LES ELECTIONS PRESIDENTIELLES AMERICAINES: LA BATAILLE D’ARMAGEDDON ?
Roland Hureaux
01/09/2021
L’idée de complot n’a pas bonne presse.
Il faut dans ce cas-là assurer ses arrières en revenant au dictionnaire. Complot : résolution concertée secrètement et pour un but le plus souvent coupable (Littré). Le mot de complotisme, habitude de voir partout l’effet de complots, est plus récent.
Pour qu’il y ait complot, il donc faut une action, secrète, à plusieurs et dans un but coupable mais pas forcément.
Une nouvelle dominance mondiale ?
Se répand aujourd’hui de plus en plus l’idée que domine le monde un certain nombre d’hommes , généralement nord-américains , animés de la même idéologie : dépassement des Etats, abolition des règles morales traditionnelles en matière de sexualité, fongibilité et indifférence des sexes et des races, ouvertures des frontières au libre-échange, au mouvements de capitaux et surtout aux mouvements migratoires, volonté d’instaurer un gouvernement mondial chargé notamment de contrôler le climat et de réduire la population de la planète .
Ils imposent d’autant mieux leurs idées qu’ils ont la main mise directe ou indirecte sur la majorité des médias internationaux.
Leurs adversaires, défendent à l’inverse le fait national, les frontières, la morale naturelle (dite aussi laïque) , la famille. Loin d’être invités à débattre, ils font l’objet d’anathèmes violents ou d’une exclusion médiatique . Le qualificatif qui leur est le plus souvent apposé est celui de populistes, ce qui laisse supposer que les dominants disqualifient tout ce qui vient du peuple.
Comme si le contrôle de la presse ne leur suffisait pas, ces forces ont commencé à imposer leur propre censure avec la complicité de gouvernements nationaux ou de la Commission européenne. Cette censure vise ce qui échappe à la presse officielle : les réseaux sociaux s’arrogent le droit de chasser les propos « haineux » et plus généralement tout ce qui ne va pas dans leur sens, voire de censurer le président des Etats-Unis lui-même.
Bien que la vision du monde propre aux opposants à l’ordre mondial soit généralement qualifiée de complotisme, on peut se demander si cette appellation est fondée parce que la plupart de ces actions ne sont pas secrètes . Il suffit de consulter internet pour voir que la plupart du temps, leurs protagonistes agissent parfois seuls et au grand jour : c’est ouvertement que John D. Rockefeller , une des dernières figures de cette dynastie, avouait travailler à l’établissement d’un gouvernement mondial. Ajoutons que la plupart de ces magnats pensent œuvrer pour le bien de l’humanité : ainsi ceux qui veulent un monde sans frontières ou un malthusianisme généralisé.
L’important est qu’un très petit nombre d’hommes semble, tels George Soros, Bill Gates ou Warren Buffett, aujourd’hui déterminer beaucoup de choses de la politique internationale, bonnes ou mauvaises. S’ils sont peu nombreux, on ne voit pas comment ils consulteraient l’ensemble de la population des pays concernés; on dira alors qu’ils ne sont pas démocrates et même que c’est eux qui complotent contre la démocratie. Ils l’avouent d’ailleurs à leur manière : démocrate vient demos, le peuple, l’équivalent de populus en latin, d’où vient populiste , mot qui suscite leur dégoût.
Les effets du Covid 19
La récente crise du Covid 19 a montré une large concertation à l’échelle mondiale de la riposte à la crise : confinement - jugé par beaucoup excessif- , atteintes aux libertés fondamentales ; le ministère de la santé français semblait être aux ordres de l’ OMS. Or l’OMS, en principe institution internationale publique, reçoit 40 % de son financement de Bill Gates qui était il y a peu l’homme le plus riche du monde.
Il est patent qu’un médicament, ni bon, ni mauvais en soi, mais qui était alors le seul sur le marché, la chloroquine ait été interdit au tout début de l’épidémie en France et dans beaucoup de pays. Le même Gates qui n’a aucune qualification médicale s’est prononcé contre son utilisation.
A l’occasion de cette crise, les liens qui existent ente Bill Gates, l’OMS , les grandes industries pharmaceutiques (Big Pharma) et les principaux responsables de la santé en France et ailleurs ont été mis au jour sans que personne ne les conteste.
Nous n’irons pas jusqu’à dire que l’épidémie, en principe partie de Chine, mais d’un laboratoire international où même la France était partie prenante, a été délibérée. Malgré quelques faits troublants, nous n’en avons aucune preuve.
