donc la paix en Europe, préserver un pôle de stabilité dans l’économie mondiale.

Le risque économique paraîtra  supportable aux tenants de cette option : parce que l’économie française, comme la plupart des économies continentales, contient des stabilisateurs – essentiellement la lourdeur et la rigidité à la baisse des dépenses publiques qui ont permis  à la France d’être jusqu’ici un peu moins touchée par la récession, comme si elle vivait en circuit fermé ; ensuite parce que même si l’Europe ne fait pas grand chose contre la crise, elle peut toujours espérer être portée par la vague de la reprise américaine.

Malgré ces arguments, il n’est pourtant pas sûr  que l’économie française puisse se permettre de rester dans le statu quo.  D’abord parce que le déficit de la balance des paiements française ne cesse de s’aggraver. Si l’euro permet de camoufler cette dégradation, il empêche d’y porter remède, car il interdit le seul moyen socialement acceptable de rétablir la compétitivité : la dévaluation (comme le Royaume Uni et la Chine viennent d’y avoir recours). 

Si la relance européenne ne devait se faire que  par l’entraînement de la relance américaine, les déséquilibres  s’aggraveraient : déficit de la balance des paiements américaine, excédent de la balance allemande (dont l’économie industrielle est  mieux à même de profiter de cette reprise), déséquilibre intra-européen entre l’Allemagne et ses partenaires, France en tête. L’exemple du Japon montre qu’une grande puissance industrielle peut, malgré le moteur américain, s’enliser dans une récession durable et semble-t-il inexorable.

Derrière le déficit de la balance des paiements, une réalité encore plus inquiétante : la désindustrialisation accélérée de la France, la plupart de ses branches (aéronautique comprise) étant les unes après les autres touchées par des délocalisations. 

Aucun pays ne peut se permette de sacrifier le cœur même de sa puissance économique. Comme on dit,  la France ne saurait se résigner à n’être dans vingt ans qu’un parc à thème historique.

 

Faut-il épouser les névroses allemandes ?

 

D’autant qu’en suivant la voie actuelle, la zone euro  n’a pas, comme certains se plaisent à le penser, épousé la sagesse allemande,  mais les névroses allemandes, liées à aux   traumatismes historiques que l’on sait. Le rejet viscéral de l’inflation que ce pays  a imposé au reste de l’Europe (mais non au monde anglo-saxon) est inséparable d’une  histoire  singulière qui n’est en aucune manière la nôtre. Le modèle antérieur à l’euro  d’un franc  légèrement inflationniste   réajusté de temps en temps par rapport au mark n’avait rien de honteux : c’était ni plus ni moins celui de la livre et du dollar, c'est-à-dire des démocraties occidentales «normales». Malgré des fluctuations, le rapport du franc au dollar n’a pas changé en  50 ans preuve que nos habitudes n’étaient pas  si honteuses. Par rapport à l’ensemble des monnaies occidentales, c’est le mark qui était déviant – aujourd’hui l’euro.

Il serait donc  dans la logique économique  que la France se rapproche du modèle  anglo-saxon plutôt que de  l’allemand, d’autant que cela n’entraîne a priori aucune sujétion politique : n’avons-nous pas au contraire aujourd’hui  l’exemple  d’une France à la remorque de  l’Allemagne sur le plan économique et de l’Amérique sur le plan politique ?  

Pour sortir de ces contradictions – qui apparaissaient avant la crise mais qui risquent de devenir insupportables avec elle, écartons les fausses solutions proposées par des hommes comme Peyrelevade, conseiller de Bayrou : rétablir la compétitivité française sans sortir de l’euro (l’ « économie de l’offre » chère aux libéraux) en diminuant les salaires, le pouvoir d’achat et les dépenses publiques, en bref  en faisant saigner un peu plus les Français. Il y a  heureusement peu de chances que l’actuel président, qui connaît la fragilité de l’équilibre social français, s’y risque.

 

Si l’Allemagne pouvait changer ...

