Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Roland HUREAUX

MrHureaux

Recherche

Articles RÉCents

Liens

12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 21:17

 

Son regard glacial nous le dit : cet homme ( le président Macron)  a quelque part  l’instinct de  mort.

L’instinct de mort, concurrent de l’instinct de vie, dit Freud,  est une des deux tendances fondamentales de la psychologie humaine.   

Jean-Paul II, lui,  avait  lancé l’idée d’une culture de mort , produit de cet instinct et omniprésente dans les sociétés occidentales.

Ce qui nous conduit à dire que Macron en est imprégné est d’abord le projet de faire une loi autorisant l’euthanasie. Il a organisé un soi-disant débat sur la « fin de vie » . Ce doit être , avec la réforme des retraites, le grand œuvre de son second septennat. Il y tient, il vaut marquer de cette œuvre de mort  son nom dans l’histoire

N'imaginons pas qu’il s’agit d’une solution à de problèmes . Les problèmes n’existent pas depuis que la loi Léonetti a permis de limiter  l’acharnement thérapeutique  et surtout depuis que la plupart de hôpitaux disposent de services ou des personnels formés  aux soins palliatifs. S’il y a encore de progrès à faire, faisons les.

 Nous n’approfondirons pas  le débat . Les pays qui ont institutionnalisé  l’euthanasie sinistre montrent combien elle fait pénétrer profondément la culture de mort dans la société.  Ont  été ouverts des services dédiés « le bout du couloir » , où on prend rendez vous, où  on répond à des demandes de « suicide assisté »  comme si y on soignait une pneumonie. La Belgique a prévu que même les enfants pouvaient être « traités » dans ces sinistres services .

Le système donne bien entendu lieu à des abus bien connus de ceux qui suivent ce qui se passe dans certains pays.  Beaucoup de patients  n’étant  pas capables de donner un consentement éclairé , on leur force un peu la main, parfois sous le pression de la famille pressée d’hériter.

Non, il ne faut pas que la France tombe aussi bas !

Ce n’est quu’une des lois de mort que Macron a fait voter . Juste avent les élections   présidentielles, il avait déjà repoussé la date limite de l’avortement de 12 à 14 mois en théorie, jusqu’au terme de la grossesse en pratique puisqu’ aux motifs médicaux de dépasser le délai , ont été ajoutées des considérations   psycho-sociales . Cela veut  dire bien sûr la porte ouverte à la mise à mort de sordide de bébés   bien portants et prêts à naître , comme cela se fait aux Etats-Unis . Personne n’a protesté.

Au début de l’été a été rendue légale  la délivrance de « pilules du lendemain » sans ordonnance  gratuitement ( alors que les soins  dentaires  ne sont remboursés qu’à 25 %) , à un moment où la natalité continue à  baisser, conséquence  de la suppression des allocations  familiales à une partie de la population par le ministre des finances Macron qui décidément n’aime pas les bébés.

La mort ne rôde pas que dans les hôpitaux , elle rôde  aussi sur les champs de bataille.  La  guerre d’Ukraine aurait pu être évitée si les accords de Minsk avaient été appliqués. Macron   était un des responsables de leur application. Il s’est  bien gardé de bouger le petit doigt, laissant la situation de l’Ukraine  pourrir jusqu’à à la crise, en accord avec ses tuteurs américains.  Aujourd’hui il prend en  toute  occasion des  poses jusqu’au boutistes . N’en doutons pas : il est, comme    l’entourage straussien de Biden de ceux  à qui une escalade ne ferait pas peur. «  je ne souhaite pas une guerre mondiale » a t-il précisé récemment . Evidemment mais quel besoin de le  préciser  , sinon que certains pourraient en douter ?

Nous sommes , au gré de beaucoup   , au bord  de la troisième guerre mondiale. La seconde  a éclaté le 1er septembre 1939. Deux mois avant, Hitler décrétait  la  première euthanasie de masse  pour éliminer  les malades mentaux.

C’est dire qu’il n’est pas si artificiel    que l’on pense de traiter de l’euthanasie   et de la guerre, deux  expressions  de l’instinct de mort.

Nous n’irons pas jusqu’à dire , comme le  président de la Conférence épiscopale polonaise que Macron a toutes les apparences de la possession.

Mais si nous ne pouvons rien pour arrêter  une escalade fatale, combattons au moins sans merci le projet de loi sur l’euthanasie qui  participe du même état d’esprit.  

 

Roland HUREAUX

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 21:10

POUTINE EST-IL VRAIMENT UN DICTATEUR ?

 

Poutine est-il vraiment un dictateur ?

En posant cette question, nous ne prétendons pas porter un jugement sur l’ « opération militaire spéciale » qu’il a engagée en Ukraine et qui est manifestement contraire au droit international.

Mais l’hystérie aidant, il est habituel de le considérer comme un dictateur.

Nous pourrions dire d’emblée à partir d’exemples passés, que, dès lors que la machine de propagande américaine se met en marche, tout ennemi des Etats-Unis est un dictateur, alors que leurs amis bénéficient d’une grande indulgence :   même s’il s’agit de régimes manifestement autoritaires comme les royaumes de la péninsule arabique,  on évite de les qualifier de dictatures.

A l’inverse, pendant la guerre du Kosovo, Milosevic, président de la Serbie, tenu par Washington pour un ennemi à abattre était considéré par tous pour un dictateur alors même qu’il venait de perdre les élections municipales, laissant passer les villes principales à l’opposition : vit-on jamais un dictateur perdre des élections locales ? Mort en prison, il a été blanchi après coup par la Cour pénale internationale.

Le cas de la Russie de Poutine sera examiné sous trois angles : les droits de l’homme , la liberté de la presse,  les élections.

 

Les droits de l’homme

 

Les droits de l’homme ont sans doute à faire quelques progrès en Russie,  mais considérons le chemin parcouru depuis le communisme qui vit l’arrestation arbitraire, la déportation ou le massacre de millions d’hommes et de femmes.  Aujourd’hui les détentions auxquelles on peut reconnaitre un caractère politique, se comptent sur les droits d’une main.

On dira qu’il y en a beaucoup d’autres dont on ne parle pas ; peut-être mais il y a à Moscou environ 2000 correspondants de presse occidentaux presque   tous hostiles à Poutine plus autant de journalistes russes en osmose avec eux . S’il y avait tant d’atteintes aux droits de l’homme,  pourquoi ne nous les signalent-ils pas, pourquoi ne partent pas de Moscou de dizaines , voire des centaines de pétitions pour libérer untel ou untel ?  Seule l’équivoque affaire Navalny a fait parler d’elle.

A vrai dire, il y a eu quelques disparitions ou morts mystérieuses au début de la période Poutine, dont celle de la journaliste Anna Politkovskaya en 2004.  Elles ont défrayé la chronique sans qu’on en sache le fin mot. Depuis , tous ceux qui accusent Poutine d’atteintes aux droits de l’homme ressortent ces affaires comme s’il n’y en avait pas d’autres. Aucun assassinat effectif n’a été dénoncé depuis 2006.

Suivent pour la période plus récente une série d’empoisonnements… ratés. Les mêmes qui en accusent Poutine avec véhémence sont prêts à soutenir que le KGB est toujours présent ; il aurait seulement changé de nom : il est devenu le FSB, mais l’esprit reste, dit-on,  le même. Etonnant : cette machine qui a organisé le massacre de millions d’hommes et en détenait encore quelques dizaines de milliers à la chute du communisme, ne serait pas capable d’empoisonner un opposant : elle manque toujours son coup !

Le seul attentat réussi a visé très récemment un philosophe soutien de Poutine , Douguine et a tué sa fille : cette histoire tragique   nous a profondément émus. Il se trouve des esprits pervers pour l’imputer à Poutine,  alors que tout laisse penser qu’elle a été organisée par ses ennemis !

Il faut aussi , sur ce chapitre, regarder ce qui se passe en face. Il est connu qu’Obama, prix Nobel de Paix avalisait chaque semaine une liste de personnes que la CIA devait abattre sans jugement aux quatre coins du monde. François Hollande a avoué avoir aussi ordonné d’abattre certaines personnes sans jugement.

Une vieille affaire,  celle des frégates de Taïwan,  a causé chez nous la mort d’une quinzaine de personnes impliquées, hors de tout contrôle judicaire : secret défense dit-on.  Qu’aurait-on dit si une affaire analogue s’était produite en Russie ?

Il se peut que des assassinats de ce genre aient lieu aussi en Russie, mais au dire de spécialistes, ils toucheraient seulement des islamistes : peut-être,  mais nous n’en avons aucune preuve.

S’agissant des islamistes, Poutine n’a aucune institution comparable à Guantanamo : une prison installée dans un pays voisin où toutes les  normes de droit sont abolies. Sinon, ça se saurait.

 

La liberté d’expression

 

Deuxième sujet : la liberté de la presse et d’expression  ; il est lié au précédent dans la mesure où l’assassinat de journalistes fait peur aux autres et les conduit   à s’autocensurer.

En Occident, l’autocensure de la presse est-elle moins importante ? Il ne semble certes pas que les journalistes y risquent la peine de mort mais tous peuvent craindre , s’ils sortent de la pensée unique, de perdre leur emploi et d’avoir du mal à en retrouver un, de « finir à la rue » comme on dit.

C’est encore plus vrai de l’Université , spécialement aux Etats-Unis, où un seul mot « politiquement incorrect », par exemple une mauvaise plaisanterie sur les homosexuels   ou un propos qui semble favorable à Trump, peut entrainer la perte d’emploi et la marginalisation sociale. En France, le statut de la fonction publique protège, jusqu’à un certain point , les professeurs titulaires mais ne leur évitera pas le harcèlement woke .  Rien de tel en Russie où on peut dire que la liberté d’expression universitaire est aujourd’hui plus grande qu’en Occident.