Il reste qu’au moins dans le domaine de la santé, l’épidémie du Covid et la manière dont elle a été gérée ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à nourrir l’idée d’ un complot international : analogie de méthodes d’un pays à l’autre, hostilité de principe à tous ceux qui s’en écartaient.
Du Covid, passons à la géopolitique. Le seul pays d’Europe à avoir, à tort ou à raison, refusé totalement les mesures préconisées par l’OMS est la Biélorussie qui passe pour une dictature fermée. Des élections présidentielles contestées y ont eu lieu cet été. Selon la Charte de Nations-Unies (article 2-7) , la démocratisation de ce pays relève de son peuple et de personne d’autre. Est-ce un hasard que des éléments extérieurs aient tenté récemment d’y fomenter une révolution, comme une révolution avait été fomentée il y a sept ans en Ukraine – et plus tôt en Géorgie ? On les appelait « révolutions orange ». Il suffisait qu’en émergent des pouvoirs hostiles à la Russie pour que l’Occident les qualifie de démocratiques. Au même moment, le FMI imposait à la Biélorussie des exigences exorbitantes.
Sur un plan plus large, en France, les opposants au système dominant dénoncent une entreprise mondiale (ou mondialisée) de réforme s’attaquant aux racines mêmes de la société occidentale.
La Foundation for an Open Société et ses centaines de filiales, créées par George Soros, sont souvent mises en cause comme étant à l’origine de la critique et de la subversion des soci »t »s occidentales, dans leurs structures familiales et autres ou dans le soutien financier et inconditionnel aux mouvements migratoires comme aux manifestations contre la présidence Trump en Californie. Une étude récente a même tenté de montrer que des obligés de la Fondation Soros avaient pénétré la Cour européenne des droits d’homme pour y imposer leurs normes. Au demeurant, ces actions sont publiques : les comptes de ces fondations figurent sur internet.
L’ancien président de la République tchèque Vaklav Klaus, qui n’était pourtant pas du genre à donner dans la démonologie, disait de Soros : « tout ce que fait cet homme est mauvais, tout ce que dit cet homme est mauvais.»
Pour ceux qui penseraient que systématiser ce genre d’approche relève d’un fantasme franco-français, précisons que Robert Kennedy Jr, avocat new yorkais, petit-neveu du président, reprend à peu près les mêmes accusations à l’égard de Bill Gates.
Géopolitique
Des manifestations contre la poursuite du confinement se multiplient à Berlin, à Londres, à New York. Nous avons évoqué d’autres terrains d’actions internationales concertées : le rôle de l’Etat américain dans les guerres du Proche-Orient n’est guère contesté. Il a été inspiré par les « néo-conservateurs » - qui sont en réalité des démocrates, tendance Obama-Clinton, désireux d’étendre par la force la démocratie dans le monde. Trump a en partie mis fin à cette politique.
Quand le Parlement français a adopté (après un vote très contesté du Sénat) la loi Taubira instaurant le mariage homosexuel, le président Obama a obtenu un mois après jour pour jour que la Cour suprême oblige tous les Etats américains qui étaient réticents, soit 40 sur 50 à légaliser ce genre de cérémonie. Obama l’avait promis à Clooney et Weinstein , les hommes le plus puissants de Hollywood à l’époque, soutiens traditionnels du parti démocrate. Mais pour convaincre la Cour suprême, il fallait qu’un grand Etat européen bascule : ce devait être la France .
Nous pourrions, si nous savions tout, nous étendre sur le rôle de la finance internationale dans la conduite des affaires du monde : selon le mode américain des revolving doors, les allers-retours sont habituels -ainsi de Draghi et Barroso. Le secrétaire général des Nations-Unies, António Guterres, pense que pour l’Europe, l’arrivée massive d’ immigrés n’est pas un problème. Un de ses prédécesseurs, commissaire européen , puis secrétaire général adjoint des Nations-Unies, président de Goldman Sachs et de British Petroleum, l’irlandais Peter Sutherland , aujourd’hui décédé, déclara lors d’une audition à la Chambre des Lords britannique, que « L’Union européenne doit , par l’immigration, saper l’homogénéité des nations » et que le multiculturalisme était un facteur de prospérité .
Quelle est la puissance de ce qu’on appelle désormais l’Etat « profond » américain sur la scène mondiale, profond par opposition à l’Etat de surface qui est bien obligé, lui, d’obéir au président démocratiquement élu , ou de faire semblant ? Grande sans doute.
