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Roland HUREAUX

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 15:20

REGIONALES : SE MEFIER DE L’ELECTEUR QUI DORT

29/06/2021

Il serait hasardeux de tirer des conclusions des élections régionales pour les appliquer à la prochaine présidentielle.

 

Le club des sortants

 

Le premier vainqueur, c’est le club des sortants. Tous  les présidents de région sont réélus en métropole, aucune ( hors la Réunion) n’a vu  sa majorité basculer . Et comment s’en étonner ?  La région ne sert qu’à distribuer de l’argent aux départements et aux communes, aux entreprises, aux associations . C’est même   par elle que transitent les  crédits  européens  ( la fameuse « Europe des régions ») . Le président de région n’a presque aucun de ces pouvoirs régaliens qui pourraient faire des mécontents : police de la circulation  et du stationnement,  urbanisme, gestion des innombrables problèmes de proximité[1].  C’est essentiellement le maire et le préfet qui se chargent de ces tâches ingrates.  La fiscalité régionale, mêlée aux autres, passe inaperçue. 

Au départ,  les régions avaient  d’abord des compétences stratégiques : aménagement du territoire, action économique ( très limitée par les règles anticoncurrentielles  de  Bruxelles), formation professionnelle, plus les lycées et, de fait, l’enseignement supérieur. Mais les conseils régionaux ont  voulu se rapprocher  du terrain multipliant, en concurrence avec les conseils départementaux, les petites enveloppes destinées aux communes, finançant ici un cinéma, là le toit d’une église, un terrain de football, etc.  toutes opérations plus clientélistes que stratégiques. Comment ne pas dire merci aux présidents en place ?  Il  n’était donc pas facile  de battre un sortant. Et personne ne l’a fait.

Au point qu’on s’interroge de plus en plus sur l’utilité d’une structure  coûteuse  qui fait souvent double emploi avec les départements et l’Etat : on évoque  le retour à l’élections indirecte par les entités locales sur  un format plus réduit, soit la suppression pure et simple de la région.

 

Une abstention logique

 

L’autre vainqueur , ce sont les abstentionnistes :  près des deux tiers  du corps électoral. Elle s’explique aussi.

Ne nous y trompons pas : le rejet de la classe politique et du système , dans les profondeurs du peuple français, est violent. Les ténors  issus des Républicains, brillamment réélus :  Bertrand, Pécresse , Wauquiez auraient tort d’imaginer  que les électeurs,  assagis,  seraient  revenus au  bercail du « cercle de  raison », à un centre droit à  l’identité plus incertaine que jamais.

Il ne sert à rien de faire le procès des hommes politiques ;  c’est la  ligne ( ou l’ absence de ligne) des partis du courant principal, qui est en cause . Ils semblent ne plus faire qu’appliquer   des décisions prises au  niveau international ( OMC, OMS,  GIEC, OTAN, OCDE ) ou continental  ( CEDH) , la commission de Bruxelles n’étant qu’un rouage exécutif.   Cette politique mondialisée, les  Français n’en perçoivent pas toujours l’origine, mais ils l’abhorrent et voient qu’aucun politique  français n’est assez courageux pour la remettre  en cause.

Ce rejet peut s’exprimer électoralement de deux manières : le vote de rupture  ou l’abstention . C’est celle-ci qui a été choisie aux régionales.  Très intelligemment , les opposants au système  ont compris que , pour effectuer un vrai changement, les élections  régionales ne servaient  à  rien.

Ceux  qui sont allés voter  : les raisonnables, les obéissants, on les dit plus instruits  ( les fameuses  CSP +)  mais ils comprennent beaucoup de personnes âgées de niveau modeste qui ont voté comme on votait il y a cinquante ans : gauche /droite.   Habitués à ce monde , ils sont moins portés aux ruptures.

Mais, dans un autre contexte, par exemple  lors d’un second tour de présidentielle serré entre des options antinomiques, comme ce fut le cas récemment aux Etats-Unis[2], il ne faut pas exclure que cette masse qui semble aujourd’hui assoupie  (et comprend le plupart des jeunes) se réveille,  et cela pour « casser la baraque » faisant le choix de la rupture, surtout si le candidat des forces dominantes reste Macron dont l’élection a montré l’usure.

 

Pas de figure de référence

 

Une telle rupture supposerait qu’il y ait une figure de référence . Mais Marine Le Pen sort elle aussi affaiblie de ces régionales, malgré la mise en avant de ralliés crédibles  comme Garraud, Mariani, Juvin  . Son recul général ne s’explique pas seulement  par l’abstention  : ont aussi joué  une campagne peu imaginative , axée sur le seul thème de la sécurité ( dont la demande  qui ressort des  sondages n’est que l’expression d’un malaise beaucoup  plus profond) , les efforts de dédiabolisation  ( sur l’Europe, sur le covid etc.)   qui laissent  de moins en moins espérer  d’elle une vraie rupture, une politique interne qui a conduit à mettre à l’écart un peu partout  les militants éprouvés  au bénéfice de jeunes apparatchiks sans attaches locales , entrainant  la désorganisation de beaucoup de  fédérations.  Mais comme disait Siéyès, en politique, on ne supprime que ce qu’on remplace et pour le moment, M.Le Pen  n’est pas remplacée.

La gauche , depuis longtemps à la remorque d’un mondialisme  honni, est, malgré les gesticulations pathétiques de Mélenchon, encore moins en mesure d’offrir une alternative.

La stagnation générale de notre paysage politique qui ressort de ces élections  est en décalage  total avec l’immense malaise qui est celui de la France d’aujourd’hui. Dans un tel contexte, toute initiative qui  pourrait  faire bouger les lignes est désormais  bienvenue.

 

Roland HUREAUX

 

[1] Il est d’autant plus paradoxal que tant de candidats aient fait campagne sur la sécurité  sur laquelle la Région  n’a aucune prise.

[2] Dans certains états, la participation  a même atteint les 110 % !  

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 15:17

DIEU, PRINCIPE DE REALITE

paru dans Monde & Vie

28/06/2018

Pour bien voir  devant soi , il vaut mieux , à l’intérieur un puissant éclairage, à l’extérieur, un beau soleil sans nuages .

C’est une dimension méconnue de la foi en Dieu : elle  est  indispensable à une vision  juste du réel.

Ce n’est pas là une idée commune. Pendant longtemps,  ce sont, les adversaires de la foi qui revendiquaient  ce qu’ils appelaient précisément les Lumières , renvoyant les idée religieuses aux ténèbres de l’obscurantisme. Longtemps  la croyance en Dieu fut soupçonnée d’être un obstacle à l’accès rationnel au réel ; les réticences de certaines  Eglises devant le progrès des sciences y furent pour quelque chose. Aujourd’hui    les croyants seraient plutôt tenus pour des idéalistes brumeux auxquels il serait risqué  de confier des responsabilités touchant de trop terre à terre, comme la police[1]. L’apport du religieux  aux affaire temporelles  est  réduit à un  « supplément d’âme », à un repère éthique , voire à une plus grande ouverture à la compassion.  On invoque avec componction  les « valeurs chrétiennes » ( mes valeurs , tes valeurs, ses valeurs ! ) comme si  n’était pas d’abord  en jeu dans les affaires du monde  la réalité elle-même .

 

La foi rend lucide

 

N’hésitons pas à le dire :   l’ouverture à la transcendance  conduit à  une approche plus lucide et plus exacte  des réalités, y compris politiques,  et est  donc le moyen d’éviter les erreurs.

Si l’animal hérite d’un système  d’instincts qui lui inspire  naturellement   ce qui lui est  lui est nécessaire de savoir  pour survivre, il n’en est pas de même de l’homme où cette connaissance passe par la raison . Il importe donc que cette raison soit droite. Si elle ne l’est pas , ce n’est pas seulement la survie de l’individu ou des siens  qui est menacée, ce peut être celle de la société, voire de l’humanité elles-mêmes.

La rapport au réel n’a pas  été un problème pendant des siècles où des tribus et des peuples étaient tenus à un fort réalisme tant pour se nourrir que pour se défendre contre les ennemis. 

Une première crise du principe de réalité  fut  la gnose apparue dès les origines du christianisme ,  peut-être sous l’ influence de la philosophie grecque. Elle tenait la réalité sensible   pour  l’œuvre d’un Dieu mauvais  et , pour cela, récusait tout ce qui pouvait servir à sa conservation : le mariage, la sexualité, le procréation, l‘agriculture, la défense contre l’ agression. Les gnostiques n’ont heureusement jamais accédé au  pouvoir  et ne représentèrent donc  pas un danger  majeur, mais ils montrent comment la séparation du courant judéo-chrétien  et de son principe fondamental , l’existence d’un Dieu unique et bienveillant, pouvait égarer les esprits  hors du réel.

On assimile trop facilement l’idéologie à un avatar moderne    de la gnose.  Son fonctionnement n’est pas tout à fait le même,  mais elles représentent  toutes les deux   une crise du principe de réalité. L’idéologie ne dévalue pas le monde  en tant que tel mais , toujours  insatisfaite de lui,  veut le réformer , au besoin  au forceps . Cela au nom d’un idéal abstrait : société sans classe , société sans frontières, race pure, humanité « augmentée »,  qui ne sera bien sûr jamais réalisé mais qui empêche ses tenants de voir la  réalité concrète :  

L’étrangeté du projet idéologique  lui donne un tour messianique. La passé y  est disqualifié au bénéfice d’un avenir grandiose . Sans nous y appesantir, souvenons nous de quelques uns des  traits   communs à toutes les idéologies : négation de la démocratie (puisque les « sachants » doivent entrainer de gré ou de force le peuple) , intolérance, destruction de la culture,  refus de la nature humaine, aliénation des populations , sentiment d’absurdité et toujours « résultats contraires au but poursuivi » ( Hayek).

 

L’idéologie envahit tout

 

Il n’est  pas exagéré de dire que malgré l’échec  des grands systèmes idéologiques qui avaient  ravagé le XXe siècle, ( socialisme marxiste ou socialisme national), l’idéologie, sous d’autres formes,  envahit tout , au nom du mondialisme et de ses différents avatars comme le projet d’une Europe apatride, d’une pédagogie prétendue scientifique  faussement égalitaire, du  refus de la sanction, même judiciaire, du principe d’autorité, de l’ultra-écologisme , de l’ultra-féminisme,  de la théorie du genre etc.  Pas un secteur de l’action publique, dans la sphère  occidentale,  qui n’en soit gangréné.
L’intolérance de ceux qui,  à partir de quelques idées simplistes, se sentent appelés à transformer l’humanité,  crée un dangereux  climat de guerre civile où le débat démocratique n’est plus possible.

Le pôle opposé,  c’est un peu sa faiblesse, ce sont des vertus banales : le bon sens, l‘éthique ordinaire , ce que George Orwell appelait la common decency,  la recherche au jour le jour du bien commun de peuples  qu’on ne prétend pas sans cesse rééduquer, le respect de quelques constantes anthropologiques fondamentales, comme l’autorité, la différence hommes-femmes , le sens de la complexité du monde.  Ces qualités sont généralement plus répandues chez les gens simples au contact direct  avec le réel que chez des pseudo-élites qui ne voient plus le réel qu’à travers des œillères idéologiques ou médiatiques.  

S’il ne s’agissait que  de spéculations en chambre, ce ne serait  pas grave mais dès lors que les idéologues accèdent au pouvoir  , comme  ils l’ont fait presque partout en Occident, , ils peuvent , à partir d’une fausse idée du réel,  entreprendre des actions qui conduisent à des catastrophes.  

D’autant que  n’étant guidés que par la logique,  ils   les poursuivent jusqu’à leurs extrémités  les plus absurdes. Leur logique n’est pas irrationnelle, au contraire , elle est un délire  de la raison.

 

Là où la foi recule, l’idéologie prend sa place

 

Quel rapport avec le fait religieux ? Comme le rappelle Emmanuel Todd, l’idéologie  a occupé partout  le terrain laissé libre par le reflux du religieux . La social  démocratie puis le socialisme national ont  pris la relève du luthérianisme, le communisme de  l’orthodoxie. La déchristianisation contemporaine a ouvert la voie  à tous les délires dont  nous sommes les témoins : mondialisme, transhumanisme, négation du fait national, de la morale, de la sexuation .  L’homo ideologicus est ouvert à toutes les manipulations : terreurs  hystériques des épidémies,  du réchauffement  climatique au nom desquels toutes les libertés son en train d’être abolies. 

Cette relève du christianisme est d’autant plus logique que l’idéologie offre, grossièrement simplifié, ce qu’apportaient les religions : une vision du monde, une opposition du bien et du mal, une perspective eschatologique, fut elle séculière, un sens à l’action. 