Personne n’ignore que les médias occidentaux sont entièrement alignés sur une seule opinion sur tous les sujets critiques :  monnaie unique (en Europe), Covid, réchauffement climatique, droits des homosexuels, hostilité à la Russie.  Le Prix Nobel de la paix a été attribué en 2021, au patron de presse russe  Dmitri Mouratov .  Il est   un opposant déterminé à Poutine. Il dirige un groupe de presse, Novaïa Gazeta qui tire à 1 million et demi d’exemplaires. Peut-on nous dire quel organe de presse clairement en rupture avec la pensée dominante sur tous les sujets évoqués et à son représentant en France, Emmanuel Macron,  tire à 1 million et demi d’exemplaires ?  Les rares follicules hors système se contenteraient    du centième. Ceux que l’on qualifie   habituellement d’extrême droite ont pratiquement tous disparu. Où est la liberté de la presse ?

Ce ne sont pas seulement les médias qui sont sous contrôle. Ce sont aussi les citoyens, les associations,  les groupes politiques. Il est notoire que depuis quelques années, les géants des grands réseaux internet : Facebook,  Twitter, You Tube   se sont arrogé le droit de supprimer les comptes de tout citoyen, de tout organisme qui tiendrait de propos incorrects sur des sujets critiques : la pandémie et la stratégie vaccinale, les élections américaines. Il n’est pas permis de dire par exemple que la vaccination peut avoir  des effets secondaires graves ou que les démocrates ont triché à la dernière élection présidentielle. Même Donald Trump en campagne électorale s’est vu privé de tout moyen de communiquer ses idées ( sachant que les médias de masse étaient unis contre lui). Il vient de faire l’objet d’une perquisition  à  son domicile de Floride aux fondements juridiques douteux. Tout comme Mélenchon en France il y a quelques années. Que dirait-on si la même chose arrivait à Moscou ?

 

La régularité des élections

 

Venons-en aux élections. Le fait de les gagner ne fait de personne a priori un dictateur.  La popularité de Poutine dans la population russe n’est pas un mystère , elle est confirmée par les sondages internationaux. Elle s’exprime surtout en province, Moscou et Saint-Pétersbourg demeurant des citadelles de l’opposition pro-occidentale.

Poutine est populaire comme le sont les chefs d’Etat qui travaillent pour leur peuple et rien que pour lui ; c’est ce que doit faire un vrai leader , démocratique ou pas. C’est ce que font de moins en moins les chefs d’Etat occidentaux occupés les uns à construire l’Europe supranationale , les autres à diffuser dans le monde , y compris par la force, le modèle démocratique, tel qu’ils l’imaginent, voire à servir les seuls intérêts de milliardaires . Le service d’un peuple est une partition exigeante ; quand leurs dirigeants suivent une autre partition, étrangère aux intérêts nationaux, il ne faut pas s’étonner que leur popularité, à peine élus, tombe, comme chez nous,  à 20 ou 30 %.

Il y a certes dans les victoires électorales de Poutine, l’influence du tempérament russe, porté à soutenir assez largement un chef qui fait ses preuves , sur le plan national et international . Qui croit qu’il en va différemment en France ?  Selon les départements, la gauche ou la droite, bien incrustées remportent les élections depuis des dizaines d’années : la gauche dans le Sud-Ouest , la droite dans les Yvelines . Dans certaines villes,  les citoyens opposés à la majorité municipale craignent qui d’être éloignés des marchés municipaux, qui de mettre en difficulté un parent travaillant à la mairie : ils se taisent. Sur le plan de l’ « esprit majoritaire », la France a longtemps été une marqueterie de petites Russie. Ce n’est que récemment que les choses ont bougé,  mais pas complètement. Il en va de même aux Etats-Unis. Comme nous, ils sont une fédération de territoires inscrits dans telle ou telle orientation, les élections nationales étant déterminées par les swings states, ceux qui se partagent par   moitié.

J’ai eu l’occasion de rendre visite à Mouratov dont il est question ci-dessus. Il était très remonté contre la fraude qui avait marqué le scrutin de 2008, au bénéfice de Poutine. Je lui demandai si Poutine aurait perdu les élections sans fraude. Il me répondit que non, mais il aurait obtenu , dit-il,  55 % au lieu des 65 % affichés . Et qui dont aurait eu 10 % de plus ? demandai-je ; le parti communiste me répondit-il…

Il était clair que ni dans ces élections ni dans celles qui se sont produites depuis, personne n’a soupçonné Poutine d’avoir renversé le résultat des élections par une fraude massive. On ne saurait en dire autant de son homologue Biden.

Le soutien de la majorité de la population russe au chef de l’Etat n’est nullement le signe que le pouvoir s’y exerce de manière dictatoriale .

La Russie est une démocratie « en transition » mais sûrement pas une dictature ; au moment où la démocratie recule partout en Occident , les Occidentaux manquent d’argument sérieux pour qualifier Poutine de dictateur.

 

Roland HUREAUX  

Juillet 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 21:01

Paru dans Monde et Vie 4 juin 2021

 

Il est commun aujourd’hui de pointer l’éclatement de la société française en de multiples entités, qui formeraient comme un « archipel », où on aurait du mal à reconnaitre la France d’autrefois « catholique et républicaine »[1].

Il est cependant possible, dès lors que l’on prend quelque recul, de discerner deux clivages majeurs, distinct de ceux du passé, qui ne se croisent qu’en partie et auxquels la plupart des autres se ramènent.

 

Un clivage ethnique

 

Le premier de ces clivages est tout simplement ethnique et résulte de l’immigration. Il oppose les indigènes, que certains appellent les « Français de souche »   et les héritiers de plusieurs vagues d’immigration, dont les dernières, peu ou pas assimilées,   n’ont pas encore accédé à la citoyenneté. Il est très difficile de donner des chiffres :  selon l’INED, près d’un Français sur trois aurait un grand-parent issu de l’immigration et ce pourcentage ne cesse de s’élever.  Mais il est risqué de mettre dans le même ensemble, des  petits-enfants d’immigrés espagnols ou italiens sans attaches avec leur pays d’origine et entièrement francisés et de jeunes sub-sahariens arrivés récemment sur le territoire national.

Il se peut que le clivage principal soit aujourd’hui moins celui des origines que celui de la religion. Le fait que la majorité de l’immigration récente soit musulmane, combinée à certains caractères de cette religion comme la forte endogamie ou le rattachement à une Oumma internationale, instaure une distance sociale et culturelle que n’avaient jamais entrainée les vagues précédentes, venues pour l’essentiel de l’Europe catholique.  Ce qui perturbe le plus les indigènes, c’est moins le poids  numérique des allogènes, surtout musulmans, que   sa croissance relative du fait du différentiel de natalité et de la poursuite d’un flux d’immigration que les gouvernements d’Europe de l’Ouest ne se soucient que peu de freiner. A cet égard, l’interdiction des statistiques ethniques ou religieuses nourrit l’inquiétude ou les fantasmes plus qu’elle n’apaise les esprits. Le moment où les indigènes seront minoritaires est certes assez éloigné, mais il suffit qu’une communauté allogène  représente une forte minorité – et cette perspective est très proche ou déjà atteinte si l’on ne compte que les moins de trente ans - , pour que s’instaure un climat de guerre civile qui ne ferait que rendre plus difficile l’assimilation.  Voir le Liban ou la Bosnie. Disons le clairement : pour que la paix civile se maintienne, il faut que l’une des communautés  et de préférence l’historique  soit clairement hégémonique et que les taux de natalité soient comparables. Ajoutons que le repli sur soi, sociologique et bureaucratique, de l’Eglise catholique qui, multipliant les obstacles au baptême, semble réticente à la conversion des musulmans, nourrit aussi l’angoisse d’une mise en minorité des natifs, et, par là, son expression politique.

Que beaucoup de ces natifs ressentent leur différence avec les nouveaux venus, ne saurait cacher l‘hétérogénéité du monde de l’immigration : différence ente les maghrébins et les subsahariens, entre les maghrébins d’origine marocaine et algérienne (qui n’ont pas du tout le même souvenir de la colonisation), entre les subsahariens musulmans et chrétiens. Le fossé est également profond entre les musulmans africains et les autres : Turcs, Albanais, Tchétchènes. Bien que très divers, ces groupes ne se mélangent , en partie,  que dans les bandes délinquantes. Européens depuis cinq siècles et généralement chrétiens, les Roms et apparentés constituent un groupe à part que seule l’ignorance des Français de souche classe parmi les immigrés.

Que les islamistes militants, voire terroristes, ne constituent qu’une faible minorité ne saurait nous rassurer :  en cas de crise, la solidarité communautaire se ferait bien plus large, surtout si elle se conjugue avec la séparation des  territoires. 

 

Un clivage politico-existentiel

 

Mais sur le plan politique le clivage majeur n’est pas là. Il sépare de plus en plus ceux qui se rattachent à la « pensée unique » européenne et internationale et ceux qui s’y opposent. La pensée unique internationale :  l’euro et l’Europe de Bruxelles, une justice marquée par la cuture de l’excuse et  le rejet du répressif, l’antiracisme et la sympathie pour l’immigration, l’écologie, le mariage homosexuel et la théorie du genre, et surtout la haine du supposé fascisme, notion élargie à tout forme de sentiment national ou identitaire (sauf celui des minorités). Ajoutons que la mouvance dominante accepte mieux la discipline sanitaire.

Ceux qui s’y opposent viennent aussi bien de la droite  que de la gauche ; ils sont qualifiés de « populistes » : dans la nouvelle configuration politique déterminée  par les idéologues qui règnent dans les sphères internationales,  tout ce qui touche au peuple est péjoratif.

Il est difficile de voir comment se partagent ces deux groupes :  moins significatifs que les deuxièmes tours des présidentielles en 2001 ou 2017, les référendums sur l’Europe (1992 et 2005), les sondages sur la PMA ou l’immigration  donnent le sentiment d’un partage moitié-moitié, d’autant plus inquiétant que, le durcissement idéologique aidant, le dialogue est de plus en plus difficile entre les deux France – entre la France et l’anti-France diront certains.

Mais le camp mondialiste contrôle la quasi-totalité des médias, la plupart des partis politiques, des sphères supérieures de l’Etat , des milieux d’affaires,  et a l’appui officiel de toutes les Eglises ; n’était ce rapport de forces inégal, ressenti par beaucoup comme oppressif, la France se trouverait au bord de la guerre civile comme le sont, selon les mêmes clivages,  les Etats-Unis.  

