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Roland HUREAUX

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:26
LES REPENTANCES DE MACRON SONT AUSSI OFFENSANTES  POUR L’AFRIQUE QUE POUR LA FRANCE  

 

https://www.causeur.fr/macron-cote-ivoire-colonialisme-170638

27/12/2019
Il devient insupportable d’entendre le président Macron, chaque fois qu’il va en Afrique ( trop souvent à notre gré) cracher sur le passé de la France .  « Le colonialisme  , s’est-il cru obliger de dire à Abidjan , a été une erreur profonde et une faute de la République » .
Nous ne reviendrons  pas sur les arguments bien  connus qui réfutent ces propos sommaires : où en seraient ces pays s’il n’y avait  pas été colonisés  ?  D’autres, comme Driss Ghali dans Causeur [1], ont rappelé tout ce que la France avait  apporté à ses colonies africaines.
Macron s’abîme-t-il chaque  jour dans les affres de la culpabilité nationale ? Non . Au fond, il s’en fiche. Il dit cela parce qu’il se croit obligé de le dire. Ce faisant, il commet plusieurs  erreurs.   
D’abord il montre son ignorance. 
A une connaissance précise de l’histoire de nos anciennes colonies, prises une à une,  il substitue de poncifs   sur le  colonialisme en général   qui témoignent    de sa connaissance superficielle de la question. Sait-il qu’il fallut  en 1960 « pousser dehors » la Côte d’Ivoire qui aurait préféré rester  un département d’outre-mer ? Il est vrai que Houphouët Boigny avait été un ministre particulièrement en vue de  la  IVe République, un honneur  qu’aucune autre puissance coloniale n’avait accordé  à ses sujets.  

Sait-il que les  présidents de l’ancienne Afrique équatoriale française se sont cotisés pour ériger à Brazzaville  un mausolée à Savorgnan de Brazza qui avait fondé la colonie?

Sur le sujet de la colonisation  Macron ne  fait que répéter ce qu’on dit   dans les Universités américaines, gangrénées  par le politiquement correct  anticolonialiste . Il fut et reste le meilleur élève de Richard Descoings qui ne fit rien d’autre qu’américaniser  l’enseignement  des Sciences Po.   Il serait temps qu’il renouvelle sa culture  !

Chacun des pays que Macron visite est attaché à sa singularité . En leur appliquant  des clichés  passe-partout , il montre que, au  fond,  il ne s’intéresse pas vraiment    à eux.

 

Il est temps de traiter les Africains comme des gens normaux

 

Sent-il par ailleurs ce que peut avoir de blessant pour ses interlocuteurs  l’évocation du passé colonial ?   Rien de plus ambigu que la victimisation.  On ne rappelle  pas aux gens qu’ils ont été vaincus ou dominés, même sur le mode du repentir.  Dans le monde dur où nous vivons, être ou avoir été une victime n’a rien de glorieux.  Il faut    traiter  les Africains comme des  interlocuteurs  normaux . Que dirait-on si tout  président  italien ,  chaque fois qu’il visite  France,  venait  nous rappeler que nous avons été vaincus à Alésia , puis dominés,  fut-ce sur le mode de la  repentance?  Ces  subtilités échappent   à Monsieur Macron dont l’éducation ,  pour  avoir été bourgeoise,  ne comportait sûrement pas  ces délicatesses.

En clamant  que la colonisation a été   une « erreur » , il montre aussi  son absence de réflexion historique.  Erreur ? Tout au long de l’histoire ,  les civilisations   qui ont  pris de l’avance sur les autres  ,   ont été d’une manière ou d’une autre impérialistes vis-à-vis de leurs voisines  en retard . Les Perses, Grecs, les Romains, les Arabes, les Mongols  et pour finir les Européens.  C’est ainsi. Il n’y a pas à  pas avoir de repentance . Il faut seulement  savoir tourner la page .

Tous les guerres  africaines de la France ont d’ailleurs  fait bien moins de victimes que l’invasion du Congo-Kinshasa  par les troupes rwandaises de Paul Kagame entre 1997 et 1999, soit plusieurs millions. Non seulement  Macron n’a demandé  aucune repentance à ce personnage mais il ne manque  aucune occasion de  lui rendre les  honneurs , allant jusqu’à  l’inviter   au sommet du G7 de Biarritz et à promouvoir sa protégée à la tête de la francophonie. 

Il est vrai que certains  chefs d’Etat   africains usent ou  abusent de  l’alibi du mal que leur aurait fait la colonisation pour justifier leurs erreurs et  leur corruption. C’est particulièrement vrai de ceux de l ’Algérie. Le jeunes générations , tout aussi ignorantes que Macron de ce  que   fut    la colonisation , ne sont que trop promptes à  écouter ces discours . Il   ne sert qu’à entretenir  une  haine idéologique très éloignée de ce que  ressentaient  leurs pères colonisés  et qui est totalement stérile.  Macron rend un mauvais service à la jeunesse africaine  en l’entretenant. D’autant que ces sentiments sont transportés dans nos banlieues.          

Nous pourrions aussi rappeler qu’en  jouant  les coqs  quand il va en Afrique, il n ’ a pas pris la mesure du déclin de l’influence  française sur  ce continent  – dont la cessation du franc CFA dont il a l’air de se glorifier est un symbole . Seuls les dominants peuvent se payer le luxe de s’autodénigrer . Or la France ne domine plus rien sur  ce continent,  surtout  depuis son enlisement au Mali.  

 

Ne pas paver les  voies de la Chine

Mais comme là aussi les discours  oiseux risquent être  pris au sérieux,  à quoi sert désormais de vilipender  la colonisation    française sinon  à donner de la légitimité   aux entreprises concurrentes de la Chine,  de la Russie, des Etats-Unis , de l’Arabie saoudite bien moins respectueuses  de l’identité africaine que nous  ne l’avons été .

Ajoutons que les  pays africains   sont  des  pays  normaux , dont les chefs d’Etat , même corrompus,   savent ce qu’ils doivent à leurs peuples : ne pas les insulter, ne pas insulter leur histoire , les  rendre fiers de leur passé, soit les principes éternels  du leadership, exactement le contraire de ce que  fait Macron.  C’est dire que les rodomontades auto-flagellatoires du président français apparaissent aux Africains, comme  aux Asiatiques,  pour ce qu’elles sont : à la fois une bizarrerie et   le symbole de la décadence européenne.  L’intéressé n’en  récolte aucune estime, bien au contaire.   

Inculte, indélicat, pernicieux  et antinational, tel apparait Macron quand il fait ses virées  en Afrique. Il ferait  mieux  de rester chez lui.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] https://www.causeur.fr/macron-colonisation-afrique-maroc-170537

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:25

 

MACRON NE PEUT PAS ETRE UN BON REFORMATEUR

27/12/2019

 

https://www.atlantico.fr/decryptage/3585329/emmanuel-macron-ou-le-credit-reforme-epuise-regimes-speciaux-quinquennat-elysee-gouvernement-nouveau-monde-roland-hureaux

 

Ceux qui ont fait élire Emmanuel Macron, en France et à l’étranger, et qui    le soutiennent encore , spécialement au sein de la  droite classique, attendaient   de lui qu’il  prenne à bras le corps les problèmes du pays  et réalise enfin les réformes que ses prédécesseurs , de Chirac à Hollande, n’avaient pas osé faire : « Et Macron vint ! » titra Jean-Claude Casanova , non sans quelque ironie, après son élection[1].

Or ces réformes , il ne les fera pas, sinon à la marge. Pour la plus importante d’entre elles, celle des retraites,  il est possible qu’il sauve la face   en évitant   l’explosion sociale, mais il  est probable que, de concessions  en concessions,  le bilan financier pour l’Etat en soit in fine  négatif ,  comme l’avait été celui de  la réforme des retraites   concoctée par Sarkozy et Fillon en 2010.  Pour le reste, il est clair que Macron, a épuisé son crédit.

 

La logique du leadership

 

Les vraies réformes sont saignantes. Il est possible de les  faire accepter mais il faut pour cela que plusieurs conditions soient remplies .

La principale est qu’ une relation de confiance  soit établie entre le président de la République  et la population.

Pour que cette relation de confiance  existe, il faut que le peuple ait le sentiment que le chef de l’Etat  recherche avec ardeur son intérêt ,  à lui peuple, et son intérêt  seul .

Cette exigence n’est que l’expression de la  logique immémoriale du leadership, du pacte éternel entre  un dirigeant et son  peuple .

Cela exclut  toute  relation de dépendance du leader   vis-à-vis d’une force étrangère quelle qu’elle soit. C’est pourquoi  les réformes , dont certaines étaient pourtant utiles ,  entreprises par le régime de Vichy,  furent  récusées par les Français . Pétain était ressenti comme le « Prince esclave » , selon  l’expression du père  Gaston Fessard , et donc  illégitime  pour gouverner et  réformer.

Cela exclut tout autant  la dépendance vis à  vis des féodalités intérieures . En supprimant,  dès son arrivée,  la partie financière  de l’ISF , Macron a envoyé un très mauvais message à l’opinion , qui a  vu en lui  l’homme des très grande fortunes.

Cela exclut aussi  la dépendance du leader vis  vis de tout système , de toute utopie, en  bref  de toute idéologie. Or Macron a manifesté à plusieurs  reprises que sa préoccupation première  n’était pas  la puissance et la prospérité de la France mais de « faire  l’Europe » , un projet international  qui se distingue  peu du projet mondialiste    comme le montrent les traités de commerce signés avec le Canada et l’Amérique latine .  Il est impossible d’être à  la fois l’homme d’un système ou d’un projet idéologique et l’homme d’un peuple. L’idéologie, quelle qu’elle soit, et l’idéologie européiste n’est pas    la moindre, est incompatible avec le leadership.

Cela s’applique particulièrement  à toutes les  réformes que Bruxelles tente d’imposer à la France.  Quoique  les sondages montrent que la majorité des Français est  attachée à   l’euro, ils ne sont prêts à aucun sacrifice pour sa survie.  D’autant que,  sans être des  économistes qualifiés, ils sentent bien que toutes le réformes que ses dirigeants veulent  imposer  à la France ont moins pour but    le bien de  la France – qui pourrait  être poursuivi  par d’autres voies – que le maintien de   la France dans  l’euro et donc la survie de la  monnaie unique.

