L’INVERSION ACCUSATOIRE
17/04/2021
Imaginons que la Russie entretienne des corps de troupe au Mexique, le long du Rio Grande, frontière avec les Etats-Unis. Qu’elle ait basé là des fusées à courte portée chargées d’armes nucléaires visant les principales villes américaines et les bases. Qu’elle entretienne une armée de 200 000 hommes et des centaines de bases à travers le monde. Qu’elle ait plus de dix porte-avions et de nombreux navires de guerre sillonnant les mers du globe, qu’elle organise ou appuie des coups d’état dans les pays de la périphérie américaine, que ses experts planifient ouvertement l’isolement et le dépeçage des Etats-Unis en plusieurs Etats indépendants. Qui oserait dire que les Etats-Unis sont un pays agressif et qui menace la paix du monde et que c’est la Russie qui est un pays pacifique qui ne fait que se défendre ?
Or c’est exactement cela qui se passe, mais à l’inverse. Les Etats-Unis ont des troupes dans les pays baltes et en Pologne, des conseillers en Ukraine à laquelle ils vendent un armement lourd, des fusées chargées d‘armes atomiques en Pologne et une partie l’Europe occidentale, des navires de guerre sur toutes les mers du monde, y compris la Mer noire, 800 bases militaires et 200 000 soldats à travers la planète. Ils ont organisé des « révolutions orange » en Géorgie, en Ukraine, et faussé les élections en Arménie. Depuis Zbigniew Brezinski, ses meilleurs experts planifient ouvertement d’abord de couper le Russie de toutes les anciennes républiques soviétiques, ensuite de la démanteler en plusieurs Etats.
Pourtant, par une étrange aberration mentale, l’opinion quasi-unanime des décideurs occidentaux, notamment des membres de l’OTAN est que c’est Poutine qui est un agresseur, et que l’OTAN est une pure organisation de défense des Etats dits démocratiques. Comme Hillary Clinton, de nombreux responsables américains sont intimement persuadés que Poutine, c’est Hitler. Ils le disent et, ce qui est plus grave, ils le croient, montrant par là leur ignorance de ce que fut le socialisme national, dit nazisme. Pour eux l’annexion de la Crimée est le premier pas d’un plan de conquête du monde comme l’était l’annexion des Sudètes. Pour éviter ce soupçon, Poutine aurait dû s’accommoder de ce qu’était le plan occidental : faire à terme de Sébastopol, symbole de la puissance russe depuis le XVIIIe siècle, une base de l’OTAN,
La paille et la poutre
Cette forme de cécité si on ose dire aveuglante est décrite dans l’Evangile :
Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! (Matthieu 7, 3). |
Les Américains qui se sont toujours senti investis d’une mission dans le monde, ont du mal à comprendre la logique d’un Etat classique qui cherche à être respecté dans son voisinage, mais pas à conquérir le monde, pour la bonne raison qu’il n’est porteur aujourd’hui d’aucune idéologie universelle. Poutine ne veut pas convertir le monde à la religion orthodoxe. Cette cécité à une politique classique est si ancrée chez les Américains, au moins l’oligarchie, que les présidents qui ont raisonné de manière classique, en termes d’intérêts et non point de mission, Nixon, Trump, ont fait l’objet d’une réaction de rejet.
Cet aveuglement porte un nom : l’inversion accusatoire, laquelle joue aussi dans la sphère privée : j’accuse mon adversaire précisément des défauts qui sont les miens et pas les siens. On voit ça dans de procédures de divorce…
Qui sont les tueurs ?