Ceux qui se rattachent au mondialisme : presque toute gauche, le centre et une partie de la droite classique; le seul grand parti qui s’en démarque clairement est le Rassemblement national, mais ses idées sur certains sujets comme l’immigration, quoique tenues pour politiquement incorrectes,  recueillent un assentiment majoritaire.

Il faut aussi tenir compte des attitudes schizophréniques : tel qui dit « j’ai toujours voté à gauche et je continuerai » et ne supporte pas l’islam .

Les deux clivages, ethnique et politique, ont une dimension géographique. L’immigration récente tend à se concentrer dans les villes et au sein des villes, dans certains quartiers, généralement de banlieue.   Moins que d’un supposé racisme, cette ghettoïsation résulte de l’importance prise en France par le logement social et du laxisme judicaire qui n’assure pas la sécurité des indigènes dans les quartiers dominés par les allogènes.

Le second  clivage a aussi une base géographique, légèrement différente : l’adhésion au mainstream et à tout ce qui va  avec, est le propre des grandes métropoles, spécialement des quartiers bourgeois, dits  bobos, alors que l’opposition à la  pensée dominante vient plutôt des banlieues où les indigènes cohabitent avec les immigrés, des villes moyennes et petites et du monde rural.  En bref, d’un côté tous ceux qui profitent de  la mondialisation, plus ou moins branchés sur l’international (branchés tout court) et en face, tous ceux qui en pâtissent : paysans, ouvriers, chômeurs et de plus en plus une classe moyenne déclassée, en partie  le peuple des Gilets jaunes . Les fonctionnaires de tradition de gauche, comme les enseignants, protégés par leur statut, mais dont le niveau de vie régresse,  sont de plus en plus partagés.

Les deux clivages que nous venons de marquer bousculent les oppositions traditionnelles.  La droite et la gauche classiques cherchent en vain ce qui les sépare. L’extrême-gauche, sans projet propre, ne sert qu’à leur apporter un appui bruyant face aux défenseurs de l’identité.  Avec le passage à gauche des très grandes fortunes qui tiennent les médias, la lutte des classes  a changé de visage. La France cléricale et la France laïque sont des catégories à revoir : la première, attachée à la nation, est bousculée par l’attitude cosmopolite du pape François et de l’épiscopat, ainsi que de la quasi-totalité de la presse catholique : entre ceux qui suivent le courant officiel et ceux, nombreux,  qui ne le suivent pas (d’où vient la grande majorité de vocations), une sérieuse division s’est instaurée. Le France laïque est profondément remise en cause par l’islam, notamment à l’école :  les uns défendent l’« islamo-gauchisme » , les autres passent au Front national.  L’anticléricalisme, qui est plutôt un anticatholicisme,  est, contrairement à ce que l’on croit, plus virulent que jamais, notamment dans les médias : les uns rejettent, avec l’islam, toutes les religions, les autres refusent violemment  les positions de l’Eglise catholique sur les problèmes sociétaux (homosexualité, avortement) : qu’elle les mette en veilleuse n’y change rien. L’Eglise de France est cependant moins divisée sur ces questions que celles d’Allemagne ou des Etats-Unis. 

Les clivages entre régions se sont aussi très estompés. Deux facteurs d’uniformisation  : les programmes de télévision (sauf pour les Maghrébins utilisant les paraboles) et les intermariages.  La modernité a très peu décloisonné les pays d’Europe entre eux (l’homogénéité économique et le monopole de l’anglais basique tendent  au contraire à les faire se replier) ;  en revanche, l’espace national est plus homogène que jamais, comme le montrent le chauvinisme sportif et les généalogies de plus en plus interrégionales. Les autonomismes régionaux se sont tempérés.

 

Danger d’éclatement

 

La politique conduit à d’étonnantes alliances à travers ces clivages. Le monde de l’immigration, malgré son horreur du mariage homosexuel, vote en partie comme la bourgeoisie libertaire  (dite bobo). La communauté juive, hostile généralement aux partis identitaires  mais pro-israélienne, vote souvent comme les Arabes pro-palestiniens. Jusqu’à quand ? Les anciens fiefs communistes comme le Pays noir, se reconnaissent de plus en plus dans le Rassemblement national. Les défenseurs de l’identité française trouvent plus de sympathie qu’on ne croit dans des groupes, souvent tenus pour « différents » :   originaires de l’outre-mer,  descendants de l’immigration ancienne ou des Harkis, Africains chrétiens, musulmans laïcisés  ou chrétiens d’Orient. Mais ces groupes sont trop peu nombreux pour déterminer de nouveaux clivages.

Le clivage majeur reste entre le camp mondialiste et le camp national.  Il est plus que politique : il est existentiel. Il ne faut pas négliger là les risques d’une fracture majeure, par exemple si la prochaine présidentielle aboutissait, entre des candidats séparés par cette question,  à un second tour serré sur fond de fraudes importantes. Le clivage que nous appellerons ethnique ou religieux , entre natifs et immigrants récents,  est largement subordonné au premier : si le groupe politique dominant   n’encourageait pas   secrètement l’immigration (à l’instar de tous les pouvoirs transnationaux,  de l’ONU à l’Union européenne),  n’exaspérait pas l’autre par un antiracisme exacerbé , généralement pire que toutes les formes de haine raciste,  ce que   Guillaume Bigot[2] appelle la populophobie, si une  justice non-politisée appuyait  mieux la police dans ses efforts de rétablir l’ordre sur tout le  territoire national, si les enseignants et les journalistes incitaient au respect de la  France, si l’on revenait de la laïcité  soixante-huitarde transgressive, type Charlie,  à celle de Jules Ferry   respectueuse  de toutes les croyances  ( mais aussi des  données scientifiques ) , il est probable que la question migratoire cesserait d’avoir  la dimension anxiogène et conflictuelle  qu’elle a  aujourd’hui et que, sauf changement majeur, elle aura de plus en plus.  Pour cela, il ne faut pas que les patriotes se trompent d’adversaire.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

[1] Jérôme Fourquet, L’Archipel français, Seuil 2019.

[2] Guillaume Bigot, La populophobie , Plon 2020.

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 20:57

 

 

L’épidémie du Covid-19 et surtout les mesures qui ont été prises pour la combattre, principalement   le confinement, ont généré ou aggravé quatre fractures de la société française.

La première   s’est creusée entre les personés âgées et les autres. Ce sont déjà, du fait de la nature, les personnes âgées qui sont plus affectées par la maladie. Mais les circulaires du ministère de la santé prévoient qu’au-delà de 70 ans, elles ne seront plus prioritaires dans l’admission aux soins intensifs. La chloroquine interdite, il ne leur reste plus, en cas de contagion, que d’attendre chez elles et, s’il y a aggravation, la perspective d’une sédation profonde (autre nom de l’euthanasie). Le   seul fait de risquer de se voir appliquer ce traitement – ou non-traitement - ne peut   être qu’anxiogène.

L’autre fracture est économique et financière : le clivage entre la France à revenus garantis : fonctionnaires, retraités, salariés de grandes structures comme les banques et le tertiaire où le télétravail était possible, qui a pu continuer et continuera à être payée et la France qui a vu s’effondrer tout à coup ses rentrées d’argent  : commerçants et artisans, PME , entreprises de transport ,  bref l’essentiel du secteur productif.  Il est inexact de dire que l’Etat subventionne le chômage partiel.  Le mot partiel fait illusion :   c’est du chômage tout court qu’il s’agit, partiel pour l’entreprise, et encore pas toujours, et total pour le salarié. Par une approche moins hystérique et un confinement plus souple, l’Allemagne a mieux protégé son secteur productif.  On attentait du gouvernement quelque geste fort de solidarité nationale pour permettre à l’économie de repartir le jour venu à plein régime, par exemple une garantie des revenus des professions affectées  ou un moratoire sur  les dettes fiscales  et sociales et sur les dépôts de bilan  : rien ne vient  ; le risque que la prudence des consommateurs aidant, la crise se prolonge,  est sérieux.

La troisième fracture concerne le confinement : il est très inconfortable pour les uns, ceux qui vivent dans de petits appartements, sociaux ou pas, dans les villes et ceux qui ont pu quitter la région parisienne (20% de sa population, dit-on) pour rejoindre des maisons de campagne plus ou moins spacieuses.

Mais il est une quatrième fracture dont on a peu parlé, et qui est sans doute la plus choquante : entre la caste des super-pistonnés du monde politique, médiatique ou médical qui peuvent se faire prescrire par un médecin compréhensif  le traitement  du Pr Raoult  à base de chloroquine et d’antibiotiques et le commun de mortels qui se heurte à l’interdit imposé par le ministère de la santé.  A ces privilégiés, on peut ajouter l’armée française qui a commandé 70 kg de chloroquine.  Comment une société avancée, qui se targuait de l’excellence de son système de santé, a-t-elle pu accepter que, selon les directives ministérielles, issues de la sphère internationale, le médicament le moins inefficace soit refusé aux populations à qui on n’a rien d’autre à dire en cas de contamination que :  restez chez vous et prenez   du doliprane !

Qu’un tel discours ait été reçu par le grand nombre, alors que chacun en haut lieu s’efforce d’échapper à  ces  prescriptions (ou  non-prescriptions ) , sans susciter une immense  révolte , témoigne du degré d’ asservissement mental qu’on a réussi à inoculer à   notre société. 

 

Roland HUREA

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 20:19

DE MONASTERE EN MONASTERE

 

           Hommage à Jean-Louis BIget

 

Mon premier souvenir de la section d’histoire de Saint-Cloud - et de ses mémorables voyages dans les provinces de France - est une bataille de boules de neige autour du puits de Moïse à Dijon. Dans mon Sud-Ouest natal où la neige est rare, je n’en avais pas connu beaucoup.

Jean-Louis Biget veillait à ce que ces voyages soient d’un très haut niveau mais on s’y amusait bien.  Si on pouvait deviner chez le joyeux Daniel Roche le futur professeur au Collège de France, qui aurait anticipé chez le très festif Gérard Chesnel, enfant de Lisieux mais pas tout à fait enfant de Marie, le si sérieux ambassadeur qu’il est devenu, non sans avoir été témoin en Extrême-Orient d’immenses tragédies ?  Il y a l’histoire qui s’apprend et aussi celle qui se vit.

