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Roland HUREAUX

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:05

L’INVERSION ACCUSATOIRE

17/04/2021

Imaginons que la Russie entretienne des corps de troupe au Mexique, le long du Rio Grande, frontière avec les Etats-Unis. Qu’elle ait basé là des fusées à courte portée chargées d’armes nucléaires visant les principales villes américaines et les bases. Qu’elle entretienne une armée de 200 000 hommes et des centaines de bases à travers le monde. Qu’elle ait plus de dix porte-avions et de nombreux navires de guerre sillonnant les mers du globe, qu’elle organise ou appuie des coups d’état dans les pays de la périphérie américaine, que ses experts planifient ouvertement l’isolement et le dépeçage des Etats-Unis en plusieurs Etats indépendants. Qui oserait dire que les Etats-Unis sont un pays agressif et qui menace la paix du monde et que c’est la Russie qui est un pays pacifique qui   ne fait que se défendre ?   

Or c’est exactement cela qui se passe, mais à l’inverse. Les Etats-Unis ont des troupes dans les pays baltes et en Pologne, des conseillers en Ukraine à laquelle ils vendent un armement lourd, des fusées chargées d‘armes atomiques en Pologne et une partie l’Europe occidentale, des navires de guerre sur toutes les mers du monde, y compris la Mer noire, 800 bases militaires et 200 000 soldats à travers la planète. Ils ont organisé des « révolutions orange »   en Géorgie, en Ukraine, et faussé les élections en Arménie. Depuis Zbigniew Brezinski, ses meilleurs experts planifient ouvertement d’abord de couper le Russie de toutes les anciennes républiques soviétiques, ensuite de la démanteler en plusieurs Etats.

Pourtant, par une étrange aberration mentale, l’opinion quasi-unanime des décideurs occidentaux, notamment des membres de l’OTAN est que c’est Poutine qui est un agresseur, et que l’OTAN est une pure organisation de défense des Etats dits démocratiques.  Comme Hillary Clinton, de nombreux responsables américains sont intimement persuadés que Poutine, c’est Hitler.  Ils le disent et, ce qui est plus grave, ils le croient, montrant par là leur ignorance de ce que fut le socialisme national, dit nazisme. Pour eux l’annexion de la Crimée est le premier pas d’un plan de conquête du monde comme l’était l’annexion des Sudètes. Pour éviter ce soupçon, Poutine aurait dû s’accommoder de ce qu’était le plan occidental : faire à terme de Sébastopol, symbole de la puissance russe depuis le XVIIIe siècle, une base de l’OTAN,

 

La paille et la poutre

 

Cette forme de cécité si on ose dire aveuglante est décrite dans l’Evangile :

 

Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! (Matthieu 7, 3).

Les Américains qui se sont toujours senti investis d’une mission dans le monde, ont du mal à comprendre la logique d’un Etat classique qui cherche à être respecté dans son voisinage, mais pas à conquérir le monde, pour la bonne raison qu’il n’est porteur aujourd’hui d’aucune idéologie universelle. Poutine ne veut pas convertir le monde à la religion orthodoxe. Cette cécité à une politique classique est si ancrée chez les Américains, au moins l’oligarchie, que les présidents qui ont raisonné de manière classique, en termes d’intérêts et non point de mission, Nixon, Trump, ont fait l’objet d’une réaction de rejet.

Cet aveuglement porte un nom : l’inversion accusatoire, laquelle joue aussi dans la sphère privée : j’accuse mon adversaire précisément des défauts qui sont les miens et pas les siens. On voit ça dans de procédures de divorce…

 

Qui sont les tueurs ?

 

Autre exemple, toujours relatif aux relations Est-Ouest : le nouveau président Biden entièrement pénétré de cette idéologie libérale impérialiste qui caractérise à Washington ceux qu’on appelle faussement les néo-conservateurs, a, à peine installé, accusé avec violence Poutine d’être un « tueur », ce que ses prédécesseurs n’avaient jamais fait. La raison ? Les soupçons de tentative d’assassinat par les services secrets russes, avec des poisons supposés d’origine russe (pour bien signer le forfait !) de Viktor Iouchtchenko, président de l’Ukraine de 2005 à 2010, de l’ancien espion et Sergueï Skripal et de sa fille en 2018, d’Alexeï Navalny, opposant à Poutine en 2019. Aucune, curieusement n’a réussi, ce qui témoigne comme l’a d’ailleurs dit Poutine, d’une singulière maladresse des dits services. Sur le même registre, a été déclenchée par les démocrates une vaste campagne contre le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salman accusé d’avoir fait assassiner le journaliste Jamal Khashoggi en 2018, cela bien que l’Arabie soit, elle, un allié des Etats-Unis. Certes ledit prince n’est pas un ange et le forfait, pour le coup, est avéré, mais tous ceux qui se sont intéressés à l’espionnage, singulièrement au XXe siècle, savent que ce genre d’affaires, généralement laissées aux services secrets, n’ont rien que d’habituel et qu’on évite de les évoquer dans les chancelleries.

Que certains veuillent moraliser la politique internationale, pourquoi pas ? Mais quelle extraordinaire hypocrisie de voir que c’est la Maison blanche qui anime cette campagne de presse quand on sait que le président Obama, démocrate comme Biden, prix Nobel de la Paix, dressait dans le Bureau ovale, tous les mardis, la liste des personnes qui, à travers le monde, seraient assassinés sans jugement par la CIA. Ce sont des centaines, voire des milliers de gens que saint Obama a fait ainsi liquider au cours de ses deux mandats. Certes cela se passait (en principe) hors des Etats-Unis et il s’agissait, vous dira-t-on, de terroristes. Mais tout de même : comment Biden qui, come vice-président était étroitement associé à ces opérations, peut-il accuser Poutine d’être un assassin ?

D’un côté, la politique de Biden qui a durci considérablement le ton vis à vis de la Russie et a repris les bombardements en Syrie, de l’autre celle de Trump, qui avait tenté, malgré les innombrables entraves mises par l’Etat profond, d’apaiser les relations avec la Russie, ce qui ne pouvait que sécuriser l’Europe de l’Ouest et presque terminé la guerre en Syrie et en Irak (c’est sur le seul front iranien qu’il a été plus dur que les démocrates, sans jamais aller jusqu’à la guerre.) Quant à son prédécesseur Obama, il a déclenché quatre guerres (Libye, Syrie, Ukraine, Yémen) alors qu’en quatre ans, Trump a été le premier président des Etats-Unis à n’en déclencher aucune.  Malgré ces faits patents, il se trouve des commentateurs pour expliquer qu’Obama n’avait pas vraiment fait exprès de faire des guerres et que si Trump ne l’a pas fait, c’est parce qu’il voulait mais n’en a pas trouvé l’occasion.  Débile ! Les photos publiées pendant son mandat par la totalité de médias occidentaux le montrent l’air furieux, prêt à mettre le feu à la planète alors qu’il fut (avec Carter) le plus pacifique des présidents américains depuis la guerre. 

 

Victoire de la démocratie

 

Après la paix, vient la démocratie, autre valeur cardinale de la gauche historique . Le monde saluait la victoire de Biden comme le « retour de la démocratie. »  Alors que Trump n’a jamais menacé les libertés fondamentales, ayant du mal , déjà, à préserver les siennes, notamment celle de s’exprimer dans les médias et sur les réseaux sociaux. Biden grand démocrate, alors que ses  puissants partisans ont  organisé une fraude gigantesque, suffisante pour renverser le résultat  ou non ? c’est à voir , que les mêmes organisent une censure de l’internet à l’échelle mondiale, qu’ils appellent  les entreprises à licencier ceux qui ont voté Trump ! 

 

Pour que règnent les bons sentiments : un  camp de redressement

 

L’inversion accusatoire se retrouve sur d’autres champs : l’idéologie messianique sur laquelle s’appuie le parti démocrate, ceux qui ont appuyé   Obama puis Biden, est identique à ce qu’il est convenu d’appeler la « pensée unique » ou le « politiquement correct » : favorable aux droits des homosexuels, à la priorité climatique, au libre-échange, hostiles à l’immigration, et donc à toute frontière, et bien entendu antiraciste.  Tous ces bons sentiments donnent une allure gentille à ceux qui s’y réfèrent. Pourtant    ce sont ceux-là qui provoquent des guerres et font monter la tension internationale. Paradoxe apparent : quand on est sûr de la supériorité morale de ses idées, on est prêt à mettre le feu pour les imposer à la planète.  Sur le terrain , leur  gentillesse se change en  une insoutenable intolérance à tous ceux qui viendraient   les contredire , à ceux qui pensent que la famille , c’est d’abord un homme et une femme, que l’urgence   climatique ne  justifie  pas  la destruction  de millions emplois, que les frontières  ont toujours existé et qu’elles sont  nécessaires, que le mélange des races ou des religions comporte des risques de guerre civile,  risques  qu’une élémentaire prudence conduit à ne pas pousser trop loin .  Les idéologues ne sont pas seulement animés de bons sentiments, ils pensent que, livré à lui-même, le peuple en a de mauvais, qu’il est naturellement xénophobe, homophobe, pollueur, protectionniste, raciste et que pour protéger la démocratie de ces mauvais sentiments, il faut  transformer la société en un immense camp de redressement. Tous ceux qui pensent qu’il est tout à fait légitime qu’un groupe se défende, comme tous les groupes l’ont fait depuis la préhistoire, est tenu pour un nazi, qu’aimer son pays, c’est du fascisme. J’ai connu quelques vrais racistes, ayant une hostilité a priori pour tel ou tel groupe racial, mais ils sont peu nombreux. Je n’ai cependant jamais vu chez ces gens autant de haine qu’on en voit chez les antiracistes patentés : Black blocks, No Borders ou Antifas et tous ceux, plus nombreux, qui sans s’y engager directement en   partagent l’idéologie. Là aussi s’observe l’inversion accusatoire : ceux qui dénoncent la haine sont les plus haineux. Mais ils sont si sûrs de la justesse de leur position qu’ils n’en s’en rendent pas compte. Un de mes amis me disait : « j’aime bien les noirs ; le problème est que s’ils sont trop nombreux, ils vont attirer les antiracistes et de ceux-là, je n’en veux pas. Il n’y a rien de pire que la haine antiraciste. »  Les Américains ont construit une société obsédée par les questions de race ; cette maladie se répand en France.

Les partisans des idéologies prétendues « progressistes » ne se rendent pas compte non plus que ceux qui dans le monde, au travers de médias qu’ils contrôlent presque tous, de la Californie à la Pologne, du Pole Nord au cap Horn, leurs valeurs sont promues par les plus grand milliardaires – pas Trump, qui ne jouait qu’en deuxième division. Ils veulent la destruction des Etats, seule protection qui reste aux petits et sont impitoyables pour ceux qui veulent les maintenir. L’extrême-gauche antiraciste, souvent financée par ces magnats, est le roquet chargé de mordre au talon les défenseurs des nations, accusés de fascisme. Contrairement à tous les schémas, le candidat de gauche, Biden, était soutenu par les plus riches des Américains, le candidat de droite, Trump, supposé réactionnaire, par le peuple et les plus bas revenus. L’extrême gauche le tient pour le symbole du pouvoir de l’argent alors que ce sont les puissances financières qui se sont coalisées pour l’abattre, peut-être parce qu’il ne faisait pas la guerre.