Mais l’héritage religieux, moral et social  judéo-chrétien  portait aussi  avec lui un  trésor de sagesse morale et pratique qui permettait   à ses adeptes de garder le contact avec le réel . Suger, Richelieu et d’autres purent  être à la fois    hommes d’Eglise  et   politiciens réalistes. Des laïques à l’ancienne mode , éduqués dans le giron de l’Eglise mais ayant pris leur distance, comme les hommes de la IIIe et de la IVe République, surent  garder ce réalisme.

 

Le christianisme contaminé

 

Le mode religieux est-il pourtant exempt  de toute contagion idéologique ?  Hélas non ; il fut un temps où le paysan allait voir son curé pour  le consulter sur l‘achat d’un champ ou le mariage de sa fille. On le croyait de bon conseil. Ce temps est révolu.   Bien au contraire , on craint aujourd’hui, à tort ou à raison, que le prêtre, évaporé dans un idéalisme excessif,  ne soit de mauvais  conseil.    

Cette dérive tient sans doute   à la toute puissance de l’idéologie qui ne peut manquer de contaminer des organismes affaiblis comme le sont nos  Eglises. Elle  tient aussi à l’oubli de certains dogmes fondamentaux  qui assuraient la juste charnière entre la foi  et la réalité du monde. Les intégristes font souvent l’impasse sur les canons du concile de Chalcédoine selon lequel, à travers la personne du Christ , l’ordre surnaturel et l’ordre naturel se superposent « sans confusion ni séparation ». Plus grave est la négation  contemporaine du  péché originel : comme le dit Pascal, ce dogme échappe à notre raison mais permet seul de comprendre la condition humaine. Ecartons la question mystérieuse de la responsabilité du mal  ; importe l’idée,   d’un sage  pessimisme, que le poids du péché empêche  définitivement l’homme de réaliser ici-bas un monde idéal et que donc les utopies sont dangereuses : « qui veut faire l’ange fait la bête !».  Quand Rousseau dit que l’homme nait bon, l’échafaud n’est pas  loin.   La méfiance sage  ( mais pas absolue) de la nature humaine commune évite les folies que les derniers siècles nous ont montrées  pour notre malheur et  peut-être d’autres encore pires.

L’Eglise ne  saurait apporter beaucoup   aux hommes si elle les suit dans leurs délires post-chrétiens . Dans un monde longtemps  marqué par le christianisme , ces délires sont souvent des « idées chrétiennes devenues folles » ( Chesterton) . Ce qui peut les empêcher de devenir folles,   c’est la conscience de la faiblesse congénitale de l’homme.

Au travers de sa  riche tradition, biblique et théologique, récapitulation de toute la  sagesse humaine, de la finesse des ses concepts   ( opposés aux simplifications idéologiques) , la vraie foi nous apprend à regarder la réalité humaine telle qu’elle est. 

Dieu nous a tout donné , mais il nous   donne particulièrement   l’éclairage qui permet de voir le réel sans illusions . Si sa Lumière  faiblit,   les catastrophes idéologiques sont à nos portes. « Quand l’homme perd la foi, il perd la raison. » ( Jean Paul II) .

 

Roland HUREAUX  

 

 

 

 

 

 

 

[1] Sous la IVe République, le ministère de l’intérieur était réservé aux socialistes, la diplomatie aux démocrates-chrétiens…

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 15:15

L’OCCIDENT VS/ RUSSIE : POURQUOI TANT DE HAINE ?

 

Paru dans Liberté politique, mai 2021

 

Depuis la prise de fonction de Joe Biden, l’agressivité américaine vis-à-vis de la Russie   monte dangereusement, sans que cela doive nous étonner au vu des positions antérieures des démocrates.  Que le nouveau président ait qualifié Poutine de « tueur » le 17 mars dernier est assez stupéfiant :  c’est sans précédent dans les relations entre les deux pays.  Moscou a immédiatement rappelé son ambassadeur. Le   nouveau secrétaire d’Etat, Antony Blinken, avait déjà dit : « Nous allons travailler pour faire rendre des comptes à la Russie pour ses actes antagonistes et ses violations des droits de l’homme. »

L’exercice Defender Europe 2021 des forces de l’OTAN en Europe orientale qui commence s’est accompagné de provocations verbales du président de l’Ukraine qui ont obligé Poutine à faire une démonstration de force à la frontière des deux pays. Biden le matamore a dû composer.

 

Atmosphère de guerre à Washington

 

Dans leur cocon introverti, les Français ne se rendent pas compte de l’atmosphère qui règne à Washington vis-à-vis de la Russie. La plupart des décideurs démocrates sont persuadés que Poutine est Hitler et qu’il faudra l’arrêter comme les Européens auraient dû arrêter Hitler en 1936-38.   Les Européens qui devraient être mieux informés, au moins les Britanniques, ont une vision analogue.  La Pologne, les pays baltes et même l’Allemagne ne sont pas loin de raisonner de même.  L’hystérie antirusse règne tout autant dans les bureaux de Bruxelles et au Parlement européen.

Les think tanks américains   se livrent à des simulations dans l’hypothèse d’une guerre nucléaire limitée en Europe.

Que l’oligarchie américaine   se soit persuadée que le régime russe actuel était comparable au socialisme national allemand ( dit nazisme) explique la haine extraordinaire qui règne aujourd’hui en son sein vis-à-vis de la Russie. Les Russes, qui ont tendu   la main à plusieurs repises, en vain, aux Européens et même aux Américains ont fini par se rendre compte qu’il n’y avait rien à tirer ni des uns ni des autres.

Cette haine faisant craindre le pire, il importe de l’analyser pour la comprendre.

Le rejet du président Trump[1] par l’establishment qui a abouti à la désignation de Biden s’explique en partie par le fait qu’il fut suspecté de vouloir trouver un arrangement avec Poutine. Mis en accusation devant le Congrès pour cette supposée collusion, il parvint non sans mal à être innocenté mais sans éliminer tout soupçon. Il ne fait pas bon avoir aujourd’hui une attitude pacifique envers la Russie à Washington.

 

Puissance et valeurs

 

On pourrait se contenter d’expliquer cette attitude des Américains et de leurs alliés européens par leur ignorance abyssale de l’histoire et de la science politique. Bien qu’elle ait enseigné dans les universités de Princeton et de Columbia, nul d’entre eux ne semble avoir lu Hannah Arendt et donc compris la différence entre un régime totalitaire et idéologique et un simple régime fort qui défend   son intérêt national. Aussi bien dans le socialisme soviétique que dans le socialisme national allemand, prévaut une ambition universelle :  étendre la révolution prolétarienne dans le monde entier pour le premier, faire un homme nouveau à partir de la race supérieure, pour le second. L’ambition universelle entraine l’impérialisme, même si celui du socialisme soviétique fut contenu par la guerre froide. Il est clair que, par rapport à ces catégories, qui devraient être enseignées en première année de sciences politiques, Poutine n’a pas la volonté de répandre ses deux références majeures : le christianisme orthodoxe et le culte de la patrie russe et n’est donc pas un idéologue. S’il est normal qu’il se défende, il est aussi clair qu’il n’a nullement l’intention de partir à la conquête du monde.

En revanche, les Américains d’aujourd’hui, spécialement, ceux de la tendance dite « néo-conservatrice » et qui sont en réalité de gauche[2] ,  dès lors qu’ils veulent répandre les valeurs américaines à travers le monde, en obligeant par exemple les petits pays d’Afrique et l’Amérique latine à adopter le mariage homosexuel, ou en voulant, comme ils l’ont fait en 2011, démocratiser de force  les pays arabes, sont naturellement enclins à l’impérialisme. Qui d’autre a déclenché neuf guerres depuis 1990[3] ?   Il faut l’abyssale bonne conscience du puritanisme américain pour ne pas se rendre compte de ce que le reste de la planète sait : ce sont eux qui menacent la paix du monde.

Un pays est d’autant plus dangereux qu’il se croit investi de la mission de répandre des valeurs universelles. C’est pourquoi la Russie orthodoxe est bien moins dangereuse que la Russie communiste.   

Ne pas vouloir conquérir le monde ou y répandre ses idées ne signifie pas qu’on doive se laisser marcher sur les pieds.  Hors de l’idéologie,  reste le politique classique : tout pays indépendant veut être « prospère à l’intérieur et respecté à l’extérieur », spécialement dans son environnement immédiat. Toute grande puissance a le droit d’exiger un glacis de sécurité minimum, ce qui ne signifie pas qu’elle veuille l’élargir au monde entier. La France respecte l’indépendance de la Belgique mais elle prendrait sans doute mal que celle-ci reçoive sur son sol des batteries de missiles chinois pointés sur  Paris.

Tenir la Russie pour un Etat agressif et l’Amérique pour une championne de la paix alors que les armées de l’OTAN cernent la Russie tout autour : Pays baltes, Pologne, et même un temps Géorgie, témoigne d’un aveuglement singulier. Que dirait-on si c’étaient les armées russes qui stationnaient au sud du Rio Grande avec des missiles pointés sur les Etats-Unis ?

Poutine a certes commis une violation du droit international en annexant la Crimée.  Plus grave que l’indépendance conférée par les Etats-Unis au Kosovo ?  On peut en discuter. Il reste que la révolution dite de la place Maidan qui avait eu lieu en Ukraine en 2014, téléguidée de Washington[4], conduisait à ce que l’Ukraine rejoigne le nouveau cordon sanitaire établi par l’OTAN autour de la Russie. Que Poutine n’ait pas accepté que Sébastopol, base navale historique de la Russie, devienne une base de l’OTAN n’en fait pas un nouvel Hitler. Rien à voir entre l’annexion  de la Crimée et celle des Sudètes que sous-tendait un plan de conquête du monde.  Les Occidentaux ont aussi cru en 2011 que la Russie allait lâcher la Syrie, dernier allié qui lui restait au Proche-Orient, des neuf qu’elle avait du temps du communisme[5]. Même un homme aussi averti que Brezinski dit sur sa fin que la politique de Poutine était incompréhensible. Il nous semble au contraire qu’il n’y a en a pas de plus claire.

 

Rome et Carthage

 

Une autre raison de l’incompréhension des Etats-Unis pour la nouvelle Russie tient au vieux fantasme issu de la géopolitique de Mackinder (1861-1947) l’idée contestable que le pays qui tient la charnière entre l’Europe et l’Asie, le heartland, tient la clef de la domination du   monde. Pour le même Brezinski, la Russie cesse d’être une grande puissance si elle ne contrôle plus l’Ukraine. Sous les apparences scientifiques, cette théorie tient du fantasme. Elle n’en a pas moins conduit à l‘actuelle guerre d’Ukraine.  Pour les néo-conservateurs américains, si l’Ukraine et les anciennes républiques soviétiques échappaient au contrôle de Moscou, l’étape suivante serait un démantèlement progressif de la Russie en provinces plus ou moins indépendantes[6].  Qui s’étonnera que Poutine, très au courant de ces théories fumeuses, ne se soit pas laissé faire ?

Derrière cette volonté de réduire à néant la puissance russe qui s’exprime dans les sphères dirigeantes américaines, l’image de la rivalité entre Rome et Carthage. Curieusement, alors que durant la guerre froide, l’enjeu idéologique de la rivalité était essentiel, l’habitude avait été prise en Occident de penser que le communisme soviétique était une réalité pérenne avec laquelle, tout en la contenant, il fallait composer. Depuis que la Russie n’est plus porteuse d’une idéologie expansionniste et qu’il est donc possible de composer avec elle, c ‘est alors qu’on veut l’anéantir.

Mais ces considérations ne nous ont pas encore amené à la pointe extrême de l’explication de l’hostilité hystérique des  cercles dirigeants occidentaux à l’égard de la Russie de Poutine.  Pour la comprendre pleinement, il faut prendre en compte le fait idéologique.

 

Le fait idéologique

 

Les Russes le connaissent parfaitement : ils en sortent. Pendant 73 ans, de 1917 à 1990, ils ont vu chez eux les effets désastreux de l’idéologie marxiste-léniniste : oppression totalitaire, goulag, inefficacité économique, clochardisation morale sous l’effet de la destruction des valeurs traditionnelles, notamment religieuses. Ayant vécu une telle expérience, les ex-soviétiques sont, si l’on peut dire, vaccinés et n’ont nullement envie de la refaire. Ils savent que c’est l’attachement officiel à la religion orthodoxe, principale cible du marxisme et aux principes d’une politique purement nationale qui les en préserve.