Il est déjà bien difficile de faire accepter des réformes  à un peuple quand son intérêt direct est en jeu, a fortiori  quand il ne l’est pas. Au demeurant  , à supposer qu’ils en acceptent les objectifs, soit  le rétablissement de l’ équilibre budgétaire  et celui des comptes extérieurs, donc la compétitivité de la  France   , les Français, moins aveugles que leurs dirigeants,  sentent bien que     cet objectif  est désormais hors de portée  et que donc leurs sacrifices ne serviront à rien. Hors de portée  dans les conditions actuelles , soit   avec un euro qui ,          par rapport aux prix intérieurs français, est nettement surévalué.

 

La rupture du pacte de confiance

 

Il ne  suffit pas que le président qui voudrait réformer  veuille d’abord  le bien des Français pour  que ses  projets  de réforme soient acceptées . Il faut  qu’il en donne le  sentiment ,  ce qui suppose du charisme, une empathie qui manquent singulièrement à Macron , lequel a,  à plusieurs  reprises,  laissé échapper des remarques qui montrent le mépris dans lequel il tenait  ses compatriotes. 

D’autant qu’il n’a pas  profité de la période dite d’ « état de grâce », les mois qui suivent son élection , pour entreprendre  les réformes les plus difficiles  comme celle des retraites. Celle-ci vient après le crise des gilets jaunes qui avait déjà marqué la rupture du pacte de confiance . Balladur avait su en 1993, dès son arrivée,  effectuer  une importante réforme de retraites qui , en raison du moment choisi, était passée comme une lettre à la poste.

Au  demeurant le président français  a-t-il vraiment le souci de faire des réformes utiles  ou seulement d’en   donner l’impressions à ses parrains,   à Berlin, à  Bruxelles  ou à Washington ?  Ces derniers connaissent mal les problèmes de la  France  . Depuis longtemps les gouvernements français  jouent la « comédie des réformes »,  lançant des  réformes à grand fracas  pour donner  dans ces capitales l’image d’une France qui bouge.  Cela aboutit parfois à de désastres. Un récent rapport interne à Goldman Sachs prescrivait la diminution  du nombre des communes en France en vue de diminuer les frais généraux du pays .  Or  loin de faire des économies, ce qu’on appelle l’ « intercommunalité » dont l’objectif était cette réduction, a considérablement   alourdi les coûts de la strate locale . Voilà une réforme  qui n’a guère de chances de réduire les    déficits français, au contraire. Il y en a d’autres . Mais à Bruxelles comme chez Goldman Sachs,  on  ne  connait la France qu’au travers de   quelques poncifs  dépassés [2], souvent répandus par nos compatriotes eux-mêmes  :  « La vieille France jacobine qui n’arrive pas à se réformer etc. » Le président français a d’abord le souci de  leur envoyer de la poudre  aux yeux et cela,  Macron sait faire.

Les grands réformateurs de droite,  de Gaulle , Reagan, Mme Thatcher, quelque appréciation que l’on porte sur leurs réformes,  furent des nationaux, voire de nationalistes.  Personne ne doutait qu’ils voulaient le bien de leur pays. C’est pourquoi leurs réformes furent appliquées.  

Penser  que les réformes   seraient mieux acceptées par les Français sous la botte de l’étranger, est un leurre,  comme on l’a on l’a vu aux heures sombres du XXe siècle.   Après l’Allemagne, l’Europe qui devait nous obliger à nous réformer : même illusion. Les stratèges qui , par divers subterfuges électoraux[3],  ont voulu placer, au travers de Macron,  un homme à eux à la tête de la France , susceptible  de réaliser enfin les réformes dont les Français avaient selon eux besoin ne pouvaient qu’échouer.   Moins que quiconque, Macron est à même de réformer la France comme elle doit l’être.    

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1]  Commentaire, n° 158, été 2017

 

[2] Les Allemands semblent nous  connaître  mieux.

[3] Entre autres par l’assassinat politique de Fillon.

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:22

L’IMMACULEE CONCEPTION, EXEMPTION DU PECHE ORIGINEL

Paru dans la Revue Résurrection

08/12/2019

«  Et un dogme de  l’ immaculée conception par-dessus le marché ? — Mais ainsi, elle (l’Eglise) a maculé la conception. »   dit  Nietzsche [1]. Ce disant, il est probable que l’illustre philosophe confonde l’immaculée conception de Marie     et la conception virginale de Jésus. Quoique fils et deux fois petit-fils de pasteur, Nietzsche semble parfois n’avoir eu que des  idées approximatives sur  le christianisme.

Il reste que l’idée que la transmission du péché originel serait le fait de  la sexualité traine tout au long de l’histoire de l’Eglise    : venue des gnostiques, elle a  été entretenue par un certains jansénisme encore puissant au XIXe siècle et demeure répandue dans le grand public . La question  ne se pose évidemment pas pour un  auteur comme saint  Thomas d’Aquin qui ne croyait  pas  à  l’Immaculée conception.

Le Bienheureux pape Pie IX , quand il proclame le dogme dans la constitution apostolique   Ineffabilis deus du 8 décembre 1854 le définit de manière claire comme la seule exemption du péché originel :

Nous déclarons, Nous prononçons et définissons que la doctrine qui enseigne que la Bienheureuse Vierge Marie, dans le premier instant de sa Conception, a été, par une grâce et un privilège spécial du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute tache du péché originel, est révélée de Dieu, et par conséquent qu'elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles [2].

Le reste de l’encyclique rappelle les précédents de cette doctrine  dans l’Eglise pour en montrer l’ancienneté et indique que la principale raison  de l’immaculée conception de Marie est qu’elle allait  devenir la mère du Sauveur.

Le pape  n’en dit pas plus sur le mode de la conception de  Marie, par une discrétion bien compréhensible face à un mystère sur lequel le Nouveau testament ne nous apprend  rien.

Mais  très tôt les auteurs de textes apocryphes s’étaient  préoccupés de compléter ces lacunes :

Le principal texte est celui du Protoévangile de Jacques ( chapitres 1 à 4) [3].

 

Joachim fut fort affligé (de ne pas avoir d’enfant ) et se rendit au désert, y planta sa tente et jeûna en disant «  Je ne descendrai ni pour manger ni pour boire jusqu’à ce que le Seigneur m’ait visité. La prière me sera nourriture et boisson »(…)

Anne était (aussi) fort affligée. Elle descendit dans son jardin pour se promener. Elle vit un laurier et s’assit dessous. Elle invoqua le Maître en disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et exauce ma prière , ainsi que tu as béni notre mère Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils ».

Et voici qu’un ange du Seigneur se tint devant elle et lui dit « Anne , Anne, le Seigneur Dieu a exaucé ta prière. Tu concevras et tu enfanteras et on parlera de ta postérité dans le monde entier ».  Et Anne dit : « Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, si j’enfante soit un garçon soit une fille ,  je l’amènerai en offrande au Seigneur mon Dieu, et il sera à son service tous les jours de sa vie ».

Et voici que Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne se tint aux portes de la ville et le vit arriver avec ses troupeaux. Aussitôt elle courut et se suspendit à son cou, disant : « Maintenant je sais que le Seigneur Dieu m’a grandement bénie ». Et Joachim reposa le premier jour dans sa maison.

 

Quoiqu’avec délicatesse, la fin de ce  texte laisse entendre  que la conception de Marie fut naturelle : ne fut surnaturelle que  l’exemption du péché originel , effet,  dit Pie IX,  d’ une surabondance de grâce venue s’ajouter à la nature ( et non  la guérir) .

La scène touchante   de la rencontre de Joachim  et d’Anne à la porte de Jérusalem , rencontre de deux époux qui s’aiment, a donné lieu à une riche tradition picturale dont on retiendra la fresque de Giotto à Padoue.

Deux autres apocryphes traitent de ce sujet   différemment  : l’Evangile du Pseudo-Matthieu [4] et le Livre de la nativité de Marie [5]  présentent  , eux,  une conception « à distance »  entre Joachim et Anne , annoncée à chacun par un ange.

Bien qu’ils aient popularisé les figures de Joachim et d’Anne  , inconnues par ailleurs, ces textes n’ont  en eux-mêmes aucune  autorité . Ils sont, comme tous les apocryphes,   plus tardifs que les textes canoniques . Pour le dernier évoqué, certains ne le font pas remonter plus haut que  le temps  de Charlemagne.  

 

RH

 

                              

 

 

[1] Le crépuscule des idoles , § 34)

[2] Ecrits apocryphes chrétiens, tome 1, La Pléiade , pages 82-85

[3] Ineffabilis deus  § 3 .

[4] Ecrits apocryphes chrétiens, tome 1, La Pléiade , pages 119-123

 

[5] Ecrits apocryphes chrétiens, tome 1, La Pléiade , pages 151-155

 

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:16

 

05/12/2019

 

Il était prévisible que le sommet du 70e anniversaire de l’OTAN se termine   dans un climat d’unanimité, malgré les éclats  qui l’avaient précédé.

Du coup on se demande à quoi a servi  la saillie  de Macron dénonçant une institution « en étatn de mort cérébrale ». 

Elle n’a mené à rien et d’ailleurs savait -il seulement à quoi il  voulait en venir sinon à se faire remarquer ?

Trump et Macron ont mis en scène des points de vue  apparemment divergents sur l’avenir de l’OTAN

Mais leurs points de vue  étaient -ils si différents ?  Surtout sont-ils, chez  l’un comme chez l’autre,  cohérents ?

Trump et Macron, à des dates différentes et avec des termes tout aussi brutaux , ont   dénoncé  l’obsolescence de l’OTAN.  Mais l’un comme l’autre ne semblent  pas vraiment vouloir  y mettre fin.

Pour Macron, si on a bien compris  ses perspectives, l’Europe occidentale doit unifier à défense pour constituer une armée européenne unique et se comporter à terme, face aux Etats-Unis, comme un second pilier  de l’OTAN. Trump voudrait, lui,  qu’entre  les Etats-Unis  et l’Europe, le fardeau de la défense    commune soit   plus équitablement  partagé .  Ces deux  points de   vue  ne sont pas absolument divergents .