Nous étions, disons-le, bien logés et bien nourris. Je me souviens en particulier d’un dîner à l’Hôtel Wilson de Cahors où la longue kyrielle  de hors-d’œuvre, excellents mais simples et rustiques, semblait ne devoir jamais se terminer    – je ne m’en plaignais pas -, sinon pour enchaîner sur deux plats de résistance et la suite, le tout arrosé de vin de Cahors.  J’ai retrouvé plus tard la même histoire dans Le déjeuner de Sousceyrac de Pierre Benoît. Sousceyrac, petite bourgade du Ségala, dans le même département du Lot où s’était parachuté   Gaston Monnerville. 500 grands électeurs, presque tous paysans du Causse l’avaient élu sénateur sans regarder  d’où il venait.  Le contraire du racisme, c’est ça : ne pas même penser à la couleur de la peau.

Le jour de cette étape  à Cahors, nous avions eu le renfort de cet autre grand ancien de Cloud, Marcel Durliat, un des meilleurs spécialistes français de l’art médiéval, professeur à la faculté de Toulouse, proprement possédé par son sujet, le genre de possession qui l’aura mené tout droit au paradis. 

On ne faisait pas que manger et rire, on travaillait.  Du fait de la spécialité médiévale de Biget, principal organisateur, le voyage était centré sur l’art gothique et surtout roman. Visiter une église romane froide,  silencieuse et un peu humide  au fond d’une campagne désolée, fut pour moi une expérience pas seulement érudite mais spirituelle. Quelle émotion devant saint Pierre d’Aulnay, que je revins voir plus tard seul  en hiver !  

A un âge où on s’interroge sur les fins dernières sans s’être fixé sur rien, et malgré la laïcité stricte qui était celle de Jean-Louis Biget, j’avouerai que ces tournées au tréfonds du Moyen Age dans ce qu’il avait de plus austère ne manqua pas de m’influencer dans le sens d’un christianisme qui, par son art atteignait la grandeur par la simplicité. C’est l’époque où la collection Zodiaque, reflet de cet état d’esprit,  était très à la mode.  

Nous allions ainsi de monastère et monastère , pèlerinage  entrecoupé de haltes gastronomiques rien moins qu’austères. Cette époque coïncida avec l’entrée assez abrupte dans ma turne de Jean-Luc Guilhard, qui me demanda si j’étais tala, à quoi je répondis demandai qu’il m’explique d’abord ce que ça voulait dire. Guilhard qui a préféré à l’enseignement classique, l’éducation des jeunes en difficulté  en quoi il a sans doute excellé.  Le Cercle tala, qui par son  nombre me donna l’assurance que la religion n’était pas tout à fait dépassée,  devenu une sorte de doublure du PSU, sorte de gauchisme « soft » auquel je n’adhérai pas.

L’aboutissement tout cela devait être l’agrégation où nous étions préparés intensivement par une équipe de caïmans ou conférenciers, maîtres des novices particulièrement dévoués , parmi lesquels  se distinguait encore Jean-Louis Biget, infatigable à nous expliquer les ressorts cachés,  économiques,  sociaux, cultuels et religieux des sociétés médiévales, pas forcément les plus faciles à comprendre.

Parmi les autres professeurs, Serge Berstein que je devais retrouver trente ans plus tard au comité scientifique de la Fondation Charles de Gaulle et Pierre Lévêque avec qui je repris contact dix  ans après - il était alors doyen à Besançon - , pour l’informer, pas peu fier, qu’une équipe du parc naturel de Lorraine qui, par coïncidence, m’avait pris à son bord ce jour-là, venait de découvrir du ciel la structure d’un théâtre gallo-romain. 

La préparation de l’agrégation, c’était à nouveau la vie de monastère, mais laïque cette fois. Un énorme programme à avaler, peu de loisirs en dehors d’une préparation assidue à l’épreuve ultime. Travail peu pénible au demeurant quand on aimait vraiment l’histoire,  ce qui était mon cas. Bien peu se risquaient à aller au spectacle. Je réussis quand même, peut-être pour frimer, à m’échapper voir Le regard du sourd de Robert Wilson, le must de cette année là.   

Une année  (1970-1971) qui  ne fut pas ordinaire.  A côté d’élèves et d’auditeurs libres laborieux, d’abord soucieux de réussir le concours, se trouvait un petit groupe de quatre ou cinq  « gauchistes », dont au moins trois maoïstes, un trotskiste, pleins de mauvaise conscience de se trouver là après avoir tant brocardé la culture bourgeoise et le système des concours, mais forcés d’y être par le règlement.  L’un, qui faisait un peu de cinéma, devint député socialiste.  Un autre s’entrainait à cogner les flics à coups de poing ou de pieds dans des portes qui n’en pouvaient mais.  Il a fini dans les premiers et est devenu poète. C’était, deux ans et demi après mai 68, l’époque où les groupes dits « gauchistes », moins nombreux mais plus violents,  affrontaient la police de Marcellin. Un dernier clamait haut et fort que, par esprit prolétarien, il ne passerait que le CAPES, ce qui sans doute aurait fait une belle jambe à de jeunes ouvriers. 

Ces maoïstes, peu nombreux mais très présents, connurent en cours d’année une crise de conscience quand au Bangladesh se leva une authentique révolte populaire contre la dictature militaire et où les dirigeants chinois prirent, géopolitique oblige, le parti de la dictature. Encore quelques mois et les mêmes  durent assister à la visite de Nixon à Pékin ! Un engagement passionné, suivi de  remises en cause, c’est aussi cela l’histoire.

Dans sa manière d’enseigner l’histoire, Jean-Louis Biget était resté fidèle au marxisme classique, peu distinct pour lui et pour sa génération de l’histoire économique et sociale de l’école des Annales, alors dominante. Envisageant   les assauts dialectiques des maoïstes, il préparait des cours bien blindés.  Mais les contestataires, imprégnés de l’anti-intellectualisme de la Révolution culturelle, n’avaient rien à faire de la dialectique. Bien malgré eux et parce qu’il fallait faire des concessions au système, ils savaient qu’ils étaient là pour bachoter et ils bachotaient. Ils eurent néanmoins  le mérite de mettre dans cette année de préparation, une animation qui ne perturba jamais l’amitié qui nous liait tous, où les vrais adversaires n’étaient pas le révisionnisme de Liu shao-chi,  mais les agrégatifs des autres prépas, y compris celle de la rue d’Ulm, que nous réussîmes assez bien à suclasser à la sortie, en grande partie grâce à Jean-Louis. Merci.

 

Roland Hureaux

Voir les commentaires

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 11:05

Malgré un contexte international tourmenté : Ukraine, Arménie et surtout Proche-Orient, le  président Macron n’a pas renoncé à mettre prochainement à l‘ordre du jour   des assemblées une loi  légalisant , de quelque nom qu’on l’appelle, l’euthanasie ? Un mot dont on a déjà honte, préférant « aide  à mourir » ou « suicide assisté »  ; il reste que, quelque nom qu’on lui donne , ce dont il est question est un acte de mort donné volontairement à une personne,  consentante ou non.

Mais, dira-t-on, ce n’est qu’une loi « sociétale »  sans rapport avec ce qui se passe sur la scène internationale . Pourtant ,  dans les deux cas, on touche  la mort.  Dans la guerre comme dans le suicide   assisté ou pas, est à l’œuvre  ce que Freud appelle  l’instinct de mort.

Le premier grand programme d’euthanasie, dit Aktion T4 a été lancé en juin 1939, deux mois avant que n’éclate cet effroyable massacre que fut la seconde guerre mondiale , le 1er septembre 1939. Sans doute ne faut-il pas abuser de ce genre de rapprochement mais, dans les orages que nous traversons, il est permis d’y  penser.

La mort volontaire, s’appelle le suicide. Le projet de loi Macron  arrive à un moment où les signes d’un suicide collectif de l’Europe se multiplient.

D’abord la démographie. Le covid a causé une chute brutale de la fécondité en France qui nous éloigne du seuil de  renouvellement qui  est, on le sait,  de 2,1 enfant par femme. Il est tombé sous Hollande et Macron ( dont on  sait comment ils ont opéré des coupes  sombres    dans la politique  familiale) à 1,8 ; il serait aujourd’hui au-dessous de 1,6 ( en incluant la natalité plus forte des populations immigrées).  Cela représente une réduction de  la  population de près de  30  %   à chaque génération :  l’espérance de vie de la France est faible. Il n’en va pas différemment dans le reste de l’Europe.

Frappé de l’atmosphère déprimante dans laquelle ils sont accueillis dans la société, et marqués par la propagande intense qui, dès la petite école,  prône la décroissance, les privations, - et sans qu’on le dise explicitement, le chômage de masse, effet direct de la décroissance,   culpabilisés  par l’idée de polluer la terre  en mettant au monde des enfants , près de la moitié de nos jeunes n’en veulent pas.   Tout se passe comme si, sous prétexte de défendre la nature, l’homme était devenu un ennemi.  

L’esprit suicidaire touche aussi l’économie : la gestion de l’énergie, beaucoup plus chère , non par épuisement  des ressources mais du fait de décisions purement politiques (sanctions, marché unique de l’électricité), la défense , largement démantelée par des envois d’armes en Ukraine , sans qu’on en sache encore l’utilité et qui occasionnent d’étranges  trafics: certaines  de ces  armes ont été trouvées à Gaza.   

Il n’est que de regarder ce qui se passe dans le pays qui ont adopté l’euthanasie : Pays-Bas, Belgique, Suisse,  Canada  : beaucoup de nos correspondants témoignent  de  l’atmosphère débilitante qui y règne.   

Cette atmosphère touche  en particulier les hôpitaux où , chez nous, bien peu de soignants aspirent à ce que s’ouvre un « couloir de la  mort ». Les associations qui refusent l’euthanasie  représentent en France 80 % des soignants . Apparemment Macron est prêt à passer   outre. L’épidémie de covid a montré les difficultés de fonctionnement de l’hôpital français, naguère si performant. Au moment où tant de services sont fermés, tant de postes vacants, n’y a-t-il rien de  plus urgent que d’ouvrir des services d’euthanasie ?