L’inversion accusatoire a sans doute toujours existé : « C’est celui qui le dit qui l’a fait » a dit Poutine, utilisant le langage des cours de récréation, en réponse aux accusations d’assassinat. Il reste que le monde actuel a vu ce phénomène s’accentuer. Cela résulte de la place de plus en plus grande prise par les idéologies dans la politique. L’idéologie simplifie tout : il y a les bons et les méchants ; elle est messianique : les méchants empêchent le progrès ; il ne faut pas discuter avec eux, il faut les détruire. Ce sont, comme disait Staline, des « vipères lubriques ». Le mode de pensée idéologique caractérise aujourd’hui les dominants du monde occidental, ceux qui, au travers de leur toute puissance médiatique, défendent la pensée unique qu’ils qualifient de « progressiste ». Le fanatisme aveugle les idéologues. Ils perdent tout sens critique dans leurs accusations et deviennent radicalement incapables de se regarder eux-mêmes avec un peut de recul. Ils   sont dangereux.

 

Roland HUREAUX

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:03

IMPOSSIBLE D’ETRE MONDIALISTE ET LIBERAL

Retour à Jean-Jacques Rousseau

Article publié dans Front populaire

16/04/2021

Il était habituel il n’y a pas si longtemps de qualifier quelqu’un de « libéral et européen ». L’association de ces deux qualificatifs positifs allait presque de soi.

Être ouvert sur l’Europe – et par-delà, sur le monde –, ne pas faire partie de ces nostalgiques à béret basque et baquette repliés sur le  terroir, était une posture éminemment chic.  L’un allait avec l’autre : européen voulait dire libéral, libéral voulait dire européen (nous dirons européiste car chacun est européen, qu’il le veuille ou non,  par la géographie et par la culture. )

Même aujourd’hui, où l’on parle du retour des nations -   surtout hors d’ Europe - , cette formule vaut encore.

 

Le libre-échange contre l’autarcie fasciste

 

Les années trente avaient vu fleurir, sous l’effet de la grande dépression, les politiques autarciques : Allemagne, Italie, l’URSS ayant, elle,  fermé ses frontières dès 1917. Autarcie allait avec dictature, et donc libre-échange avec démocratie.

Cette posture s’est traduite d’abord par une volonté au sortir de la guerre d’instaurer un  libre-échange général , d’abord européen, puis mondial.  Le GATT, créé en 1947,  devenu l’OMC en 1975, s’était  fixé dès le départ l’objectif d’établir un espace mondial de liberté économique qui visait certes l’expansion des échanges et la prospérité générale[1] . Nous en voyons les effets avec la crise actuelle, à un moment où les échanges n’ont jamais été aussi libres !
Mais le libre-échange avait aussi une valeur morale. Il était une manière de se positionner contre les dictatures totalitaires.

C’était oublier que le mahatma Gandhi prêchait aussi l’autarcie (d’ailleurs certains ne l’avaient-ils pas taxé  de fascisme ?) , conscient que l’ouverture du marché qu’ avait imposée  la Grande-Bretagne  à l’Inde dans le cadre colonial avait ruiné son industrie [2].

C’était oublier aussi que le libéralisme politique avait connu son essor  dans la deuxième moitié du XIXe siècle, sous  l’égide  du protectionnisme le plus strict, lequel  avait permis entre autres à l’Allemagne et aux Etats-Unis de devenir de grandes puissances industrielles[3].

Il n’était pas  encore question en 1945  de libre circulation des capitaux , instaurée dans le cadre mondial à partir de 1986, ni de libre circulation des hommes, promue  par le traité d’Amsterdam (1995) destiné en théorie à permettre la liberté de mouvement  des ressortissants  de l’UE au sein d’un espace  unique, mais qui a , de fait, favorisé l’arrivée de plus en plus importante d’immigrants.

 

Vers une gouvernance mondiale

 

Les trente dernières années ont vu, en parallèle,  se développer la perspective d’une  gouvernance  mondiale. Jean Monnet  était déjà un mondialiste [4] , faussement appelé  le père de l’Europe car  il s’est tenu à l’écart du traité de Rome qui a mis  en place les seules  institutions  durables de  la Communauté européenne  et qu’il  a tenté ensuite  de saborder le traité de réconciliation franco-allemand de 1963   Les directives européennes  si souvent mises en cause par les peuples d’Europe, spécialement  en  France, ne sont  pour la plupart que la mise en forme de directives extérieures, de l’OMC, de l’OMS, du FMI, du GIEC. Jacques Attali n’a-t-il pas  dit tout haut que la crise du Covid était l’occasion de créer enfin un Etat mondial ? C’est   aussi ce que dit le président  du Forum de Davos , Klaus Schwab[5],  qui ambitionne un « great reset », ce qui ne signifie nullement un changement de la direction prise  par le monde  au cours des trente dernières années,  mais au contraire une accélération des tendances qui n’entraient jusque-là dans les faits que lentement en raison de résistance de peuples . Le plan de relance européen ne représente que 0,7 % du PIB de l’UE mais il est orchestré de telle manière que pression maximale s’exerce sur la Pologne et la Hongrie pour  qu’elles rentrent dans le rang et acceptent plus de supranationalité sur des sujets sensibles : immigration, mœurs , constitutifs de de leur identité.

Dès avant l’épidémie actuelle, des instances anti-fake news, en d’autres termes de  censure, s’étaient mises en place  à tous les nouveaux : public , à Bruxelles, dans les Etats nationaux, mais aussi privé : les hommes les plus riches du monde, patrons des Gafas, soutiens  de l’ordre mondial, s’arrogent le droit  de filtrer les messages dont ils offrent le vecteur : le président Trump s’est vu privé d’accès aux réseaux   dans les semaines qui ont précédé l’élection du 3 novembre . Tout aussi choquante est la quasi-unanimité des médias des deux côtés de l’Atlantique pour soutenir l’idéologie mondialiste. Pas de démocratie sans une presse non seulement libre mais plurielle.  Pendant ce temps, les tribunaux multiplient les procédures contre toute ce qui ne serait pas  politiquement correct, c’est à dire qui n’irait  pas dans le sens de  pensée dominante en matière d’ouverture à l’immigration, de féminisme (ou plutôt hyperféminisme), d’islamophobie, d’homophobie, de climat , de libre-échange.

 

The great reset

 

L’épidémie du Covid-19 s’est accompagnée d’un recul sans précédent des libertés à l’initiative de  comités  mondialisés qui imposent leur disciplines aux Etats et aux citoyens : les plan de confinement sont presque partout les mêmes. Le seul pays qui s’en soit exonéré (sans avoir plus de malades), la Biélorussie,  est soumis à de fortes pressions.

La menace du réchauffement climatique   sert aussi de moyen de pression sur les Etats, les entreprises et les individus pur leur imposer une bureaucratie et une réglementation de plus en plus lourdes, l’attrition des industries classiques sans considération de la baisse de revenu et du chômage qui s’en suivra.

Malgré ces pressions quasi unanimes de l’ordre mondial contre les opinions divergentes, le suffrage universel a résisté au Royaume-Uni en imposant  le Brexit ; mais comme il risquait  aussi de passer outre les  pressions de médias unanimes aux dernières élections américaines,  une fraude massive a été organisée, dont nous ne connaissons par l’ampleur réelle  mais dont personne ne conteste la réalité , pour assurer la défaite de Trump. Le patron de Facebook, l’homme le plus riche du monde s’était targué d’être celui  qui désignerait le prochain président.

 

Le retour du modèle chinois

 

Il est question de rendre obligatoire, selon le vœu de Bill Gates, deuxième fortune mondiale, la vaccination contre toutes sortes de maladies,  qui serait certifiée par une puce sous la peau. L’immense Chine a déjà établi un contrôle sans égal de sa  population.  Il y a quelques années ce système  totalitaire apparaissent comme un vestige du passé, le signe d’un régime en voie de mutation. Aujourd’hui, loin d’être un cas à part , la Chine pourrait bien être notre avenir. Le principe d’un enregistrement des faits et gestes de chacun, grâce à des caméras omniprésentes, conduisant  à l’attribution  d’une note globale de civisme conditionnant les droits de chacun,  fait son chemin.

Les disciplines de confinement de plus en plus strictes au fur et à mesure que la pandémie recule, vont habituer les terriens à obéir aveuglement et à oublier ces libertés fondamentales qui constituaient le cœur de notre civilisation, même avant la Révolution française.

Autrement dit : à mesure que se profile une gouvernance mondiale, les libertés reculent partout. Cela n’est pas une coïncidence.  Loin d’être libéral, le mondialisme est , de manière intrinsèque, antilibéral et synonyme d’une oppression croissante insidieuse.

 

Relire Jean-Jacques Rousseau

 

Il est un auteur qui avait, à sa manière, prévu cela. C’est Jean-Jacques Rousseau qui, dans le  Contrat social, montre que les états de dimension réduite, comme la république de Genève sont un terrain plus favorable à la liberté et à  la démocratie que les grandes unités politiques. « Le rapport des magistrats au gouvernement  doit être inverse du rapport des sujets au souverain . C’est à dire que plus l’Etat s’agrandit, plus le gouvernement doit se resserrer. » ( Livre III, chapitre II). Un Etat comme le France  nécessitait , selon lui, un pouvoir ferme et centralisé : la monarchie louis-quatorzienne puis la République jacobine. A l’extrême, l’Empire russe ou l’Empire turc, par leur immensité, semblaient voués  au  summum de tyrannie[6].  

De ce texte capital, on peut dégager une loi qui devrait inspirer toutes les réflexions de notre temps, et qui contredit les préjugés répandus depuis 1945 : plus un Etat est grand plus les libertés sont opprimées, moins la démocratie est possible. A fortiori si se construit un état continental comme ambitionne de l’être l’Union européenne ou un Etat  mondial. Ajoutons que la suppression des libertés y est d’autant  plus nécessaire que ces nouveau Etats  sont hétérogènes.

Nous retrouvons la réflexion de Pierre Manent[7] sur l’émergence de démocratie en Europe qui , selon lui, n’a été possible que dans  des Etats nationaux homogènes, grands au départ mais devenus , de fait, plus petits  par les  progrès des moyens de communication.

Qui ne sait d’ailleurs que dans les hauts lieux où s’élabore la pensée politique mondiale : Trilatérale, club de Bilderberg, Forum de Davos, CFR, on   planche depuis des années sur les nécessaires restrictions  à apporter à la démocratie , toujours menacée selon ces gens,  par le  populisme,  en vue d’une meilleure gouvernance de la planète ?

Le mondialisme est un ennemi de liberté, comme à plus petite échelle l’est le   centralisme européen [8]; Il faut que cela se sache et que cela soit dit partout car il en va de notre dignité d’hommes et de femmes libres .

 

Roland HUREAUX

 

[1] Selon la théorie de Ricardo dite des avantages comparatifs, appliquée de manière exclusive et sans nuances.

[2] En 1800, l’industrie indienne est au niveau de celle de l’Allemagne. Un siècle après, elles sont à des niveaux complètement différents.

[3] Comme le montre l’économiste belge Paul Bairoch.

[4] " La Communauté européenne  elle-même n'est qu'une étape  vers les formes d'organisation du monde de demain" (Jean Monnet , Mémoires, LP, 1978, tome II, p. 330)

[5] Klaus Schwab & Thierry Malleret,  Covid19 :  the great reset, Forum publishnig, 2020.

[6] Cette idée se trouve déjà, en partie , chez Aristote

[7] Pierre Manent, La raison des nations, Gallimard 2006.