Mais Trump est-il prêt à laisser tomber ce formidable instrument de contrôle de l’Europe  que  constitue l’organisation atlantique ? On en doute. Macron  et a fortiori les autres Européens sont-ils prêts à augmenter substantiellement leurs budgets  de défense ? On en doute  aussi . Et d’ailleurs sur la constitution d’un second plier de l’OTAN,    Macron parait bien isolé, comme sur presque tous les sujets européens , ce qui est paradoxal pour quelqu’un  qui  voudrait faire avancer l’Europe sur  la voie de l’intégration. La moins réticente à ces perspectives  perspective n’est  pas  Angela Merkel , par ailleurs exaspérée par le style insupportable du président  français. De fait , en matière de défense,   Berlin est , depuis la fin de la seconde guerre mondiale,  tenu par Washington  avec une laisse courte. En matière stratégique, l’Allemagne ne saurait s’éloigner sensiblement   du point de vue américain, sauf à trainer les pieds pour augmenter son budget de défense , ce dont tout autre président français que Macron se sentirait rassuré.

 

L’Europe de la défense attendra

 

Le  second pilier de l’OTAN n’est donc pas pour  demain. On peut seulement craindre qu’au  motif de faire l’Europe de la défense, à laquelle il est seul à croire,  Macron  continue de  lâcher une  à une   nos industries stratégiques : après Alstom  ( les turbines  nucléaires civiles et militaires ), Alcatel   et le char Leclerc, désormais franco-allemand , la préférence de l’armée française pour un fusil allemand   , les Chantiers de l’Atlantique , devenus plus italiens que français , quoi ? Les avions de chasse et pourquoi  pas un jour  l’arme nucléaire ?

Du côté américain, même cohérence  douteuse : la volonté de Trump de voir les Européens augmenter leur effort de défense  s’inscrit dans un plan d’ensemble visant à rétablir la balance des paiements américains , depuis si longtemps déficitaire. On ne  saurait s’en plaindre mais le corollaire du déséquilibre présent est le rôle du dollar comme  monnaie de réserve qui  permet aux Américains d’acheter à l’extérieur en payant avec du papier. Trump est -il prêt   à remettre en  cause ce privilège ?

N’est-ce pas d’ailleurs ce privilège qui paye l’effort de défense américain, tout azimut et donc aussi au bénéfice de l’Europe ? Aussi longtemps que  subsistera le privilège du dollar, les Etats-Unis auront à supporter pour l’essentiel   le fardeau de la  défense  occidentale : ces  deux réalités  font système.

Arrivant   après la plus lourde  défaite qui ait  été essuyée par l’OTAN dans son histoire  puisqu’elle n’a pas réussi  , après huit ans de guerre, à  renverser le  président Bachar-el-Assad  en Syrie, ni par voie de  conséquence à  empêcher l’extension de l’influence russe   au Proche-Orient , ce sommet aurait pu être  plus conflictuel. Or cette défaite  qui aurait justifié une remise en cause a été à peine abordée.

Même  divergence   franco-américaine factice sur la Turquie. Trump n’a pas retiré brusquement ses forces de Syrie sans consulter ses alliés, comme on le dit  : il avait annoncé ce retrait à plusieurs reprises dans sa campagne électorale et après.  II semble cependant avoir donné aussi le feu vert à Erdogan pour son intervention, au demeurant limitée.  Macron  , lui, monte sur ses grands chevaux pour fustiger Erdogan. Il fut un temps où, sur les  bords de la Seine,  même sur des intérêts majeurs ( l’entrée dans l’UE, l’immigration ), il ne fallait pas fâcher  Ankara . Maintenant, on le fait sans  intérêt  propre, la défense des Kurdes revenant désormais à l’Etat syrien  ( et son protecteur russe)  qui s’y est engagé et non à la France.    

La proposition de  Macron de désigner comme ennemi principal de l’Alliance  le terrorisme ne peut être tenu que pour une facilité de langage : le terrorisme est une méthode de guerre, pas une force en soi ; cette proposition aurait eu plus de sens si l’OTAN , France en tête,   n’avait pendant huit ans soutenu les groupes islamistes  en Syrie, surtout Al Nosra ( Al Qaida) mais même Daech.

Poutine a profité du sommet pour tendre la  main à l’OTAN ; il se  dit  prêt à coopérer avec elle, comme il  l’avait fait au début des années 2000 à l’initiative de Jacques Chirac . Pas de suite pour le moment à ce geste , qui se situe dans la ligne constante de   la diplomatie russe , laquelle a toujours  cherché   à être incluse dans   le concert européen. Cela dépendra sans doute de l’issue des négociations en cours sur   l’Ukraine.

Que ce sujet aussi Trump et Macron , à la différence de certains de leurs partenaires, aient  des  postions analogues,  mais aucun ne va jusqu’à  évoquer la  levée de sanctions imposées à la Russie, principal obstacle  à  une ouverture sérieuse.

Ce sommet , qui devait être  celui des  grandes  remises en cause, a en définitive accouché d’une  souris. Le querelles de famille ne s’affichent pas autour d’un gâteau  d’anniversaire.  Macron n’ y aura été qu’un convive facétieux.

 

Roland HUREAUX

 

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:15

LA DOCTRINE DU  PECHE ORIGINEL CONTRE  LES   IDEOLOGIES

Publié dans la revue Résurrection

Il fut un temps où tout homme, croyant ou non, allant voir un prêtre,  s’attendait  à trouver un  homme de bon conseil jusque dans les matières les plus terre à terre : projet de mariage,  de mise en culture , discorde familiale . C’était  surtout vrai de ces curés du XIXe siècle, si  souvent représentés dans les romans, près   de leurs ouailles et près de la terre. On leur faisait crédit non seulement de l’ inspiration divine , mais aussi   de leur réalisme sans illusions, fondé sur  une  longue expérience de pasteur. 

Il n’est pas sûr que cela soit encore vrai aujourd’hui, qu’allant voir un prêtre, nos contemporains  s’attendent   à trouver  quelqu’un ayant les  pieds  sur terre  et le sens rassis.

 

La faute à Rousseau

 

Au temps dont nous parlons, au moins en France, les choses étaient  claires aussi sur le plan politique  : l’Eglise était à droite et la République à  gauche.  L’une trouvait son origine dans la venue du Christ , vieille de 2000 ans , l’autre dans la Révolution  française , vieille aujourd’hui de plus de 200 ans. Cela donnait à la première plus de recul – et , par-là,  pensait-on,  plus de sagesse.

Par-delà ses raisons historiques ou sociologiques  , cette opposition  politique était justifiée par une donnée de base : l‘Eglise croyait au péché originel  et ne pouvait donc  pas se faire    d’illusions sur  la perfectibilité la nature humaine. Si le baptême effaçait la tache originelle, les conséquences demeuraient ,  parmi lesquelles la propension au mal (concupiscence).  La gauche, qu’elle soit libérale, socialiste ou plus tard communiste,  croyait , elle,  au progrès, non seulement scientifique et technique mais aussi à celui de la nature humaine. A l’origine de cette espérance séculière, Jean-Jacques Rousseau, contre  lequel les prédicateurs de l’Eglise  préconciliaire ne manquaient  pas une occasion de fulminer[1]  . Alors que pour la Bible, l’homme nait mauvais  ( « pécheur ma mère m’a conçu » - Ps 51, 7 )  , pour Rousseau, l’homme nait bon et c’est la société qui l’a corrompu . Il faut donc changer la société pour que  l’homme devienne  meilleur. Changer la société peut se faire de différentes  manières : toujours par l’instruction ( L’Emile !) mais aussi  par la suppression de la propriété privée ( communisme ) , celle de l’Etat ( anarchisme),   celle  des frontières ( mondialisme ultralibéral ). Changer l’homme , sinon à la marge   , c’est ce que l’Eglise, elle,  ne croit pas  alors possible . Là où les révolutionnaires   ont cru voir dans ses choix politiques, une hostilité de  principe au peuple, dont ils disaient qu’elle  était l’ « opium » , nous pensons qu’elle voulait plutôt le  préserver de dangereuses  illusions. Le moins qu’on puisse dire est que les régimes totalitaires du XXe siècle , issus de ces illusions , ne lui ont pas donné tort.

Peu importe donc les explications que l’on  peut donner à  la transmission du péché originel, un dogme  devant lequel l’ Eglise a toujours été embarrassée, le fait important    est pour elle que tous les hommes sont marqués dès leur naissance par la propension au mal ; aucun ne peut prétendre dès lors atteindre à la sainteté absolue –  ce qui est vrai des individus l’étant  à fortiori des sociétés.

 

La concurrence des messianismes

 

La perfection n’est  pour elle  possible que dans l’au-delà et c’est vers les  promesses de l’au-delà que porte d’abord  l’espérance chrétienne. La gauche issue de Lumières ne s’est pas , le plus souvent, contentée de nier cette espérance, elle l’a maintenue mais en la ramenant  sur terre. Elle a cru possible d’obtenir une certaine perfection humaine dès ici-bas  et cela par des voies politiques. A sa manière, la gauche postrévolutionnaire était aussi  messianique.

Entre l’Eglise et  la  gauche, ce n’était donc pas  seulement deux philosophies différentes  qui se  trouvaient en concurrence,  mais deux formes  de messianisme.

Il était acquis jadis  que ce pessimisme anthropologique marquerait à tout jamais une distance entre l’Eglise  et la gauche, principale , quoique pas unique,  pourvoyeuse  d’idéologies .

Cela fut  vrai , d’une manière ou d’une autre,  dans tous les pays latins.  Les tentatives de synthèse entre l’espérance chrétienne et l’espérance séculière , comme la théologie de la libération en Amérique latine,  tournèrent court. L’opposition fut encore  plus radicale en milieu orthodoxe, au moins en Russie.

Que dans certains pays , comme la Pologne  et surtout l’Irlande, l’Eglise ait eu   au contraire partie  liée avec la gauche  résultait du contexte local  : l’espérance où elle se rejoignaient n’avait aucun caractère eschatologique :  il  s’agissait seulement de  libérer les peuples du joug russe ou anglais !  