Les uns et les autres prêchent l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique où ils voient un prétexte pour établir un gouvernement mondial. Ils contrôlent à eux seuls plus de 90 % de la presse occidentale , ils arrivent à imposer une idéologie dominante dont on a vu les caractères principaux : mondialiste, antiétatique ( nous préférons ce mot à celui de libéral ), libertaire et tout ce qui en résulte, « antiraciste », à l’occasion pro-islamiste, favorable à l’immigration, au libre-échange, défavorable à la famille , aux nations classiques, ultra-écologiste etc. Le conformisme qui s’est emparé de la profession de journaliste suffit à garantir le monolithisme de la pensée : ainsi aux Etats-Unis, 90 % des médias étaient hostiles à Trump, au Royaume-Uni, 80 % étaient hostiles au Brexit ( qui l’a pourtant emporté, ce qui montre que le verrouillage des opinions n’est pas définitif) . En France, 90 % sont favorables à l’Union européenne, bien qu’en 2005, 55% des Français se soient déclarés contre.
Une maladie de l’Occident
Tous ceux qui ont circulé dans le monde savent que les problèmes ne se posent pas de manière très différente d’un pays à l’autre. Même Poutine, qui, en Russie, offre l’exemple de la résistance aux idées dominantes dites « politiquement correctes » , est confronté à un parti occidentaliste qui voudrait ramener la Russie sur les rails. Seuls des pays étrangers à notre héritage : Chine, Japon, Afrique noire ne semblent pas touchés par cette problématique. Rappelons que quand le pape François a réuni un synode sur la famille, c’est la menace de schisme des évêques africains qui a fait obstacle à une mention positive de ces orientations dans le document final .
Tous les figures de proue de l’ordre idéologique dominant, de quelque pays qu’ils soient mais surtout des Etats-Unis, ont aussi en commun d’avoir été violemment anti-Trump. Bien que le président Donald Trump n’ait pas eu l’intention de bouleverser le capitalisme mondial, il a commis à leur égard des fautes inexpiables : d’abord il n’a pas été élu grâce à eux. Sa fortune personnelle le lui permettait. Ensuite il a pris sur certains sujets des options clairement contraires aux leurs : alors qu’au début, il n’avait pas d’opinion bien nette sur les sujets sociétaux, il participe aux marches pour la vie – dans un pays que la question de l’avortement a mis au bord de la guerre civile ; il a instauré un certain protectionnisme, rompant avec le dogme du progrès illimité du libre-échange ; il a aussi , au moins s’agissant d’autres pays que l’Iran, mis fin à la politique de démocratisation forcée ( regime change) du monde musulman, et quoi qu’il soit obligé de ménager les bellicistes américains, il ne tenait pas la Russie de Poutine pour un ennemi absolu. Il est encore difficile de dire si sa politique pro-Netanyahou, tenait à l’opportunisme électoral ou à une conviction de fond. Ajoutons qu’il est le seul président depuis trente ans à n’avoir pas déclenché de guerre.
Une Russie post-idéologique
A côté de Trump, Poutine est l’ennemi numéro un des mondialistes libéraux-libertaires pour des raisons qu’il nous faut préciser : certes, l’Etat russe, compte tenu de son héritage séculaire, n’est pas prêt à obéir à un quelconque gouvernement mondial, mais quelque chose de plus profond est en jeu : la Russie est un Etat post-idéologique. Après l’expérience terrible du communisme, idéologie pure et dure, de 1917 à 1990 , les Russes sont vaccinés ; ils savent reconnaitre l’ idéologie, en particulier dans sa dimension antireligieuse et ils la fuient .
Les leaders occidentaux, non vaccinés eux, se sont, après 1990, jetés tête baissée dans le mondialisme prétendu libéral : abolition des frontières, y compris migratoires, ultra-libertarisme, antiracisme hystérique, repentance à tout va.
Comme toute idéologie descend , d’une manière ou d’une autre, de la philosophie des Lumières, ce mondialisme ultralibéral est en quelque sorte cousin du communisme, lui aussi issu des Lumières. Le mondialisme ploutocratique remplace l’internationalisme prolétarien ; il est une idéologie de remplacement pour ceux qui ont besoin d’une espérance séculière. Or, à la différence de nos libéraux occidentaux, les dirigeants russes actuels ont dépassé l’héritage des Lumières dont ils ont vu où elle les a menés : exaltant la patrie, les communautés historiques, l‘héritage religieux et culturel, réticents à toute forme d’universalisme ( et donc étrangers au véritable impérialisme toujours lié à un projet mondial) , ils représentent pour les mondialistes occidentaux une remise en cause radicale. L’opposition qu’ils expriment est bien autre chose que celle de la droite et de la gauche en Occident. Ce n’est pas pour rien que George Soros a désigné Poutine comme son ennemi numéro un.