[8] Nous ne parlons pas de fédéralisme européen car il y a belle lurette, en dépit de l’invocation du  principe  de subsidiarité, que l’Europe qui se construit est centralisée  – il ne saurait d’ailleurs en être autrement comme nous l’avons démontré.

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 14:00

DE GAULLE ET MAURRAS

Paru dans la Nouvelle Revue universelle, été 2021

La Nouvelle Revue universelle  ayant consacré un numéro  aux rapports de De Gaulle et de Maurras, il nous parait  utile d’apporter quelques compléments à ce sujet si débattu.

On s’accorde généralement  à  dire que si , dans sa jeunesse, au moment où se formaient sa personnalité et ses idées , Charles de Gaulle fut tributaire de maîtres à penser,  ce fut  , parmi ses contemporains, de Barrès ou de Péguy, voire de Bergson, plutôt que de Maurras.  Barrès semble proche de lui mais le  catholicisme intime de De Gaulle s’en accommodait-il pleinement ?  Péguy, avec son relent  républicain, homme à la mode de ses vingt ans, ne pouvait manquer d’attirer un jeune désirant s’émanciper , sans rupture,  d’une famille royaliste et conservatrice ( « Mes enfants sont devenus républicains »  se désolait sa mère), d’autant que le père du général  avait soutenu la cause de Dreyfus.  Que De Gaulle, comme son père [1],  ait lu régulièrement  L’Action française avait-il plus de signification que pour  un haut-fonctionnaire de l’après-guerre de lire Le Monde [2]?

A ces influences de contemporains,  il faudrait peut-être ajouter le non-dit de celle de Nietzsche qui, il est vrai, imprégnait  alors tant l’air du temps qu’elle n’avait pas besoin d’être directe.

 

Une culture commune

 

Mais à vrai dire, le  jeune Charles de Gaulle était-il vraiment à la recherche de maîtres à  penser ? Il est bien connu que , très jeune,  il  ne se prenait pas pour n’importe qui - à raison d‘ailleurs.  Quoiqu’un peu plus âgé, Maurras avait-il de quoi l’impressionner réellement  ? Les  nombreuses idées qu’ils avaient en commun  n’ étaient-elles  pas si évidentes pour les patriotes de sa génération qu’elles ne pouvaient  guère l’enrichir beaucoup,  soit qu’elles appartiennent  à un fond anthropologique multiséculaire : tout   groupe a besoin d’un chef, ce chef doit être indépendant, il doit être accepté, il ne peut régner de manière arbitraire  mais doit avoir les moyens d’agir , soit qu’elles proviennent de l’histoire de  France telle qu’elle  lui avait été  enseignée  par   son père , catholique , monarchiste,   patriote et professeur d’histoire : la France, fille aînée de l’Eglise, sa place centrale dans l’ Europe, l’importance de l’héritage capétien, le rôle de l’Etat, la menace allemande.

Maurras n’a  en effet  pas tout inventé :  dès l’enfance, De Gaulle connaissait comme lui  la politique des rois capétiens, de François Ier, de Richelieu. L’un et l’autre  avaient lu  Michelet, Renan,  Taine.  Ils  étaient tous les deux tributaires d’une culture commune, largement  répandue dans la bourgeoisie patriote ( et la noblesse !)  du XIXe siècle  qui suffit à expliquer leurs convergences sans qu’il y ait lieu d’en déduire  une influence. Convergence aussi sur une vision organique de la société , issue chez  Maurras des nostalgies de l’Ancien régime, atténuée chez De Gaulle qui la trouva davantage dans le  catholicisme social de la Tour du Pin  et qui, de toutes  façons, était dans l’air du temps.

Cela ne doit pas nous conduire à sous-estimer leurs différences.
La première  explique largement que De Gaulle n’ait jamais vraiment cherché à restaurer la monarchie : son  refus radical de toute démarche  utopique .

 

Le refus de l’utopie

 

Le XXe siècle fut le grand siècle des utopies – autrement dit des idéologies. Ce n’est pas par hasard si  De Gaulle   se trouva toujours dans le camp adverse de  ces idéologies  : contre le socialisme national  ( dit en allemand nazisme), même si le sens du combat de la France libre fut d’abord  de libérer le territoire,  contre le communisme   : les puristes lui reprochent , à tort selon nous, l’orientation anticommuniste du RPF ; contre l’utopie  de l’intégration franco-algérienne, contre l’Europe monnetiste qui n’était en réalité qu’un faux nez de l’utopie mondialiste,  aujourd’hui hégémonique. Face au mondialisme,     le combat commença le soir du 18 juin , où Monnet qui en était un ferme partisan[3]  intervint  pour que la BBC ferme ses portes à   De Gaulle,  ce que Churchill refusa !  Et personne ne doit être choqué que la guerre étant selon lui déjà perdue par l’Allemagne, il ait pensé que la survie de la France allait  se jouer au sein du camp des  vainqueurs.

Les utopistes construisent le  modèle d’un Etat -, ou super Etat, que, s’ils sont au pouvoir, ils cherchent à  réaliser , arbitrant au besoin  en faveur de l’utopie contre l’intérêt national.  Quoique son utopie ait été plus bénigne que d’autres, Charles Maurras  suivait  une logique  analogue : posant un modèle d’Etat idéal, monarchique et corporatiste , il  subordonna  tout à sa réalisation.   De Gaulle était complétement étranger à cette démarche. Sa pensée politique est assez claire : une finalité  simple : le bien commun ( à cette expression thomiste, il substituait en général celle d’intérêt national ), entendu  pour lui au sens large : pas seulement  la poule-au-pot mais la rayonnement de la France  ( ne comportant aucune agressivité  ) et, à partir de là,  la recherche au jour le jour des moyens les plus pragmatiques , compte tenu des  circonstances, pour l’atteindre . Un de ses premiers textes, Doctrine a priori ou doctrine des circonstances  posait les jalons de cette démarche, au moins en matière militaire.  Elle  exclut   tout ce qui pourrait  perturber cette recherche de l’intérêt national   : sujétion externe, féodalités internes,  projets parasitaires comme le sont les projets idéologiques : construire le socialisme, construire l’Europe  ( ce que Hayek appelle le « constructivisme »)  . Le  chef est, au sens biblique,  le « pasteur »[4]   de son peuple et  rien ne saurait  l’éloigner du souci exclusif  de son troupeau.  Issu d’une famille monarchiste riche d’historiens,  sachant tout  de l’histoire de France,  De Gaulle   n’était sûrement  pas  un républicain de cœur (ce que les gens de gauche savaient  ). Eut-il accepté de favoriser une  restauration ?  Peut-être mais dans le cadre conceptuel que nous venons de décrire, la question, pour lui,  ne se posait pas.    Aux raisons qu’on lui prête de ne pas l’avoir fait, comme l’attachement  d’une majorité de Français  à la  République   ( plus  assurée alors, surtout en 1945,  qu’aujourd’hui), il faut ajouter sans doute le jugement qu’il portait sur la personne  du prétendant dont il n’ignorait rien  , qui avait sans doute le profil  d’un héritier  mais sûrement pas celui  d’un refondateur :  peut-être aurait-il trouvé grâce aux yeux du général s’il avait été à ses côtés dans la Résistance dès juin 1940.

La realpolitik avant l’idéologie : c’est ce qui le conduisit à marquer en 1936  une  préférence discrète  pour le camp républicain dans la guerre civile espagnole, sur une base tout à fait  différente d’un Bernanos. Maurras exprima  d’emblée  son soutien  à l’insurrection franquiste proche de son idéologie traditionnaliste. De Gaulle qui n’avait  sûrement aucune sympathie pour un camp où l’on exécutait les prêtres à tour de bras,   ne vit que le risque , si Franco  l’emportait,  d’installer la Wehrmacht  de l’autre côté des Pyrénées. Son rapprochement de  la démocratie  chrétienne comme ami du journal  Temps présent, fut davantage la conséquence que la  cause de cette prise de position toute entière dictée par la géopolitique.

C’est plus ce réalisme  que la sacralisation de l’Etat-nation, qui le conduisit à rejeter plus tard  l’Europe supranationale[5] :   « Je vois, dit–il,  l’Europe comme un ensemble de nations indestructibles. A quelle profondeur d’illusions ou de parti pris faudrait–il plonger pour croire que les nations européennes forgées au cours des siècles par des efforts ou des douleurs sans nombre, ayant chacune sa géographie et  son histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en former qu’un seule ? [6]» 

Le réalisme est pour le chef , quel qu’il soit,  un devoir absolu  vis à vis duquel toute défaillance, - toute « chimère » disait-il -,   ouvrirait  la brèche à un intérêt étranger à celui du  peuple dont il a la charge, comme la chimère de l’Europe supranationale  l’a ouverte  aux intérêt américains.

Certains diront que De Gaulle céda une fois à la tentation de l’utopie , au soir de sa vie, en voulant instaurer la participation . C’est ce que pensait Pompidou. Pour toutes sortes de raisons, ce fut un échec.

Maurras n’aurait pas, en théorie,  récusé l’ obligation de réalisme. Mais      comment  des maurrassiens  qui se veulent  réalistes  peuvent-ils  , sans tenir   aucun compte des circonstances  , prétendre que De  Gaulle n’aurait  pas dû remettre en selle les partis en 1943-1945, ou faire le jeu ( à ce qu’ils disent ) du  parti communiste, comme si,  face à la volonté féroce de Roosevelt, excité par Monnet,  de le faire disparaitre, et   la France avec lui,  il avait eu le choix ?  Les mêmes ou d’autres s’imaginent qu’il lui aurait suffi en 1962 de claquer du  doigt pour garder l ’Algérie française, ignorant tout du  contexte international de l’époque. 

Ces  considérations  nous conduisent  à une dimension essentielle du réalisme revendiqué par le  général de Gaulle : son  réalisme  géopolitique.

 

Réalisme géopolitique

 

De Gaulle, homme très ouvert aux  cultures étrangères, au moins européennes, et qui dès avant 1940 avait voyagé ( en Allemagne, comme étudiant puis comme prisonnier, en  Pologne, au  Liban) parlant trois ou quatre langues , se distingue  par un réalisme  géopolitique impitoyable  : il sait,  dès juin 1940,  de science certaine,  que compte tenu de ce  qu’ Hitler, loin d’être  un dictateur classique , est  animé d’une  volonté de conquête sans limites ( ce que d’autres, qui le prenaient pour un simple dictateur, ne savaient pas ) ,  et de  ce qu’est la puissance des Etats-Unis, l’Allemagne perdra  la guerre. Ce n’est pour lui ni  un pari  ni une prophétie, c’est une certitude raisonnée.