 

On peut en revanche rêver que, voulant préserver le projet européen, un grand chancelier  allemand ait l’audace des grands  revirements historiques, comme Adenauer ou Brandt l’eurent en leur temps, qu’il fasse faire à son pays les pas nécessaires pour rétablir les équilibres européens et transatlantiques. La solution  n’est pas, comme le disent les esprits sommaires,   que l’Allemagne paye   pour les autres mais qu’elle paye pour elle-même,  qu’elle devienne moins sage, plus dépensière. Sachant que l’ordre économique mondial repose sur  des producteurs mais aussi sur des consommateurs, ce pays doit faire l’effort de dépenser autant qu’il gagne. Cela suppose sans doute une révision de la politique de l’euro, un retour aux déficits publics, ce qui serait en tout état de cause plus intelligent que de placer les économies des Allemands sur les marchés financiers américains. Que l’Allemagne cesse de demander à ses partenaires de s’aligner sur elle mais qu’elle s’aligne sur eux ! Ce faisant, elle ne rendrait pas seulement service à l’Europe mais au monde dont on sait combien il est malsain que l’économie soit  tirée par les  seuls déficits américains. L’Europe et singulièrement l’Allemagne demeurant le principal créancier des Etats-Unis, un changement de comportement allemand contribuerait au nécessaire retour de ceux-ci à l’équilibre.

Le chancelier allemand qui se risquerait à une telle révision déchirante  trouverait des appuis dans une partie de l’opinion allemande qui tient  aujourd’hui Mme Merkel pour trop timorée.

Encore faudrait-il que ses partenaires – à commencer par le président français – sachent le lui demander, au lieu de l’exaspérer pour rien.

Les dernières semaines ont montré combien  le « sur-moi » allemand étouffait l’  économie européenne. Les Anglais ont su s’en dégager. Un  piège fatal risque de se refermer sur la France si elle n’en fait pas autant  Si l’Allemagne ne révise pas ses pratiques de manière drastique, le seul moyen pour notre pays  de préserver ses intérêts fondamentaux – industriels en premier lieu -  sera de rompre les amarres pour basculer vers les modèle  anglo-saxon.

 

                                                     Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 10:30

Il semble que l’on reconnaisse désormais  un homme de droite à sa balourdise : après les avoir refusées pendant  quelques années, il finit par faire  siennes les idées que la gauche promeut depuis  quinze ou vingt ans.

En dénonçant la culture générale dans les concours de la fonction publique, André Santini, qui se targue d’être plutôt au centre qu’à droite, retarde, lui,  de quarante ans.

En accusant  la culture générale de favoriser  les candidats aux concours issus des classes aisées  ayant hérité dans leur famille d’une meilleure assise culturelle, il ne fait que reprendre, le sait-il ? les idées répandues au cours des années soixante par le sociologue d’extrême gauche Pierre Bourdieu et par son école. Santini, héritier de mai 68 ? Même s’il officie auprès d’un   président qui a prétendu   liquider l’héritage de cette « révolution », rien de devrait nous étonner.

Le propos de M. Santini est saugrenu à plusieurs titres :

 

-   d’abord on se demande combien d’enfants de la bourgeoisie  grande ou moyenne se précipitent sur les concours de la fonction publique des catégories B et C, puisque apparemment ceux-là seuls – pour le moment - sont visés par l’ire du ministre.

 

-   on pourrait ensuite demander à M. Santini si à l’heure de la culture audiovisuelle de masse,  d’internet  et des familles recomposées, il connait encore beaucoup de tables bourgeoises où les enfants,  ne prenant la parole que quand leurs parents  les y autorisent,  forment leur esprit  à écouter  des conversations quotidiennes à haute teneur littéraire ;

 