Autre exemple, toujours relatif aux relations Est-Ouest : le nouveau président Biden entièrement pénétré de cette idéologie libérale impérialiste qui caractérise à Washington ceux qu’on appelle faussement les néo-conservateurs, a, à peine installé, accusé avec violence Poutine d’être un « tueur », ce que ses prédécesseurs n’avaient jamais fait. La raison ? Les soupçons de tentative d’assassinat par les services secrets russes, avec des poisons supposés d’origine russe (pour bien signer le forfait !) de Viktor Iouchtchenko, président de l’Ukraine de 2005 à 2010, de l’ancien espion et Sergueï Skripal et de sa fille en 2018, d’Alexeï Navalny, opposant à Poutine en 2019. Aucune, curieusement n’a réussi, ce qui témoigne comme l’a d’ailleurs dit Poutine, d’une singulière maladresse des dits services. Sur le même registre, a été déclenchée par les démocrates une vaste campagne contre le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed Ben Salman accusé d’avoir fait assassiner le journaliste Jamal Khashoggi en 2018, cela bien que l’Arabie soit, elle, un allié des Etats-Unis. Certes ledit prince n’est pas un ange et le forfait, pour le coup, est avéré, mais tous ceux qui se sont intéressés à l’espionnage, singulièrement au XXe siècle, savent que ce genre d’affaires, généralement laissées aux services secrets, n’ont rien que d’habituel et qu’on évite de les évoquer dans les chancelleries.
Que certains veuillent moraliser la politique internationale, pourquoi pas ? Mais quelle extraordinaire hypocrisie de voir que c’est la Maison blanche qui anime cette campagne de presse quand on sait que le président Obama, démocrate comme Biden, prix Nobel de la Paix, dressait dans le Bureau ovale, tous les mardis, la liste des personnes qui, à travers le monde, seraient assassinés sans jugement par la CIA. Ce sont des centaines, voire des milliers de gens que saint Obama a fait ainsi liquider au cours de ses deux mandats. Certes cela se passait (en principe) hors des Etats-Unis et il s’agissait, vous dira-t-on, de terroristes. Mais tout de même : comment Biden qui, come vice-président était étroitement associé à ces opérations, peut-il accuser Poutine d’être un assassin ?
D’un côté, la politique de Biden qui a durci considérablement le ton vis à vis de la Russie et a repris les bombardements en Syrie, de l’autre celle de Trump, qui avait tenté, malgré les innombrables entraves mises par l’Etat profond, d’apaiser les relations avec la Russie, ce qui ne pouvait que sécuriser l’Europe de l’Ouest et presque terminé la guerre en Syrie et en Irak (c’est sur le seul front iranien qu’il a été plus dur que les démocrates, sans jamais aller jusqu’à la guerre.) Quant à son prédécesseur Obama, il a déclenché quatre guerres (Libye, Syrie, Ukraine, Yémen) alors qu’en quatre ans, Trump a été le premier président des Etats-Unis à n’en déclencher aucune. Malgré ces faits patents, il se trouve des commentateurs pour expliquer qu’Obama n’avait pas vraiment fait exprès de faire des guerres et que si Trump ne l’a pas fait, c’est parce qu’il voulait mais n’en a pas trouvé l’occasion. Débile ! Les photos publiées pendant son mandat par la totalité de médias occidentaux le montrent l’air furieux, prêt à mettre le feu à la planète alors qu’il fut (avec Carter) le plus pacifique des présidents américains depuis la guerre.
Victoire de la démocratie
Après la paix, vient la démocratie, autre valeur cardinale de la gauche historique . Le monde saluait la victoire de Biden comme le « retour de la démocratie. » Alors que Trump n’a jamais menacé les libertés fondamentales, ayant du mal , déjà, à préserver les siennes, notamment celle de s’exprimer dans les médias et sur les réseaux sociaux. Biden grand démocrate, alors que ses puissants partisans ont organisé une fraude gigantesque, suffisante pour renverser le résultat ou non ? c’est à voir , que les mêmes organisent une censure de l’internet à l’échelle mondiale, qu’ils appellent les entreprises à licencier ceux qui ont voté Trump !