Dès lors que les deux grand vainqueurs  de la guerre, Roosevelt et Staline voulaient mettre fin  à la colonisation, et qu’un vent très fort dans ce sens   soufflait dans le monde,  il était tout aussi  clair qu’elle   se ferait et que, comme tous les  mouvements  historiques, bons ou mauvais , la décolonisation  irait jusqu’à son  terme.  En 1962, nous avions contre nous, sur l’Algérie, les Etats-Unis et l’URSS   mais aussi la Chine, tout le Tiers monde et    tous les Européens, Espagne de Franco comprise, sauf le petit Portugal  qui en s’accrochant à son empire, comme on  aurait voulu que De Gaulle le  fît, a retardé de  12 ans le train de l’histoire   – et l’Afrique du Sud qui, dans un contexte différent,  a gagné trente ans. Le réseau diplomatique américain avait été, partout dans le  monde,  mis par Kennedy  au service de la cause, non seulement de l’indépendance de l’Algérie mais du FLN. Ceux qui ne savent rien de la diplomatie    s’imaginent qu’on peut faire fi d’une hostilité générale de la communauté internationale. Ces forces terribles qui nous ont permis, et heureusement, de gagner la guerre mondiale et qui ont ensuite imposé la décolonisation, de Gaulle est pourtant le seul Occidental depuis 1945 à les  avoir   affrontées, mais sur un terrain moins miné que l’Algérie,   entre 1966 et 1967  (  OTAN, étalon-or, Vietnam, ouverture à la Russie, Proche-Orient, Québec) , profitant d’ une fenêtre de tir étroite : fin de la guerre d ‘Algérie, début de la détente, économie française  forte . Que cela ait abouti à cette « révolution orange » que fut mai 68 n’enlève rien à l’immense prestige que la France en a tiré :  le général  avait-il vraiment besoin de Maurras  pour savoir que la France devait se faire le champion des  petits pays contre les puissants ?  Et quelle stupidité de la part de ceux qui crurent se venger de l’indépendance de l’Algérie  (pas à l’Action française heureusement ) en épousant la cause américaine contre le général !  

De Gaulle s’est  montré plus maurrassien  que beaucoup de maurrassiens, dans la question  algérienne   en prenant en compte dans toute sa force le  fait national arabe à l’encontre de ceux qui pensaient que le sentiment national serait réservé aux Français.  Dans cette tragique affaire,  a peut-être joué   aussi l’influence,  bonne ou mauvaise  , chacun en jugera, de ce maurrassien repenti que fut Bernanos, lequel  renforça la conviction du général  qu’il n’était pas digne de la France de  Saint Louis    de se s’imposer par la force à d’autres peuples.  « Bien sûr que nous pourrions rester en Algérie, dit  une fois  De Gaulle à Peyrefitte, mais nous aurons à refaire  une  guerre  tous les dix ans ».

De Gaulle s’était déjà  trouvé plus  fidèle à Maurras que Maurras lui-même en mettant en avant la dimension politique  de la France libre :  comment le champion du « politique d’abord » a-t-il pu déplorer    que la résistance française se soit donnée d’emblée une dimension politique , et écrire qu’elle aurait dû se contenter  de créer une légion française sous les ordres des Anglais[7] ? Pour comprendre le 18 juin, il manquait à Maurras une théorie de la légitimité qui ne fut pas circonscrite à la seule alternative monarchie/république . Cette théorie , aux fondements  anthropologiques, De Gaulle en eut l’intuition, le Père Gaston Fessard la formalisa dans ses écrits de résistance [8]: le prince, par essence,  ne saurait être esclave ; et si le pays a perdu la liberté , c’est celui qui combat pour la retrouver  qui seul est légitime.

Il reste que sur la  question du réalisme politique,  De Gaulle et Maurras ne se distinguent  pas  quant aux principes, seulement quant à leur application .  Toute autre est leur  divergence   non seulement quant au regard qu’ils portèrent   sur la Révolution française mais, plus profondément,  sur l’idée de liberté.

 

Chateaubriand

 

Il est un personnage clef qui fut une référence  pour Charles de Gaulle et que Maurras, dit-on, détestait, c’est Chateaubriand. La Nouvelle Revue universelle  n’en parle pas. Il se peut que    l’influence de Chateaubriand  fut plus décisive sur De Gaulle que celle de  ses  contemporains   cités plus haut .  Il y avait d’ailleurs un culte familial  du    grand écrivain dont sa  grand-mère avait écrit la  biographie.

Qu’ont en commun ces deux hommes, en dehors du style où à l’évidence  De Gaulle se mit , avec quelque  succès,  à l’école de Chateaubriand  ?

D’abord le refus d’opposer la France de l’Ancien régime et celle de la Révolution, refus qui fut aussi celui de Tocqueville, cousin et , à bien des égards, disciple de Chateaubriand. Ce dernier fait part dans les Mémoires d’Outre-tombe des sentiments qu’il éprouvait  durant la bataille de Waterloo :   il n’y était  pas présent mais il se surprenait, au rebours  de ses idées et de ses intérêts de carrière, à souhaiter la victoire des armées françaises. Pour De Gaulle,  qui en traite dans La France et son armée,  les victoires de Hoche et de Bonaparte   ne participent pas moins à la gloire de la France que celles de Condé et de Turenne.

Cette conception pourrait se résumer à l’acceptation de l’union des contraires, qui ferait la richesse d’histoire de France. Elle va plus loin chez l’auteur du Génie du christianisme . L’ histoire de l’Europe chrétienne , à la différence  des autres civilisations, est traversée selon lui d’un grand   souffle de liberté, liberté féodale d’abord (sur laquelle De Gaulle et Maurras étaient sans doute  moins enthousiastes), libertés communales, et même liberté révolutionnaire sachant que, « la liberté ne doit pas être accusée des forfaits   que l’on commet en son nom[9] ».

Rien d’étonnant à cela car pour lui,  la liberté est chrétienne : « La liberté est sur la croix du Christ, elle en descend avec lui [10]».    « Le génie évangélique est éminemment favorable à la liberté [11] ».

Mais elle est aussi  inscrite dans le droit naturel : « La liberté ne vient point du peuple, elle ne vient point du roi ; elle ne sort point du droit politique, mais du droit de la nature.  Ou plutôt du droit divin. Elle émane de Dieu qui livra l’homme à son franc arbitre[12] » . C’est pourquoi ce lien entre religion et liberté est   pour lui plus large que le christianisme :  dès le Rome antique, note-t-il, « la religion est source de la liberté[13] ».  Ce libéralisme de l’école de Burke est, faut-il le rappeler,  inséparable d’une tradition .

La liberté et non les libertés,  une expression où le maurrassisme rejoint curieusement le    positivisme juridique qu’une certaine gauche a imposé aujourd’hui à l’Université pour contrecarrer  la vieille conception chrétienne du droit naturel – notamment en  matière sociétale.

Cette conception selon  laquelle la liberté est une valeur essentielle  conduisit Chateaubriand à s’opposer aux théoriciens monarchistes de ce temps, en premier lieu Bonald  et de Maistre, partisans d’une conception compacte , holiste dirions-nous, du corps social selon laquelle « les individus n’existent que dans et pour la société [14]» (L.de Bonald). Une vision organique où ordres,  corporations et compagnies  enserrent l’individu  de toutes parts, comportant  une conception autoritaire et  clanique  de la famille telle   que la défendaient les réformés   et que le Concile de Trente combattit pour mettre en valeur le couple [15]

Avec une ironie discrète Chateaubriand raille cette position : « C’est en vain que la piété (ce mot désigne chez lui avec condescendance une certaine apologétique contre-révolutionnaire) a prétendu que le christianisme favorisait l’oppression ( l’autorité) et faisait rétrograder les jours : à la publication du nouveau pacte scellé du sang du juste, l’esclavage a été effacé du code romain[16] ». Il dénonce ailleurs le fait que certains contre-révolutionnaires haïssent tant la liberté qu’ils  en viennent à rêver de  l’Empire turc ( qu’il détestait).

Fidèle à cette vision  chrétienne de  la politique, Chateaubriand fut un homme de  principes, sacrifiant à deux reprises sa  carrière et ses intérêts financiers  à ce qu’il estimait être la justice : il était prêt à servir Napoléon, comme il l‘avait fait à l’ambassade de France à Rome,  et aurait,  selon nous,  été pour lui un ministre des Affaires étrangères plus loyal que Talleyrand ; mais il  rompit avec lui  quand le duc d’Enghien fut fusillé. Il servit Louis XVIII qui ne l’aimait pas  et démissionna à nouveau de ses fonctions de pair de France (avec les conséquences financières  subséquentes) face à ce qu’il tenait pour l’usurpation de Louis-Philippe (ce qui l’éloigna de  Tocqueville, qui, lui,  s’accommoda de l’ orléanisme).  

« Il propose un modèle à tous ceux qui refuseront la Monarchie de juillet, le Second Empire, le ralliement , les inventaires, la décision de Rome condamnant l’Action française , à ceux aussi qui refuseront d’un  même élan la défaite de juin 1940 et Vichy » (Jean Touchard[17]) . 

Cette rigidité  dans les principes anticipe celle du père de Gaulle demandant une minute de silence à ses élèves au motif qu’en condamnant Dreyfus, la France  s’était déshonorée. Elle devait inspirer le refus de tout antisémitisme de la part du général. Rien à voir  avec ceux pour qui le sort  d’un homme importait peu face  au  prestige de l’armée.

De Gaulle ,  héritier de  Richelieu  , était assurément attaché à l’obéissance à l’Etat mais, pour lui, comme d’ailleurs pour  la tradition chrétienne, elle n’était pas un absolu. Il ne se serait pas permis de récuser la parole du Magnificat Deposuit potentes de sede qui gênait tant Louis-Philippe et Maurras, mesurant au contraire qu’elle était à l’honneur  de  l’Occident.

Chateaubriand d’un côté, de Bonald[18]  de l’autre, voilà le commencement de deux écoles du catholicisme politique français qui ne cessèrent de s’opposer (la troisième, la démocratie chrétienne  n’étant pas encore née ).   L’opposition De Gaulle-Maurras ne se comprend pas sans référence à  celle de Chateaubriand et de Bonald.

Une opposition qui a d’autres dimensions : ainsi une meilleure acceptation du fait de la modernité et le sentiment qu’il existait des  évolutions inéluctables   de la part aussi bien de Chateaubriand et De Gaulle,   mais sans le moindre optimisme chez l’un comme chez l’autre vis-à-vis du supposé « progrès ». Cela conduisit le vicomte à  cette parole prophétique, qui éclaire si bien ce à quoi  nous assistons aujourd’hui : « Si la religion chrétienne s’éteignait, on arriverait par la liberté à la pétrification sociale où la Chine est arrivée par l’esclavage[19] » :  qu’en pensent ceux qui, de son temps et de nos jours,  disent d’un ton narquois  que Chateaubriand  était trop bon  écrivain pour être  un penseur  ?

Plus radical que les maurrassiens  quant au réalisme et au primat du politique et par là éloigné de toute utopie,   tel apparait de Gaulle. Mais en même temps,   disciple de Chateaubriand , il réserve mieux que  Maurras la part de la liberté , inséparable   d’une vision spirituelle du destin de l’Europe lequel ne s’arrête    pas pour lui en 1789 .  Cela n’est contradictoire  qu’en  apparence   : le général  savait que dans les dures réalités de la politique, nationale et internationale, les interstices par où peut passer la lumière sont rares .  Le responsable politique doit    se tenir à l’écart de la double tentation de l’idéologie ( il disait les « chimères ») qui  mêle dangereusement des plans  qu’il faut tenir séparés et d’ un positivisme  prosaïque  qui   donnerait un tour absolu aux réalités politiques.   Comme la nature et la grâce, le réalisme le plus froid et l’idéalisme de fond   ne se contredisent pas pour le chrétien qu’était de Gaulle.

                                  

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Henri de Gaulle cessa cependant, la mort dans l’âme,  de lire l’Action française après sa condamnation par Rome en 1926.

[2] Il nous semble que Le Monde a  heureusement  perdu une partie de son prestige de journal de référence dans la haute administration.

[3] Il le dit à la fin de ses Mémoires : la construction européenne n’est qu’un terrain d’expérience en vue d’une entité mondiale (Livre de poche, tome 2 , page 794) .