Ils ne manquent pas de voir, avec bien plus de lucidité que nous, à quel point le fait idéologique, sous un nouvel avatar, s’est emparé aujourd’hui de l’Occident : démocratie et libéralisme mensongers, prétention de répandre des valeurs tenues pour universelles, prétention de faire un homme nouveau par la négation de la nature (au travers par exemple de la théorie du genre), négation des valeurs spirituelles et matérialisme antichrétien, recul des libertés.

Qu’est-ce que l’idéologie ?  Nous dirons qu’il s’agit d’une théorie politique ayant le double caractère d’être simplifiée et de se vouloir messianique. Simplifiée parce qu’elle enferme la réalité sociale dans des idées trop simples : lutte des classes ou lutte des races , suppression de la propriété, de la famille ou de la nation, libre-échange tenu pour un absolu. Inadaptés à une réalité sociale nécessairement complexe, ces principes ont toujours des effets pervers qui suscitent la dissidence des peuples.

Mais l’idéologie se veut également messianique : elle ambitionne  de faire avancer l’humanité vers un stade supérieur, une « fin de l’histoire », ce que l’on appelle de manière édulcorée le « progressisme ». L’enjeu du combat politique n’est donc pas seulement politique mais moral et métaphysique.  Même si le royaume de l’idéologie est de ce monde, il suscite, compte tenu de son enjeu, un fanatisme religieux qui a de nombreux effets : le manichéisme, la politique conçue comme une lutte du bien contre le mal, la légitimation, au nom de l’idéologie, de toutes les entorses aux principes les plus sacrés : lois constitutionnelles, régularité électorale, morale commune, libertés, démocratie, vérité. Entorses fondées sur l’idée que les peuples, naturellement rétrogrades , n’avanceront dans le sens du supposé progrès que si on les y contraint.   Comme on le voit aujourd’hui en Occident, l’idéologie (autrement dit le « politiquement correct ») refuse le débat et même le pluralisme, tout opposant à l’idéologie dominante « ne méritant pas d‘exister ». Les vrais ennemis de l’idéologie sont la common decency chère à Orwell, le bon sens, la, nature, la raison et, la plupart du temps, le fait religieux.

 

L’héritage des Lumières

 

Le fait idéologique, aujourd’hui si répandu, n’a pas toujours existé. Il est une suite de la philosophie des Lumières.  Tout dans les Lumières n’est pas idéologique. Mais elles ont pu, dans certains contextes, dégénérer en idéologie. Le rationalisme porte en lui la folie quand il part de schémas simples, trop simples, point de départ d’une logique implacable qui ne sait pas s’arrêter. Comment l’arrêter en effet sans basculer sur une autre logique, ce que l’idéologue est incapable de faire ? La déraison idéologique n’est pas le contraire de la raison, elle est la raison devenue folle dès lors qu’elle part de prémisses fausses – ou au mieux ultra-simplifiées - et que de là elle poursuit une démarche logique dont les conséquences ultimes sont folles. En tout état de cause, l’idéologie ne saurait appréhender la complexité du monde ou la complexité de ce qu’il faut prendre en compte pour gérer une société selon les voies de la politique ordinaire. Elle se réfère néanmoins à la science, une fausse science. Karl Marx, athée militant, disciple de Hegel et dont le système avait une prétention scientifique, s’inscrivait clairement dans la suite de la philosophie des Lumières. Malgré les apparences, Hitler aussi, au moins en partie, en ce que, déjà transhumaniste, il croyait à la possibilité de faire émerger par une démarche scientifique de type darwinien, le surhomme annoncé par Nietzsche. L’idéologie ultra-libérale et libertaire moderne à également  des présupposés scientifiques faux, comme la théorie du genre.

Les idéologies ont un caractère fusionnel : fusion de individus dans l’Etat fasciste et nazi, fusion des classes sociales et des propriétés individuelles dans le communisme, fusion des Etats, des sexes (genres), des races dans la théorie « libérale » libertaire et mondialiste. Elle suit ainsi la démarche inverse de la Genèse où Yahvé crée le monde par des dissociations progressives : la lumière et les ténèbres, la terre et le ciel, la terre et l’eau, les plantes et les animaux, les animaux et l’homme, l’homme et la femme. Le but de l’idéologie est au contraire l’indifférenciation, autre nom de la mort.

L’autre caractère de l’idéologie est la prétention à faire le salut de l’homme, non par un Royaume de cieux au caractère eschatologique, mais dès ce monde ci en faisant accoucher une société parfaite ou, au moins, en suscitant le « progrès » vers cet horizon – progrès qui rejette, sans débat, aux « poubelles de l’histoire »[7],  au statut de vil réactionnaire, tout ce qui pourrait s’y opposer. La croyance à un progrès séculier, voire   à un salut terrestre, opposé au salut eschatologique judéo-chrétien est aussi une conséquence des Lumières.

L’actuel régime russe, issu de la chute du communisme, lequel avait    montré les conséquences funestes d’une démarche idéologique issue des Lumières, est fondé, sur le rejet de toute idéologie et sur le retour aux valeurs traditionnelles du christianisme russe et de la tradition nationale. C’est en un sens une négation des Lumières, non pas pour un retour à un obscurantisme supposé   comme le disent ses opposants idéologues, mais pour des réalités humaines à la fois traditionnelles et fondamentales, comme la famille, plus naturelles et moins dangereuses que les raisonnements abstraits et pour finir criminels des idéologies.

A partir de là, Il est clair que la Russie actuelle s’inscrit comme une négation de toutes les idéologies, notamment du communisme et de l’ultralibéralisme libertaire. Ce que la guerre froide n’a pas permis de voir : la parenté profonde du communisme et du libéralisme occidental, qui ne sont que deux branches des courants issus des Lumières ; en définitive, la Russie de Poutine, si elle est bien moins dangereuse pour la paix du monde, représente une contestation beaucoup   plus radicale du libéralisme libertaire que ne l’était le communisme. Nous le voyons dans les anciens pays de l’Est où les adeptes les plus motivés de l’Europe supranationale (branche du mondialisme idéologique) et de ses prolongements libertaires   sont les anciens communistes alors que les anciens dissidents, comme Orban, soutiennent au contraire les voies traditionnelles.

On pourrait considérer la voie choisie par la Russie comme une voie parmi d’autres laquelle, après tout, ne devrait gêner personne et n’empêcherait pas de suivre leur propre chemin les pays ayant adopté des régimes idéologiques dits « progressistes », comme l’ont fait les pays occidentaux, en tous les cas leurs dirigeants ; mais, avons-nous dit, l’idéologie est à la fois universaliste et intolérante.  Ajoutons que sa capacité à s’étendre hors de sa sphère d’origine est, pour ses tenants, la preuve de sa vérité. C’est pourquoi l’existence même des choix traditionnalistes, comme celui de la Russie de Poutine, constitue une contradiction insupportable pour les adeptes du progressisme libéral libertaire occidental. Pout les adversaires les plus enragés de la Russie, comme Hillary Clinton, si Poutine a raison, alors   tout ce sur quoi ils ont fondé non seulement leur carrière mais leur vie perd sons sens. Poutine est haï parce que ses choix remettent en question à leur racine les bases de l‘idéologie sur laquelle fonctionne aujourd’hui l’Occident : leurre, l’Etat mondial, leurre, le libre-échange généralisé, leurre, la croyance au progrès (en dehors du progrès scientifique et technique), leurre la fin de l’histoire par la généralisation de la démocratie libérale (qui n’est plus ni démocratique ni libérale), leurre la théorie du genre etc.  Poutine pose aux dirigeants occidentaux une question de vie et de mort, non parce qu’il les menacerait militairement mais parce qu’il remet en cause radicalement tout ce qu’ils croient et en définitive ce qui fait leur raison d’être et leur pouvoir.

 

Idéologie et autisme

 

Ajoutons que la démarche idéologique engage ses adaptes dans une vision autiste du monde, encadrée par des concepts simplifiés, comme nous l’avons vu, et les rend radicalement incapables de comprendre ceux qui ne sont pas dans le même système, à fortiori ceux qui ne sont dans aucun système.

C’est ce qui explique l’invraisemblance bonne conscience du mainstream américain incarné aujourd’hui par le parti démocrate : les Etats-Unis ont des troupes tout autour de la Russie et c’est la Russie qui est agresseur.  Tous les médias soutiennent Biden, les opinions dissidentes sont pourchassées par les Gafams, et c’est l’Amérique qui est le pays de la liberté     et la Russie qui ne l’est pas.  Biden a été le vice-président d’Obama qui a décidé de centaines d’assassinats sans jugement à travers le monde   et c’est lui qui traite Poutine    de tueur ! Biden est soupçonné d’une gigantesque fraude électorale dont seule l’ampleur est incertaine et il ne doute pas d’ incarner la démocratie, C’est ce qu’on appelle l’inversion accusatoire, propre à tout système idéologique mais particulièrement inquiétante quand elle est de bonne foi. 

Il est bien connu que les Américains ont toujours eu du mal à comprendre le reste du monde. Cette incapacité n’a fait que s’accroître (en exceptant la parenthèse Trump), au fur et à mesure que le régime américain est devenu de plus en plus idéologique. A cet égard, la situation n’est pas la suite de ce qu’elle était du temps du communisme. Les universités et les think tanks américains savaient comment fonctionnait le communisme. La CIA aussi. Les Soviétiques, loin d’être aveuglés par leur idéologie, connaissaient leur adversaire libéral, surtout depuis que Staline avait tempéré le léninisme pur et dur en réhabilitant certaines réalités naturelles comme la patrie ou la famille.  Autre dissymétrie :   l’oligarchie soviétique, dès les années cinquante ,  avait   perdu la foi dans le communisme ; elle vivait dans le mensonge en le  sachant , ce qui lui permettait de comprendre le reste du monde ,   alors que l’oligarchie mondialiste d’aujourd’hui , elle,  croit toujours à son idéologie ; elle  croit  que Poutine est  Hitler, elle croit , contre l’évidence, qu’elle défend la démocratie libérale et la paix,  elle croit que l’avenir est à un Etat mondial, elle se ment à elle-même mais elle ne le sait pas.  « Nous pouvons instaurer la justice raciale et faire en sorte que l’Amérique redevienne la première force du Bien dans le monde » dit en toute bonne foi Biden.  A la différence des dirigeants américains de la guerre froide, l’Amérique n’est guère armée intellectuellement pour comprendre la Russie.   Alors que, sous la guerre froide, ils se comprenaient réciproquement, aujourd’hui, les Russes comprennent très bien les Américains car ils savent comment fonctionne l’idéologie, mais les Américains ne comprennent pas les Russes. Est-il nécessaire de dire qu’une telle situation est porteuse des plus dangereux malentendus ?

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 (

 

[1] Il fait peu de doutes que les démocrates se sont livrés à une fraude  gigantesque dans cette élection. A-t-elle renversé le résultat ? Il est difficile de le dire.

[2] Le néo-conservatisme est un terme fallacieux :  désignant un impérialisme idéologique fondé sur les valeurs dites « libérales », il a été fondé par des trotskystes qui se sont d’abord appuyés sur les Républicains, puis sur les Démocrates.

[3] Koweït (la plus excusable, en théorie défensive), Rwanda (selon Boutros-Ghali), Kosovo, Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Ukraine, Yémen.

[4] « Un coup d’Etat de la CIA » (Valéry Giscard d’Estaing)

[5] Syrie, Irak, Libye, Algérie, Yémen du Sud, Ethiopie, Somalie, OLP, Afghanistan après 1979.

[6] Zbigniew Brezinski, Le grand échiquier, 1998.

[7] Une expression aujourd’hui perdue de vue, issue de la doxa marxiste du temps de Staline.

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 15:12

 

PAS DE PARDON A KIGALI

29/05/2021

Ce titre à la Gérard de Villiers voudrait montrer l’inanité de la démarche du président de la République allant demander pardon à Kigali pour la supposée  « accablante responsabilité  de la  France »  dans le génocide qui a eu lieu au Rwanda  en 1994.

Nous ne croyons pas une seconde que les vraies  raisons de ce  voyage déshonorant soient la volonté de réconciliation entre la France et le Rwanda,  mais admettons.

D’abord qui peut parler au nom de qui  ? Kagame ne représente que les 5 % de Tutsi ( 10 % avant 1994) . Il est très probable que les 85  % de Hutus , vivant sous la terreur,  le détestent .  Kagame  est en place depuis 25 ans. Son régime est fatigué, sa cote internationale en baisse ( seul Macron semble l’ignorer) . Les Etats-Unis qui l’ont porté au pouvoir et toujours soutenu commencent à s’apercevoir – il était temps ! -  qu’il ne respecte pas les droits de l’homme : être élu  sans opposition, avoir mis quelques dissidents  en prison, c’est pour eux  plus grave que d’avoir  provoqué la mort de plusieurs millions de personnes. Il reste que l’idée fait son chemin outre-Atlantique que Kagame pourrait ne pas être un interlocuteur respectable.