L’Eglise a très tôt appelé l’attention sur  les dangers des idéologies séculières : les encycliques   Mirari vos et   Quant cura, le Syllabus  mettent en garde contre différentes idéologies issues de la Révolution française . La condamnation de Lamenais allait dans le même sens.

Mais c’est  dans les années trente que l ‘Eglise catholique fit preuve de la plus grande détermination,  publiant coup sur coup en 1937 Mit brennender sorge contre le  nazisme et Divini redemptoris contre  le communisme .  Quel sommet de lucidité !

Il est sans doute inutile de dire ici quels immenses ravages ont fait les idéologies totalitaires, à commencer par le communisme, orientées vers la construction d’un « homme nouveau » : au minimum quelques dizaines de  millions de mort.

Quoique sa vision  de l’homme ait été plus  pessimiste ,  de type nietzschéen, le socialisme national (dit nazisme) ambitionna de fonder  , selon un vieux schéma millénariste, un règne de mille ans où  la Terre prospérerait sous la  conduite d’une race supérieure. Il conduisit aux plus grands crimes.  

 

Qu’est-ce que l’idéologie ?

 

La  définition de l’idéologie la plus commode serait : une politique guidée par des idées simples ( trop simples) à visée messianique ( ou à tout le moins « progressiste » ).  Ainsi définie, l’idéologie  comporte d’innombrables conséquences : vision binaire et manichéenne du monde, ceux qui s’opposent au supposé progrès étant voués aux gémonies ;  l’idéologie remet en cause tout ce qui n’est pas elle :  la démocratie, le droit, la morale, la culture,   la nature.  Elle finit   par être antireligieuse . Elle aboutit   toujours à des effets pervers  selon ce que Hayek appelle  la « loi des effets contraires au but poursuivi » . Elle conduit à   une rupture  avec les peuples, très vite lassés de desseins grandioses qui ne prennent pas en  compte leurs préoccupations quotidiennes.

Alors que  la Genèse montre le déploiement  de la création comme une suite de séparations  : la lumière et les ténèbres,  le ciel et la terre, la terre et les eaux, la matière inanimée et la vie , les animaux et les plantes, l’homme et la nature  et  enfin l’homme  et la  femme, l’idéologie procède au contraire  par  fusion : des classes sociales, des nations, des « genres »  et maintenant, dans le courant de l’écologie radicale ,  de l’homme et de nature. Si le récit de la Genèse est celui de l’émergence de la vie, le projet idéologique n’a-t-il pas pour ressort secret l’instinct de mort ?

A côté des grandes  idéologies  systémiques que nous venons d’évoquer  , sont apparues  des idéologies sectorielles   qui régissent les politiques  en matière d’éducation ( abolition de la confrontation enseignant-enseigné, théories marxisantes de Bourdieu ),  de  justice ( culture de l’excuse, justice de classe inversée ),  d’administration  ( effacement des corps, des collectivité locales traditionnelles au bénéfice d’une société atomisée)  , d’écologie (  ou au messianisme se substitue au contraire la crainte d’une  nouvelle Apocalypse climatique ). Elles ont, dans leur domaine propre les mêmes  effets désastreux et conduisent  comme elles à un rejet par les populations concernées : voir les Gilets jaunes.

Montrer les dangers des idéologies  ne  signifie pas qu’il faille récuser toute idée de progrès : le progrès scientifique  et technique est une  réalité irrécusable, celui des méthodes pédagogiques ou de  l’organisation internationale est  plus  douteux.

Si le XIXe siècle et même le premier XXe siècle avaient montré  une belle résistance de l’Eglise aux idéologies,  contre lesquelles  elle fut , en maints pays  ( ainsi l’Italie de Don Camillo et Peppone ! ),  le principal rempart,  elle n’a pas été pour autant insensible aux influences idéologiques.

 

Les influences idéologiques dans l’Eglise

 

Le Sillon , à l’origine du mouvement démocrate -chrétien français mélangeait allégrement  mysticisme chrétien et mysticisme républicain ; Pie X lui demanda en 1910  de distinguer clairement  religion et politique .

Le mouvement personnaliste représenta une tentative de rapprocher l’Eglise du socialisme sur un terrain commun qui était  la  condamnation de l’individualisme libéral . La revue Esprit qui le perpétue  s’est aujourd’hui ralliée sans nuances au socialisme libéral-libertaire et à la doxa euro-atlantiste.

Les contre-révolutionnaires du XIXe siècle , comme de Maistre et Bonald avaient opposé à la Révolution française la contre-idéologie  d’une société compacte où l’individu ne serait rien  et le groupe  ( à commencer par la famille) tout ;  elle aboutit  à l’Action française,  elle aussi condamnée en 1927.

Après la guerre,  les   tentatives syncrétique se firent plus  inquiétantes : le mouvement de prêtres-ouvriers se laissa contaminer par le  marxisme stalinien. Il y eut vers 1968 des « cathos-maos ».

A partir de 1950, l’emballement  de beaucoup  de catholiques pour la construction européenne,  qui perdure malgré les  difficultés croissantes  de l’entreprise et le rejet des  peuples,  fait douter qu’ils aient pris la mesure du caractère idéologique d’un  projet qui, tel celui de la  tour de Babel, remet en  cause une  réalité anthropologique aussi  fondamentale que  la pluralité des  peuples et des nations , dont le corollaire naturel est la souveraineté des  Etats[2] ?

L’idéologie européenne apparait de plus en plus comme la simple déclinaison régionale de l’idéologie    mondialiste. Certains documents ecclésiastiques récents    semblent  témoigner de  la séduction du mondialisme , projet de gouvernance  universel  qui a aussi , à l’évidence,  un caractère messianique et  par là idéologique.

Aujourd’hui, ce n’est pas seulement à l’intérieur de  l’Eglise que se trouvent les tendances idéologiques,  mais à sa  périphérie ou dans son sillage.   Emmanuel Todd [3] a montré comment le socialisme breton actuel,  héritier  d’un christianisme décoloré, était ce qu’il  appelle un  christianisme « zombie [4]», en ce sens  que la foi chrétienne ayant disparu , les hommes qui en ont été marqués historiquement demeurent hantés par  son héritage laïcisé  à base de bons  sentiments, assortis d’une espérance messianique  aux  contours incertains .  S’ y mêlent, de manière assez confuse,  l’écologie,  une vague préférence pour les pauvres , assimilés aux étrangers,    mais aussi une large   tolérance aux idées libertaires ( au  motif d’être charitable envers les  minorités sexuelles supposées persécutées [5] ), l’ ouverture à l’immigration conduisant parfois à  sympathie active pour  l’islam. Le même Todd a montré le rôle actif de catholiques  plus ou moins tièdes , disciples de Jacques Delors, dans la  mise  en place vers 1987 de la libre-circulation des capitaux, fondement  d’une économie mondialisée . Le mondialisme de ces gens n’est pas seulement financier, il conduit à une conception multiculturelle qui voudrait allègrement mélanger  races, religions et peuples.    Dans ce contexte,  le péché suprême devient celui du racisme  - ou de l’islamophobie, comme sous le communisme, c’était l‘instinct de propriété. « Le monde moderne n’est pas méchant ; sous certains aspects, le monde moderne est beaucoup trop bon. Il est plein de vertus chrétiennes désordonnées et décrépites » (Chesterton) .

Cette espérance postchrétienne fait évidemment bon marché de la  sagesse séculaire de l’Eglise , fondée sur la croyance au péché originel qui l’a longtemps conduite à   ne pas miser sur  la bonté de la nature humaine. Que cet idéalisme puisse conduire à  la guerre de tous contre tous ne semble pas envisagé par ceux qui le  professent ! Plus que jamais, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Actualité de la doctrine du péché originel

 

On voit en tous cas que c’est sur le terreau  chrétien  que se développent la plupart des idéologies contemporaines. On ne sera pas  étonné que cette  évolution coïncide avec   l’effacement de   la croyance au péché originel  qui en fut longtemps l’antidote. Non seulement ce dogme  est rarement rappelé par le magistère , mais il est  ignoré  de  la plupart des  catholiques.  Ce  n’est surement pas un hasard  si  le père Arturo Sosa, supérieur général de  la  compagnie de Jésus,  le qualifie de « mythe » au moment où les tendances mondialistes ( libre circulation de hommes, abolition  des frontières , effacement des Etats ), à caractère évidemment idéologique, prospèrent si bien dans l’Eglise.

Si l’on considère l’immensité  des ravages opérés au cours des  derniers siècles par  le phénomène idéologique,  un phénomène entièrement propre à la modernité,    et     sa toxicité persistante  dans la manière dont sont menées beaucoup  de politiques  nationales ou internationales dans lesquelles les peuples ont   tant de  mal à se reconnaitre, qui pourrait nier , en creux,  l’actualité éminente de la doctrine du  péché originel ?   

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

[1] Quoiqu’il ait cru en Dieu et en la loi naturelle, ce qui n’est pas si fréquent aujourd’hui

[2] Dans une déclaration récente, le pape François loue la souveraineté mais condamne le souverainisme…

[3] Emmanuel Todd, Hervé Le Bras, Qui est Charlie ? 2015.

[4] Zombie ne signifie pas les catholiques qui croient  l’être et qui ne le sont plus que de nom,  mais le contraire : des gens qui ne se croient plus catholiques mais qui en portent toujours  l’empreinte sans le savoir.

[5] Témoin de cette dérive libertaire, l’évolution du MRJC , mouvement chrétien qui a fini par faire la promotion de l’avortement. Certains évêques lui ont retiré leurs subventions mais pas tous.

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:10

LECTURES

 

LA BRUYERE, 

Les Caractères   , in  Œuvres complètes, La Pléiade

publié dans Commentaire

19/09/2019

Je m’étais promis de consacrer l’année à relire les classiques du XVIIe siècle, le cœur de notre culture. Après  Boileau, Racine, La Rochefoucauld, La Fontaine,  est venu le tour de La Bruyère.

Cet auteur est généralement classé parmi les moralistes et ses célèbres  Caractères  vus  comme une étude de la nature humaine en général.  Ils peuvent  être lus  aussi comme une étude sociologique et historique.

S’il parle de beaucoup  de choses et de gens , La Bruyère , qui écrit vers 1690,   a quelques thèmes récurrents qui, il faut bien le dire, composent un portrait  peu flatteur  de la société française sous Louis XIV.   