[4] Cf. Roland Hureaux, Pasteurs et scribes dans l’Eglise et dans l’Etat , in Liberté politique n°22, printemps 2003. Dans l’Ancien testament, un pasteur est tout simplement un chef.

[5] De Gaulle ne parlait jamais d’Europe fédérale sachant qu’il ne faut pas donner un nom positif aux idées que l’on combat . Il préférait l’épithète de supranationale, plus juste au demeurant.

[6] Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1, page 200.

[7] Op.cit. page 108 ( article de Gérard Leclerc et Bertrand Renouvin), article repris d’Aspects de la France, 19 novembre 1970.

[8] Gaston Fessard, Le prince esclave, Criterion 1989

[9]  De Buonaparte et des Bourbons, 1814.

[10]  Notes et pensées .

[11] Mémoires d’outre-tombe, 3e partie, 2e époque, Livre I , _.

[12] Opinion sur le projet de loi relatif à la police de la presse 7 mai 1827.

[13] Génie du christianisme , 4e partie , VI, 11

[14] Théorie du pouvoir politique et religieux , 1794.

[15] Le Concile de Trente considéra qu’un mariage conclu entre deux majeurs ne nécessitait pas l’accord de leurs parents, ce que n’admettaient pas Luther, Calvin, Rabelais et le Parlement de Paris.  Paris et le Bassin parisien appartenaient à  la France individualiste ( décohabitation des générations,  pas de droit d’ainesse), celle-là même qui soutint la Ligue catholique . 

[16] Génie du christianisme , 4e partie , VI, 11

[17] Jean Touchard, Histoire des idées politiques, PUF , tome 2, page545.

[18] Et de Maistre .

[19] Mémoires d’outre-tombe,  Appendice  XXV.

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:54

DIEU SEUL SAIT QUI JE SUIS

Paru dans la Revue Resurrection 

11/04/2021

Chacun porte en soi une certaine idée de lui-même. Une idée qui est aussi une image.

Elle peut varier dans le temps et selon les péripéties de la vie ou même selon les interlocuteurs, mais elle est un fait humain. Il n’est pas sûr que les animaux aient une idée d’eux-mêmes.  

Elle se développe à partir du premier âge.  Selon le psychiatre Jacques Lacan, elle apparait à ce qu’il appelle le « stade du miroir », quand l’enfant réalise que l’image qu’il voit dans un miroir est lui-même. Cela suppose une « castration », une séparation douloureuse du sein maternel avec lequel il entretenait jusque-là une relation fusionnelle. L’individu nait dans la douleur.

 

Je est un autre

 

Rien ne dit  que cette image de nous-mêmes a  dans notre esprit un statut différent de l’image que nous pouvons avoir de tel ou tel autre. « Je est un autre » disait Arthur Rimbaud, ce qui peut vouloir dire que quand je pense à moi-même, je pense à quelqu’un d’objectivé ,  d’extérieur . Le moi qui ne pense pas à lui-même pense le monde , il est un sujet. Mais dès lors qu’il pense à lui-même, il se dédouble, il s’objective.  Il y a un décalage entre le moi qui pense et qui embrasse l’univers et le moi  auquel je pense, ce dernier étant nécessairement circonscrit.

Cette image que j’ai de moi ne peut être que partiale et partielle donc fausse. Certaines données objectives seront justes : mon âge, la couleur de ma peau, de mes cheveux, ma date de naissance,  le nom qu’on m’a donné à l’état civil ( mais qui est arbitraire , j’aurais  pu m’appeler autrement, toute  identité en un sens est fausse ). Pour le reste, je peux avoir une idée excessivement flatteuse de moi-même : par l’intelligence, la beauté, le rang social,  plus difficilement  la richesse  qui a un caractère objectif, encore que le sens que je lui donne soit  sujet à variation. Pour ce qui est du rang social, que peut-il signifier pour un croyant qui  reçoit sur ses lèvres dans sa matérialité le Seigneur de l’Univers ?

Je peux au contraire avoir une idée dépréciée de moi-même : par timidité, complexe, souvenir de quelque échec, conscience de certaines faiblesses morales de type addictif.

Certains refusent même leurs caractères objectifs. C’est le sens de la théorie du genre : la vraie identité sexuelle est , selon eux, dans l’image du moi, non dans ma réalité physique. Conception dont on sait ce qu’elle a de contestable pour qui croit que nous devons nous accepter tels que Dieu nous a créés. Céder à cette tentation prépare à bien des déconvenues, tant cette insatisfaction de ce qui nous constitue est généralement le signe d’autres manques, plus fondamentaux,  qu’une opération contre nature ne viendra pas combler. En revanche, si je nais ignorant, ce qui n’a rien de définitif, rien ne m’interdit de m’instruire !

Derrière la question du  sexe , se trouve celle de l’orientation sexuelle : on en sait le caractère incertain : beaucoup sont partagés entre tendances masculines et féminines . Peut-on parler, comme certains le font,  de « personnes homosexuelles »  comme s’il s’agissait d’un caractère objectif  et définitif, d’une essence qui précéderait l’existence  ? Peut-être,  mais     intervient  dans tous les cas l’image de soi qu’ont les uns et les autres et qui  n’est pas forcément prédéterminée.

Certains êtres, pas forcément des intellectuels,  vivent leur vie « sans se poser de questions » . A l’autre extrême, d’autres ne cessent de se  demander de manière obsessionnelle, et parfois de  demander à leurs proches,   ce qu’ils sont « vraiment » . C’est une forme de névrose. Elle enferme sur soi et rend incapable d’une vraie attention aux autres. Mais ne jetons pas la pierre à ceux qui en sont atteints : la névrose est d’abord  une maladie dont il est difficile de se guérir.

Vraie ou fausse, l’idée que je me fais de moi-même  laisse bien des zones d’ombres. L’Eglise n’a jamais récusé l’idée freudienne que la conscience de soi laissait dans l’obscurité un vaste territoire inconscient où il se  passe bien des choses que nous ignorons. Même si je  n’en suis  pas responsable , il fait partie du moi. Etonnante conversation rapportée par André Malraux, notoirement agnostique,  entre lui-même et Charles de Gaulle. De Gaulle : « Vous croyez que vous ne croyez pas ». Malraux « Vous croyez que vous croyez». Certaines circonstances peuvent révéler le peu de foi de ceux qui se tiennent pour croyants et l’inverse. Quand je dis « Credo » est-ce que je ne me la joue pas un peu ? C’est ce que Jean-Paul Sartre appelait la « mauvaise foi », qui est en réalité une bonne foi fallacieuse.  Faut-il à l’inverse prendre toujours au sérieux tel adolescent en révolte qui dit « Je ne crois plus en Dieu » ?

 

Qu’est-ce que je vaux ?

 

L’image que je me ferai de moi-même n’est pas seulement un ensemble de caractères physiques, moraux ou sociaux, elle  s’accompagne  généralement d’un jugement de valeur.

L’Eglise a longtemps tenté d’orienter les hommes vers une idée supposée objective de soi , notamment  au travers de la confession. Mais ses meilleurs disciples, les saints, ont  le plus souvent une idée très diminuée  d’eux-mêmes : par souci d’humilité,  et aussi parce que mieux que l’homme ordinaire, ils mesurent la distance abyssale entre ce qu’ils sont et ce qu’ils devraient être. Plus on est saint, plus on se sent pécheur.

Il fut un temps où l’Eglise semblait se complaire à abaisser les hommes , fidèle en cela à  saint  Paul qui se traite lui-même d’ « avorton » ou à saint  Augustin dont on ne saurait oublier  l’«  inter  feaecem et urinam nascimur », thèmes repris  à sa manière par  L.-F.  Céline : « La supériorité pratique des grandes religions chrétiennes, c’est qu’elles ne doraient pas la pilule. Elles essayaient pas d’étourdir, elles cherchaient pas l’électeur, elles sentaient pas le besoin de plaire (…). Elles saisissaient l’Homme au berceau et lui cassaient le morceau d’autor. Elles le rencardaient sans ambages : «  Toi petit putricule informe, tu seras jamais qu’une ordure… ».

On reconnait en transparence dans ces paroles sévères, la théorie du  péché originel. 

Face à elles, la tentation est au contraire de se nourrir, collectivement  ou individuellement d’illusions, de céder à la tentation du narcissisme . C’est sans doute pourquoi Pascal assène que « le moi est haïssable ».

Et pourtant on peut se demander si, pour le commun des mortels,  quelques illusions ne sont pas ,  en ce bas monde,   utiles dans la mesure où elles aident à vivre.

Et trop se mépriser, n'est-ce pas faire injure à Dieu au travers de sa créature ? Ce n’est pas le chemin que prend le Psalmiste :

 

A peine le fis-tu moindre qu’un dieu,

Le couronnant de gloire et de splendeur (Ps 8, 6)

 

Ou encore :

 

« C’est toi qui m’a formé les reins,  

Qui m’a tissé au ventre de ma mère

Je te rends grâce pour tant de merveilles

Prodige que je suis, prodige que tes œuvres » (Psaume 139 13-14).

 

L’art est sans doute de ne se faire aucune illusion sur soi mais de s’aimer soi-même malgré tout. Les spiritualités qui cultivent le mépris de soi ont été dénoncées admirablement par Paul Valéry : « si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie. » Impossible d’aimer les autres sans s’aimer soi-même, quelque imparfait qu’on se trouve.

Qui suis-je ? Une fois dépassées les indications de l’état-civil, la question  est en réalité indécidable . Les existentialistes diront que je suis en définitive ce que je me fais. Les lecteurs de l’Ecriture verront que si rien ne semble  déterminé à l’avance, en dehors des caractéristiques de  l’espèce soumises à la loi  naturelle, ( et donc à ses contraintes),  c’est Dieu qui me révèle ma vocation : en appelant les prophètes, il les élève à un grand destin qu’ils n’avaient pas décidé eux-mêmes, sinon en répondant à l’appel ; de même les apôtres : qui eut cru que Simon,  pécheur sur  le lac de Tibériade,  deviendrait Pierre  le premier évêque de Rome ? Significativement il arrive que Dieu change les noms de ceux qu’il a ainsi élus : d’Abram en Abraham, de Simon à Pierre . Combien de destins transcendés par l’affirmation soudaine ou progressive d’une  vocation – ou des concours de circonstances heureux. Vocation vient de vocare, appeler, ce  qui implique que quelqu’un appelle. Et celui qui appelle sait bien entendu mieux que nous ce que nous sommes, ce qu’est comme on dit aujourd’hui notre « potentiel », sachant que  bien entendu certaines destinées  exceptionnelles s’affirment aussi hors de la foi ( mais non hors de Dieu) .

Le problème est que Dieu a sans doute une vision de ce que nous sommes sous la forme d’une trajectoire de vie optimale et que,  dans les faits , nous nous tenons  très  en dessous de cette trajectoire. Le péché est tout entier dans ce décalage. Notre véritable identité, celle que Dieu seul connait, est cette trajectoire ; le reste est pur déficit.  Je suis pour Dieu, le saint que je pourrais être.