Il y aura peu de demandes  dit-on. Voire ! Les pays  précités et  d’autres nous montent combien l’ouverture d’un droit à l’euthanasie   ouvre la porte à des abus : il n’est pas question  que d’adultes, en Belgique la procédure a été ouverte à des adolescents,  voire à des enfants. Il n’est pas question non plus que de souffrances physiques :   sont  aussi , de plus en plus, prises en compte les  souffrances morales. Imaginons un  adolescent  qui connait un chagrin d’amour. Ils se fera reconnaitre en état dépressif par un médecin. Cet état supposé lui donnera  « droit » au suicide assisté !  

 

Un projet purement idéologique

 

Il s’agit d’une réforme typiquement  idéologique. Qu’est-ce qu’une réforme idéologique ? Une réforme qui ne vise à apporter   aucune solution à un problème  mais  qui   a pour but de mettre en œuvre  une  idéologie. En l’occurrence celle selon laquelle l’homme  doit être entièrement maître de son destin , y compris de sa mort. Etendront-ils  cette logique  à l’humanité qui , grâce à l’arme atomique, est elle aussi aujourd’hui maîtresse de son destin ?

Une réforme qui n’est pas nécessaire, car les soins palliatifs ont fait tant de progrès que les cas où  l’euthanasie pourrait être envisagée sont devenus très rares.  Le « droit » à l’euthanasie, les exemples étrangers le montrent, y mettrait fin à ces services où tant de soignants se dévouent pour adoucir les derniers jours des patients.  Le grand public ne le sait  pas toujours car  une partie  confond l’ euthanasie active avec le refus de l’acharnement  thérapeutique , désormais encadré par la loi Léonetti, qui  n’est pas en cause ici.  

Les abus que nous venons de signaler sont une des raisons pour lesquelles les grandes puissances se sont gardé de s’engager dans cette voie : seulement cinq Etats sur cinquante aux Etats-Unis, ni la Russie, ni la  Chine, ni l’Inde, ni aucun des grands pays européens[1].

En ce domaine, comme en d’autres, la France se déclasserait en suivant le projet présidentiel relatif à la fin de vie.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Certains pays comme  l’Allemagne, sont allés jusqu’au suicide assisté mais ont refusé l’euthanasie active. Nous n’avons pas inclus le Canada, très étendu mais peu peuplé,  dans les grandes puissances.

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 10:06

C’est en vain que les conservateurs cherchent dans la laïcité de l’enseignement public les raisons de sa décadence actuelle. Pire que décadence, décomposition, déjà avancée,  qui se mesure à différents critères : baisse générale du niveau, volant croissant d’illettrisme, loi du plus fort dans les cours  de récréation (que, faute de pouvoir l’empêcher, on  appelle harcèlement,), démoralisation et recul  intellectuel du corps enseignant, désordre et indiscipline  au sein même des locaux scolaires . En aval, la baisse du niveau de nos ingénieurs  et donc de la capacité économique  du  pays ou  l’inculture de nos hommes politiques.

Il n’en a pas toujours  été ici. Le XIXe siècle avait vu l’instauration  en France d’une forte école publique : les lycées de Napoléon calqués sur les collèges jésuites ( où le son du clairon remplaçait au réveil la cloche ! ) , l’œuvre réformatrice de François Guizot,  de Victor Duruy et d’autres. Elle était complétée par une école privée solide où la classe dirigeante apprenait les humanités classiques.  

Jules Ferry ne fit que parachever un long mouvement d’alphabétisation qui commence à la fin de XVe siècle avec l’invention de l’imprimerie et qui suit une pente ascendante presque continue jusqu’à toucher  presque toute la  population dès 1870. Etape importante : l'ordonnance du 13 décembre 1698 de Louis XIV obligeant  les parents à envoyer leurs enfants jusqu'à 14 ans à l'école paroissiale, appelée aussi « petite école ». Le coût en était modique, les frères des écoles chrétiennes prenant en charge les plus pauvres.

L’alphabétisation, largement entamée sous l’Ancien Régime toucha les garçons avant les filles, le Nord avant le Sud.

La Révolution  française, en désorganisant le réseau de l’Eglise sur lequel s’appuyait le système scolaire, marqua  un recul qui ne fut  rattrapé que dans le courant du XIXe siècle. La loi Guizot  du 28 juin 1833  sur l'instruction primaire qui organisait  un système scolaire public, gratuit pour les pauvres,  marqua un pas en avant important.

Si la gratuité était à peu près acquise, seule la IIIe République instaura  l’obligation, et naturellement  la laïcité.

L’école de Jules Ferry

La laïcité signifiait la disparition de tout enseignement  ou référence religieuse au sein de  l’école publique. Le souci de Jules Ferry et de ses  proches, généralement  protestants et kantiens, était moins philosophique que politique.   L’enseignement religieux à l’ école impliquait une  tutelle de l’Eglise sur les enseignants . Or  Ils voulaient abolir cette tutelle , persuadés qu’ils étaient  l’Eglise était ennemie de la science  ( qui le leur avait fait croire ? ). Or ils ne voulaient pas que le France soit en retard sur l’Allemagne  qui venait de nous battre en 1870, laquelle,  au temps du Kulturkampf [1],  prenait son envol en matière de sciences physiques et naturelles. Pour préparer la revanche, il fallait des Français ouverts au progrès et donc, selon eux,  une école exempte  de toute tutelle ecclésiastique.

Mais le souci de Jules Ferry  fut tout autant de maintenir au sein de l’école l’enseignement  moral issu du  christianisme, exempt de toute considération métaphysique :  la  morale chrétienne laïcisée dit Jean-Paul Sartre. Le but en était de développer les vertus familiales, le sens du labeur, les  capacités professionnelles et éventuellement militaires du peuple par  une meilleure instruction et le développement  des qualités  pratiques, à  commencer par le sens de la discipline.

La laïcité de Jules Ferry ne devait heurter aucune conviction religieuse : On connait sa célèbre lettre aux instituteurs du 17 novembre 1883 :

« Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment : car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse ; c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité. »

L’école laïque  était  ainsi fondée sur une morale laïque, autre nom de la morale naturelle, où beaucoup voient, au travers  de  la loi de Moïse, le fondement   de la morale chrétienne.  La classe s’ouvrait chaque matin par la célèbre  leçon de morale, autour d’une maxime écrite au tableau.   Il y avait sans doute alors plus de morale à l’école publique qu’il n’y en a aujourd’hui en bien des écoles confessionnelles.  Ces principes furent observés sans défaut jusqu’au début des années soixante.  

Ajoutons que  l’école (instruction publique) voulait d’abord instruire, sans prétendre  regénérer l’humanité ( éducation nationale), hors la morale commune. L’école de Jules Ferry prétendait renforcer  l’action des familles et non le déconstruire.

 

La laïcité post-soixante-huitarde

Les choses ont bien changé  aujourd’hui tant  du point de vue  de l’instruction  générale que de la laïcité.

C’est à tort que certains  voient dans  la dégénérescence actuelle de l’école la continuation de la Révolution  française et de la laïcité de la IIIe République.

Il y a une deuxième laïcité qui prend naissance en mai 68 et qui n’a rien  à voir avec la laïcité de Jules Ferry. La première était fondée sur l’existence d’une morale universelle et sur le respect rigoureux de toutes les croyances religieuses. La seconde repose sur la négation de la morale et le mépris des convictions religieuses.

En mai 68, le quart d’heure de morale fut aboli, sans qu’à ma connaissance, aucune circulaire  l’ait ordonné, sous le seul effet de l’air du temps. Les idées de devoir, y compris familial, de discipline , de vertu furent  du jour au lendemain déclarées obsolètes.

Le respect d’autrui, n’étant plus enseigné comme  tel ou si peu , il  se trouva peu à peu éclaté en respects particuliers : celui des gens d’une couleur différente (l’antiracisme) , des immigrés, des femmes, des homosexuels etc. Pas celui des parents et des maîtres !  Le sens d’un autrui ( ou prochain )  respectable en tant que tel se perdit.

Parallèlement, les enseignements,  notamment  ceux de l’histoire, de  la littérature, de la philosophie cessèrent  de se soucier du respect de la conscience des élèves. Quel parent d’élève catholique n’a pas été témoin de  la souffrance d’ enfants qui devaient entendre à longueur  de cours  des critiques de l’Eglise catholique et du christianisme ?

Non seulement on cessa d’enseigner  la morale classique mais,  sous différentes  formes, en particulier la prétention à éduquer la sexualité, lui  a été délibérément substituée  une morale idéologique souvent contraire aux règles ancestrales. Une étape supplémentaire  a été franchie à la rentrée 2023 avec l’obligation  à tous les niveaux, dès la maternelle, d’une « éducation » à la   sexualité faisant une large part à l’enseignement  de la masturbation ou à la notion , pourtant non scientifique,  de genre avec ce qui  va avec,  comme la possibilité de  changer de sexe , si déstabilisatrice pour les adolescents.

La laïcité, jadis neutre,  s’inscrit désarmais dans la culture woke. Woke veut dire éveillé, en matière de  conscience  de classe, de race, de respect des diversités sexuelles, de refus de toute  forme de patriotisme. La théologie de la libération  parlait de « conscientiser » mais cela ne  s’appliquait qu’à la lutte des classes. Aujourd’hui , la subversion des repères s’applique à tout.  La nouvelle laïcité ne prétend pas respecter l’héritage  des parents mais au contraire arracher les enfants aux conditionnements familiaux et cela par des transgressions délibérées. C’est pourquoi l’enseignement est désormais obligatoire dès l’âge de trois ans. C’est pourquoi des caricatures de Mahomet sont présentées aux enfants musulmans, légitimement indignés[2].