Que faut-il en retenir ?

Que les titres de noblesse s’achètent . Le prix est élevé mais tous ceux qui en ont les  moyens peuvent  y  accéder . Il convient ainsi de revoir les idée reçues sur le caractère bloqué de la société d’Ancien régime . Je ne  crois pas qu’une étude exhaustive de la mobilité sociale aux XVIIe et  XVIIIe siècle  ait été faite : elle réserverait bien des  surprises.

Il reste que les moyens de s’enrichir sont limités.  Plus ouverte socialement  qu’on ne pense ,  la France classique  est encore  stagnante sur le plan économique, faute de progrès  techniques significatifs.   A en croire La  Bruyère,    ceux qui  parviennent à s’enrichir sont des « rats »  qui ne pensent qu’à l’argent, des Harpagon ou , si l’on veut,  des personnages balzaciens avant la lettre.  Qualifiés ou pas , ils achètent une charge anoblissante  pour eux ou pour leurs enfants  et le tour est joué.  L’esprit de la chevalerie n’est pas forcément au rendez-vous.

La Cour ayant donné le  ton à la Ville , ceux qui gagnent un grade dans la hiérarchie  ( de sous-chef à chef de bureau, de greffier à procureur, de  roturier à petit noble ) , mettent un point d’honneur à ne plus adresser la parole à ceux qui  sont restés en arrière. Sympathique !  La Bruyère décrit déjà la « cascade du mépris » qui , selon Michelet, caractérisait l’Ancien régime.   Je ne sais si la Révolution y  a vraiment mis  fin,  mais il se peut qu’on doive à la démocratie élective que , de nos jours,  les supérieurs daignent   serrer la  main des inférieurs, tout bourgeois étant  en République  un candidat en puissance.  

L’auteur s’étend aussi sur  la dévotion  obligée et nécessairement  hypocrite  des trente-cinq  dernières années du règne de Louis XIV. La Bruyère ,  croyant sincère, très au fait des querelles théologiques de son temps, comme en témoignent ses    délicieux Dialogues sur le quiétisme,     la distingue  de la vraie piété. 

Bref un utile antidote pour  ceux qui, au vu des turpitudes des républiques  successives, seraient tentés d’idéaliser l’ancienne  monarchie. D’ailleurs , s’il rend au grand Roi  les honneurs de commande, qui sait le fond de la pensée politique de l’illustre  écrivain ?

 

RH

 

 

 

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:07

MACRON ET LE VENEZUELA

 

 

https://www.bvoltaire.fr/macron-et-le-venezuela/

 

Il semble que le président Macron  ait un tropisme particulier  qui le rattache au Venezuela.

Il s’est dépêché,  comme dix-neuf  pays de l’Union européenne,  de reconnaitre le pouvoir insurrectionnel du  président de l’Assemblée nationale, Juan Guaido . Il tente même d’en rajouter par des tweets controversés. Quoi que l’on pense de l’exercice de pouvoir par le président  Maduro, cette prise de position bruyante de Macron constitue une ingérence dans les affaires d’un pays souverain, interdite par l’article  2-7  de la Charte des Nations-Unies.

Dans ce genre de circonstance périlleuse, ce pays étant au bord de la guerre  civile, une certaine  retenue nous eut paru  préférable.

En  d’autres temps, la France aurait pris une position plus nuancée  lui permettant, le cas échéant,  de proposer sa médiation.  Nous en sommes loin : la président de la République  s’aligne, une fois de plus, sans nuances sur celle  des Etats-Unis , à  la manoeuvre pour reprendre  le contrôle d’un pays stratégique qui dispose des premières réserves   pétrolières du monde. Servilité  ou  réflexe pavlovien d’assujettissement ? Comme on le dit plus en plus,  dans la sphère internationale, la voix de la France est   devenue la  voix de son maitre. Mais qui écoute encore  le président Macron ?

Encore le Venezuela : quand Macron était ministre  des finances , il exerça une forte  pression  en faveur de la vente  de la division Energie d’Alstom par Généal Electric ;  ainsi que  cela fut rappelé dans les auditions devant la commission d’enquête de  l’Assemblée nationale, alors que beaucoup étaient réticents   devant  cette cession qui devait mettre fin à l’indépendance énergétique de la France   et particulièrement à la pleine maîtrise de notre filière nucléaire civile et  militaire, le jeune ministre  emportait la conviction,    reléguant aux orties toute idée de politique industrielle,  par cet argument qui se voulait frappent  : « la France n’est pas le Venezuela ».

Défendre  ses intérêts , avoir une pensée stratégique sur  le devenir de son  économie, spécialement  de ses industries liées à la défense,  serait pour Macron  le propre du Venezuela ( celui de Chavez et de Maduro ) , comme si les Etats-Unis et toutes les  grandes  puissances d’Europe et d’Asie n’avaient pas le souci  de préserver leur  industrie , spécialement leurs industries stratégiques.  Le malheur est que cet argument débile a  emporté la conviction. 

A supposer que Francesco Maduro défende l’intérêt national du Venezuelas ( ce dont on peut douter )  ,  ce serait là, dans la vison de Macron le crime suprême. Cette algarade  lamentable nous fait toucher du doigt ce qu’on reproche au Venezuela de Maduro :  non point de mal se gouverner, mais de vouloir rester indépendant, de vouloir  défendre ses intérêts , voire  d’exister. Avec Macron , c’est un reproche qu’on ne risque pas de faire à la France.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:05

Après les mesures prises par Macron en  ce début d’année,

 

LA CHAPE DE PLOMB   S’APPESANTIT  SUR LA FRANCE  

 

http://www.comite-valmy.org/spip.php?article9445

03/07/2019

Après un discours de vœux présidentiel assez plat, la rentrée a été inaugurée par trois coups de massue qui laissent pressentir  ce qu’est  la véritable nature du macronisme. 

D’abord une hausse sans précédent des tarifs publics : Fioul domestique + 36 %, Electricité =17 %, Forfait hospitalier : + 15 %, Cartes grises + 15%, Tabac + 10, %, Timbres + 10 % etc.

Toutes ces mesures vont frapper les classes populaires, d’autant qu’elles s’accompagnent d’une hausse de la CSG (+ 21,7 %) ciblée sur les personnes âgées. Or les  revenus, salaires et retraites,  stagnent, on le sait,  depuis de nombreuses années.

Peut-être certaines de ces hausses étaient-elles nécessaires, mais comment justifier celle  des frais bancaires de 23 % qui va peser principalement sur ceux qui ont  du mal à joindre les deux bouts. Il est clair que les banques qui comptent sur ces frais  pour rattraper certaines folies spéculatives ont été mieux entendues par l’ ancien banquier qui trône  à l’Elysée que ce que Christophe Guilluy appelle la « France   périphérique ». Pour tenir les déficits,  on cogne, à la grecque.

Il est probable qu’ avec ces coups  de matraque, la suppression promise de la taxe d’habitation, sera vite absorbée et au-delà. 

Va  dans le même sens, la décision d ’abaisser la vitesse limite sur route à 80 km/h et de renforcer toute une série de sanctions, comme  celles qui frappent l’usage du portable en voiture. Les amendes de stationnement  seront augmentées de 130 %, pas moins. Ces mesures sont d’ une utilité douteuse : elles vont sauver des vies , dit-on. Peut-être,  mais pourquoi pas instaurer la  vitesse-limite à 0 km/h pour avoir 0 accident  ? Le nombre d’accidents mortels a considérablement baissé depuis plusieurs années.  En tous domaines, la sécurité absolue, c’est la fin des libertés. Elle ne règne que dans les cimetières.

Mais est-ce vraiment pour améliorer  la sécurité  routière que  ces mesures  sont   prises ?   N’y  a-t-il pas là aussi la volonté de cogner, dans un domaine où la légitimité de règles de plus en plus sévères   et de sanctions de plus en plus lourdes est difficile à contester.  La sécurité routière est plus facile  à assurer que la sécurité tout court pour laquelle le gouvernement n’a aucun plan précis.  Il est plus facile de traiter en délinquant un  honnête homme qui roule à 85 km/h sur une route départementale que d’ attraper les vrais délinquants. Sarkozy en début de  mandat avait déjà usé de cette ficelle  en frappant fort  sur… les prostitué(e)s du Bois de Boulogne. Le discipline  routière  est une bonne école pour la discipline ou court : elle habitue le public à obéir à la manière forte .  Elle est comme la marche  au pas dans la cour de la caserne : exercice apparemment sans conséquence mais qui  habitue les conscrits à obéir sans murmurer.

La  troisième  mesure n’est qu’annoncée mais elle est encore plus  inquiétante : la volonté de contrôler les   fausses nouvelles  circulant sur internet  , particulièrement dans les réseaux sociaux . Ce projet ne concerne pas que les  périodes électorales : les pouvoirs du CSA d’ interdire l’octroi d’un canal  numérique seraient accrus  .  Mais en période électorale, la porte serait grande  ouverte , pour  demander au juge de dire le vrai  et le faux. L’immixtion de l’autorité judicaire dans le processus électoral est contraire à  toutes les traditions républicaines de notre pays. Macron a  été élu  grâce  à elle ( affaire Fillon) ;  il est visible que, se sentant quelque part vulnérable, il compte sur elle pour se faire réélire. Il  est vrai que la loi de 1881 sur la presse sanctionnait déjà  la diffusion de fausses nouvelles. Mais ni la police,  ni la justice n’avaient jamais fait de  zèle sur ce  sujet et cela concernait   la scène publique,  pas les correspondances numériques dont beaucoup ont une caractère privé. Dans un pays où près de 95 % des médias  soutiennent  le gouvernement  , comment ne pas voir  dans cette intention,  le projet d’une réduction totalitaire du dernier  espace de liberté qui demeure : la toile ?  Macron et Erdogan, même combat ?

 

Un gouvernement illibéral

 

Ainsi se précise peu  à peu l’imposition sur la France d’une chape de plomb  qui n’a rien à  voir avec l’allure décontractée  et branchée , soi-disant « libérale »,   que se donne le président. 

Chape de plomb  que l’on observe déjà dans d’autres domaines : l’étouffement progressif des  collectivités locales par la diminution des dotations, la quasi disparition de l’ opposition au sein d’ une Assemblée aux ordres où la majorité  n’a , faute de compétence et d’ancrage local, pas les moyens de contrôler le pouvoir.   