 

Dieu seul me connait

 

Tout le psaume 139 est consacré à cette question angoissante de l’homme qui se demande ce qu’il est. La réponse lui est donnée d’emblée : si tu ne sais pas qui tu es, Dieu, lui le sait :

 

Yahvé, tu me sonde et me connais

Que je me lève ou m’assoie, tu le sais

Tu perces de loin mes pensées

Que je marche ou me couche tu le sens,

Mes voies te sont toutes familières (Ps 139, 1-3)

Et quid de ma valeur ? Suis-je bon ou mauvais, un honnête homme ou un gand pécheur ? Que valent mes actions ? Là aussi, il est clair que Dieu seul le sait.

Il est écrit en effet : « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » (Luc 6, 37, qui figure aussi en  Matthieu 7,1).  Il est sans doute nécessaire de le préciser : le premier que je ne dois pas juger, c’est moi-même . Une interdiction absolue qui ne laisse d’autre option que de  s’abandonner au jugement de Dieu. Et ce jugement ménage bien des surprises !

D’abord  aux justes eux-mêmes  :

Alors les justes lui répondront : "Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te désaltérer, étranger et de t'accueillir, nu et de te vêtir, malade ou prisonnier et de venir te voir ?" Et le Roi leur fera cette réponse : "En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. " (Mt 25, 35-40)

Mais  aussi aux méchants :

Alors ceux-ci lui demanderont à leur tour : "Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou prisonnier, et de ne te point secourir ?"

Alors il leur répondra : "En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous ne l'avez pas fait à l'un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait. " (Mt 25 , 44-45)

Ce sont leurs  actes qui les  jugent mais ni les uns ni les autres ne s’en souviennent. Faut-il vivre dès lors dans l’angoisse du péché et du jugement de Dieu ? A qui bon ? Faisons le bien. L’aurai-je fait assez ou pas assez ? C’est Dieu qui jugera et d’avance je m’abandonne à son jugement, sachant que « l’amour bannit la crainte. Car la crainte suppose un châtiment et celui qui craint n’est pas consumé par l’amour »  (Epitre de Jean 4, 18).

Arraché du  sein de sa mère, l’individu qui a tant de mal à s’identifier, ne peut  retrouver la sérénité que dans le  sein  du Père.

                                                                  Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:52

QUI VEUT LA MORT DES RESTAURANTS FRANÇAIS ?  

https://frontpopulaire.fr/o/Content/co401090/qui-veut-la-mort-des-restaurants-francais

11/04/2021

Si l’on dit que nos restaurants sont victimes d’un complot international, ce serait mal vu, à un moment où l’accusation de complotisme a remplacé celle de fasciste ou de populiste !  

Mais un complot se passe dans l’ombre ; or c’est au grand jour  que le livre de Klaus Schwab, président fondateur du Forum de Davos,  sur le Great reset (en français, la grande remise à zéro,  après le Covid ) annonce à la page 2I7 (version anglaise) qu’en France et en Angleterre ,  «  75 % des restaurants indépendants ne survivront pas  au confinement et aux  mesures de distanciation »  mais  que « les chaînes et les fast-food , eux,  vont survivre ». Comme par anticipation, il y a quelques jours, à la gare Montparnasse et autour, je m’étonnais que tous les restaurants et cafés ordinaires aient été fermés,  seul le Starbucks des départs étant resté  ouvert.

Pourquoi les restaurants anglais sont-ils mis dans la même charrette à Davos, on se le demande. Leurre pur ne pas avoir l’air de viser que les Français ? La cuisine anglaise n’avait en tous les cas jamais prétendu s’inscrire au patrimoine commun de l’humanité.

Mais la cuisine française si. La disparition des trois quarts de nos restaurants traditionnels ou simplement normaux,  serait une perte irréparable. A commencer par celle de nos « restaurants ouvriers » de quartier qui, de plus en plus, dont les seuls où on trouve de la cuisine bourgeoise !

Dès lors, comment ne pas penser qu’ils sont victimes d’un acharnement particulier   si le gouvernement les maintient fermés alors que depuis la fin du confinement strict, les autres commerces, les usines, les bureaux et, non sans mal, les lieux de culte sont ouverts, ce qui est très bien. Ils seraient, dit-on, un lieu de contagion particulièrement dangereux    On ne voit pourtant pas pourquoi, une fois les précautions prescrites  prises, la promiscuité y serait plus grande que dans le métro, l’autobus, voire le supermarché. 

Comment ne pas soupçonner dans cette ségrégation, une méfiance particulière à l’égard d’un lieu de convivialité et de liberté ? L’historien Flavius Josèphe nous dit que le roi Hérode, voulant établir sa tyrannie, fit fermer les auberges.   Qui ne sait quel rôle essentiel jouèrent durant la Révolution française les cafés comme le Procope ?  Après la mort de Franco, ne disait-on pas en Espagne que pour créer un parti politique, il suffisait d’une tertulia (une bonne table entre amis) ?

Les rapporteurs du Forum de Davos, réunion de  toutes les puissances financières et politiques du monde, croient nous indiquer le sens de l’histoire. Ils vont pourtant, sur ce sujet, à l’inverse de ce qui se disait il y a quelques années sur l’émergence d’une économie de services.  Les gains de productivité réduisant au minimum les besoins de main d’œuvre dans tout ce qui est production, agriculture  et  industries   classiques ,  le reste de la  société  rendrait des services: aide  aux personnes âgées, formation, commerces , conseils en tout genre , et bien entendu restaurants : quelle meilleure illustration de la société de services que l’on nous promettait  que   le restaurant  où des professionnels servent des clients,  le serveur pouvant à son tour se faire servir  ? Le restaurant classique est une entreprise de petite dimension.  L’idée marxisante que l’artisanat devait disparaitre devant les grandes unités, qui traine depuis un siècle et demi , avait un moment cédé le pas au culte légitime du small business. Le nombre d’entreprises artisanales, au demeurant, se maintenait. Or voilà le big business de retour !  Les prospectivistes du Forum de Davos retardent. De tels pronostics, venant de gens si puissants, qui peuvent devenir des self realizing propheties, n’en sont pas moins dangereux.

Dangereux quand on sait le réceptivité , quasi spongieuse, de l’actuel gouvernement et de beaucoup de dirigeants   français à tout ce qui vient de l’international (mondial ou européen, ce qui est à peu près  la même chose), dans tous les domaines, au point qu’on se demande s’ils sont capables de lancer une seule politique qui soit purement nationale. Comment s’étonner que, imbibés de l’esprit de Davos,  , sous prétexte de COVID, il fassent la guerre aux restaurants  français ? Même quand ces directives sont, on le pressent, dirigées contre la France, en ce qu’elle est, y compris dans sa cuisine, symbole de civilisation et de liberté  - et donc de résistance à un ordre mondial  , décidé par les puissants,  qui tolère de moins en moins l’une et l’autre !   

 

Roland HUREAUX

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:51

CRAINTE DE DIEU OU CRAINTE DE L’ENFER ?

11/04/2021

S’il est une mutation particulièrement importante pour expliquer la désaffection des églises depuis une soixantaine d’années, c’est, en France et dans tout l’Occident, le fait qu’on n’y croie plus guère à l’enfer.

Avant 1960 – nous ne donnons pas précisément la date du concile : il s’agit d’une lame de fond qui a commencé avant et s’est poursuivie et accélérée dans les années qui ont suivi Vatican II -, les choses étaient simples et tout baptisé étant allé au catéchisme le savait : mourir en état de péché mortel entrainait la peine de l’enfer après la mort.

On pouvait certes se confesser et même se repentir in extremis mais qu’advenait-il en cas de mort subite ? Le risque existait de ne pas avoir le temps de faire un acte de contrition, d’où la vieille prière « De la mort subite, délivre-nous, Seigneur ».  Aujourd’hui, on dit plutôt le contraire : « Il est « parti » sans s’en rendre compte, il a eu de la chance ».

Parmi les péchés dits mortels, certains étaient acceptés comme tels par l’opinion : le meurtre, le vol, l’adultère des personnes mariées. L’Eglise avait plus de mal à asseoir la crédibilité de deux autres péchés qualifiés aussi de mortels par elle : le fait de manquer la messe le dimanche et d’avoir des relations sexuelles avant le mariage.

Sans doute existait-il de nombreuses exceptions à l’obligation d’aller à la messe : maladie, même légère, âge, travail urgent, manque de moyens de déplacement. Mais si le fidèle n’avait aucun de ces échappatoires, s’il avait clairement manqué la messe alors qu’il aurait pu y aller, c’était un péché mortel.

Il était tout aussi difficile d’accepter que pour une nuit d’amour à la fin d’un bal, des jeunes gens se damnent.

Plus difficile encore l’interdiction de la viande le vendredi : que l’on se damne pour une rondelle de saucisson était difficile à comprendre jusqu’à ce que cet interdiction (dont les Espagnols étaient exonérés depuis la bataille de Lépante) soit levée en 1966.

Le curé d’Ars qui ne concédait rien sur la définition du péché et le risque de l’enfer préférait insister sur les moyens puissants de la miséricorde divine : le suicidé qui se jetait à l’eau pouvait encore se repentir entre le pont et la rivière : le laps de temps limité suffisait à faire passer la grâce.  

 

Des positions raides

 

Il reste que l’Eglise est longtemps restée sur ces positions raides.

Sans doute n’impressionnaient-elles pas tout le monde :  vers 1950, la pratique dominicale  n’attirait que 20 % des Français. Beaucoup ne se laissaient donc pas impressionner, même chez les croyants.

Mais chez les pratiquants, combien n’allaient aux offices que par crainte de commettre un péché mortel s’ils  restaient chez eux ? Il est difficile de le dire. Le petit catéchisme distinguait d’ailleurs la grâce parfaite de la grâce imparfaite, et en cas de péché, la contrition parfaite de la contrition imparfaite.  La contrition parfaite, c’était : « je me repens d’avoir fait de la peine au Bon Dieu » ; la contrition imparfaite : « je me repens parce que si je ne le faisais pas, je courrais le risque de la damnation ». Beaucoup de curés laissaient d’ailleurs entendre que la grâce parfaite était réservée à une élite, que pour le commun des fidèles,   la grâce imparfaite  était la seule envisageable  et que ce n’était déjà pas si mal. C’est dire que, dès les années cinquante et sans doute avant, les obligations en cause étaient déjà affaiblies.

Les actes du Concile du Vatican II n’évoquent nullement ces questions. Ni, la liste des péchés mortel ni l’existence l’enfer n’y sont remis en cause.

 

Un basculement

 

Néanmoins, c’est dans l’atmosphère de ces années là que les verrous ont sauté. Aucun évêque, aucun pape, certes, n’a dit que l’enfer n’existait plus mais la presse généraliste se faisait à l’occasion l’écho des déclarations de tel ou tel théologien de renom qui mettait en doute son existence. Le fidèle lambda voyant cela, en tirait facilement l’interprétation la plus favorable : puisque lui peut le penser, alors moi aussi, qui ne suis pas théologien, je peux bien le penser.  Et de proche en proche l’idée que le risque de l’enfer était un dogme dépassé faisait son chemin.  C’était le temps où Michel Polnareff chantait : « On ira tous au paradis »

Interrogés, beaucoup de prêtres   restaient dans le vague ou se contentaient de dire, gênés, « tout cela est compliqué, mais n’oublions pas que Jésus est d’abord venu nous annoncer une religion d’amour ».

Aucune autorité n’a jamais dit non plus, qu’aller à la messe du dimanche n’était plus une obligation grave. Mais comme cette obligation n’était plus rappelée, et pas davantage son caractère grave, on resta dans le flou. Continuèrent à aller à la messe ceux qui avaient l’habitude d’y aller mais, au moins chez les jeunes, la déperdition fit de plus en plus importante.