Quant à Macron  que les deux tiers des Français ne souhaitent pas voir réélu[1] ,  combien se  sentent  encore engagé  par ce qu’il dit ?

Il reste que cette rencontre pose un  problème grave, et d’abord du côté du Rwanda.

 

La France n’a rien à se reprocher

 

La question n’est en effet pas celle de  la responsabilité  de la  France : elle n’a rien à se reprocher dans cette affaire . On peut douter de  l’opportunité de l’appui apporté  par François Mitterrand au  président hutu  Juvénal Habyarimana ( en place de 1978  à 1994). Mais discuter une politique n’est pas condamner  et encore moins criminaliser. Il n’était en tous cas pas honteux de soutenir ce  président : les grands massacres ont eu lieu après sa mort. Il avait une assise démocratique, celle de  l’ethnie hutu, majoritaire à 85 %. Il était infiniment moins despotique et criminel  et même moins  corrompu (et encore moins corrupteur ! ) que  Kagame qui lui a succédé. Il faut être beaucoup plus répressif pout assurer la domination d’une minorité de  5  % de la population que d’une majorité de 85 %. Or, dès le départ,  l’actuel régime  était fondé sur une terreur dont il y a peu d’exemples récents sur la planète.  

Il a été amplement démontré par ailleurs que les troupes de l’opération Turquise envoyées en interposition à l’été 1994, n’ont été en aucune manière complices de génocide[2]. Il n’y avait donc rien à se faire pardonner du côté français. Mais qui pardonnera  jamais à Kagame ?

Le problème véritable est celui de la responsabilité du dictateur  dans les crimes qui ont ensanglanté cette région. Elle est presque totale :

Kagame

  • A entrepris d’envahir le Rwanda en 1990 , sans aucune légitimité sinon celle  représenter l’ancienne noblesse tutsi en exil ;
  • A commis de terribles  massacres de Hutu au fur et à mesure que ses troupes avançaient  ; le million de paysans  hutu réfugiés à Kigali pour fuir en savaient  quelque chose ;
  • N’a pas appliqué  le cessez- le feu prévu  dans les accords d’Arusha  (1993) et continué à avancer , bénéficiant de  l’appui de ses parrains anglo-saxons alors que le camp gouvernemental  se trouva brusquement privé de celui de la France , seule à respecter les accords ;
  • A détruit en vol l’avion qui transportait le président Habyarimana  et son collègue du Burundi, également hutu, le 6 avril  2018, ce qui a déclenché la vague de massacres de l’été 1994  ( plusieurs centaines de milliers de victimes, pas seulement tutsi );
  • A lancé en  1997, ses troupes à l’assaut du Congo voisin, qu’elles ont parcouru pour éliminer les Hutu réfugiés et de nombreux Congolais, tuant les hommes et mutilant atrocement les femmes que le Dr Mukwege , prix Nobel de la Paix 2018  et témoin irrécusable,  s’évertuait à  réparer ( plusieurs millions de victimes hutu et congolaises)[3] (Cf Rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés 2009).

Cela , tous les chefs d’Etat  le savent, en tous les cas les Africains. En allant demander pardon  au principal  responsable de ces atrocités, Macron se ridiculise à la face du monde.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] https://www.ladepeche.fr/2021/04/27/les-francais-jugent-durement-le-bilan-de-macron-9512348.php

[2] Voir en particulier Charles Onana ,  Vérité sur l’Opération Turquoise, L’Artilleur 2019 et Enquêtes sur un attentat , Rwanda  6 avril 1994 , L’Artilleur 2021.

[3] Rapport Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés , 2009. https://www.ohchr.org/documents/countries/cd/drc_mapping_report_final_fr.pdf

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 15:10

LES DEUX CLIVAGES FRANÇAIS

25/05/2021

Il est commun aujourd’hui de pointer l’éclatement de la société française en de multiples entités, qui formeraient comme un « archipel », où on aurait du mal à reconnaitre la France d’autrefois « catholique et républicaine »[1].

Il est cependant possible, dès lors que l’on prend quelque recul, de discerner deux clivages majeurs, distinct de ceux du passé, qui ne se croisent qu’en partie et auxquels la plupart des autres se ramènent.

 

Un clivage ethnique

 

Le premier de ces clivages est tout simplement ethnique et résulte de l’immigration. Il oppose les indigènes, que certains appellent les « Français de souche »   et les héritiers de plusieurs vagues d’immigration, dont les dernières, peu ou pas assimilées,   n’ont pas  encore accédé à la citoyenneté. Il est très difficile de donner des chiffres :  selon l’INED, près d’un Français sur trois aurait un grand-parent issu de l’immigration et ce pourcentage ne cesse de s’élever.  Mais il est risqué de mettre dans le même ensemble, des  petits enfants d’immigrés espagnols ou italiens sans attaches avec leur pays d’origine et entièrement francisés et de jeunes sub-sahariens arrivés récemment sur le territoire national.

Il se peut que le clivage principal soit aujourd’hui moins celui des origines que celui de la religion. Le fait que la majorité de l’immigration récente soit musulmane, combinée à certains caractères de cette religion comme la forte endogamie ou le rattachement à une Oumma internationale, instaure une distance sociale et culturelle que n’avaient jamais entrainée les vagues précédentes, venues pour l’essentiel de l’Europe catholique.  Ce qui perturbe le plus les indigènes, c’est moins le poids  numérique des allogènes, surtout musulmans, que   sa croissance relative du fait du différentiel de natalité et de la poursuite d’un flux d’immigration que les gouvernements d’Europe de l’Ouest ne se soucient que peu de freiner. A cet égard, l’interdiction des statistiques ethniques ou religieuses nourrit l’inquiétude ou les fantasmes plus qu’elle n’apaise les esprits. Le moment où les indigènes seront minoritaires est certes assez éloigné, mais il suffit qu’une communauté allogène  représente une forte minorité – et cette perspective est très proche ou déjà atteinte si l’on ne compte que le moins de trente ans - , pour que s’instaure un climat de guerre civile qui ne ferait que rendre plus difficile l’assimilation.  Voir le Liban ou la Bosnie. Disons le clairement : pour que la paix civile se maintienne, il faut que l’une des communautés  et de préférence l’historique  soit clairement hégémonique et que les taux de natalité soient comparables. Ajoutons que le repli sur soi, sociologique et bureaucratique, de l’Eglise catholique qui, multipliant les obstacles au baptême, semble réticente à la conversion des musulmans, nourrit aussi l’angoisse d’une mise en minorité des natifs, et, par là, son expression politique.

Que beaucoup de ces natifs ressentent leur différence avec les nouveaux venus, ne saurait cacher l‘hétérogénéité du monde de l’immigration : différence ente les maghrébins et les subsahariens, entre les maghrébins d’origine marocaine et algérienne (qui n’ont pas du tout le même souvenir de la colonisation), entre les subsahariens musulmans et chrétiens. Le fossé est également profond entre les musulmans africains et les autres : Turcs, Albanais, Tchétchènes. Bien que très divers, ces groupes ne se mélangent , en partie,  que dans les bandes délinquantes. Européens depuis cinq siècles et généralement chrétiens, les Roms et apparentés constituent un groupe à part que seule l’ignorance des Français de souche classe parmi les immigrés.

Que les islamistes militants, voire terroristes, ne constituent qu’une faible minorité ne saurait nous rassurer :  en cas de crise, la solidarité communautaire se ferait bien plus large, surtout si elle se conjugue avec la séparation des  territoires. 

 

Un clivage politico-existentiel

 

Mais sur le plan politique le clivage majeur n’est pas là. Il sépare de plus en plus ceux qui se rattachent à la « pensée unique » européenne et internationale et ceux qui s’y opposent. La pensée unique internationale :  l’euro et l’Europe de Bruxelles, une justice marquée par la cuture de l’excuse et  le rejet du répressif, l’antiracisme et la sympathie pour l’immigration, l’écologie, le mariage homosexuel et la théorie du genre, et surtout la haine du supposé fascisme, notion élargie à tout forme de sentiment national ou identitaire (sauf celui des minorités). Ajoutons que la mouvance dominante accepte mieux la discipline sanitaire.

Il est difficile de voir comment se partagent ces deux groupes :  moins significatifs que les deuxièmes tours des présidentielles en 2001 ou 2017, les référendums sur l’Europe (1992 et 2005), les sondages sur la PMA ou l’immigration  donnent le sentiment d’un partage moitié-moitié, d’autant plus inquiétant que, le durcissement idéologique aidant, le dialogue est de plus en plus difficile entre les deux France – entre la France et l’anti-France diront certains.

Mais le camp mondialiste contrôle la quasi-totalité des médias, la plupart des partis politiques, des sphères supérieures de l’Etat , des milieux d’affaires,  et a l’appui officiel de toutes les Eglises ; n’était ce rapport de forces inégal, ressenti par beaucoup comme oppressif, la France se trouverait au bord de la guerre civile comme le sont les Etats-Unis, selon les mêmes clivages.  

Ceux qui se rattachent au mondialisme : presque toute gauche, le centre et une partie de la droite classique; le seul grand parti qui s’en démarque clairement est le Rassemblement national, mais ses idées sur certains sujets comme l’immigration, quoique tenues pour politiquement incorrectes,  recueillent un assentiment majoritaire.

Il faut aussi tenir compte des attitudes schizophréniques : tel qui dit « j’ai toujours voté à gauche » et  ne supporte pas l’islam .

Les deux clivages, ethnique et politique, ont une dimension géographique. L’immigration récente tend à se concentrer dans les villes et au sein des villes, dans certains quartiers, généralement de banlieue.   Moins que d’un supposé racisme, cette ghettoïsation résulte de l’importance prise en France par le logement social et du laxisme judicaire qui n’assure pas la sécurité de indigènes dans les quartiers dominés par les allogènes.

Le second  clivage a aussi une base géographique, légèrement différente : l’adhésion au mainstream et à tout ce qui va  avec, est le propre des grandes métropoles, spécialement des quartiers bourgeois, dits  bobos, alors que l’opposition à la  pensée dominante vient plutôt des banlieues où les indigènes cohabitent avec les immigrés, des villes moyennes et petites et du monde rural.  En bref, d’un côté tous ceux qui profitent de  la mondialisation, plus ou moins branchés sur l’international (branchés tout court) et en face, tous ceux qui en pâtissent : paysans, ouvriers, chômeurs et de plus en plus une classe moyenne déclassée, en partie  le peuple des Gilets jaunes . Les fonctionnaires de tradition de gauche, comme les enseignants, protégés par leur statut, mais dont le niveau de vie régresse,  sont de plus en plus partagés.

Les deux clivages que nous venons de marquer bousculent les oppositions traditionnelles.  La droite et la gauche classiques cherchent en vain ce qui les sépare. L’extrême-gauche, sans projet,  propre, ne sert qu’à leur apporter un appui bruyant face aux défenseurs de l’identité.  Avec le passage à gauche des très grandes fortunes qui tiennent les médias, la lutte des classes  a changé de visage. La France cléricale et la France laïque sont des catégories à revoir : la première, attachée à la nation, est bousculée par l’attitude cosmopolite du pape François et de l’épiscopat, ainsi que de la quasi-totalité de la presse catholique : entre ceux qui suivent le courant officiel et ceux, nombreux,  qui ne le suivent pas (d’où vient la grande majorité de vocations), une sérieuse division s’est instaurée. Le France laïque est profondément remise en cause par l’islam, notamment à l’école :  les uns défendent l’« islamo-gauchisme » , les autres passent au Front national.  L’anticléricalisme, qui est plutôt un anticatholicisme,  est, contrairement à ce que l’on croit, plus virulent que jamais, notamment dans les médias : les uns rejettent, avec l’islam, toutes les religions, les autres refusent violemment  les positions de l’Eglise catholique sur les problèmes sociétaux (homosexualité, avortement) : qu’elle les mette en veilleuse n’y change rien. L’Eglise de France est cependant moins divisée sur ces questions que celles d’Allemagne ou des Etats-Unis. 

Les clivages entre régions se sont aussi très estompés. Deux facteurs  : les programmes de télévision (sauf pour les Maghrébins utilisant les paraboles) et les intermariages.  La modernité a très peu décloisonné les pays d’Europe entre eux (l’homogénéité économique et le monopole de l’anglais basique tendent  au contraire à les faire se replier) ;  en revanche, l’espace national est plus homogène que jamais, comme le montrent le chauvinisme sportif et les généalogies de plus en plus interrégionales. Les autonomismes régionaux se sont tempérés.