Si  les Ordonnances travail accroissent quelque peu la liberté  des  patrons ( on s’en aperçoit avec la vague de licenciements qui en a été l’effet immédiat) , elles rendent une partie de la population plus vulnérable et donc plus malléable. Ces textes prétendus  libéraux  contiennent  au demeurant quelques  dispositions également dangereuses pour les libertés : si, comme il est normal, les indemnités de licenciement décidées par les tribunaux sont désormais plafonnées, elle se le sont pas s’il est possible d’alléguer une  discrimination quelconque (femmes, non-blancs, musulmans, homosexuels etc.). Le règne du politiquement correct  judicaire n’est pas près de se terminer  : on  s’en rend d’ailleurs compte   au vu  des décisions les plus récentes.

La politique de Macron a bien peu à voir avec le vrai libéralisme. Les décisions fiscales : l’ exonération de l’ISF des seules  très grandes fortunes, financières, la suppression de la taxe  d’habitation,  vont prendre en sandwich les classes moyennes , déjà écrasées mais seules à  même de compenser les pertes de recettes. Il est déjà  question d‘un super impôt foncier  dont seraient exonérés les investisseurs étrangers ou d’augmenter la taxe foncière, déjà très lourde dans beaucoup de communes . N’est ce pas la liberté qu’on veut écraser en prolétarisant   les couches  intermédiaires  instruites et enracinées, à même donc  d’avoir quelque sens critique ? L’Empire romain finissant n’ avait pas procédé autrement : une population accablée d’impôts glissant peu à peu dans le servage , à l’exception des très fortunés, la ruine  des classes moyennes,  un encadrement quasi-totalitaire des  populations.  

Ne nous sera même pas épargnée la suite du grand remue-ménage des structures    locales, parfaitement inutile et probablement coûteux : il est bien connu que  les animaux de laboratoire dont on bouleverse sans cesse les repères  territoriaux deviennent amorphes ! 

Fort peu libérale est aussi l’absence dans le gouvernement actuel   de la moindre velléité de réduire  les  dépenses  publiques, qui atteignent déjà le record mondial, sauf les dépenses régaliennes (armée, justice), les seules auxquelles il ne faudrait  pas toucher. Comme Hollande, Macron a l’intention de respecter les critères  de la zone euro : moins de 3 % de déficit, sans toucher aux dépenses sociales.  Il ne lui reste qu’à augmenter les impôts : scénario connu.

Ne nous y trompons pas : la plupart de ces mesures ont été imposés de l’extérieur, en particulier de  Bruxelles. En moins grave pour le   moment, le  traitement qui est appliqué à  la France ressemble à celui, totalement inhumain, que l’Union européenne inflige à la Grèce.  

Derrière une diplomatie virevoltante (et non exempte de  bourdes ), il y a la volonté de renforcer  une Europe supranationale qui ne pourra être qu’ allemande : la chape de plomb d’une discipline monétaire et financière, l’intolérance à la dissidence, l’ouverture  à  une immigration sur laquelle on compte à  la fois pour payer les retraites  et affaiblir  les traditions nationales. On peut y ajouter la tendance déjà  vieille de plusieurs décennies d’appliquer tous les règlements  à la lettre sans cette flexibilité qui faisait le charme des pays latins.   Même si  le gouvernement  de  Berlin est pour le moment  en crise, l’esprit  est là.

Dans la plupart des  domaines, les logiques  technocratiques, les mêmes qui depuis longtemps suscitent l’exaspération  des Français : réduction du nombre des  communes, urbanisme de plus en plus contraignant, multiplication des vaccins   obligatoires, installation d’éoliennes, réformes de l’Etat démoralisantes,   ne sont pas remises  en cause  mais seront renforcées. Pour les bureaux qui les promeuvent, l’exaspération que la plupart de ces logiques suscitent chez les Français ne sont pas interprétées  l’expression légitime d’une autre rationalité qu’il convient de prendre en compte  mais comme une résistance irrationnelle qu’enfin la conjoncture  politique permet de briser.    L’Education   nationale sera-t-elle l’exception ?  On demande à voir.

Si le mesures  qu’a prises ou  ou s’apprête à  prendre le présent gouvernent, ne suscitent pas de réaction significative, il est à craindre que notre pays ne s’enfonce peu à peu dans un nouvel un âge de fer où l’esprit de liberté qui l’a longtemps caractérisé ne serait  plus qu’un souvenir.

 

Roland HUREAUX

 

  

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 17:01

PLUS DE QUESTIONS QUE DE REPONSES

 

Stephen Hawking,  Brèves réponses aux grandes questions, Odile Jacob, 2018, 236 pages

28/05/2019

La vie de Stephen Hawking est  une belle histoire. Atteint à vingt ans de la maladie de Charcot qui entraine  une paralysie presque générale , il n’en a pas moins eu  une femme qui l’a soutenu tout au long de son existence et deux  enfants  et  il a poursuivi, des prothèses sophistiquées aidant, une belle carrière scientifique à  Cambridge.

Mort  à 76 ans, alors que la médecine  ne lui en promettait  que 25,    il a écrit peu avant sa mort  un ouvrage de   vulgarisation :  Brèves réponses aux grandes questions.

Sur un certain plan, le lecteur sera désappointé . A la plupart des questions  qu’il pose , il n’apporte  pas de réponse nette ou alors elle est décevante :

Comment l’Univers  a-t-il commencé ? Par le  Big bang mais , nous y reviendrons,  il ne  nous en dit guère plus.

Y a-t-il de la vie  intelligente ailleurs ?  Au premier abord probablement,  vu le  nombre incommensurable de   planètes qui , comme la nôtre , pourraient  la  voir émerger, mais   pas certain  pour autant : « Il se  peut que  la probabilité d’apparition de la vie soit si faible que la terre soit le seul endroit où cela s’est produit ». 

Peut-on prévoir l’avenir ? Clairement  non.

Qu’y a-t-il dans un trou noir  ( sa spécialité) ? On ne sait pas.

Peut-on voyager dans le temps ? Très probablement non.  Toutes ces mises au point ne sont pas inutiles.  

Faut-il coloniser l’espace ? Optimiste invétéré, comme il se qualifie, Hawking dit que oui et il a sans doute raison  mais il ne s’agit que de la Lune et de Mars, plus certains  satellites de Jupiter et de Saturne  (Titan) où il fait  - 200 ° . Aucun espoir de voyager aussi  vite que la lumière et donc de jamais   sortir  du système solaire. Il ne le dit pas,  mais cette colonisation  du système solaire servira plus  à   entretenir notre moral  qu’à déverser un trop plein de population.   

Sur d’autres aspects du futur , Hawking est plus inquiétant.  Clairement  transhumaniste, il pense que les robots  qui n’ont pour le moment que le cerveau d’un ver de  terre, seront vite , vu  leur vitesse de progression, plus intelligents que l’homme  et qu’en outre, l’homme arrivera  nécessairement à créer d’autres  hommes ayant plus de  capacités que lui.  Mais il ne s’en réjouit pas.

Le seul sujet sur  lequel  Hawking est catégorique est que Dieu n’existe  pas . Il    le  pensait déjà avant sa maladie : nul ressentiment dans cette opinion donc.   En tous les cas,  Dieu ne n’est pas selon lui   nécessaire  à la compréhension du monde.  Le  Big bang,  qu’il reconnait,  est une « singularité » où l’espace et le temps apparaissent ensemble ,  mais il y en a d’autres comme les trous noirs où ils disparaissent ensemble.  Se demander  ce qu’il y avait avant le Big bang est  comme se demander ce qui est  au sud du pole  sud : le  temps  a un commencement , il faut le prendre comme  tel .  La première particule est née de rien, mais la théorie quantique montre que des  particules apparaissent à partir de rien[1]. Il en va de même du monde. « Je pense que l’univers s’est créé spontanément à partir de rien, en obéissant aux lois de la nature ». Peut-être rationnel  mais peu convaincant.  

« Il parait extraordinaire que  l’univers soit si finement ajusté » . Notre monde est fondé sur des constantes indépendantes et pourtant  assez cohérentes pour qu’il  fonctionne mais, si elles n’étaient pas cohérentes , dit-il,   nous ne serions pas là pour en parler .C’est ce qu’on appelle le principe  anthropique :  nous n’en sommes pas plus avancés.

Cet athéisme obstiné se fonde , il faut bien le dire, sur une connaissance  limitée de la philosophie et de la théologie.  Pour Hawking , la foudre s’explique par la colère de Jupiter ou par les lois  de la physique , rien d’autre. Il fait  à juste titre l’éloge d’Aristarque qui,    300 ans avant notre ère,  expliqua scientifiquement  les éclipses . Mais saint Augustin , pourtant  père  de la théologie chrétienne , ne cachait pas qu’il préférait  ces explications rationnelles  aux  spéculations fumeuses mêlant science et croyance.

Hawking  ignore  tout  du mystère fondamental du christianisme : celui de la double  détermination naturelle et surnaturelle, de l’Homme-Dieu d’abord, du reste du monde ensuite, « sans confusion,  ni séparation »  telle qu’elle  a été définie au Concile de Chalcédoine ,  où Marcel Gauchet a vu  à juste titre la matrice de la pensée occidentale.   

Il célèbre Newton , initiateur de la physique mathématique  - et qui était croyant - mais ignore que le philosophe français Kojève, tout aussi athée que lui , a montré comment cette émergence de la  science moderne n’avait été possible que dans la matrice du christianisme.   

Plus pertinente l’idée qu’« il  est difficile à un chrétien de réconcilier deux mille ans de christianisme avec un univers de 14 milliards d’années. ». Mais le psalmiste ne dit-il pas que « Mille ans sont à tes yeux comme un jour » (Ps 90, 4) ? Mille et donc un milliard ? Et saint Pierre : « en ces temps qui sont les derniers »  ( IP  1,20).