Plus que telle ou telle prise de position officielle joua un rôle décisif la diffusion à partir de la fin des années soixante de nouveaux catéchismes sous forme de « parcours » d’où les mots péché et enfer étaient bannis et où une littérature médiocre à base de bons sentiments remplaçait les questions-réponses nettes et précises d’antan.

Même chose pour les relations sexuelles hors mariage (excluant l’adultère où une personne mariée est impliquée dont la gravité était  admise ) : elles avaient bien sûr toujours existé mais elles se sont alors banalisées ; d’autres motifs, de pudeur ou de dignité, pouvaient les freiner mais de moins en moins la crainte de l’enfer.   Là non plus aucun évêque n’a dit ouvertement que ce n’était plus un péché grave – mais peu à peu, personne n’a plus pensé que ce fut plus qu’une faute vénielle.   

Il ne faut pas mettre en cause l’épiscopat ou le clergé français : c’est toute la chrétienté   qui bascula de cette manière.

Il reste que si les prêtres avaient ressenti l’obligation de rappeler les règles contestées évoquées ci-dessus, l’atmosphère du temps était telle – et est toujours telle, qu’il leur aurait fallu un singulier cran pour les rappeler  du haut de la chaire – qui d’ailleurs ne servait plus.

Quant aux théologiens soucieux de maintenir l’orthodoxie, ils pouvaient s’en sortir par des formules justes mais ambigües comme « l’enfer existe dans son principe mais il est permis d’espérer qu’il est vide » ou encore « seuls ceux qui le veulent vont en enfer ».

Il est peut-être possible de rester dans le vrai christianisme, tel qu’il nous vient de l’Evangile, en relativisant les obligations évoquées  au nom de l’amour, de la sincérité, et de rappeler que la miséricorde de Dieu est infinie. Il est encore possible de retenir dans les églises ceux qui étaient mus autrefois par la seule grâce parfaite.  Mais il est difficile d’y ramener sans motifs nouveaux la masse (nous ne disons pas le peuple) que motivait surtout la peur de l’enfer.

Il reste fâcheux que ces évolutions soient restées dans l’implicite ; il nous semble que les fidèles avaient  droit à un peu plus de clarté.

Clarté sur l’enfer, clarté aussi sur la morale. Peut-être l’affaiblissement de la menace de l’enfer aurait-elle pu passer si elle avait été accompagnée d’un enseignement sur les risques anthropologiques des comportements contraires à la morale. Nous entendons par là qu’au lieu de dire « vivre ensemble hors du mariage est un péché mortel », on aurait pu, avec des études sociologiques solides à l’appui, montrer que le mariage  chrétien était une garantie contre le divorce. On pouvait même  aller jusqu’à montrer que la pratique régulière des sacrements rendait la vie plus heureuse et plus belle. Mais le basculement est arrivé au moment où l’anthropologie chrétienne était au plus bas. Pendant des siècles, l’Eglise s’était  contenté paresseusement de dire « permis ,  pas permis ;  péché véniel, péché mortel » sur le  seul arguent  d’autorité ou d’une  une scolastique incompréhensible. Cela l’a dispensée d’approfondir  son argumentation. C’est ainsi que l’Eglise n’ jamais été capable d’expliquer  clairement  la morale sexuelle , ouvrant la porte à toutes sortes de contestations, alors que ça n’aurait pas été  très difficile.

Dire comment le XXe siècle qui a cessé de croire à l’enfer dans l’au-delà a su fabriquer, par les régimes totalitaires, les guerres, les massacres innombrables, un enfer sur terre, est une autre question.

L ’affaiblissement de la crainte de l’enfer, reste une donnée fondamentale sans laquelle on ne comprend pas le détricotage de l’héritage chrétien au cours du dernier demi-siècle.

 

Roland HUREAUX

 

 

Michel Polnareff : On ira tous au paradis

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:48

POURQUOI  UNE CRISE DU LOGEMENT ?

Ecrit en 2014

https://www.marianne.net/societe/logement-social-pourquoi-ca-coince

Il n’était pas surprenant que le débat présidentiel ait porté sur la difficulté de se loger à Paris et dans les grandes métropoles pour les revenus modestes et même moyens.

La  mondialisation entraîne partout une stagnation  des revenus ordinaires, mais aussi des prix des produits de large consommation, largement  importés des pays émergents, l’un compensant en partie l’autre.  Au contraire se trouvent en hausse les très hauts revenus et toutes les valeurs d’actifs : actions (avec des fluctuations, bien sûr) ,   or,  mais aussi immobilier. Spécialement  l’immobilier des quartiers les plus recherchés des métropoles  internationales comme Paris. Dans une économie de plus en plus coupée en deux, entre une économie des riches où prix et revenus se sont envolés et une économie des pauvres où ils stagnent, l’immobilier constitue la zone d’interférence : bien de placement  pour les plus aisés mais aussi nécessité pour tous. C’est pourquoi la hausse de l’immobilier est si vivement ressentie par les classes populaires et même les classes moyennes des grandes agglomérations.

Cette difficulté à se loger entraîne une demande croissante de logements du secteur protégé, principalement HLM. Demande accrue par plusieurs facteurs :  la fragilité des couples qui fait que bien souvent, au lieu d’un logement, il en faut deux,  une immigration pas vraiment contrôlée depuis le traité d’Amsterdam (1997) et qui touche d’abord les grande villes ; cette demande se conjugue avec une offre insuffisante , du fait des restrictions de certaines municipalités conservatrices mais aussi de l’absence d’un volontarisme suffisant de la part des gouvernements qui se sont succédés (et que les candidats se proposent tous de rattraper !).

Mais la question ne se serait pas posée avec autant d’acuité si elle n’avait été compliquée par l’abandon de la politique d’aménagement du territoire au cours des dernières décennies . Quand exactement ? Il est  difficile de le  dire avec précision.

A la fin des années quatre-vingt-dix, nous dispositions d’un politique équilibrée. Le livre de Jean-François Gravier,  Paris et le désert français  (1947) faisait encore autorité  et la nécessité de desserrer la métropole parisienne au bénéfice de la province n’était pas discutée.  Elle avait favorisée l’ essor de plusieurs grandes villes de province.  A cela s’était ajoutée une politique des villes moyennes, des petites villes et aussi du monde rural destinées à étaler la population sur tout le territoire. A partir de la venue de  la gauche au pouvoir, la plupart de ces dispositifs, décentralisation oblige, ont été transférés aux régions qui ont eu,  chacune, des politiques différentes. Etroitement surveillée par Bruxelles,  au motif d’assurer la libre concurrence, l’action des régions  ne l’était guère par l’Etat central.

Mais à partir de 1990, la mode est  revenue aux grandes métropoles. Défendre le monde rural ou  les petites villes est devenu ringard, passéiste, voire, aux yeux de certains idéologues de gauche « pétainiste » ( on ne s’en était pas avisé entre 1945 et 1990 !). Il a été convenu, gauche et droite confondues que l’aménagement du territoire de papa était dépassé, qu « ’à l’heure de l’Europe » et de la mondialisation, la  France devait jouer moderne et tout miser sur la promotion de quelques grandes métropoles,  à  commencer par la principale, la  parisienne.

La stratégie du Grand Paris, lancée par l’actuel président, s’inscrit dans la même perspective[1].

Qu’il faille distinguer entre le rayonnement qualitatif de  Paris , sans doute nécessaire,  et son poids démographique, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre, était une théorie trop subtile pour une haute administration habituée  à agir  à partir de schémas simples.

On ajoutera les vieux dogmes de l’urbanisme à la française : refus du mitage et souci d’économiser  les  terres agricoles (et donc restriction du périmètre d’urbanisation),  nécessité de rapprocher autant que possible les lieux d’habitation des lieux de travail (dogme que le RER et le TGV auraient pu relativiser)  et toutes les conditions d’une pénurie de logement avaient été accumulées au fil des ans.

Comme il est à peu près impossible de faire baisser le prix de l’ immobilier parisien – même s’il connaît aujourd’hui un palier,  et bien difficile d’augmenter   les revenus , la solution à ce problème passe provisoirement par un volontarisme accru en matière de logement social.

Mais la solution à long terme ne saurait être, outre un contrôle sérieux de l’immigration, qu’une reprise hardie de la politique d’aménagement du territoire , scandaleusement remisée aux oubliettes. Après l’avoir perdu de vue pendant vingt ans, il est temps que nos gouvernements s’avisent que la France ne se réduit pas à ses quatre ou cinq plus grandes villes.

 

Roland HUREAUX*

 

  • Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

 

 

 

[1] Mettre tous les moyens sur 7 campus d’excellence à l’exclusion des autres procède de la même logique « concentrationnaire ».

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:43

 

LES PAUVRES QUI NE SONT PAS A LA MODE

https://atlantico.fr/article/decryptage/pauvres-enfants-malades-souffrance-divorce-discrimination-solitude-roland-hureaux

01/04/2021

Il  est heureux qu’à partir d’un rapport récent[1], l’opinion se soit émue du drame des enfants harcelés – pour ne pas dire persécutés dans les  cours de récréation  ou à la sortie des écoles. Ils seraient environ un sur dix. Le phénomène n’est pas nouveau,  mais autrefois les professeurs surveillaient les  récréations et savaient ce qui s’y passait ; au moins dans le secondaire, ce n’est plus le cas.

La souffrance d’un enfant est toujours pathétique, d’autant que la plupart du  temps ces enfants, honteux de  leurs humiliations, n’osent pas en parler à leurs parents.

Mais trop y insister conduirait à dénoncer la dégradation de la discipline à l’école, qui conduit  toujours à la tyrannie des forts sur les faibles. Or « il est interdit d’interdire » dit la doxa.

Longtemps fut tue  la souffrance des enfants dont les parents se séparent : il ne fallait pas avoir l’air de remettre en cause la libération sexuelle, le droit de « jouir sans entraves ». Le  tabou commence à être levé.

 

Les souffrances politiquement correctes  

 

Il y a en effet de nombreuses souffrances dont on ne parle pas beaucoup parce qu’elles ne font pas partie du politiquement correct.

La pauvreté, l’exclusion sont choses dramatiques, surtout par grand froid, mais tout le monde les voit et en parle (et  c’est très bien !)

Il n’en fut pas toujours ainsi. Au temps du marxisme triomphant, la charité était tenue pour un cautère de mauvais aloi qui retardait la révolution : il fallait faire l’aumône en cachette.

Mais si tout le monde s’émeut aujourd’hui du sort des sans-abri, on ne parle guère des nombreuses victimes de la mendicité forcée, sans doute  majoritaires dans les rues de Paris, femmes, vieillards, jeunes filles dont les « parrains » passent à la caisse le soir. La police semble passive face à ces pratiques.  

Les prisonniers ont aussi droit aujourd’hui, à  leur part de compassion : il existe de nombreux visiteurs de prison. « J’étais prisonnier et tu m’as visité » dit l’Ecriture. De bonnes âmes s’en souviennent encore.

Et bien entendu les malades,  pas seulement du sida,  d’autant que tout le monde se dit que ce qui leur arrive   pourrait nous  arriver aussi.