-   M. Santini, pourtant ministre de la fonction publique ignore sans doute qu’on ne l’a pas attendu pour appliquer au moins en partie les idées de Bourdieu dans certains concours d’Etat et pas des moindres : celui de l’ENA. Dès 1970, pour ne pas défavoriser les fonctionnaires besogneux sortis du rang, le poids des épreuves de culture générale fut  réduit au profit de notes de synthèse sur dossier ne présupposant aucune connaissance antérieure. M. Santini ignore a fortiori  les effets désastreux de ces réformes – jamais remises en cause à ce jour - auxquelles on doit pour l’essentiel les accusations justifiées de formalisme à l’encontre de l’enseignement (ou plutôt du non-enseignement) qui est dispensé dans cette école. Le mépris pour les connaissances a vidé de sa substance l’enseignement dispensé à l’ ENA (mais aussi dans beaucoup d’autres écoles « d’application ») et entraîné un grave   recul du niveau de notre haute fonction publique. Ainsi les hauts fonctionnaires français qui comprennent l’économie théorique se compte-t-ils sur les doigts de la main, y compris à l’Inspection des finances. Faute de  considération, l’épreuve de culture générale est devenue une caricature   se résumant à l’art de mettre en ordre  dans un français passable  les poncifs  du jour. Et dans les concours de catégorie inférieure,  l’épreuve s’est transformée en  jeu des 1000 francs à  base de Q.C.M. Pour le coup, M. Santini a raison de dénoncer cette épreuve. Mais ce qu’il faut, c’est lui redonner de la substance, sûrement pas le coup de grâce. 

 

- Loin de favoriser la justice sociale, les épreuves de type nouveau ont presque toujours eu  l’effet inverse. Les notes de synthèse ont donné lieu à une scolastique  d’autant plus  sélective qu’elle  était  occulte (alors que les qualités qui faisaient une bonne dissertation de culture générale étaient connues dans toute l’Université). En opposant le bon sens   à la culture générale (on frémit de penser à ce que pourra être une épreuve de bon sens dans un Etat où cette vertu semble avoir disparu à tous les échelons), André Santini   a l’air de penser que l’on peut avoir dans un domaine donné la science infuse – prendre en tous les cas la bonne décision – sans rien connaître du sujet que l’on traite. C’est au nom de cette illusion qu’a prévalu dans nos concours le plus inique élitisme. Il est bien connu qu’il suffisait d’être  un jeune homme de bonne famille, grand et si possible au regard clair, bien habillé, regardant en face le jury, ayant de la répartie  mais courtois , sachant quelques généralités mais sans érudition pesante, pour l’emporter haut la main en impressionnant des jurys composés de fonctionnaires  moyens  toujours fascinés par les jeune maîtres .Il est notoire que si Jacques Chirac est bien sorti de l’ENA, c’est bien plus à cause de son culot ou de sa prestance ( la « note de gueule », autre nom sans doute du bon sens cher à A. Santini) que de ses connaissances.  Le refus de juger sur les connaissances s’est répandu dans d’autres  épreuves, les écoles de commerce par exemple. Au lieu de l’interroger  sur un sujet, de plus en plus on demande au candidat de se présenter, de faire part de ses expériences. Le concours de connaissances a été remplacé par le concours de mensonges.  Ceux que leur famille ou leurs amis ont instruits savent quel subtil  cocktail de voyages à l’étranger, d’action humanitaire et de hobbies originaux, il faut présenter pour être dans le vent et emporter la conviction

 

-   M. Santini ignore aussi que les idées de Bourdieu, ce grand républicain de gauche ont fait plus que tout pour détruire l’égalitarisme républicain. La culture générale, l’orthographe, les bonnes manières que l’école primaire apprenait laborieusement aux petits campagnards du temps de Jules Ferry favorisent, dit-on,  les enfants les mieux nés. Rabaissons donc les exigences pour plus d’égalité. Le résultat : un affaissement des niveaux et surtout des méthodes de travail, de la rigueur, dont pâtissent d’abord les enfants du peuple doués qui n’ont pas de solution alternative à l’école publique et dont bénéficient au contraire les authentiques bourgeois  qui peuvent compenser les déficiences du système public   par la famille,    par les cours particuliers ou tout simplement du fait que les diplômes étant dévalorisés, ils auront plus facilement le pied à l’étrier à l’entrée dans la vie.  Le recul de l’égalité des chances en ce début de XXIe siècle, bien réel, a pour principal responsable l’auteur des Héritiers, inspirateur de  M. Santini.   