 

Danger d’éclatement

 

La politique conduit à d’étonnantes alliances à travers ces clivages. Le monde de l’immigration, malgré son horreur du mariage homosexuel, vote en partie comme la bourgeoisie libertaire  (dite bobo). La communauté juive, hostile généralement aux partis identitaires  mais pro-israélienne, vote souvent comme les Arabes pro-palestiniens. Jusqu’à quand ? Les anciens fiefs communistes comme le Pays noir, se reconnaissent de plus en plus dans le Rassemblement national. Les défenseurs de l’identité française trouvent plus de sympathie qu’on ne croit dans des groupes, souvent tenus pour « différents » :   originaires de l’outre-mer,  descendants de l’immigration ancienne ou des Harkis, Africains chrétiens, musulmans laïcisés  ou chrétiens d’Orient. Mais ces groupes sont trop peu nombreux pour déterminer de nouveaux clivages.

Le clivage majeur reste entre le camp mondialiste et le camp national.  Il est plus que politique : il est existentiel. Il ne faut pas négliger là les risques d’une fracture majeure, par exemple si la prochaine présidentielle aboutissait, entre des candidats séparés par cette question,  à un second tour serré sur fond de fraudes importantes. Le clivage que nous appellerons ethnique ou religieux , entre natifs et immigrants récents,  est largement subordonné au premier : si le groupe politique dominant   n’encourageait pas   secrètement l’immigration (à l’instar de tous les pouvoirs transnationaux,  de l’ONU à l’Union européenne),  n’exaspérait pas l’autre par un antiracisme exacerbé , généralement pire que toutes les formes de haine raciste,  ce que   Guillaume Bigot[2] appelle la populophobie, si une  justice non-politisée appuyait  mieux la police dans ses efforts de rétablir l’ordre sur tout le  territoire national, si les enseignants et les journalistes incitaient au respect de la  France, si l’on revenait de la laïcité  soixante-huitarde transgressive, type Charlie,  à celle de Jules Ferry   respectueuse  de toutes les croyances  ( mais aussi des  données scientifiques ) , il est probable que la question migratoire cesserait d’avoir  la dimension anxiogène et conflictuelle  qu’elle a  aujourd’hui et que, sauf changement majeur, elle aura de plus en plus.  Pour cela, il ne faut pas que les patriotes se trompent d’adversaire.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

[1] Jérôme Fourquet, L’Archipel français, Seuil 2019.

[2] Guillaume Bigot, La populophobie , Plon 2020.

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:56

L’AVEUGLEMENT STUPEFIANT DES TENANTS DES IDEOLOGIES PRETENDUES PROGRESSISTES

15/05/2021

Il faut une rare inconscience pour affirmer , comme le fait la majorité de la presse européenne et américaine  et les partisans de Biden à la présidentielle  américaine,   que la défaite de Trump sauvera  la démocratie.

Quelle démocratie quand on sait que 90 % des médias américains  lui étaient  férocement hostiles depuis le début,  que le PDG de Facebook se permet de dire à la cantonade depuis plusieurs mois que c’est lui qui décidera qui sera le vainqueur de l’élection,  que les patrons  des Gafa se sont permis de bloquer les tweets du président des Etats-Unis plusieurs semaines avant l’élection pour le priver de  tout moyen d’expression directe ?    

C’est bien  évidemment le contraire : si  Biden est élu président  des Etats-Unis avec de telles méthodes, c’est qu’il  n’y a plus de démocratie dans ce pays,   ni ailleurs en Occident  et , ne nous y trompons pas, la chape du plomb du politiquement correct, sexuel,  racial, climatique, sanitaire, migratoire va se faire    beaucoup plus lourde sur les Américains et sur nous. C’est un temps de ténèbres qui vient. Ajoutons que l’agressivité du camp démocrate  qui ,  après avoir éliminé Trump voudra éliminer son autre bête noire  Poutine, nous fera courir les pires dangers ,  danger de guerre,  bien plus grave et  immédiat que celui du réchauffement   climatique  dont on nous abreuve.  Il ne  restera bien entendu  pas grand-chose dans un tel contexte  des nos libertés:  rien n’arrêtera la montée de l’empire du Mordor.

La question est que ceux  qui font  preuve de tant d’aveuglement  croient à ce  qu’ils disent. Brejnev  ne croyait  pas vraiment à   la supériorité du système soviétique, mais eux croient , au-delà de toute raison,   que c’est Trump qui menace la démocratie et pas eux. Les scandales anti-démocratiques que nous venons d’évoquer leur échappent complètement.

Et cet aveuglement est la raison pour laquelle les Etats-Unis  sont aujourd’hui au bord de le guerre civile. Le libre-échange universel, la théorie du genre, la fongibilité sans limite des  races et des    cultures  sont des idées fausses et donc, dès lors qu’elles sont mises en œuvre par de gens puissants, elles sont de l’idéologie, un mélange de vision du monde simpliste et de projet messianique. Un projet messianique  fondé sur un sens supposé de l’histoire   , une séparation entre progressistes autoprogrammés ( c’est  à dire à dire l’avant-garde de la caravane qui mène  les sociétés au gouffre au gouffre) et supposés réactionnaires. Les  idéologues entrent en fureur quand leur projet est contrarié, comme  Donald Trump a contrarié le leur : cette contrariété n’est pas  une simple opinion divergente  qu’on puisse combattre avec des arguments, non, elle est la preuve que leur idéologie est fausse , qu’il faut qu’ils se remettent entièrement en cause : d’où la haine abyssale que les idéologues ont  pour  leurs adversaires.  L’idéologie  passe avant toute autre considération . La dimension messianique de leur projet les fonde à mépriser le droit, la morale, ce qu’Orwell , plus que jamais d’actualité,   appelait la common decency, la culture, la démocratie, les fondamentaux  de la nature humaine. Dès lors que dans une démocratie une partie substantielle de la population est atteinte par le virus   idéologique, aucun compromis  n’est  possible avec l’autre partie. Dès qu’ elle n’est pas ultra-minoritaire, l’idéologie conduit à la guerre civile. C’est ce qui se passe aux Etats-Unis sous nos yeux.

 

Roland HUREAUX

 

  

 

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:53

 

LA TRIBUNE DES GENERAUX MONTRE LA PERTE DE LEGITIMITE DE MACRON

25/05/2021

Le plus intéressant dans la « Tribune des militaires » lancée par une vingtaine de généraux en 2e section n’est pas de savoir si elle est légale ou pas. Nul ne conteste le droit des anciens militaires à se présenter à toutes les élections, pourquoi n’auraient-ils pas celui de donner leur avis sur les affaires de la République ?

Non, le plus étonnant est l’écho extraordinaire rencontré par cette initiative qui, en d’autres temps, n’aurait eu qu’un impact limité. Il est vrai que le gouvernement y a mis du sien demandant au chef d’état-major des armées de lancer des poursuites,  à laquelle le parquet de Paris n’a pas donné suite ;    quoiqu’ elle ne dise pas grand chose hors du fait que les lois doivent être appliquées et l’ordre assuré, cette tribune a été , selon les sondages, approuvée par 58 % des Français, ce qui témoigne de la popularité de l’institution militaire. Des milliers d’officiers moins gradés ont signé.

 

Un élu républicain ?

Cet écho formidable témoigne de la très faible légitimité de l’actuel président de la République.

Dès son élection, il pouvait être tenu pour illégitime. En janvier 2017, le favori était François Fillon. Un article du Canard enchaîné le mettant en cause pour l’emploi de sa femme, une affaire tenue par beaucoup pour mineure entraine   le jour même de sa parution, célérité rare, l’ouverture d’une enquête par le parquet financier. Il s’en suit quatre mois de harcèlement médiatique et judiciaire sans lesquels Macron n’aurait pas été élu. Quoique  ces poursuites soient passées entre le mailles d’une législation nécessairement datée , elles représentaient une entorse grave à l’esprit des institutions telles qu’elles avaient  été établies  à la Révolution, bannissant notamment ce qui avait été une plaie de l’Ancien régime : l’interférence des corps judicaire dans l’ordre  politique : l’ article 13 du titre II de la loi des 16 et 24 août 1790 ( reprise par la loi du 16 fructidor an III ) , toujours en vigueur, dispose que  « Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratif, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Que les élections chargées de désigner ceux qui dirigeront l’administration a tous les niveaux étaient inclues dans ces défenses a été confirmé par la loi du 31 mars 1914, devenue les articles L. 106 et L. 108 du Code électoral ou encore la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 qui limitent les pouvoirs des juges à l’égard des candidats en période électorale. Celle qui était alors patronne du parquet financier, Eliane Houlette, a vendu depuis la mèche, avouant qu’il s’agissait d’une opération politique dont le but était de faire battre Fillon.

Bien que le Conseil constitutionnel ait validé l’élection de Macron en 2017, comme il le fait toujours avec les candidats élus, de nombreuses interrogations subsistent sur le respect réel des plafonds de dépenses 22 500 000 €. Ce ne sont pas des complotistes d’extrême droite mais des journaux anglais très respectables qui signalent un appui financier de Soros à hauteur de 2 000 000 €. Par quel canal ? Le premier dîner de recherche de fonds de Macron a eu lieu à Londres sous la présidence d’un dirigeant de Goldman Sachs.

 

L’exercice du pouvoir à contre-sens

 

C’est un respectable député LR, Olivier Marleix  qui après avoir présidé une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Alstom , ce joyau industriel français vendu à General Electric avec un appui très fort de Macron encore ministre des finances – pour être ensuite démantelé, dénonce, comme la loi l’y oblige au parquet de Paris le large recouvrement de la liste des personnes ayant tiré parti de l’affaire Alstom et des contributeurs à la campagne de l’actuel président, indice d’une prise illégale d’intérêt.

Dans la promotion de Macron et la mise à mort politique de Fillon, de plus en plus de Français voient la main de l’étranger. Quoi qu’il prétende, Macon n’est pas un élu républicain. Rien de plus fallacieux que l’appellation de son parti La République en marche.

Après la conquête du pouvoir, il y a son exercice. Ce n’est ni la constitution ni la morale chrétienne qui obligent un chef d’Etat à défendre de toutes ses forces les intérêts de son peuple, c’est un principe anthropologique point différent de celui qu’observaient les chefs de clan de la préhistoire. C’est aussi un facteur fondamental de la légitimité. Bien des erreurs ou des turpitudes peuvent être pardonnées à un chef d’Etat à condition qu’il défende les siens. Macron ne donne pas le sentiment de l’avoir compris.

Macron, comme tous les narcisses, s’aime lui-même. Enfermé dans une idéologie et un entourage globaliste, il n’a que mépris pour cette partie, majoritaire aujourd’hui, de la population qui n’entre pas dans ses desseins de dissolution de l’entité France dans un monde global.  Il les considère comme des arriérés qui mènent un combat d’arrière-garde ; s’il ne le dit pas, il le laisse transparaitre et certains de ses proches le disent carrément. Alors que son devoir est de respecter et estimer son peuple.

Nous avons évoqué l’affaire Alstom ; il y en a d’autres où le président-enfant, come dirait Montherlant, donne le sentiment de faire joujou avec le capital industriel français pour le dilapider.  Il semble en outre prendre   un plaisir quasi pathologique à parcourir le monde, surtout l’Afrique pour mettre en cause le passé de la France, l’accusant de crimes, y compris où il n’y pas le moindre fondement comme au Rwanda où il doit se rendre   prochainement pour une nouvelle couche de repentance. Autre anomalie par rapport aux devoirs traditionnel du chef qui, de tous les temps, doit au contraire rendre son peuple fier de lui-même . « Sursum corda » est le mot d’ordre du vrai chef.

Il n’a pas hésité à sacrifier les intérêts français pour faire « avancer » la construction européenne, ce qui n’est pas son rôle.  Son attachement au projet supranational européen lui fait sacrifier pour le faire « avancer », ce qui n’est pas son rôle. Exemple typique : il était si ardent à faire aboutir le plan de relance européen qu’il n’a pas hésité à infliger à la France déjà exsangue uns sacrifice de plusieurs dizaines de milliards : elle en paiera 80 pour en recevoir 40.  Les pays du Sud et de l’Est ont reçu des aides substantielles, ceux du Nord, donc l’Allemagne, un rabais sur leurs cotisations, la France  rien. Macron a voulu être le coq qui claironnerait l’avancée de l’histoire, il n’a été finalement que le dindon de la France. Nos partenaires en rient doucement.

Le principe de subsidiarité veut qu’on puisse aimer le tout (l’Europe) sans sacrifier la partie (la France).  N’ayant aucune culture religieuse, malgré un passage dans un collège jésuite décoloré, il l’ignore.  N’a-t-il pas dit à Alger qu’il n’y avait « pas de culture française » ? Ni sans doute de culture européenne.