La laïcité classique respectait tous les dogmes mais  imposait une morale tenue pour universelle,  en harmonie avec celle qui était transmise  par les familles du peuple ;  la nouvelle laïcité , ne reconnaissant pas de morale naturelle,  tient les choix moraux des familles pour des données relatives. La nouvelle laïcité ne se contente pas de la neutralité en matière de dogme mais prétend aussi être neutre en matière de morale. Critiquer l’avortement ou l’homosexualité est désormais tenu pour une   atteinte à la laïcité. Et  le meilleur moyen de s’en préserver est d’inculquer aux enfants qu’il ‘agit de choses normales.

De pair avec ces évolutions, va le déclin rapide du niveau du fait de l’indiscipline , non seulement  sociale mais aussi intellectuelle. Ce n’est pas seulement là l’effet d’un simple  relâchement  mais aussi d’idéologies qui la récusent :  se  sont propagés le principe qu’il «il est interdit d’interdire »,   l’idée que l’enfant doit  être « au centre de l’école », ce qui eut dire qu’il en sait  autant que l’enseignant, idée porteuse de  relents du surréalisme qui valorisent  la libre expression, tenue a priori pour géniale.  Ces conceptions sont fatales à l’exigence d’une orthographe correcte .  Elles se sont accompagnées    de théories pédagogiques à caractère idéologique sans fondement scientifique solide : méthode globale de lecture,  grammaire structurale, mathématiques dites  modernes,  c’est-à-dire loin du concret ,  et peut-être bientôt,  écriture inclusive. Les cours pratiques ont été  abolis : la vieille arithmétique des problèmes de robinet, les cours de couture des filles etc.

Les aumôneries , préservées aux marges de l’enseignement secondaire,  auraient pu compenser ces faiblesses  mais,  prises dans la tourmente qui a suivi le concile du Vatican Ii , elles ne pouvaient guère jouer un rôle structurant chez la minorité de jeunes qui les suivaient.  

Il faut ajouter à ces dérives le faux égalitarisme d’inspiration marxiste popularisé par Bourdieu  qui a conduit au tronc commun du secondaire  ( une idée acceptable à ses tout débuts mais qui  s’est  ensuite pervertie) , la suppression des classes de niveau , la quasi-interdiction des redoublements, le relâchement des exigences de tenue  pour soi-disant ne pas handicaper les enfants d’origine modeste . Cette idéologie égalitaire a eu  le résultat de toutes les idéologies, ce que Hayek appelle « la loi des effets contraires au but poursuivi »,  l’accroissement des inégalités, au lieu de l’égalité, un ascenseur social en panne , les plus aisés  se réfugiant dans l’enseignement privé , les autres  stagnant dans une école publique devenue médiocre.  Faute de redoubler,   les moins doués    prennent l’habitude de ne rien comprendre , ce qui les prépare sans doute  à une société moderne qui bannit toute critique des logiques dominantes, y compris celles de l’éducation  nationale !

Tout cela est à mille lieues de la IIIe République. Au lieu d’une morale universelle , l’immoralisme ;  au lieu de l’ « élitisme républicain », un faux égalitarisme de la médiocrité ;  au lieu de la rigueur , le laisser aller ;  au lieu de la discipline,  la loi du plus fort dans les cours de récréation et même en classe ;  au lieu de la tolérance, le piétinement  des convictions religieuses et morales ;  au lieu du respect des maîtres , la désinvolture généralisée .

Loin d’être un effet retardé de la Revolution française, la laïcité post Mai 68  représente    l’intrusion massive des idées anglo-saxonnes de l ‘après-guerre, souvent promues par des   institutions comme la Fondation Ford ou la Fondation Rockefeller. La critique radicale de la discipline a été formulée par l’école de Francfort, née en Allemagne dans les années vingt,  exilée aux Etats-Unis en 1933,   en particulier  par Theodor Adorno    qui , campant la silhouette de la « personnalité autoritaire » ( c’est à dire morale ), y voit l’origine  du nazisme… La fondation  Rockefeller a aidé  les recherches d’Adorno ; elle a soutenu aussi   le rapport  Kinsey (1951) qui conduit à  l’idée que toute forme de contrôle de la sexualité n’est  qu’hypocrisie. Ces idées furent relayées par ce que les Américains appelèrent  la « French theory », Bourdieu, Deleuze, Derrida , Foucault,  tous « déconstructeurs »  et qui prospérèrent  dans les universités américaines à partir de 1970  sur  un  terrain   préparé par l’ école de Francfort . C’est  dans celle-ci qu’il  faut chercher les origines des idées de  Mai 68, dont on est au regret de dire qu’au  départ, elles n’avaient rien  de français.

Ces idées pénétrèrent l’école  allemande dès l’après-guerre :  l’armée américaine, inspirée  par l’école de Francfort revenue de  son exil d’outre Atlantique , prétendait extirper tout ce qui aurait pu ramener le socialisme national ,  à commencer par le principe d’autorité ou la morale sexuelle .  La France suivit trente  ans plus tard.

Est-il nécessaire de dire que ce qu’est devenue l’école publique offusquerait gravement Jules Ferry et les milliers de « hussards  noirs  de la République »  fidèles aux  principes de  la laïcité classique, dont sa morale,  pendant presque un siècle. Jacques Chirac dont les quatre  grands-parents étaient enseignants  disait d’eux qu’ils étaient des « instituteurs laïques de la  IIIe République, c’est-à-dire le contraire des instituteurs gauchistes  de la  Ve ». Nous lui laissons la responsabilité de cette appréciation qui dit quand même ce qu’elle veut dire

Il va de soi que l’égarement moral  et humain de la nouvelle école idéologique est bien plus grand que celui  de l’école laïque des origines , qui promouvait la morale naturelle , qui ne parlait certes pas de Dieu mais  qui,  par son silence et sa discrétion,  avait au moins le mérite d’en préserver le mystère. 

Le caractère totalitaire de la nouvelle école laïque  ne cesse de s’aggraver. Ceux qui voudraient  y échapper comme les parents  qui font l’école à la maison, font l’objet depuis la rentrée dernière, en même temps  qu’on fait  le forcing sur l’éducation sexuelle, de véritables persécutions  policières et financières pour les contraindre  à rentrer dans le rang. Cette nouvelle école idéologique est une prison, un véritable camp de  rééducation à quoi  nul  n’a plus le droit d’échapper.

Comme tous les régimes idéologiques, le seul espoir d’en sortir résulte de leur prévisible  échec ; échec moral, échec  pédagogique, échec humain : c’est ce à quoi ou sommes en train d’assister. Jusqu’où  ?

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Le Kulturkampf fut une politique lancée par Bismarck contre l’Eglise catholique à partir de 1873.

[2] Ces propos ne visent naturellement pas le malheureux Samuel Paty , au sort si tragique, mais les rédacteurs de programmes qui lui ont donné des ordres.

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 09:59

Non sans audace, Laurent Wauquiez s’est    rebellé contre la loi du 20 juillet 2023[1] visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dont l’objectif est « zéro artificialisation des sols » (ZAN).

Artificialisation : toute modification de l’état végétal d’une parcelle, par la construction soit d’une maison, soit d’équipement publics et privés.

Cette rébellion ne maque pas de bonnes raisons.

 

Une loi absurde

 

D’abord parce que la nouvelle loi est absurde ; elle repose sur des présupposés faux, le principal étant que la France verrait ses terres agricoles et son espace naturel   menacés par la prolifération des constructions. Ce risque existe d’autant moins aujourd’hui que le nombre d’installations de jeunes agriculteurs, est en chute libre (un problème autrement plus grave que l’artificialisation) et que des dizaines de milliers d’hectares agricoles retournent à la friche. Il faut vraiment n’être jamais sorti de Paris pour imaginer, comme ceux   qui sont à l’origine de cette loi, que la France risque le trop plein de constructions. Elle est déjà parmi le grand pays celui qui a la plus faible densité de population. Les espaces verts, sans implantation humaine, y sont considérables, notamment dans le Massif central : voir l’autoroute A 89 entre Clermont-Ferrand et Brive-la-Gaillarde : 180 km sans aucune présence humaine.  

Ensuite, au point où en est la population française, les anticipations de croissance sont limitées. La surface « artificialisée » ne pourra s’accroitre qu’à la marge.

Il faut le rappeler à ceux qui craignent le « mitage » (belle expression qui assimile l’homme un insecte nuisible), c’est-à-dire les constructions isolées ? Il ne faut certes pas revenir aux excès passés mais rien ne justifie pas la rigueur actuelle, une rigueur qui ne cesse de se renforcer, au fur et à mesure que diminue le risque.   

 

Des consignes qui viennent de haut

 

Derrière ce souci de préserver l’espace, la volonté des instances internationales comme le Forum de Davos ou le GIEC de limiter la place de l’homme dans la nature en ne permettant pas les constructions hors des seules métropoles et si possible en hauteur. Plus l’agglomération sera petite, plus la nouvelle loi s’appliquera avec rigueur, ce qui laisse entendre que la dispersion de l’habitat, une réalité historique millénaire de notre pays n’appelle que des regrets et, faute de pouvoir être abolie, doit être arrêtée.

Le dossier doit aussi mentionner au passage le rappel de certaine autoroutes inutiles. Toulouse -Castres est aujourd’hui contestée à tort ou à raison mais quelle est la fréquentation de Pau-Langon ?

Si cette loi est appliquée, les conséquences en seront dramatiques

 

Contre le monde rural

 

D’abord pour la ruralité. Thierry Coste va jusqu’à parler du « plan secret de nos élites contre le monde rural ».[2] Les villages seront désormais gelés à leur population actuelle ; pas un pavillon ne pourra être construit à leur périphérie. Cette position se conjugue avec le gel des dotations pour les communes petites et moyennes, toute augmentation étant réservée aux structures intercommunales destinées, sans qu’on l’avoue, à prendre un jour entièrement la place des communes.

Ce blocage apparait particulièrement désespérant pour les jeunes ménages,  « Entre la fin du prêt à taux zéro et la zéro artificialisation nette des sols, on a tué le pavillon individuel » (Robin Rivaton). Ajoutons la forte hausse des taux.  Ce que beaucoup de leur grands-parents et parents ont fait : s’installer    dans une maison à eux pour y fonder une famille est un rêve qui leur est désormais interdit. Toute une génération sera privée d’habitat individuel. C’est là un changement majeur[3] .