Passons  plus  vite sur les positions politiques qui apparaissent  ici ou là . Rien qui dépasse la doxa d’un universitaire  de gauche du mainstream  anglo-saxon dans sa banalité :  il ne doute  pas que le Brexit soit mauvais et Trump méchant, que la planète se réchauffe  et que la population mondiale explose (alors que , de fait, sa croissance se ralentit) .   Que ceux qui pensent comme lui [2]  soient à l’origine  des principales guerres  des  trente dernières années lui a échappé.

Dire que « l’histoire est en grand partie celle de la bêtise  humaine » , une formule facile que l’on trouve souvent chez les savants qui philosophent, est  faire bon marché de cinq  millénaires  de civilisation.

Hawking dit  lui-même que  le  savoir est devenu si immense que chacun  doit   se limiter. Dès lors pourquoi  pontifier hors  de son domaine   strict de compétence, qui est déjà immense ?

Il reste , outre un grand savant, un homme sympathique qui, par son enthousiasme pour la recherche et son  héroïque combat  contre la maladie ,  a témoigné  plus que bien d’autres  que, malgré tout , le monde était bon. 

 

Roland HUREAUX

 

 

  

 

[1] Mais dans un champ électromagnétique déjà existant . Hawking semble considérer que notre univers se situe lui-même dans un champ beaucoup  plus vaste,  mais sans la moindre preuve .

[2] Par exemple Tony Blair

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4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 16:37

LE CONCORDISME DES ATHEES

 

Comment l’évolution des idées scientifiques sur le temps a rencontré la   résistance des positivistes. 

Paru dans la Revue Résurrection, mars 2019

Dès que quelqu’un spécule sur les liens qu’il pourrait  y avoir entre la science et  la foi et croit découvrir des convergences  entre elles, les hauts cris fusent de toute parts : « surtout pas de concordisme ! » .

Concordisme : le fait de chercher des concordances entre les données de la science et les vérités de la foi.    Il a été surtout pratiqué,  à partir du XIXe siècle, dans l’exégèse de l’Ecriture , de manière souvent caricaturale :  des archéologues  en herbe ont inlassablement exploré les pentes du mont Ararat pour y trouver des restes de l’arche de Noé ;  d’autres ont tenté d’expliquer  la sortie des Hébreux d’Egypte  à partir du mouvement des marées de  la Mer Rouge. 

Plus près de nous les tenants de l’intelligent design voulant réconcilier , à partir d’ une théologie sommaire, l’idée d’évolution  et celle de Providence ont négligé que si le dessein de Dieu ( design) était vraiment intelligent, il  ne serait pas forcement détectable au microscope.

L’intention de ces spéculations  est généralement  apologétique mais il vaut parfois mieux pas d’ apologétique du tout que de la  mauvaise. Comme nous l’ont enseigné Claude Bernard  ou  Gaston Bachelard, la science est évolutive , toujours sujette à revoir ses hypothèses au vu d’observations nouvelles, et tel argument qui semble aujourd’hui corroborer les données de la  foi  peut s’avérer obsolète demain.

Le professeur Stephen Jay Gould  , historien des  sciences, a  renvoyé dos à  dos le concordisme et ce qu’il appelle  le « discordisme »  en formulant  en 1997 le principe de Noma (Non-over lapping magisterial), à savoir de non empiétement des magistères , un principe  d’ailleurs  admis depuis longtemps  par les   scientifiques et   les théologiens reconnus.

L’Eglise catholique s’ est autant méfiée du concordisme que les savants laïques. Saint Augustin le premier, critiquant les enseignements de Faustus,  un gnostique qui l’avait d’ abord  séduit , dont les spéculations fumeuses  mêlaient théologie et science, dit qu’il préférait à  tout prendre les explications des savants païens pour ce qui touchait  la compréhension de la marche de l’univers visible[1].

Plus près de nous, n’est-ce pas parce qu’il mêlait  trop allègrement paléontologie et  théologie que le père Teilhard de Chardin fut interdit de publication  ? L’abbé Georges Lemaître , prêtre et astrophysicien,  fut  particulièrement scrupuleux  à ne pas laisser interférer les problématiques cosmologiques et  théologiques , allant jusqu’à mettre en garde le pape Pie XII contre cette tentation. Les plus indulgents vis-à-vis de la regrettable condamnation de Galilée  allèguent,   à tort ou à raison,  que l’illustre savant florentin  se serait trop laissé aller à tirer des  conséquences théologiques des  découvertes scientifiques. 

Malgré ces précautions, les chrétiens,  autant les évangélistes américains  tenant du créationnisme que les catholiques,  généralement plus prudents , ne se sont jamais libérés  du soupçon d’être de parti pris en  ces  matières, de vouloir   tordre les données scientifiques pour  les faire coïncider avec leur  foi.

Pourtant cette attitude  concordiste , et c’est là-dessus que nous voudrions insister, n’est pas le propre des croyants . Les  athées  et les agnostiques des deux derniers siècle n’ont pas été exempts de la tentation concordiste, de vouloir plier les données de la science à leur préjugés philosophiques , jusqu’à récuser a priori celles qui semblaient conforter la vision judéo-chrétienne du monde.  Les exemples  que nous en donnerons tournent autour de la conception du temps. 

 

La loi de Carnot

 

Il est bien connu que  l’athéisme moderne au cours des deux ou trois derniers siècles, a  repris à son compte  la vieille conception grecque  de l’éternité  du monde alors que  les croyants , au moins ceux des trois religions dites abrahamiques : juifs, chrétiens et musulmans , ont toujours tenu,  à partir  de la  Genèse, que le monde  avait un commencement.

La croyance  sereine   de beaucoup d’athées en l’éternité du monde   , a  connu un premier ébranlement avec la découverte du deuxième principe de la thermodynamique par le jeune savant français Nicolas Sadi Carnot (1796-1832).

Fils  du conventionnel régicide Lazare  Carnot ,  Sadi Carnot , par ailleurs oncle du président de la République du même nom, n’était pas précisément un pilier de sacristie. Eut-il  seulement conscience   qu’à partir   sa découverte  de l’entropie  universelle , on  pouvait , selon le physicien écossais Maxwell,  démontrer l’existence  de Dieu ?

Dans un ouvrage au titre anodin paru en 1924 , Réflexions  sur la puissance motrice du feu et sur les  moyens propres   à développer cette puissance ,  Carnot démontre que tout système fermé ( comme l’est , peut-on supposer,  l’univers) est soumis à une évolution irréversible   vers de  moins en moins  d’énergie et d’organisation . Au terme, un univers froid , fragmenté  et dispersé  dont aucun retour en arrière   ne serait à attendre. Autrement dit, l’univers que nous connaissons a une fin – et donc , peut-on en tirer, un commencement. 

La thèse de Carnot resta un quart de  siècle inaperçue , plus  en raison  de la solitude de son auteur, mort jeune,  que d’une quelconque hostilité. Elle fut récupérée d’abord par  un  Allemand , Rudolf Clausius (1822-1888) qui la démontra  expérimentalement  en 1849, puis par  un Britannique , William Thomson (1824-1907)   anobli par la reine sous le nom, plus connu,  de lord Kelvin.  La thèse de Carnot se répandant, les difficultés commencèrent. Il fallut attendre le début du XXe siècle pour  qu’elle  soit pleinement reçue  par la communauté scientifique.

Parmi les adversaires les plus acharnés de cette thèse, un étonnant personnage,  l’allemand Ernst Haeckel (1864-1919) , médecin, naturaliste et botaniste , disciple de Darwin,  sinon athée , du moins panthéiste , niant un Dieu transcendant et adepte  acharné , dans la lignée de Spinoza, de l’ idée de l’éternité de l’univers. Militant actif du positivisme, il créa l’Union moniste  universelle  ( moniste : ceux qui croient qu’il n’y a dans l’ univers qu’une seule substance, la matière). Il organisa en 1904 un grand  congrès à Rome, réunissant 2000 savants positivistes  pour provoquer le pape Pie X . Lors du banquet de clôture, il fut proclamé par ses pairs  antipape.

Ce savant, avait publié en 1897, Les Enigmes de la science  où il écrivait :   "Le monde n'a pas plus commencé qu'il ne finira" [...] "La seconde proposition de la théorie mécanique de la chaleur ( la théorie de Carnot) contredit la première et doit être sacrifiée" .

Sacrifiée : voilà un scientifique  de premier rang prêt à sacrifier une théorie parce qu’elle ne cadre pas avec sa philosophie !  

En plusieurs  circonstances , Haeckel  guerroya contre  la  théorie de Carnot. Une partie  du monde scientifique  le suivit.

Un  autre personnage, philosophe et non scientifique  celui-là,  avait aussi perçu le danger de la théorie de Carnot : Nietzsche, qui avait déduit de son athéisme radical l’idée de l ’éternel retour :  ayant l’éternité devant lui, le monde ne peut que revenir à un moment ou à un autre , sans doute très éloigné, à un état antérieur pour recommencer un cycle identique.

Lui aussi eut connaissance de la théorie de Carnot-Clausius-Thomson et  lui aussi tenta de la supprimer : : « Si le mécanisme  ( nous dirions la mécanique ou la physique) ne peut pas échapper à la conséquence d'un état de finalité, tel que Thomson le lui a tracé, le mécanisme est réfuté ! »   Etonnant déni   de la part de ce philosophe athée : si la physique aboutit  à    l’idée d’un état final irréversible, c’est  que  la physique est fausse !  

Nietzche tombe ainsi  dans la faute que lui-même dénonce, le déni d’une vérité trop dure  : « Le degré de vérité que supporte un esprit, la dose de vérité qu’un esprit peut oser, c’est ce qui m’a servi de plus en plus à donner la véritable mesure de la valeur. »[2] A sa décharge,   on dira  seulement qu’il n’était pas, lui,  soumis à la rigueur  de la méthode scientifique.

 

Le Big bang

 

L’affaire recommença avec la découverte que l’Univers était en expansion, prévue de manière théorique  en 1922 par le russe Alexandre Friedmann (1888-1925)  ,  formalisée en 1927   par le belge Georges Lemaitre (1894-1966) ,  vérifiée expérimentalement  en 1929  par l’américain Edwin Hubble (1889-1953).

Malgré Carnot, l’idée que l’univers était éternel demeurait dominante dans les milieux scientifiques au début du XXe siècle . Même s’il a toujours cru en un Dieu  horloger, Einstein  qui venait de découvrir le relativité,  y adhérait plus ou moins.