Dès qu’il se croit au dessous de la couverture   radar de l’opinion publique, Macron ne rate aucune occasion de trahir les intérêts français. Sa passivité devant la montée de l’immigration, du chômage et de la violence, justement dénoncée par les généraux, ne relève pas de l’incompétence mais d’un dessein idéologique délibéré. 

Mal élu, grâce à ce qui ressemble fort à une manipulation internationale, totalement inconscient de ses devoirs de chef de l’Etat vis-à-vis du peuple fiançais, Macron  apparait  plus fragile que jamais. Militaires ou pas, Il n’est pas sûr qu’il puisse solliciter un second mandat

 

                                                                                                                                                                          Roland HUREAUX

 

 

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:51

L’ENA DEUX FOIS VICTIME DU MONDIALISME

25/05/2021

Le président Macron a décidé  la suppression de l’Ecole nationale d’administration . 

« Pas ça , pas lui » serait t-on tenté de dire : qui, mieux que lui, représente les travers de l’institution : a priorisme, arrogance , inaptitude à une vraie écoute, indifférence hautaine à l’intérêt national ?   

Il vient même de l’Inspection des finances qui constitue à peine 5 % des anciens élèves et 90 % de leur pouvoir.

Même si on pense que cette institution avait besoin d’âtre réformée , et d’abord dans le contenu des études, on peut craindre que cette initiative ne confirme la maxime du philosophe marxiste  Guy Debord : « la société de spectacle  ( nous dirions de communication) dans son stade avancé ne sait se  réformer  qu’en pire ». Et il s’agit bien d’une mesure de pure communication destinée à servir sur un plateau à l’opinion une victime expiatoire de tous les sujets de mécontentement.

Il est vrai qu’il y a un  grand malaise entre cette institution et la société  française. Ce malaise touche en fait toute la haute fonction publique :   aussi bien les médecins qui ont organisé le plan de confinement contre le Covid que les pédagogues  qui décident des programmes et des méthodes de l’éducation nationale :  tous sont  indistinctement englobés dans le même opprobre  attaché aux énarques.  Ne sont épargnés que les corps de terrain  : ingénieurs, militaires, policiers , gendarmes, soignants.  Ce malaise  touche aussi  les politiques – en dehors des maires – auxquels on peut reprocher surtout de n’avoir aucune prise sur la technostructure.

 

De mal en pis

 

Mais au vu de toutes les idées reçues qui circulent  depuis des années au sujet de l’ENA , il y a fort à craindre que la réforme , partant d’une mauvaise analyse,  ne conduise à une situation  encore plus mauvaise, ce qui est presque toujours le cas des réformes d’aujourd’hui.

Parmi ces poncifs, l’idée que le mal viendrait du recrutement de l’ENA  jugé  trop bourgeois , trop endogame,  donc faisant émerger des administrateurs inaptes à comprendre le peuple.  On entend cela   depuis cinquante ans ; un des effets les plus fâcheux de cette idée  fausse  a été la réforme de l’ENA qui a eu lieu en 1968  à partir des idées de Bourdieu   : élimination de la culture générale, discrédit des connaissances , généralisation des  notes de synthèse aptes à sélectionner plutôt des administrateurs  de petit niveau que des agents supérieurs de l’Etat. Contrairement à ce qui se dit, la démocratisation n’a pas reculé si on considère  la situation  non seulement des parents, mais des grands parents :  il va de soi  en effet qu’une famille donnée ne peut pas connaître une promotion sociale à chaque génération. L’exercice quotidien du pouvoir montre d’ailleurs que c’est moins l’origine sociale que le génie individuel qui fait l’aptitude à comprendre les  humbles. Combien de fonctionnaires issus du rang  s’avèrent des bureaucrates étroits , caricatures de ce qu’on imagine être un énarque. Jacques Delors , issu du syndicalisme fut -il moins technocrate  que ses collaborateurs , presque tous venus  de l’inspection des finances ?

La vérité est que ce qui sépare les décideurs du peuple, c’est le mode de pensée idéologique. Les fonctionnaires sont souvent portés à l’idéologie  car il leur faut des rails pour  guider leur action  , surtout quand  le pouvoir politique est défaillant. Et l’idéologie, c’est l’action ramenée à quelques idées simples : par exemple réduire à toute force le nombre des communes en France  . Les fonctionnaires ont aussi besoin de sentir qu’ils sont les agents, même modestes,  du progrès de l’humanité.  Quelques idées simples, trop simples,  le sentiment qu’ils sont les agents du bien et voilà les fonctionnaires incrustés dans un système de pensée dont ils ne sortiront pas. Les contestations  de leurs idées et des réformes qu’elles inspirent sont  alors tenues pour irrationnelles,  le  fait de gens qui n’ont pas compris ou qui sont égoïstement accrochés à leurs intérêts particuliers. Contrairement à ce que les gens croient , les  hauts fonctionnaires entendent le peuple mais récusent  a priori sa parole car  il n’y a pas dans le logiciel de la plupart une  case où ils puissent l’intégrer.

Ce mal a même atteint un corps connu jadis connu pour son pragmatisme, le corps préfectoral, qui poursuit depuis trente ans avec obstination l’absurde projet de réduire le nombre des communes françaises,  sans autre résultat que d’ introduire une immense complication.

L’Europe, ou plutôt l’idée qu’on s’en fait à Bruxelles,  est une idéologie – ou plutôt  la version continentale de l’idéologie mondialiste.  Qu’il faille aller vers de plus en plus d’internationalisation, de  plus en plus de   libre échange, de moins en moins d’Etat national, ce sont des idées qui  n’ont rien d’évident  en soi mais qui s’imposent par le double caractère de la  (fausse) simplicité et de l’idée de  progrès.  En 2005, 55 % des Français ont rejeté le projet de constitution européenne  tel qu’il  leur avait été proposé par référendum; on  le leur a quand même imposé… au nom des « valeurs démocratiques » . Or il est probable que 75 % des anciens élèves de l’ENA au moins lui étaient favorables : la plupart expliquent ce décalage par le fait qu’ils sont  plus éclairés, plus intelligents .  Mais ils se trompent : ce décalage vient de leur plus grande propension à l’idéologie ,  propension qui est le  propre de tous les clercs , autre  nom des technocrates. L’idéologie donne l’air intelligent  et  , surtout, elle donne le sentiment de l’être,  mais en fait elle rend les dirigeants  inaptes  à comprendre les peuples.

Les apparatchiks communistes de l’ancienne Union soviétique connaissaient ce décalage mais moins que nous car ils ne croyaient plus au communisme alors que la majorité des énarques croient encore  à la construction européenne et à la mondialisation.

 

« Pas assez savants… »

 

Les peuples, eux , sont naturellement rétifs à l’idéologie. Ils ne sont , comme dit Montesquieu, « pas assez savants  pour raisonner de travers. »     

Au fil des ans, les anciens élèves de l’ENA, surtout  ceux qui étaient dans les positions  les plus élevées, ont perdu l’habitude de défendre les intérêts de la France, c’est-à-dire du peuple  qu’ils avaient le devoir de protéger , pour défendre la construction européenne et les quelques idées qui vont  avec. Cette dérive  a été particulièrement sensible en  France où on s’emballe plus qu’ailleurs pour  les idées abstraites. Gageons que les Allemands – et encore moins les Anglais quand ils y étaient , n’ont pas vu les choses de cette  façon.  Sait-on que parler de l’intérêt national aujourd’hui dans une réunion interministérielle vous fait  regarder avec condescendance comme le Huron de service  ?    Non seulement les  énarques – et assimilés - sont enfermés dans un système que les gens ne comprennent pas, parce qu’il est idéologique,   mais le peuple a  le sentiment qu’ils ne défendent plus les intérêts des Français.  Lors de la négociation du récent plan de relance européen , Macron était tellement désireux que ce plan aboutisse , car il représentait le  premier emprunt proprement  européen, et donc  une avancée  idéologique,  qu’il a accepté, malgré l’état lamentable de nos finances de sacrifier les intérêts financiers de la  France à hauteur de plusieurs dizaines de milliards.

En ce sens ,  il y a eu  comme une  grande trahison de la majorité des  anciens élèves de l’ ENA – comme de toutes les  élites françaises -   à l’égard du peuple. D’une certaine manière on peut l’imputer à un recrutement trop petit-bourgeois :  trop de familles peut-être aisées  mais sans traditions où on ne sait pas ce que les élites doivent à leur peuple.

Et si on fait une nouvelle  école manière Macron,  fondée sur la même idéologie et recrutant  sur des critères sociaux, allant jusqu’à la discrimination positive par quotas,  si on continue à y mépriser  la culture générale,  rien ne sera  réglé. Il est probable même que le fossé s’aggravera . Plus que jamais  il s’agira d’une  école idéologique, plus que jamais  le fossé se creusera avec la population.

Il est probable que s’il n’y avait pas eu une entreprise  comme la  construction européenne, l’ENA serait restée plus  près du peuple français et n’aurait pas au même degré connu  le discrédit actuel.

Nous ne confondons bien entendu pas cette admirable réalité qu’est l’Europe , riche de la  diversité  inégalée  de ses cultures et l’Europe institutionnelle, celle de Bruxelles,  qui s’attache jour après jour à noyer  l’Europe charnelle dans  une ennuyeuse désolation   bureaucratique . De moins en moins cultivés, beaucoup d’énarques  ne connaissent que la seconde. 

 

Le mondialisme est bien ingrat

 

Le grand paradoxe est que les forces internationales   dont l’ENA est devenu l’agent le plus dévoué,   ce sont en fait elles qui voulaient sa mort. En ce sens l’école est deux fois victime du mondialisme.

Malgré ses dérives récentes,  l’ENA incarnait encore , surtout aux yeux de l’étranger, la réputation de  solidité séculaire de l’Etat français , celui de Richelieu,  de  Louis XIV, de Napoléon, de la République radicale . Malgré ses défauts, cet Etat était tenu pour une des forces de la France par la compétence , l’objectivité , le  sens du service public  de ses agents.

Or le projet mondialiste, comme le projet européen implique l’attrition des Etats , voire leur  arasement . C’est particulièrement vrai de l’Etat   français, hériter de la « grande nation » et tenu  à l’étranger , spécialement dans  le monde anglo-saxon,  comme la structure la mieux  à même , en raison de sa solidité, de résister aux projets mondialistes. Cet Etat, il faut lui briser l’échine. Personne sans doute  n’a donné  l’ordre à Macron de liquider l’Etat français, mais  on sait combien le président est imbibé de l’idéologie internationale dominante. Il y adhère par conviction certes mais aussi par une facilité particulière de sa personnalité  à s’imprégner de l’atmosphère  du  milieu où il évolue,  en l’occurrence la sphère mondialiste et rien que celle là.  Il sait sans doute  aussi jusqu’à quel point il doit  à cette sphère son  élection.

Ajoutons que la baisse d’attractivité sociale et de niveau qu’il faut attendre d’une institution prenant le relais  de l’ENA , recrutant dans la « diversité »,  où la conformité idéologique prendra le pas  sur les compétences , favorisera l’émergence d’une nouvelle classe de  fonctionnaires , grisaille au service de la grisaille, plus apte à se conformer aux ordres de la gouvernance mondiale que de faire entendre la voix de la France.

Casser ces symboles forts que sont , tant pour les Français que pour les étrangers l’ENA et le corps préfectoral – bien plus que l’Inspection des finances dont on peut  se passer , c’est concéder une  belle victoire au projet mondialiste. On peut  dire que les énarques –  au moins la majorité d’entre eux, l’ont bien cherché !  Mais compte tenu de la gravité de l’enjeu national et civilisationnel, ce serait là  une piètre consolation.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:50

« QUAND LE CANON TONNE, LES CONS SE TAISENT »

25/05/2021

Le succès de la  récente tribune des généraux, approuvée par 58 % des Français  et dont 73 % partagent la crainte d’un « délitement » de la France,    laisse apparaître ce que les intéressés eux-mêmes  ne mesuraient pas : la popularité des militaires en France.

Cette popularité contraste avec leur situation d’il y a cinquante ans où la gouaille antimilitariste de gauche avait contaminé une large part de l’opinion. Les guerres coloniales, le service militaire, jugé souvent du temps perdu, l’avaient nourrie. La professionnalisation de  l’armée est  donc , paradoxalement, une des raisons de ce regain de popularité.  Le temps de l’antimilitarisme à la française semble en tous cas  révolu.  