Ne nous étonnons, pas que le vote de cette loi coïncide avec une nouvelle chute drastique de la fécondité qui ramène celle de la France très en dessous du seuil de reproduction des générations. Cela en conformité avec les consignes du Forum de Davos pour lequel, la maison individuelle, l’individualisme, la classe moyenne et sans doute l’esprit de liberté que tout cela implique sont à combattre. Une antienne répétée non seulement par les milliardaires qui règnent là-haut mais aussi par des ministres écologistes français, comme Emmanuelle Wargon pour qui le pavillon individuel est un « non-sens écologique ».

Orientation catastrophique enfin pour l’emploi en milieu rural (au sens large, incluant petites et moyennes villes). Il suppose une adéquation    qui se fait automatiquement dans les grandes villes entre les emplois, la main d’œuvre et les logements. Le développement, des emplois en milieu rural, si nécessaire après tant de délocalisations   sera entravé par l’impossibilité de loger les jeunes salariés. Autre moyen de concentrer le développement économique, s’il y en reste, dans les grandes villes.

Même si la lutte contre l’ «artificialisation» des sols est une mauvaise cause, le ministre de l’Environnement est fondé à dire que si Laurent Wauquiez veut se présenter à l’élection présidentielle, il doit respecter la loi.  

 

Une crise du système représentatif

 

Par derrière cette contradiction, comment ne pas voir une crise de la démocratie représentative.

D’autres lois que la base conteste ont été votées par le Parlement. D’abord la loi sur l’eau qui prévoit de créer dans chaque département un établissement unique chargé de gérer l’eau de toutes les communes, alors même que la situation actuelle : une gestion décentralisée entre les communes ou les établissements intercommunaux ne présente aucun inconvénient et que personne sur le terrain ne demande qu’elle change.  Ses conséquences sont prévisibles : une gestion plus loin   du terrain, le recrutement de centaines voire de milliers de fonctionnaires nouveaux pour faire marcher la nouvelle machine, un prix de l’eau au consommateur beaucoup   plus élevé (alors qu’on se préoccupe, dit-on, de maintenir le niveau de vie).   La loi n’est pas encore appliquée mais elle est refusée par la quasi-totalité des maires.

Sur le même registre, presque tout l’édifice intercommunal, création technocratique s’il en est, suscite pourtant des murmures.  Les grandes communautés de communes sont devenues des machines bureaucratiques couteuses qui ne donnait satisfaction à personne. Peu de maires de base qui ne dise que les choses marchaient aussi bien et à moindre coût au temps où il n’y avait que des syndicats de communes (SIVOM ou SIVU) .

La réforme de 1992 (loi Joxe) qui a mis fin à l’ancien système ne visait à résoudre aucun problème car il n’y en avait pas : elle avait un but idéologue : mettre en place une structure dans laquelle, malgré elles, les communes se fondraient progressivement par le transfert progressif de compétences.

 

Conformisme et passivité

 

La plupart des lois qui ont été votées et dont les maires ne veulent pas, n’auraient pas dû l’être, particulièrement par le Sénat, supposé représenter les collectivités locales.  

Que l’assemblée soit de gauche ou de droite, toute une technocratie nationale et européenne, s’évertue à faire adopter par les parlementaires des lois élaborées selon leurs propres schémas de pensée, lesquels suivent souvent, des principes d’origine internationale (pas seulement la commission européenne, qui la plupart du temps exécute de directives venues d’ailleurs : Davos, GIEC, OMC, OMS etc.).

Que ces manœuvres réussissent si bien, est l’effet des consignes des partis dont les dirigeants sont en symbiose avec la haute technocratie ; elle est aussi l’effet de la passivité coupable de la plupart des parlementaires.

Les dernières sénatoriales   ont montré comment le processus électif a favorisé presque partout le conformisme et la docilité vis-à-vis de l’appareil bureaucratique.  Ceux qui sont passés sont souvent le moins à même de répondre aux revendications unanimes de maires.   Ceux qui auraient pu   opposer quelque résistance à ces appareils ont rarement passé la barre.

Ce conformisme généralisé fait toute la valeur de la révolte de Laurent Wauquiez. Il a raison de demander au pouvoir de réviser la loi du 20 juillet 2023. Mais c’est toute la procédure législative qu’il faut revoir pour rendre sa signification à la démocratie représentative.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Cette loi fait suite à d’autres allant dans le même sens.

[2] Plon 2023

[3] Même si une partie des anciennes générations vivait en collectif.

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 09:55

 

L’inflation a deux significations.

La première, la plus connue : la hausse des prix des biens, des services et, éventuellement, des salaires. Hausse nominale, c’est à dire exprimée dans la monnaie courante qui est  en même temps une baisse du pouvoir d’achat si les revenus ne suivent pas.

La deuxième est aussi importante : l’enflement, toujours nominal, de la masse monétaire d’un pays, d’un groupe de pays ou du monde. Il est difficile d’en définir le périmètre : on distingue M1, M2, M3, selon le degré de disponibilité des actifs. Certains actifs telles les créances à court terme sont généralement considérés comme une part de la masse monétaire : bien que je l’aie prêtée, j’en ai la disposition presque immédiate. Si je l’ai placée à la banque, je la tiens à disposition aussi mais la banque peut l’utiliser en même temps en la prêtant à quelqu ‘un d’autre.

L’économie classique a toujours considéré que la dilatation de la masse monétaire entrainait la hausse des prix. Depuis environ vingt ans, les deux variables semblaient déconnectées. L’économie mondiale euphorique, notamment la Bourse, semblait vivre de création monétaire sans que les prix montent plus que les 2-3 % de routine.  Depuis quelques mois la loi économique nous a rattrapés et, au plan mondial, les prix montent de plus en plus, l’inflation  revient au premier   plan.

 

Money is credit

 

Comment se crée la monnaie ?  Là encor, selon la théorie la plus classique,  elle est la contrepartie des crédits à court terme que se consentent entre eux les agents économiques y compris les banques, les Etats, les entreprises et naturellement les particuliers. Le total consolidé de ces prêts   constitue la masse monétaire.

Qui mettre en cause dans l’inflation ? Le laxisme des banques, dit-on souvent, spécialement de la Banque fédérale américaine et de la Banque centrale européenne ? Oui et non : ce n’est pas là le début de la chaine causale. Personne n’emprunte s’il n’y est pas plus ou moins contraint (sauf pour investir mais les prêts à moyen et long terme n’entrent pas dans la masse monétaire).

Pour qu’il y ait demande de crédit, quelle qu’elle soit, il faut qu’il y ait quelque part un déséquilibre : des finances publiques, des États (défit de la balance de paiements), des entreprises, des particuliers. Le refus du crédit entraine une faillite.

 

Les facteurs de l’inflation

 

Quelles sont les principales causes de ces déséquilibres ?   A l’international, nous en voyons deux :

D’abord le déficit du budget et de la balance commerciale américains qui sont énormes  et qui ne cessent de grossir :   700 milliards de dollars, comme par hasard le montant du budget militaire américain, soit 50 % des budgets militaires du monde.

Les autres pays, jusqu’à une date récente, étaient obligés de rééquilibrer leurs balances pour rembourser les emprunts contractés en temps de déficit. Sur le court terme, un pays normal était soit déficitaire, soit excédentaire, mais sur le long terme il devrait équilibrer ses comptes.  Les Etats-Unis, eux, étaient dispensés de rembourser, le monnaie qu’ils mettaient en circulation dans le monde s’accumulait ou circulait dans les différents pays sans leur revenir. Et ça continue.

L’autre déséquilibre est créé par l’euro. Paradoxe pour un mécanisme prévu au départ pour assurer le stabilité des prix en Europe, il contribue aujourd’hui à l’ inflation, ce que Hayek appelait « la loi des effets contraires aux buts poursuivis ». Comment ?

Dans une Europe idéale, les Etats européens étant homogènes, les comptes des pays entre eux s’équilibreraient, sous réserve des variations passagères. L’Europe réelle n’est pas homogène.   L’évolution naturelle des prix et des coûts n’a donc pas tardé  à diverger  après la création de l’euro . Cette évolution différentielle des coûts entraine automatiquement des déséquilibres, dont on voit assez vite qu’ils sont sans remède en zone euro. Les pays structurellement excédentaires le sont de plus en plus, les pays structurellement déficitaires aussi.

Avant l’euro le rééquilibrage était assuré par des changements de parités monétaires, réévaluation, ou dévaluation.  Le pays qui dévalue   achète moins car il s’est appauvri mais vend plus parce que ses prix ont baissé, jusqu’au retour à l’équilibre. La dévaluation est difficile  mais nécessaire pour que les déséquilibres se résorbent périodiquement. Elle est aussi difficile pour celui qui réévalue : il s‘enrichit mais perd en compétitivité.

L’Europe a fonctionné avec ces mécanismes, point si douloureux qu’on a dit, jusque début de l’euro en 2000. Depuis,  la réévaluation et la dévaluation sont interdites. Les déficits et excédents qui se creusent à l’intérieur de la zone euro (laquelle jusqu’à une date récente était équilibrée à l’extérieur), se traduisent par des dettes et des créances qui ne cessent de grossir. Ces dettes et ces créances composent la masse monétaire.  D’autant que la Banque centrale européenne, pour éviter qu’aucune entité (Etat ou pays, voire grandes entreprises ou banques) ne fasse faillite, achète les créances en les transformant en euros qu’elle produit elle-même. C’est de la création monétaire ni plus ni moins. Sans cela l’euro se serait depuis longtemps effondré.

D’autres pays ont  leur part de responsabilité dans ces déséquilibres : la Chine longtemps excédentaire aurait dû réévaluer le yuan  pour rééquilibrer ses comptes. A quoi elle répondra sans doute que personne ne le lui avait demandé - et ce fut  en effet une grave erreur de ne pas poser cette condition quand ce pays fut admis l’OMC en 1999.  

On peut aussi mettre en cause beaucoup d’autres facteurs : le déséquilibre   des budgets par le covid, la hausse des matières premières,  mais le fait de base, c’est l’inflation de la masse monétaire au fil des ans.

 

Jusqu’où ?