Les handicapés constituent un cas à part : la société est aux petites soins avec eux : allocation d’adulte handicapé,  aménagements des lieux publics, des parkings, emplois réservés  etc. Mais cette compassion légitime est bien ambigüe : elle conduit aussi  à  éliminer systématiquement  tout embryon présentant le moindre soupçon de handicap congénital. On veut bien faire beaucoup pour eux mais s’ils n’existaient pas, ce serait mieux…

Les discriminations fondées sur la race  ou l’origine sont l’objet d’une stigmatisation publique obsessionnelle. Le Défenseur des droits, héritier de la HALDE veille. On ne dit guère, cependant,  que s’agissant des immigrés, ces discriminations frappent les garçons et très peu les filles  dont l’ascension sociale est remarquable. Les discriminations des femmes au travail sont bien réelles, mais, à y regarder de près, elles touchent  surtout  celles qui ont aussi la mauvaise idée d’être  mères de famille, dont les carrières sont interrompues. Attention à ne pas trop le dire : défendre la femme oui, la mère de famille, danger : le spectre de Pétain n’est pas loin !  

Etre un immigré dans un pays où l’on n’a pas de racines et où la majorité peut vous voir d’un mauvais œil est sans doute inconfortable et quelquefois douloureux. Mais les immigrés sur le sol français disposent de trois atouts essentiels : ils bénéficient d’une  solidarité collective qui leur reste des pays du Tiers monde d’où ils sont issus, de  l’appui des médias, c’est  dire des puissants de ce monde, des vrais,   et du sentiment d’être sur une pente ascendante : ils vivent mieux que leurs parents et savent, pour la plupart,  que leurs enfants vivront mieux qu’eux.  Les   pauvres indigènes  qui vivent dans les mêmes quartiers ne bénéficient d’aucun de ces atouts ; pour comble de malheur, on les soupçonne de voter Le Pen !  

 

Et les autres…

 

Il existe bien d ‘autres souffrances que notre société ne prend pas en compte.  Celle des garçons timides qui n’ont jamais osé  adresser la parole à une fille. Environ  10 % des Français meurent sans avoir eu de relations sexuelles : tous  ne  l’ont pas  fait exprès. Celle des filles trop laides, que beaucoup de professeurs n’hésitent pas à mal noter, auxquels les employeurs préfèrent souvent une  bimbo avenante. Les employeurs,  et naturellement  les garçons.

Sur d’autres registres, sait-on que certaines maladies mentales provoquent des souffrances indicibles : migraines intolérables, mal-être extrême.

Sait-on la souffrance insondable des schizophrènes dont un sur dix se suicide ? A quand un téléthon pour eux ?

Et puis il y a la solitude des jeunes et surtout des vieux, dont certains, en ces temps   de désintégration sociale,  n’ont aucun proche parent à qui s’adresser.

La solitude, la déréliction économique (des revenus de moins de 500 € par mois) se conjuguent chez certains agriculteurs de montagne qui, eux aussi,  se donnent la mort par centaines  tous les ans. Grand est le malheur de n’être pas moderne : urbain, riche et à la mode !  On en parle moins que des salariés de France-Télécom, qui, eux aussi,  sont victimes d’une modernisation brouillonne.

Tant mieux si certains pauvres sont à la mode.
Mais que  le Bon Dieu protège aussi  ceux qui ne le  sont pas !  

 

Roland HUREAUX*

 

  • Auteur de La grande démolition, la France cassée par les réformes, Buchet-Chastel, janvier 2012 – 355 pages, 21 €

 

 

[1] Rapport de  l’Observatoire international des violences à l’école, rédigé pour l’UNICEF, du 29 mars 2011, connu en France à une date plus récente.

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:41

MACRON ET L’EGLISE : INFLEXION OU CONTINUITE ?

01/04/2021

Le nouvel évêque de Nanterre , Mgr Matthieu Rougé , a justement protesté contre le délai imposé   à la reprise des cultes au titre  du  déconfinement , plus long que  celui des  autres activités. Pour le gouvernement, il est  plus urgent   de réouvrir les écoles et les commerces que les églises. L’évêque y voit un traitement peu respectueux  pour les religions, une attitude « indigne de notre démocratie »., n’hésitant pas à évoquer un « anticléricalisme » gouvernemental.

Il ne s’ agit pas d’un fait isolé   : personne ne  tient  certes Christophe Castaner  pour un enfant de Marie, mais  l’irruption   de la police dans  l’église Saint André de l’Europe où se tenait une célébration légale à huis clos  confirme le mépris  des équipes Macron  pour l’Eglise catholique.  

Mgr Rougé  croit voir dans ces procédés cavaliers  une «  inflexion »  de la politique gouvernementale  . Quelle inflexion ? Macron et son équipe sont dans la stricte continuité de ce qu’ils sont depuis le début.  

A peine arrivé à Bercy , Macron ministre des finances avait liquidé le principe des allocations familiales  universelles . Dans sa campagne électorale il promettait d’instaurer  le « droit »  des femmes seules ou en couple à  la fécondation artificielle, promesse tenue depuis,  et laissait mêmes espérer un assouplissement  de l’euthanasie.  L’affaire Vincent  Lambert où  il était, n’en doutons pas , à la manœuvre,  a  montré la direction.

Sa politique étrangère fut dès le début hostile aux  intérêts des chrétiens d’Orient.   

Les évêques  l’ont néanmoins reçu en grande pompe aux Bernardins, le 9 avril 2019. Cérémonie sans précédent dans l’histoire de France . Pour qui a bien écouté son  discours, il leur crachait à la figure qu’il ne tiendrait aucun compte  de leur opinion ( qui sont celles de l’Eglise mais aussi l’expression de  la morale  naturelle ) en matière de bioéthique. Il n’admettait même pas qu’ils la disent, seulement qu’ils « questionnent ». Cela ne l‘a pas empêché  de recevoir une standing ovation . Cet enthousiasme  fut trouvé incongru  par beaucoup mais il était aussi   bien imprudent au cas , fort possible, où la carrière de Macron se terminerait par une  forme ou une autre de damnatio memoriae.

Sous prétexte de  faire face à l’épidémie du  virus couronné, le présent gouvernement   a lâché en catimini un assouplissement de l’euthanasie  ( dite « sédation profonde ») pour les plus de 70 ans et   un allongement du délai  où l’avortement chimique . Le ministre de la santé qu’il vient de nommer , Olivier Véran ,  déplore  publiquement la baisse du nombre d’avortements ;  ainsi, par derrière la lutte  contre la pandémie, la culture de mort est à l’œuvre. Ceux qui la  promeuvent avec tant  d’acharnement ne sont-ils pas les mêmes   qui ont si lamentablement  géré la crise sanitaire , en liaison avec l’OMS et les équipes de Bill Gates,  ami de Macron  qui veut réduire de 90 % le nombre des  hommes ?

Il est clair que dans l’attitude du présent gouvernement, il n’y a aucune inflexion mais une parfaite continuité.

Quand  42 % des catholiques pratiquants  votent En marche  aux européennes ( pour une moyenne nationale de 24 %), avouons que c’est bien cher payé .  Pourquoi se gêner  avec un troupeau de brebis qui voteront quand-même pour vous?  Nous voulons croire que les évêques ne soient pas responsables de  cet aveuglement.     On aimerait en être  sûr. Cette crise aura eu au   moins le mérite de permettre à certains  d’entre eux  d’ouvrir les yeux sur la véritable nature du régime Macron. «Il n'est rien de caché qui ne doive être révélé » (Lc 2,12).

 

Roland HUREAUX

 

 

  

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 13:39

LA PMA POUR TOUTES FAVORISERA UNE CULTURE DE LA DISCRIMINATION

http://libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/La-PMA-pour-toutes-favorisera-une-culture-de-la-discrimination

01/04/2021

De manière légitime, nos sociétés luttent contre toutes les formes de  discrimination raciale.

Comment ne pas voir pourtant  que l’instauration pour les  femmes seules  ou en couple de femmes d’un droit à la procréation médicale assistée ouvrira la porte à une nouvelle  forme de discrimination raciale ?   Les femmes qui voudront en avoir le bénéfice seront en effet amenées à  choisir non seulement le sexe ( ce qui pose d’autres problèmes) , mais aussi la couleur de la peau du père anonyme.

Cela existe déjà,  dira-t-on, dans la PMA pour couples stériles, mais les effectifs concernés, soumis à la double condition de la conjugalité et de la stérilité,   restent limités. Or  le  dispositif qu’instaure le projet de  loi bioéthique ne sera pas seulement  ouvert aux  femmes liées par un  mariage  homosexuel , dont l’effectif est et restera très réduit ; il le sera  aussi à toutes celles qui ne seront liées  par aucun  contrat , y compris celles qui pourraient avoir des enfants par les moyens naturels ,  ce qui représente  au moins la moitié des femmes de France.

On peut élargir la question à celle du transhumanisme .  Ceux qui imaginent – ou craignent -  que l’instauration d’une PMA pour toutes  conduise à légaliser  des expériences destinées à augmenter le potentiel de l’humanité , voire à une large commercialisation de la génération  humaine, doivent  regarder en face le lien intrinsèque entre les pratiques en cause  et la discrimination raciale.

 

Choisir, c’est discriminer

 

La femme qui effectuera un choix entre les donneurs  dont  le sperme est en réserve , sera nécessairement amenée à marquer  sa préférence pour telle ou telle  couleur de peau , tout comme l’institut de recherche qui sera amené à croiser les lignées, voire à manipuler les génomes, sera ipso facto conduit à intégrer le considération raciale.  

On pourrait certes imaginer une  société tellement indifférente aux questions de race  qu’une femme puisse choisir  selon la seule couleur des yeux, sans considération de  celle  de la peau , mais il en faut pas rêver :  même en France , pays moins racialisé que les Etats-Unis,  jamais la considération  raciale  ne sera devenue si indifférente qu’elle n’entre pas en ligne de compte dans une opération  d’une telle portée existentielle.  Et ce n’est pas l’obsession antiraciste  que nous avons importée  d’outre-Atlantique qui va « déracialiser » notre société, bien au contraire.

La  question d’est  pas marginale :  c’est à toute  une culture de la discrimination qu’ouvrira la porte l’ouverture large à  la procréation assistée . La plupart des  femmes  seront   nécessairement  amenées à effectuer ,  de pair avec le personnel hospitalier , un choix selon la  couleur de la peau  de leur  futur enfant   C’est toute la société qui se trouvera  ainsi entrainée    dans une culture de la discrimination qui , aujourd’hui ,    quoi qu’en disent  les militants antiracistes, est peu répandue.

On peut trouver le rapport paradoxal : dans la structuration symbolique actuelle  de la  vie politique , la PMA pour toutes passe pour être de gauche et est même présentée, comme le montre le  nom qu’on lui a donné, pour une mesure de non-discrimination , alors que la discrimination raciale passe, elle,  pour venir de l’ extrême droite . Pourtant  ce ne sera pas la première fois que les extrêmes se rejoignent.  Chacun sait d’ailleurs quel régime  fut le premier à introduire  l’objectif d’une sélection par  la race dans le champ  politique.

La solution serait  que la loi interdise  aux Cecos toute mise en mémoire   de l’origine raciale ou même nationale du  sperme conservé, à tout le moins toute communication de ces données aux utilisatrices.  François Hollande ne voulait-il  pas introduire dans la constitution le ban de toute considération raciale  quelle qu’elle soit ?   Mais il ne semble pas avoir été question d’un tel interdit dans le débat sur la procréation assistée : c’est dommage.  

Il faut se rendre à l’évidence : on ne peut à la fois prétendre lutter contre le racisme et ouvrir largement la porte à la procréation artificielle.

 

Roland HUREAUX

 

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