 

Une réputation d’intégrité

 

Il est vrai que, opération extérieures aidant, les soldats français sont presque toujours sur le terrain ; on annonce régulièrement des pertes qui  émeuvent l’opinion.  Surtout quand ils se battent pour  des causes peu contestées, comme la  lutte contre les djihadistes au Mali.  

Ils sont aussi mobilisés dans l’opération Sentinelle : la surveillance des rues, peu valorisante et d’une utilité douteuse,  qu’on leur impose, est d’abord une opération de communication pour le pouvoir politique, mais globalement, elle profite aussi à l’image de l’armée.

La popularité des militaires contraste  avec l’impopularité de tant d’autres corps : les « énarques » ( cette appellation  désigne  l’ensemble des hauts fonctionnaires, qu’ils soient passés par l’ENA ou pas), les journalistes, les juges , et naturellement les hommes politiques – sauf les maires. Si les enseignants sont en partie épargnés, ce n’est pas le cas de l’Education nationale .

Une des raisons de ce contraste : le sentiment que les militaires restent intègres. Ils ne  passent en tous les cas pas pour corrompus. Le pantouflage de certains officiers généraux à la fin de leur carrière, tel le général Pierre de Villiers au Boston consulting group , phénomène encore limité en France,  ne fait pas scandale.

 

L’idéologie contre le  réel

 

Le fait que ce dernier se soit opposé publiquement à un président rejeté par beaucoup  a suffi à le rendre populaire.

Mais un  autre facteur nous parait encore plus décisif. Dans un univers politico-administratif  qui ressemble de plus en plus à l’Absurdistan, les militaires, eux, ne semblent pas délirer, au moins dans la partie visible de leur action : la guerre. Il en est de même de deux autres corps de terrain, chargés de missions régaliennes  : la gendarmerie et la police et bien entendu du personnel hospitalier   surtout depuis le covid. 

Si les autres corps  de direction ( qui bien souvent  ne commandent  plus rien du tout ! )  sont devenus si impopulaires, c’est qu’ils semblent avoir complètement perdu le contact avec le réel – et avec la population . Ils appliquent des  milliers  de règlementations que personne ne comprend et dont   beaucoup apparaissent comme nuisibles. Les sphères supérieures de la politique et de l’administration  sont sourdes aux messages venus de la base. Par exemple, malgré le scepticisme de l’immense majorité des maires, l’administration du ministère l’intérieur ( pourtant supposée plus proche du terrain ) poursuit inexorablement  le laminage des communes au nom d’une intercommunalité lourde et coûteuse.

La raison : c’est que la gouvernance publique a largement perdu le sens de sa mission : la solution des problèmes, le bien commun, pour ne plus faire qu’appliquer des schémas.  Des schémas qui semblent issus de la technocratie nationale mais qui , la plupart du temps, viennent  de beaucoup plus haut, l’Union européenne, principal prescripteur ne faisant que répercuter les consignes de l’OMS, du GIEC, de l’OMC , bref d’une gouvernance mondiale complètement déconnectée .  Ces schémas , il ne faut  pas hésiter à les qualifier d’idéologiques car ils  sont abstraits et simplificateurs  et qu’ils sont supposés aller dans le sens du progrès.  

Un chef d’entreprise qui perd le sens du réel, voit très vite son  bilan se dégrader : le banquier le rappellera à l’ordre.  Le retour du réel est  beaucoup plus lent et plus diffus en matière de gouvernance publique. Les dirigeants imbus de l’idéologie dominante tiennent les résistances de la base pour du poujadisme irrationnel , on l’a vu avec les gilets jaunes marginalisés   avant même de s’être exprimés.

Quand une armée va au combat , le retour du réel est  beaucoup  plus rapide encore que dans l’entreprise. Les militaires de tout rang sont , pour cela,  obligés d’avoir le sens du réel . Un vieux proverbe militaire dit « quand le canon tonne, les cons se taisent ». Et  s’ils  continuaient à commander , la bataille serait perdue.

Sous cette appellation un peu rude,  voyons les agents actifs ou passifs de tous les systèmes administratifs qui gouvernent notre monde et  dont le bon peuple a le sentiment qu’ils ont complètement perdu  le contact avec les réalités , ce qui n’est pas  le cas des militaires d’aujourd’hui.  

 

Roland HUREAUX

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:48

LA MODERNITE AUX PRISES AVEC SES CONTRADICTIONS

 

Jamais peut-être le monde n’a été si plein de contradictions.

La modernité ou ce qui est tenu pour tel est contradictoire.

Lors de la journée de la femme, des « trans » (hommes ayant voulu devenir femmes) ont été agressés par des féministes. La transsexualité et la promotion de la femme sont pourtant des tendances que l’on rattache toutes deux à l’« avancée » des mœurs.  

Les « trans » veulent pousser au plus loin la théorie du genre selon laquelle les sexes sont fongibles et doivent être indifférenciés ; ayant choisi de devenir femmes, ils voudraient être admis parmi les femmes militantes pour partager leurs combats mais celles-ci ne veulent pas d’eux. C’est comme ça.

A peine élu le président Biden a autorisé les hommes « trans » à participer aux compétitions sportives de femmes, même la boxe. Les obliger à rester dans leur sexe d’origine serait selon eux ( ou elles ) discriminant mais les femmes de naissance craignent une concurrence qui leur fera sans doute perdre beaucoup de médailles.

Beaucoup de ces contradictions concernent, on le voit, les rapports entre les sexes.

 

GPA et égalité

 

A l’heure de la promotion générale – et bienvenue – de la femme à travers le monde, certains milieux libertaires, partisans de la théorie du genre, poussent pour que soit autorisée la gestation pour autrui, qui seule permettrait à des homosexuels d’avoir des enfants et qui conduit, on le sait, à une forme particulièrement odieuse d’esclavage. « La femme loue bien ses bras dans les usines, pourquoi ne louerait-elle pas aussi son utérus ? » n’hésitait pas à dire Pierre Berger, cet homme délicat.  La  GPA (gestation pour autrui)  , si contraire à l’égalité , est pourtant l’aboutissement d’une  démarche de non-discrimination :  il n’y  pas de raison, dit-on,  que le mariage soit le privilège des couples homme-femme, instaurons un mariage homosexuel ; les femmes homosexuelles , voire seules, ont autant de droits que  celles qui vivent  avec un homme à avoir un enfant, d’où le droit à la  PMA (procréation médicalement assistée)  pour  femmes seules ou en couples de femmes  actuellement en débat au Parlement français ; dernière étape dont nous nous approchons : il n’y a pas de raison que la paternité et la maternité soient réservées aux femmes en couple, il faut que les hommes en couple y aient accès aussi, donc la GPA doit être autorisée ; ainsi trois étapes de raisonnement supposées libératrices aboutissent  à un  abaissement de la femme que dans les pires périodes d’esclavage, on n’avait pas imaginé .  

Divergences analogues sur la prostitution qui oppose les différentes écoles ultraféministes.  Pour les unes, elle est une forme d’esclavage à bannir, à l’initiative de la puissance publique.  Pour les autres, d’inspiration libertaire, elle fait partie de la liberté sexuelle, voire de la liberté du commerce et de l’industrie: l’Etat n’a pas à la réglementer. L’idée moyenne que « le plus vieux métier du monde » pourrait être simplement toléré échappe  à l’un et l’autre camp : il n’y a pas de moyenne chez ces gens là. 

 

Parité politique et parité conjugale

 

Toujours le mariage homosexuel : il conduit à abolir la parité homme femme dans sa forme la plus élémentaire, le couple. Fort bien, mais pourquoi coïncide-t-il avec l’instauration sans précédent d’une rigoureuse parité dans les élections à tout niveau, dans les conseils, dans le recrutement des entreprises publiques – et aux Etats-Unis de plus en plus privées. Si la parité est une nécessité, pourquoi ne pas la maintenir dans un couple de parents ? « Il faut la parité pour se porter candidat au conseil général et pas pour se marier ! » nous disait Jean Lassalle.

Toujours la parité : il y avait autrefois des écoles normales d’instituteurs et des écoles normales d’institutrices,  une agrégation pour les hommes et une agrégation pour les femmes qui garantissaient pour chaque discipline la parité dans l’enseignement. Au motif de s’adapter à l’évolution des mœurs, ces écoles et leurs concours d’accès ont été rendus mixtes, déséquilibrant la profession au détriment de l’un ou l’autre sexe, généralement féminin. Alors qu’on introduit la parité là où elle n’existait pas, on la supprime là où elle existait !

Il se dit que dans les couples isosexes, si advient, n’importe comment, un enfant, l’un se fait père, l’autre mère. Pointe extrême de l’existentialisme ou chacun choisit d’être ce qu’il est hors de toute contrainte de la nature. Pourtant, l’existentialisme a ses limites :  la théorie du genre n’étend pas la liberté existentielle au désir sexuel. Celui ci est au contraire tenu pour une fatalité inexorable. Le genre masculin est librement choisi par l’individu, l’attirance homosexuelle est une contrainte qui s’impose à lui. Pour parler le langage aristotélicien l’homosexualité ou hétérosexualité sont de l’ordre de l’essence alors qu’être physiquement mâle ou femelle est de l’ordre de l’attribut, donc réformable.

La liberté sexuelle, forme de la modernité s’il en est, est à l’origine d’autres paradoxes.

 

Ouverture de la chasse

 

Qui ne voit qu’elle a transformé certains milieux, dont bien souvent le monde l’entreprise,  en terrain de chasse pour jeunes mâles prédateurs. Ils n’ont pas besoin d’avoir recours au viol ou au harcèlement pour se mettre dans la peau du chasseur.  Dans la vieille société, cet esprit prédateur existait aussi mais il était borné par le sens de l’honneur des honnêtes femmes, alors majoritaires et les usages mondains : « ce que les hommes tiennent pour un honneur est le déshonneur des femmes » (Marguerite de Navarre). Aujourd’hui cette borne ayant largement cédé, la chasse a libre cours. « Tous les hommes sont des cochons » dit une veille chanson, et aussi la pointe du mouvement féministe, comme Me too, adepte pourtant de la même liberté sexuelle.

Il reste bien quelques hommes scrupuleux qui subordonnent leurs désirs à la liberté des personnes du sexe, voir au respect de leur vertu et dans ce cas, la séduction, si séduction il y a, reste discrète. Mais les ultraféministes ne les fréquentent guère car ils n’appartiennent pas au même monde :  adeptes des vieux codes moraux ou religieux - ou simplement courtois, ils sont exclus de la sphère de la modernité dont elles se réclament.  Dommage pour elles.

Comment ne pas voir  pourtant que la libération sexuelle ne pouvait que transformer la femme en objet ?

 

Concurrence victimaire

 

Il reste que si l’Occident a suivi cette pente, il ne l’a jamais reconnu. La femme objet est au contraire, on le sait, plus ouvertement affichée dans la religion musulmane, laquelle contredit de manière frontale les exigences du féminisme. Mais en Europe, les musulmans sont des immigrés, donc des opprimés. Entre les femmes et les adeptes de l’islam, il y a, comme on dit,  « concurrence victimaire », une concurrence rude.  Dès lors, quelle attitude prendre pour rester politiquement correct :   censurer l’islam au nom des droits des femmes ou mettre ces droits entre parenthèses pour ménager l’islam,  religion des opprimés ? Quant à Cologne, lors des fêtes du nouvel an 2016, des immigrés musulmans harcelèrent de manière organisée des centaines de femmes allemandes, les associations féministes furent très embarrassées pour condamner ces agressions, de crainte d’apporter de l’eau au moulin du racisme et de l’islamophobie. Il est intéressant d’observer que la sympathie pour l’islam prit alors, dans le discours public, le dessus sur la cause de femmes et que les militantes féminines les plus exaltées choisirent de ne pas protester. Ce choix est significatif d’une hiérarchie implicite des préoccupations occidentales que l’on observe aussi d’autres circonstances. L’islamo-gauchisme, oxymore étonnant, juxtapose une préoccupation politique et sociale issue des Lumières, par marxisme interposé, le gauchisme,  et la défense de valeurs qui, aux yeux des mêmes Lumières, apparaissent les plus rétrogrades. Quand on sait la part essentielle prise par l’UNEF lors des manifestions de mai 698, à la tonalité libertaire explicite, comment ne pas être étonné que sa vice-présidente soit aujourd’hui une jeune fille voilée ?  Et que par ailleurs le même mouvement organise des séminaires interdits aux blancs ?

De même les défenseurs de la cause animale, si en pointe aujourd’hui, se trouvent fort embarrassés pour condamner l’abattage hallal.

Pourquoi ce privilège de l’islamophilie sur le féminisme ou la cause animale ?  Ne serait-ce pas que les islamistes sont davantage craints dans la société occidentale que les femmes ou les animaux ?  Hiérarchie des valeurs ou hiérarchie des peurs ?