 

Faut-il s’attendre à ce que la vague d’inflation s’apaise ?  Pour les Etats-Unis, c’est notre affaire, pas la leur  : the dollar is our money and your problem. Le récent sommet des Brics à Johannesburg a montré qu’ils n’étaient pas pressés de mettre les Etats-Unis à terre, ce qu’ils pourraient faire en refusant les dollars, mais ils ont, surtout la Chine, tant de réserves en dollar que ces réserves perdraient d’un coup une partie de leur valeur et ils seraient appauvris d’autant. Nul ne tient mieux un créancier qu’un gros débiteur. Pour la même raison sans doute ils n’envisagent pas de rétablir l’étalon or, or  qu’ils ont en abondance.

Mais les Chinois ne sont pas les seuls à pouvoir déséquilibrer le système monétaire américain. Les dettes internes sont encore plus colossales que les dettes externes. Les spéculateurs peuvent le faire imploser s’ils entendent dire qu’il va imploser et qu’il leur faut prendre les devants. Les marchés financiers conservent leur incertitude.

Côté européen, le sujet est plus délicat. L’accumulation des dettes des Etats, comme la France, celle des déficits extérieurs, ne pourra  pas durer indéfiniment. La déstabilisation de ce système impliquerait la fin de l ’euro que personne aujourd’hui n’envisage. Là aussi l’incertitude grande.

On a toujours distingué deux sortes d’inflation : rampante entre 3 % et 25 % par an, galopante jusqu’à 1000 % par jour et plus. Seule l’Allemagne a connu celle-ci en 1923 et en 1947. La France n’a pas connu d’inflation galopante depuis 1776, seulement rampante. Le plus probable est que les Etats européens empêcheront l’inflation galopante mais ne pourront enrayer une inflation rampante élevée.

La masse monétaire existante  est de plusieurs   centaines de milliers de milliards, peut-être   mille (la définition des contours de la dette ne permet pas d’être plus précis) pour un PIB mondial  d’environ 70 000 milliards de dollars. Une masse de 200 000 milliards serait déjà suffisante selon les ratios habituels.

 

La vitesse de circulation de la monnaie

 

La masse monétaire doit cependant  être corrigée par un autre paramètre, celui de la vitesse de circulation de la monnaie. Imaginons que ces immenses masses d’argent soient entre les mains de vieux riches et malades, sortant peu et n’ayant d’autres frais que quelques courses et les émoluments de leur gouvernante : tout se passe alors comme si cette masse n’existait pas. C’est en partie ce qui arrive  aujourd’hui. La vitesse de circulation de la monnaie reste basse mais elle peut se réactiver, à l‘occasion d’un héritage par exemple. A titre individuel sans doute mais à titre collectif ? On ne sait. Une panique monétaire peut entrainer une fuite devant la monnaie et l’inflation galopante. Dans ce cas, les avoirs bancaires seraient bloqués.

Il est déjà difficile aux Etats, l’Etat français en particulier, de réduire leur déficit, il est quasi impossible qu’ils reconstituent un excédent à même de rembourser leurs dettes. Les dettes continueront longtemps à être remboursées par d’autres dettes. Jusqu’à quand ?

Il est donc  douteux que la vague d’inflation que nous connaissons s’apaise. Aboutira-telle à un cataclysme ? Qui peut le dire ?

 

Roland HUREAUX

 

7/12/2023

 

 

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2023 1 11 /12 /décembre /2023 09:52

 

Prétendre tirer la politique de l’Ecriture Sainte présente bien des dangers comme on le voit aujourd’hui au Proche-Orient.  D’autant qu’il n’est pas sûr que ceux qui ont ce genre d’ambition connaissent vraiment la dite Ecriture.

Faire quelques mises au point sur ce sujet ne signifie donc pas que l’on adhère  à cette perspective théologico-politique.

C’est aujourd’hui dans le milieu de la droite israélienne  qu’on se réfère le plus à la Bible pour justifier la politique.

Aboutir au Grand Israël est la principale ambition , ouverte ou cachée, de ceux   qui, au sein du gouvernement Netanyahou,  sont aujourd’hui à la  manœuvre.  Comment comprendre sans cela la volonté d’installer en Cisjordanie   toujours plus de colonies qui n’ont aucun intérêt économique ?  Ou même  de  vider  la  bande de Gaza de ses habitants actuels.   Cette logique  avait déjà inspiré l’assassinat du    grand Itzhak Rabin (1995), fatal au processus de paix qu’avaient amorcé les  accords d’Oslo (1995) et qui  a conduit aux problèmes actuels. 

Le programme du grand Israël (Eretz Israël), se fonde principalement sur la promesse  faite à Moïse et Josué au début du Livre de Josué  : « Tout lieu que foulera la plante de vos pieds, je vous le donne comme je l’ai déclaré à Moïse. Depuis le désert et le Liban jusqu’au grand fleuve, l’Euphrate et jusqu’à la grande mer, vers le soleil couchant, tel sera votre territoire. Personne, tout le temps de ta vie ne pourra te résister » (Josué 1, 3- 5).

Tant les partisans que les adversaires de cette ambition s’arrêtent généralement à cette citation.

Ils  semblent ignorer cet autre passage, au début du  Livre des Juges : « La colère de Dieu s’enflamma alors contre Israël et il dit « Puisque ce peuple a transgressé l’alliance que j’avais prescrite à ses pères et qu’il n’a pas écouté ma voix, désormais je ne chasserai plus devant lui aucune des nations que Josué a laissé subsister quand il est mort, afin de mettre par elles Israël à l’épreuve, pour voir s’il suivra ou non les chemins de Yahvé comme les ont suivis ses pères.  C’est pourquoi Yahvé a laissé subsister ces nations, il ne s’est point hâté de les chasser et ne les a pas livrées aux mains de Josué » (Juges, 2 20-23).

En d’autres termes, selon la Bible elle-même, le peuple juif devra toujours cohabiter avec d’autres peuples.

C’est ce qui s’est passé à l’arrivée des   Hébreux dans la terre promise. Après la prise de Jéricho, ils tentèrent  de s’emparer de  Jérusalem. Il n’en prirent  qu’une partie . Les conquérants s’installèrent dans la basse ville mais ceux qui les avaient  précédés , les Jébuséens, une tribu cananéenne,     continuèrent de contrôler le mont Sion, soit la haute ville jusqu’ à sa prise par le roi David en 1004 avant Jésus Christ . La ville de Jérusalem fut donc partagée pendant plusieurs   centaines d’années à la  fin du IIe millénaire avant notre ère.

Il s’en faut de beaucoup que David arrive pour autant à  contrôler tout ce qui est l’actuelle Terre sainte. Des peuples divers continuèrent à entourer le nouveau royaume hébreu :  les Philistins  de race étrangère et une série de peuples sémites cousins des Hébreux : les Moabites, les Edomites, les Ammonites etc.

Selon la Bible, le roi Salomon domina, seul de l’histoire d’Israël , ces différents peuples , sans aller toutefois  jusqu’à l’Euphrate. Mais il ne les anéantit pas  et se contenta,  à ce qu’on croit,  d’un lien de vassalité  qui ne lui survécut pas.

Ni le royaume de Juda , ni  le  royaume  d’Israël qui se partagèrent ensuite l’héritage de Salomon ne contrôlèrent, si peu que ce soit,  l’espace assigné  au Grand Israël. Cela  jusqu’à leur chute  en   721 avant JC pour le  royaume d’Israël,   en 586 avant JC pour  le royaume de Juda .  A partir  de la prise de Jérusalem  par le roi de Babylone  jusqu’à 1948 , il n’y eut plus d’Etat  juifs , hors la parenthèse des Hasmonéens  ou Machabées dont le petit royaume ne subsista de 164 à 40 avant JC  que dans  l’ombre de puissants voisins dont, à la fin, Rome. Hérode, qui n'était pas de race juive,  y mit fin.

La prophétie du livre des Juges selon laquelle le peuple juif n’occuperait jamais seul la Terre sainte,  a fortiori le grand Israël, n’a, de fait, jamais été démentie.

La cohabitation des Juifs et des non Juifs sur la terre d’Israël s’inscrit donc tout à fait dans la continuité biblique.

Netanyahou invoque aussi la fin du livre d’Isaïe qui exalte le triomphe final d’Israël autour duquel se rassembleront un jour toutes les nations de la terre :  « Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas périront et ces nations seront exterminées  » (Isaïe , 61  12) (…) « Alors que tu étais abandonnée, haïe et délaissée (dit Yahvé), je ferai de toi un motif d’éternelle fierté , un motif de joie d’âge en âge » (Isaïe 61,15) .

Mais attention, cette vision se rapporte  à la fin des temps et  elle a un corollaire : « Ton peuple ne sera composé que de justes qui possèderont pour toujours le pays » (Isaïe 61, 21) . Que de justes ! Et n’oublions pas que ce texte suit de peu, dans le livre d’Isaïe,  le récit du Serviteur souffrant humilié, méprisé, rendu méconnaissable par les tortures , généralement tenu pour la figure du Messie à venir.  

Il n’est jusqu’à la célèbre maxime « Œil pour œil, dent pour dent » (Exode, 21, 23-24, Lévitique 24, 17-22, Deutéronome 19, 21) que l’on n’invoque pour justifier les violences du Proche-Orient

Or,  si elle n’est pas évangélique, cette maxime biblique, que  d’autres peuples anciens connaissaient aussi, prise à la lettre, représentait déjà un progrès de la civilisation. 

Ne pas infliger à l’ennemi un préjudice plus grand que celui qu’il vous a causé   est un signal de modération : nous nous battons mais nous restons fondamentalement égaux !  Le dialogue est dès lors possible.

Or il faut bien le dire : il y a peu de cas dans les conflits récents du Proche-Orient où ce principe, quoique connu de tous, ait été suivi. L’usage est plutôt « deux yeux pour un œil », « trente-deux dents pour une dent » ou pire. A Gaza, le nombre de victimes des bombardements de Gaza n’est pas loin d’atteindre  dix fois celui de l’attaque initiale du Hamas. Là aussi, c’est en vain qu’on invoque la Bible si on n’en tire pas toutes les conséquences.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0