 

« Il vaut mieux une tête bien faite qu’une tête  bien pleine » (Rabelais) ; « Le bon sens est la chose du monde  la mieux partagée » (Descartes).  On ne saura jamais quels abus  ont permis ces deux maximes si typiquement françaises.  Descartes parlait sans doute par antiphrase. A son époque, Richelieu, Colbert étaient des hommes de bon sens. Mais aujourd’hui ? M. Santini peut-il citer une seule décision prise par son   gouvernement qui soit irrécusablement marquée au coin du bon sens ?   Qui donc dans notre univers devenu fou jugera du bon sens de l’apprenti policier ?  Sûrement pas ceux qui ont promu l’absurde fusion de la police et la gendarmerie.

Et qu’est-ce qu’une tête bien faite ? Faute de le savoir,  on préjuge aujourd’hui qu’elle est bien faite si elle est vide, pourvu qu’elle ait quelque allure. Si les Français sont aussi mal vus dans les enceintes internationales,  c’est que beaucoup y arrivent sans connaître les dossiers et néanmoins s’y expriment   avec assurance, sûrs qu’ils  sont que leur tête,  dont la bonne facture a été validée par des concours prestigieux, les fonde  à  parler sans savoir.

Je ne connais rien en mécanique automobile  et pourtant je crois avoir la tête bien faite.  L’apprenti mécanicien   n’a que son BEP, mais dès qu’il s’agit d’automobile, il  raisonnera  plus juste que moi. Préfère-t-on être opéré par un chirurgien qui a un QI de 150 et connaît mal l’anatomie ou un autre qui ne l’a que de 110 mais est un spécialiste reconnu ? La réponse semble aller de soi.   Nous ne connaissons personne qui, sachant très bien son sujet,  y déraisonne. Nous en connaissons au contraire beaucoup qui s’égarent, quelque brillants qu’ils soient, dans une matière qu’ils ignorent.

Cela est vrai des spécialités mais cela est vrai aussi de l’intelligence générale : le bon sens, la capacité à raisonner juste dépendent bien plus de connaissances ou d’une expérience étendues que de vertus innées. 

S’il est, dans un monde aussi complexe que le notre quelque chose qu’il ne faut pas dévaloriser, c’est le savoir et un large savoir étendu à beaucoup de domaines, n’est-ce pas précisément la  culture générale, ce qu’ on appelait autrefois la « science des rois » parce qu’elle était nécessaire au bon gouvernement des hommes. Qui a dit  « la véritable école du commandement est la culture générale » ? Un cuistre obscur ?  Non, Charles de Gaulle 

On aura compris que la foucade d’André Santini, qui lui ressemble bien peu puisqu’il semble être un des rares hommes politiques un peu cultivés de sa génération, visait à complaire à un  président, lui, notoirement  inculte. Ce dernier crut bien faire il y a quelques mois, dans son apologie de l’inculture, de prendre pour  cible La princesse de Clèves.  Je ne connais pourtant pas beaucoup de candidats à des concours qui  aient été jamais été interrogés sur La Princesse de Clèves. C’est d’ailleurs dommage.  Non parce que ce beau roman français est un  éloge de la fidélité conjugale mais parce que l’auteur (l’auteure ?) s’y attache à mettre en forme romanesque les maximes de son ami  La Rochefoucauld qui sont précisément un des meilleurs textes qui soient pour former le bon sens. 