Cette opposition entre deux visions du monde, plus radicales que celle qui a longtemps opposé l’Est communiste et l’Ouest libéral, les républicains et les démocrates, la gauche et le droite européennes, a trouvé au cours des trente dernières années un terrain de prédilection aux Etats-Unis.
Donald Trump a donné le sentiment à ses adversaires qu’il remettait en cause une évolution à sens unique du monde vers toujours moins de frontières, toujours plus d’émancipation sexuelle, toujours plus d’indifférence au « genre », à la race, à la religion. La victoire du camp adverse que nous appellerons faute de mieux national aurait signifié la remise en cause de la perspective qui leur est chère, celle d‘un gouvernement mondial dirigé par des gens comme eux. Comme tous les idéologues, ils ne pensent pas seulement que leurs idées sont meilleures mais qu’elles vont dans le sens de l’histoire : ils se qualifient eux-mêmes de « progressistes ». Il est remarquable que dans un pays comme la Pologne, les plus ardents adhérents à la construction européenne et au mondialisme soient les anciens communistes. La maîtrise des médias par les idéologues , même dans un pays comme les Etats-Unis, quand ils ne contrôlent pas le pouvoir politique, leur permet d’imposer cette vision du monde à une majorité passive et de livrer à l’anathème leurs adversaires. Dès que l’idéologie entre en jeu, la diabolisation se substitue au dialogue.
Le conglomérat d’acteurs, pour éviter de parler de complot, qui promeuvent le mondialisme libéral trouve son épicentre à l’aile centriste du parti démocrate américain , pas son aile gauche, symbolisée par Bernie Sanders peu concernée par cette dictature idéologique , celle qu’ont incarnée les époux Clinton et Obama. Quand Trump déclarait ostensiblement se soigner à la chloroquine, ce n’était pas pour soutenir le Pr Raoult dont il ne connaissait peut-être même pas l’existence, mais pour jeter une pierre dans le jardin de son adversaire Gates. Et il n’est pas excessif de penser que les mêmes qui donnent le sentiment de dominer l’Europe tirent les ficelles du monde dans son ensemble, tels les patrons des Gafa. Au travers du Washington Post dont il est devenu propriétaire, Jeff Bezos (Amazon), désormais première fortune mondiale, contrôle une bonne partie de l’opinion américaine. Marc Zuckerberg (Facebook) avait fait savoir qu’il s’arrogeait le droit d’annoncer le premier le résultat des élections présidentielles américaines.
La bataille des présidentielles américaines de novembre 2020, était une bataille d’importance mondiale. Deux visions du monde opposées s’affrontaient. Beaucoup d’observateurs ont été frappés par l’acharnement du parti démocrate (de son aile dominante ) à mettre à mort politiquement Trump. Ces gens savaient qu’après avoir dominé la société occidentale pendant trente ou quarante ans, ils jouaient leur dernière carte.
Armageddon ?
Certains évangéliques ont vu dans cette bataille, l’ultime affrontement des forces du bien et des forces du mal, ce que l’Apocalypse (Ap , 19, 11-21) appelle la bataille d’Armageddon. Mgr Vigano , ancien nonce à Washington, a demandé des neuvaines pour Trump alors que le pape François, dont les liens avec les milieux mondialistes sont connus, quoique on n’en sache pas exactement la nature, appuyait de manière à peine discrète Biden, le candidat démocrate.
N’allons pas jusque-là : ni dans un sens ni dans l’autre nous ne sommes à la fin de l’histoire. Mais les adversaires de Trump, comme tous les idéologues, croient qu’il y une marche inexorable de l’histoire et qu’elle va dans le sens qu’ils souhaitent : l’élection de Trump en 2016 avait été pour eux un malheureux accident. Tout à leur vision idéologique de l’histoire, abandonnant tout scrupule démocratique, leurs partisans au sein de l’administration, des services de renseignement , du Congrès ont mené pendant quatre ans une guerre impitoyable contre le président élu, allant jusqu’à paralyser l’action de son administration, spécialement de sa diplomatie. Pour eux, cette malheureuse parenthèse doit se refermer et ce qu’ils tiennent pour le courant normal de l’histoire doit reprendre. C’est dire que la chape de plomb du politiquement correct que ces gens-là contrôlent avec leurs réseaux de médias risque pour nous, citoyens d’Europe occidentale, de se faire , avec le succès de Biden, plus lourde encore qu’elle n’a jamais été.