C’est pourquoi , déjà démontrée vers  1930, l’idée  d’un univers en expansion  ne  fut admise de manière presque unanime par la  communauté scientifique que vers 1970. Quarante années de réticences devant une théorie qui semblait donner à l’univers un commencement absolu. Malgré les efforts du chanoine Lemaître  pour prendre ses distances avec la théologie et  répéter  que l’idée d’une  expansion  de l’univers , donnée scientifique,   ne constituait en aucune manière une confirmation de la   Création,    dogme révélé, les adversaires de la Révélation  ne  s’y trompèrent pas et virent  dans la théorie de l’expansion de l’univers  un argument de poids en faveur d’une vision religieuse du monde, qu’il fallait à   toutes force écarter. Même Einstein , inventeur  de la théorie de la relativité  dont Alexandre Friedmann avait tiré le modèle théorique de l’expansion fut longtemps réticent  ( comme il le fut aussi à l’égard du principe d’incertitude issu de la  théorie des quanta) , ayant même pris dès  1917 la précaution d’introduire une « constante cosmologique », jamais confirmée, destinée à préserver le caractère statique  de l’univers.   

Les adversaires les plus acharnés   de la théorie  de l’expansion  se trouvaient à Cambridge, haut lieu depuis le XIXe siècle du positivisme agnostique. Parmi eux,   l’anglais Fred Hoyle . Le fait   de  base à   l’origine de la théorie de l’expansion de l’univers  ( il vaudrait  mieux mieux parler de constat que de théorie)  , est le décalage  vers le rouge de la lumière des galaxies  qui signifie que  les objets vus dans  le ciel s’éloignent de nous d’autant  plus vite qu’ils  sont    loin . Et que donc , en remontant  le temps de 13,8 milliards d’années, on  peut imaginer qu’ils étaient  alors    rassemblés en un seul point ou  « atome primitif » selon  l’expression de  Lemaitre. Hoyle mit au point  une théorie sophistiquée , aujourd’hui obsolète, pour rendre compte de cette observation  tout en restant dans le cadre d’un univers stationnaire.

Lors d’un congrès scientifique  international tenu  en 1949 , Hoyle,  voyant entrer l’abbé Lemaitre avec sa soutane, dit  «  This is the big bang man »,  une expression  qui  se voulait narquoise mais qui, très vite , désigna la  théorie de l’expansion de l’univers. Cela n’empêcha pas Hoyle et Lemaitre , deux bons vivants,  d’avoir  dans le privé  des relations amicales.

A partir de 1964, de nouvelles  observations vinrent confirmer la théorie  du Big  bang : la découverte par Penzias et Wilson  du bruit de fond de l’univers ( dit aussi rayonnement fossile ) , sorte d’écho électro-magnétique de l’explosion primitive qui nous poursuit à la  vitesse de la lumière. En 1998, deux  équipes, menées respectivement  par Perlemutter et Riess,  ont  démontré   par des expériences  complexes  que cette  expansion était elle-même en voie d’accélération, sous  l’effet d’une « force sombre »  inconnue  à ce jour , ce qui semble exclure que le Big bang ne soit   qu’un moment  d’une pulsation cosmique.

Pourtant la communauté scientifique ne se satisfait pas de cette situation ;  le Big bang reste ce qu’elle appelle une « singularité » , un fait en discontinuité avec sa manière habituelle de penser. Un fait  susceptible en outre  de nourrir les argumentations   théologiques  quelles  que soient les  précautions qu’aient pris , après Lemaître,  les hommes d’Eglise, pour ne pas mélanger les genres.  C’est pourquoi une grand partie des  cosmologistes spéculent  aujourd’hui pour, comme le dit l’un d’entre eux, Gabriele  Veneziano ,  « réduire la singularité du Big bang », c’est  à dire  trouver une théorie qui le banalise à un point qu ’on ne puisse en tirer des conséquences métaphysiques.  

C’est ainsi qu’à la fin du XXe siècle a été propagée   par le même  Veneziano  la « théorie des cordes », trop complexe pour que nous nous hasardions  à l’exposer  : elle se fonde sur un univers à 10  dimensions ( ou 26 selon les approches) , dont  4 seulement,  les trois dimensions de l’espace et le temps,   seraient  déployées . Le  temps apparait ainsi comme une variable parmi d’autres ; qu’il n’aille pas d’un infini à l’autre serait banalisé.

Cette théorie semble  dépassée , mais  les cosmologistes  continuent de tenter de « réduire la  singularité du Big bang ». Etienne Klein a beau jeu de dire que toutes les théories cosmologiques actuelles conduisent  à ce que    « la singularité initiale disparaît  (…) ,  le Big Bang n'est plus l'origine explosive qui aurait créé tout ce qui existe, l'espace, le temps, la matière, l'énergie, mais il devient une sorte de transition de phase qui fait passer d'une situation antérieure à une situation postérieure qui correspondrait à notre univers[3] » : comment s’en étonner  puisque presque  toutes ces théories s’assignent précisément ce but ?  Le problème est qu’aucune n’a reçu la moindre confirmation expérimentale.    

Ce n’est   pas seulement  l’idée d’  un commencement absolu du temps qui trouble les scientifiques.  L’univers tel que nous le connaissons ne trouve  sa cohérence qu’en admettant   une quinzaine d’équations ( la plus connue est e= mc2 )  indépendantes les unes des autres qui le rendent possible  . Pour rendre compte de cette coïncidence autrement qu’en invoquant la Providence,  , Stephen  Hawking, professeur à Cambridge lui aussi,  a émis  l’hypothèse , sans aucune preuve évidemment, que notre univers ne  serait qu’un  parmi des  milliards d’autres éclosant comme des bulles chacun dans son espace propre ( ces espaces n’étant  nullement réductibles  à un seul) , seuls ceux qui sont cohérents subsistant.

Nul doute que ces tentatives ont quelque part le projet de revenir  à un équivalent de l’univers  éternel, sans aucune  singularité susceptible d’ interroger   l’homme à  partir de données purement scientifiques.

De même les investissements  considérables réalisés depuis quelques années  pour découvrir des exoplanètes , avec le secret espoir qu’elles seraient habitées, ne sont pas étrangers  à l’ambition  de réduire la singularité de l’homme lui-même. Espoir d’autant plus entretenu  que son émergence  apparait de plus en plus improbable à mesure que l’on approfondit la complexité du  mystère de  la vie, improbabilité  compensée,   il est vrai , par la découverte que les sites planétaires   que l’on  peut supposer  propices à la vie se démultiplient.

Comme il est normal  que les scientifiques   cherchent,  chaque fois qu’ils le peuvent,  une explication naturelle à    ce qu’ils observent, tous  ces efforts sont légitimes.  En outre , le principe  de la séparation des domaines , de l’interdiction de se situer à la fois dans le champ scientifique et dans  le champ philosophique demeure inchangé , aussi bien dans le camp de l’Eglise que dans celui des scientifiques laïques.   

 

Par-delà la science, l’épistémè

 

Mais tout ne se passe pas dans le rationnel.  Les idées tant philosophiques que scientifiques qui émergent    à une époque donnée  déterminent  une architecture culturelle propre à cette  époque  qui sous-tend, au-delà de toute légitimité scientifique ,  une certaine vision du monde et induit même une sorte de   circulation des  modèles entre les  sciences. Erwin Panofsky[4] avait montré  les consonances entre l’architecture gothique et la pensée scolastique , deux domaines en principe rigoureusement  indépendants.  Michel Foucault[5] a qualifié cet  ensemble de correspondances interdisciplinaires l’ épistémè (ἐπιστήμη) ,   : « Ce sont tous ces phénomènes de rapport entre les sciences ou entre les différents discours dans les divers secteurs scientifiques qui constituent ce que j’appelle l’ épistémè d’une époque »[6] . La plus typée qu’il ait décrite est  celle  de l’âge  classique (XVIIe-XVIIIe siècle) où il montre les correspondances, non  scientifiques mais  réelles,   entre le  cartésianisme,  l’opposition tranchée   du rationnel et de l’irrationnel,  l’enfermement des fous et des pauvres  , mais aussi entre  la taxinomie zoologique et botanique et   la taxinomie linguistique, le  souci général de  classer , d’ étiqueter ,d’  organiser.  Evoquant le XXe siècle , il montre comment  autour du structuralisme , se regroupèrent un certain nombre de savoirs sur l’homme  indépendants les uns des autres ( c’est ce qu’il appelle la « mort de l’homme », le fait qu’il ne soit  plus un  objet de science dans sa  globalité)  mais cultivant tous l’idée de causalité structurale , distincte de  la causalité directe  et  fondée sur  l’appartenance  des objets étudiés  à un même champ  ( par exemple les  modèles linguistiques  ou familiaux) .

Dans cette perspective, il est clair que les théories de  Carnot  et   de Lemaître ne sont pas sans effet dans le champ du savoir contemporain.  Quoi qu’on en pense, elles  rendent l’idée de Création moins étrange. Quand Nietzsche disait « Dieu est mort », c’est à ce champ civilisationnel  qu’il  se référait ayant le sentiment qu’à son  époque, l’idée de Dieu,   devenue inutile , n’avait plus de sens. D’où sa révolte devant le théorie de Carnot-Thomson.  Les  militants athées, nombreux dans la communauté scientifique,  ont pu légitimement s’inquiéter de l’impact tant du second principe de la thermodynamique  que  de l’idée  de Big bang dans la culture dominante.  Comme ces deux théories  sont toujours d’actualité, aucune   n’ayant été  encore validement réfutée, ni près, il est incontestable que l’épistémè  contemporaine  se trouve plus ouverte que  ne l’étaient les  précédentes  à l’idée judéo-chrétienne   d’une Création venant  « au commencement ». 

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

[1] Saint Augustin, Confessions, Livre V, chapitre VI

[2] Nietzsche, Ecce homo, Préface, § 3.

[3] https://information.tv5monde.com/info/l-univers-ne-commence-pas-avec-le-big-bang-entretien-avec-etienne-klein-3847

[4] Erwin Panofsky, Architecture gothique et pensée scholastique  ( préface de Pierre Bourdieu) , 1951

[5] Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard, 1966

[6] Entretien de 1972

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