Jean Baechler a pointé un autre lien entre la culture générale et le bon sens. Le terreau de l’idéologie, dont on connaît toutes les grandes et les petites folies auxquelles elle conduit est, dit-il, une culture insuffisante. Sans culture, les hommes ne sont guère attirés par les idées générales. Très cultivés, ils savent la complexité du monde et se méfient des idées trop simples. A moitié instruits, ils seront vulnérables à toute conception du monde un peu simplifiée qui leur donne l’illusion de  tout comprendre, ce qu’est précisément l’idéologie. Or dès que l’on creuse les multiples décisions dépourvues de bon sens prises par nos gouvernants,  on trouve une forme ou une autre d’idéologie  ou à tout le moins une simplification abusive

 

Mais il faut sans doute aller plus loin pour comprendre la haine de la culture générale répandue dans certaines élites, et là nous touchons quelque chose d’inquiétant :    le fait que la culture générale est la condition de la liberté. La culture tout court, à tous les niveaux, est source de liberté : celle du paysan dépositaire de la longue mémoire des  jours, de l’artisan héritier d’une tradition ancestrale, comme celle du  haut fonctionnaire qui connaît les combats pour la liberté qui sous-tendent les principes généraux de notre droit , celle du journaliste qui connaît l’histoire de France ou celle du  cadre d’entreprise qui connaît l’histoire sociale. Burke l’a dit, on ne peut critiquer le présent qu’en s’appuyant sur autre chose : des valeurs permanentes, la connaissance du passé ou généralement les deux. Celui qui n’a aucun point d’appui intellectuel ou moral en dehors de l’immédiateté des choses  se trouve  livré pieds et poings liés aux puissances de l’heure, qu’elles soient idéologiques ou économiques. Une société sans culture, c’est une société amnésique, qui vit au présent. On  pourra lui imposer n’importe quoi sans qu’elle y trouve à redire : la régression sociale aujourd’hui, la fin de la démocratie demain, les aventures militaires après-demain. L’anti-intellectualisme des mouvements fascistes  qui cherchaient l’obéissance inconditionnelle, n’avait pas d’autre raison. La culture fait un peuple. L’inculture ne  fait que des masses. 

Tous ceux qui ont contribué à saper la culture générale au cours de la dernière génération, Bourdieu en tête, ont préparé le retour du fascisme  ou à tout le moins d’une société inhumaine où des masses anonymes, ne sachant plus d’où elles viennent ni qui elles sont, seront une masse facile à manœuvrer pour une élite mondialisée qui ne craint rien   tant que la survivance de l’esprit de liberté.

 

                                                 Roland HUREAUX

 

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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 10:28

Le nouveau président du Sénat Gérard Larcher, qui il est vrai n’est pas théologien,  ne s’est trompé que de mille ans quand il a dit que la règle du repos hebdomadaire datait du Nouveau Testament.  Mais il a eu raison de dire que c’était la  plus vielle des conquêtes sociales puisque la loi de Moïse l’étend à l’esclave et même à l’âne et au bœuf !   .

Faisant  obligation au peuple juif de se reposer le septième jour, l’Ancien Testament l’invite ainsi  à offrir un jour de la semaine à Yahvé, sachant  que le temps qu’il perdrait ce jour là lui serait rendu par un surcroît d’efficacité les six autres jours.

De même, les peuples de l’Antiquité, juifs et païens étaient invités à offrir les prémisses des récoltes et les pus belles pièces de leurs troupeaux sachant que le reste de leur bétail ne s’en porterait que mieux.

Le sens de la circoncision est du même ordre.

 

 

Un fondement anthropologique

 

Mais la théologie aurait dans le raisonnement  peu de poids si elle ne s’appuyait sur l’anthropologie.
         La nécessité d’un jour de repos par semaine – au moins - fait partie d’une hygiène élémentaire. Elle permet non seulement de se reposer mais de mieux réfléchir à l’organisation des  autres jours.

On voit combien il manque à nos ministres qui, travaillant pour la plupart sept jours sur sept, avancent  le nez dans le guidon. Devant répondre à l’injonction du président de trouver un projet de réforme par jour, ils  n’ont plus même le loisir d’ en trouver un   bon de temps en temps  !  