Autre contradiction : la prévention légitime du sida, souvent prise en mains par les associations homosexuelles, ne se transforme-t-elle pas en propagande subliminale pour les comportements dits à risque ? Quand lors d‘une soirée télévisée consacrée à la lutte contre le sida, il y a quelques années, l’abbé Pierre avait suggéré que cette lutte pourrait commencer par le refus de la promiscuité sexuelle, il se fit copieusement huer. Tout autre que lui se serait fait lyncher.

Comment comprendre que soit institué un mariage homosexuel, tributaire d’une théorie du genre qui nie les identités sexuelles innées, au moment précis où nos sociétés redécouvrent massivement, au travers de l’écologie, la nature végétale et animale dont la reproduction sexuée est la règle, rappelons-le, depuis un milliard d’années. Toutes les « avancées » biologiques ou sexuelles, y compris les plus artificielles, peuvent être soumises à l’Assemblée nationale.  S’il est un groupe dont on est sûr qu’il les votera, c’est bien le groupe écologiste. Il m’a été rapporté qu’une « cheffe » écologiste s’était fait faire un enfant par PMA, alors que, saine de corps, elle aurait pu arriver même résultat en faisant l’amour comme tout le monde.  Une vieille dame qui avait toujours voté écologiste par amour de la nature, cessa quand elle apprit que Noël Mamère, alors maire vert de Bègles, célébrait des mariages homosexuels.

 

Le temps du rock’n roll

 

Revenons au féminisme : comment comprendre que la génération qui a été par excellence celle de la libération de la femme, ait pu avoir pour danse emblématique le rock‘n roll ? Qu’est-ce en effet que cette danse sinon un symbole fort de l’inégalité de l’homme et de la femme ?  Non seulement la femme fait le plus d’effort car elle est amenée à tourner sur elle-même presque en permanence, mais c’est l’homme qui lui dicte ses mouvements par de légères impulsions données au bon moment. La fin de la fin pour le play boy de surprise party était de faire tourner sa partenaire très vite en ne bougeant lui-même presque pas, prenant ainsi la posture de la maitrise facile, d’une domination d’autant plus discrète qu’elle est efficace, de l’aisance souveraine dans la position de la supériorité, telle que la décrit Bourdieu dans l’univers scolaire.  Personne à ma connaissance n’a jamais demandé que les rôles soient inversés.

Pour se situer à un autre niveau, un des plus grands tirages de la génération qui a connu l’émancipation féminine fut Gérard de Villiers et son fameux SAS. Il est sans doute inutile de s’attarder sur le rôle qui échoit la femme dans le climat de sexualité débridée qui est celui de ces romans.  

Nous avons évoqué la parité en politique. Tous ceux qui s’y sont exercé savent à quelles acrobaties conduit la règle de la parité dans l’établissement des listes.  On commence généralement par faire, non sans arbitrages sanglants, une liste d’hommes en leur conférant un numéro sur deux ; puis sont inscrites les femmes, souvent peu demandeuses, plus difficiles à trouver et   trop souvent tenues pour des figurantes.  Comme par hasard, il est rare que cet exercice favorise celles qui ont la plus forte personnalité. Chez les hommes non plus d’ailleurs. Création idéologique s’il en est, la parité forcée n’est pas seulement une atteinte au libre choix démocratique, puisqu’elle le limite, elle illustre aussi ce que Hayek appelle « la loi des effets contraires aux buts poursuivis ». Nous sommes loin d’une vraie promotion de femme qui, elle, n’aurait pas besoin d’une telle contrainte.  

Paradoxe : la même génération qui a vu l’émergence des femmes en politique a conduit une femme d’Etat aussi talentueuse que Marie-France Garraud, qui ne nous en voudra pas, pas, je l’espère, de l’évoquer, assignée chez elle pendant quarante ans.

 

Mai 68 au risque de la pédomanie

 

Dans les années soixante-dix, les tenants de la libération sexuelle ne craignirent pas d’aller jusqu’ bout de leur philosophie : on a assez reproché à Daniel Cohn-Bendit de s’être fait  l’avocat de relations intimes entre adultes et enfants ; il ne faisait que suivre la logique qui était celle de son époque.

Les temps ont changé :  de plus en plus ces relations font horreur, surtout si elles sont incestueuses, et c’est légitime. Le paradoxe demeure que l ‘hallali contre la pédomanie (un terme que nous préférons à celui de pédophile, par respect pour la φιλία grecque, sentiment noble s’il en est) soit le fait non des tenants de la morale traditionnelle, discréditée, mais des libertaires eux-mêmes.  Choc des logiques : les derniers représentants de la pensée mai 68 se heurtent de front aux défenseurs des droits de l’enfant.

Paradoxe proche : notre société qui a mis en valeur comme aucune avant elle (pas même la société grecque du Ve siècle à laquelle on se réfère de manière souvent abusive) l’homosexualité, est en même temps devenue la plus sévère qui soit contre la pédomanie. Or la limite  entre l’une et l’autre tient souvent à peu de choses : juste une date anniversaire. Il en résulte que le mot pédérastie, qui signifiait au départ l’amour érotique des enfants mais qui en était venu à désigner l’homosexualité en général, se trouve aujourd’hui banni.

 

L’abolition du handicap

 

Avec les questions de vie et de mort, nous entrons dans un autre domaine. Jamais le handicap n’avait fait l’objet d’une attention aussi grande : les handicapés reçoivent une allocation, ils ont des maisons spécialisées  qui coûtent  cher, le droit du travail les favorise, ils ont des emplois, des places de parking réservés, les bâtiments publics leur sont adaptés.  On se demande pourtant qui va bientôt bénéficier de ces avantages. La même société si attentive au handicap, pratique de plus en plus un eugénisme impitoyable, autorisant, voire prescrivant, en cas de handicap repéré, un avortement quasi-systématique.

Alors que l’avortement normal est limité à douze semaines de grossesse, l’avortement dit thérapeutique peut se pratiquer jusqu’à la naissance. Un enfant qui nait dans le délai normal, et que ses parents veulent garder fera l’objet d’un luxe de moyens de réanimation sans précédent, allant parfois jusqu’à l’acharnement thérapeutique, pendant que l’autre, déjà formé lui aussi mais paraissant handicapé, sera mis à mort dans les conditions les plus sordides. On peut s’interroger sur les raisons d’un tel paradoxe.  Croyant peu à l’autre monde, notre société pense qu’une vie en situation de handicap, dès lors qu’elle est la seule qui nous soit donnée, est le plus grand des malheurs ; les gens normaux   se sentent par rapport à lui, vaguement coupables et tentent de se racheter par des politiques généreuses. Mais le malheur parait si grand que la même société se fera compréhensive à l’égard des parents (souvent pressés par leur entourage, y compris hospitalier) qui abrègent une vie dont on juge par devers soi qu’elle « ne vaut pas la peine d’être vécue ». Les  bien portants exorcisent ainsi  leur culpabilité en faisant disparaitre les handicapés de leur vue. Le « meilleur des mondes » est à ce prix.

Nous nous sommes attardés sur les contradictions de nos contemporains touchant à la sexualité et à la vie car c ‘est là un terrain où les contradictions sont les plus patentes, mais nous pouvons élargir la question à d’autres sujets.

 

Droit naturel et mise en scène

 

Par exemple les beaux-arts dans leur rapport au droit.   Point de théorie si décriée dans les milieux dits progressistes que celle du droit naturel, l’idée que la nature humaine implique par elle-même des règles pérennes et universelles qui s’appliquent à toutes les sociétés, par exemple l’interdiction du meurtre au sein du groupe ou celle de l’inceste.  C’est au contraire le positivisme juridique qui prévaut, l’idée que la loi positive est la norme ultime, qu’aucun principe pérenne, moral ou religieux, ne saurait lui être opposé et qu’elle est naturellement variable.

N’oublions pas la dimension scientifique du sujet : ainsi l’idée de nature humaine se trouve disqualifiée au moment où prend son essor la génétique moderne selon laquelle le génome humain est constant depuis au moins 35 000 ans.

Voyons d’abord le paradoxe qu’il y a de voir le positivisme juridique dominer au moment où sont parallèlement exaltés de droits de l’homme, que la déclaration du 26 août 1789 qualifie de « naturels et imprescriptibles ». La nature mise au rancart d’un côté, plus célébrée que jamais de l’autre ? Et  curieusement, la race n’existe pas, mais la nature humaine universelle non plus !

Ce paradoxe s’étend même aux questions esthétiques. Combien d’entre nous sont exaspérés par ces mises en scène de théâtre ou d’opéra qui habillent les personnages d’Andromaque ou de Carmen en costumes d’aujourd’hui, ou les personnages du Ring en clochards. Beaucoup ne vont plus à l’opéra par horreur de ces usages.  Mais elles ont une signification bien précise : le grand art traite de l’homme en général, les figures qui sont mises en scène se veulent éternelles, elles transcendent l’espace et le temps, elles nous touchent si directement qu’il n’est pas nécessaire de les mettre en costume d’époque.  Cela au moment où l’historicisme et le relativisme n’ont jamais été aussi à l’honneur, où jamais les émissions historiques n’ont eu tant de succès. Qui y comprendra quelque chose ?

 

Egalité et transhumanisme

 

Nous parlons de la nature humaine : l’existentialisme qui se fait si restrictif en matière d’orientation sexuelle, reprend toute sa place dans les recherches à la mode tendant à un dépassement de l’humanité par le transhumanisme, par la génération d’hommes nouveaux plus performants que ceux du passé, d’hommes « augmentés ». Il n’est pas certain que ces recherches aboutissent jamais à faire des êtres viables, mais comment ne pas être frappé de voir qu’elles fleurissent, comme le comble de l’audace libérale voire libertaire, en un temps où l’égalité est recherchée partout, voire où le socialisme national, qui fut précurseur en la matière,  est tenu, à juste titre, pour une infamie absolue. Le libéralisme moderne veut en outre qu’aucun homme n’ait un pouvoir excessif sur un autre. Le transhumanisme, forme supposée la plus « avancée » du libéralisme, c’est que certains hommes aient un pouvoir illimité sur d’autres, présents ou à venir.

On terminera pour l’anecdote par la surpression de toute mention locale dans les plaques d’immatriculation des véhicules. Elles facilitaient l’identification de ces derniers, leur suppression va la rendre plus difficile, cela à l’heure où se met en place une surveillance électronique généralisée. Il se peut cependant que l’extension sans limites de la surveillance des individus rende inutile toute attache géographique.

D’autres paradoxes propres à la modernité pourraient être aisément relevés.  Nous disons modernité car il ne nous semble pas que les sociétés du passé étaient si fertiles en étonnantes contradictions. Pourquoi donc ?

 

L’idéologie jusqu’à l’absurde

 

Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans le fait que les attitudes supposées modernes que nous avons évoquées sont toutes rattachées à une idéologie.  Une idéologie, c’est l’envahissement de la pensée politique par une préoccupation unique ou quasi-unique.  Pour les ultra - féministes, la préoccupation de l’égalité des femmes est devenue un absolu au point de tenir toute différence pour une injustice et de prôner l’identité et la fongibilité des sexes. Il en est de même pour les militants homosexuels adeptes de la théorie du genre.  La culpabilisation de l’Occident amène les antiracistes et autres décoloniaux à occulter toute préoccupation de la condition de la femme dans les anciens pays colonisés.  Pour certains, le handicap mérite une attention sans mesure ; pour d’autres, et quelquefois les mêmes, la possibilité d’avorter sur demande ne saurait être limitée etc.

Là où le politique ordinaire arbitre en permanence entre des préoccupations concurrentes et par là même, à un moment ou à un autre, les limite, l’idéologue s’attache à une ou deux logiques et les pousse jusqu’aux extrémités, soit, bien souvent,  jusqu’à l’absurde.

Il y a en tous les cas un lien entre la multiplication des contradictions idéologiques et l’affaiblissement de la fonction politique qui a précisément le rôle d’arbitrer entre ces logiques avant quelles ne viennent à s’affronter ou s’entre-détruire.

Nous sommes dans un monde profondément idéologique. Pour des raisons qu’il conviendrait d’approfondir – mais c’est un autre sujet – il n’est pas aujourd’hui de politique publique qui ne soit marquée par une forme ou une autre d’idéologie.  Poussées jusqu’au bout sans que la sagesse ancestrale, le sens de la mesure ou la prise en considération de logiques concurrentes ne vienne à les tempérer, elles se contredisent et s’entrechoquent, donnant parfois au paysage politique un air d’absurdité.  Comment, s’en étonner ?

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

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