Pour que règnent les bons sentiments : un camp de redressement
L’inversion accusatoire se retrouve sur d’autres champs : l’idéologie messianique sur laquelle s’appuie le parti démocrate, ceux qui ont appuyé Obama puis Biden, est identique à ce qu’il est convenu d’appeler la « pensée unique » ou le « politiquement correct » : favorable aux droits des homosexuels, à la priorité climatique, au libre-échange, hostiles à l’immigration, et donc à toute frontière, et bien entendu antiraciste. Tous ces bons sentiments donnent une allure gentille à ceux qui s’y réfèrent. Pourtant ce sont ceux-là qui provoquent des guerres et font monter la tension internationale. Paradoxe apparent : quand on est sûr de la supériorité morale de ses idées, on est prêt à mettre le feu pour les imposer à la planète. Sur le terrain , leur gentillesse se change en une insoutenable intolérance à tous ceux qui viendraient les contredire , à ceux qui pensent que la famille , c’est d’abord un homme et une femme, que l’urgence climatique ne justifie pas la destruction de millions emplois, que les frontières ont toujours existé et qu’elles sont nécessaires, que le mélange des races ou des religions comporte des risques de guerre civile, risques qu’une élémentaire prudence conduit à ne pas pousser trop loin . Les idéologues ne sont pas seulement animés de bons sentiments, ils pensent que, livré à lui-même, le peuple en a de mauvais, qu’il est naturellement xénophobe, homophobe, pollueur, protectionniste, raciste et que pour protéger la démocratie de ces mauvais sentiments, il faut transformer la société en un immense camp de redressement. Tous ceux qui pensent qu’il est tout à fait légitime qu’un groupe se défende, comme tous les groupes l’ont fait depuis la préhistoire, est tenu pour un nazi, qu’aimer son pays, c’est du fascisme. J’ai connu quelques vrais racistes, ayant une hostilité a priori pour tel ou tel groupe racial, mais ils sont peu nombreux. Je n’ai cependant jamais vu chez ces gens autant de haine qu’on en voit chez les antiracistes patentés : Black blocks, No Borders ou Antifas et tous ceux, plus nombreux, qui sans s’y engager directement en partagent l’idéologie. Là aussi s’observe l’inversion accusatoire : ceux qui dénoncent la haine sont les plus haineux. Mais ils sont si sûrs de la justesse de leur position qu’ils n’en s’en rendent pas compte. Un de mes amis me disait : « j’aime bien les noirs ; le problème est que s’ils sont trop nombreux, ils vont attirer les antiracistes et de ceux-là, je n’en veux pas. Il n’y a rien de pire que la haine antiraciste. » Les Américains ont construit une société obsédée par les questions de race ; cette maladie se répand en France.
Les partisans des idéologies prétendues « progressistes » ne se rendent pas compte non plus que ceux qui dans le monde, au travers de médias qu’ils contrôlent presque tous, de la Californie à la Pologne, du Pole Nord au cap Horn, leurs valeurs sont promues par les plus grand milliardaires – pas Trump, qui ne jouait qu’en deuxième division. Ils veulent la destruction des Etats, seule protection qui reste aux petits et sont impitoyables pour ceux qui veulent les maintenir. L’extrême-gauche antiraciste, souvent financée par ces magnats, est le roquet chargé de mordre au talon les défenseurs des nations, accusés de fascisme. Contrairement à tous les schémas, le candidat de gauche, Biden, était soutenu par les plus riches des Américains, le candidat de droite, Trump, supposé réactionnaire, par le peuple et les plus bas revenus. L’extrême gauche le tient pour le symbole du pouvoir de l’argent alors que ce sont les puissances financières qui se sont coalisées pour l’abattre, peut-être parce qu’il ne faisait pas la guerre.
L’inversion accusatoire a sans doute toujours existé : « C’est celui qui le dit qui l’a fait » a dit Poutine, utilisant le langage des cours de récréation, en réponse aux accusations d’assassinat. Il reste que le monde actuel a vu ce phénomène s’accentuer. Cela résulte de la place de plus en plus grande prise par les idéologies dans la politique. L’idéologie simplifie tout : il y a les bons et les méchants ; elle est messianique : les méchants empêchent le progrès ; il ne faut pas discuter avec eux, il faut les détruire. Ce sont, comme disait Staline, des « vipères lubriques ». Le mode de pensée idéologique caractérise aujourd’hui les dominants du monde occidental, ceux qui, au travers de leur toute puissance médiatique, défendent la pensée unique qu’ils qualifient de « progressiste ». Le fanatisme aveugle les idéologues. Ils perdent tout sens critique dans leurs accusations et deviennent radicalement incapables de se regarder eux-mêmes avec un peut de recul. Ils sont dangereux.
Roland HUREAUX