Personne n’a jamais prétendu que l’obligation du sabbat avait  fait des Juifs un peuple plus nonchalant ou moins efficace que les autres. L’Occident chrétien a déplacé l’obligation du repos du shabbat vers le dimanche, mais le principe est le même.   Parmi les chrétiens, les dissidents du protestantisme anglais ont  au XVIIe siècle imposé une interprétation particulièrement rigoureuse de ce précepte au point que le dimanche anglais est devenu   un symbole universel de tristesse et d’ennui.   

C’est pourtant l’Angleterre  qui fut à l’origine de la révolution industrielle.

Les puritains du Mayflower ont importé ce rigorisme aux Etats-Unis et là aussi, on peut difficilement dire que cette journée d’abstention de toute œuvre servile ait porté tort à l’efficacité économique du peuple  américain.

On dira que le repos du dimanche doit rester un choix individuel, notamment dans un pays laïque.  Il a été justement répondu à cela  que les choix du petit personnel sont rarement libres dans les entreprises. Mais  a-t-on rappelé  aussi  quel bonheur éprouvent   tous ceux qui habitent au bord des routes ou des rues  de ne pas être réveillés par les bruits de la circulation le dimanche matin ?  La question n’est donc pas seulement individuelle.

La nécessité n’est pas en cause puisque la règle est en France entourée de suffisamment d’exceptions pour que chacun puisse avoir accès, même le dimanche, aux produits de première nécessité, comme le pain ou un médicament.

Alors pourquoi  le président s’obstine t-il tant à remettre en cause le repos dominical ?

Faut-il y voir la main de certains lobbies, comme les chaînes de supermarché ? On ne les savait pas si pressants sur ce sujet.

L’idéologie du « travailler plus pour gagner plus », qui semble au  point de départ du projet, sonne  particulièrement faux   dans un contexte de récession. Aucun économiste sérieux ne soutient que l’ouverture des magasins un jour de plus va accroître la consommation d’une population qui voit jour après jour son pouvoir d’achat réel se réduire.

 

 

Abolir les repères

 

Comment s’empêcher dès lors de voir là, une fois de plus,  le signe d’un libéralisme brouillon  qui poursuit  son œuvre  historique d’abolition des repères, celui  du temps en l’occurrence. L’ouverture généralisée  des frontières rend l’espace national sans signification. La modification de la constitution affaiblit les repères institutionnels. L’ouverture politique rend le clivage droite-gauche obsolète.  Le laminage des droits sociaux affaiblit  les solidarités traditionnelles et donc les repères collectifs. Le lycée à la carte et la polyvalence des professeurs (un projet heureusement suspendu) dévalorisent les  spécialités académiques. Les révolutionnaires de 1792 avaient  remis en cause le calendrier, le régime ultra-capitaliste lui  emboîte le pas. Le capitalisme, dont Marx a montré qu’il  était le plus efficace des révolutionnaires refuse toute distinction, tout repère, tout relief (hors celui de l’argent), y compris entre les jours de la semaine. Les révolutionnaires haïssent toute distinction, celle des hommes comme celle des institutions. Le dimanche était à la fois un point de repère et un jour pas comme les autres. Il faut lui couper la tête. Il faut que le dimanche cesse d’être un jour « distingué » pour devenir un jour « ordinaire ».

Le contraire de la distinction, c’est la vulgarité. Comment ne pas voir là  le triomphe d’une certaine forme de vulgarité ?  Peut-être même la vulgarité est-elle en définitive le vrai  ressort des promoteurs de cette affaire. Dans le climat d’affaissement des repères religieux et civiques, le dimanche ne sera plus le jour du culte ou de la vie sociale, il sera plus que jamais  celui  de la grande glandouille sur ces nouveaux espaces sacrés que sont les centres commerciaux, temples d’un nouveau culte, d’un  nouvel opium  du peuple où brillent face à une jeunesse désœuvrée, désargentée et sans repères,  les néons illusoires  d’une société de consommation ayant tout  détruit en dehors d’elle.

 

 

                                                      Roland HUREAUX

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