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Roland HUREAUX

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5 février 2021 5 05 /02 /février /2021 18:46

La lutte entre les  personnalités inspirées, innovantes et vraiment compétentes et les bureaucrates de tout poil a sûrement  commencé  dès le temps du scribe assis du  musée du Louvre ( Egypte, IIIe millénaire avant JC) .

Entre  le  ministère de la santé,  bureaucratie  crispée sur ses postions et tous ceux qui veulent promouvoir, faute  d’autres,  l’usage de  chloroquine contre le COVID 19, parmi lesquels, entre autres, le professeur Raoult de Marseille, il n’est  pas difficile reconnaitre une très vieille querelle.

 

Bureaucrates contre créatifs

 

Des bureaucrates stérilisants, la France en   a eu plus que son lot au cours de son histoire récente. Le général Bazaine rayait  du tableau d’avancement tout officier qui se mêlait d’écrire : ainsi fut barré le plus grand théoricien  militaire français, Charles Ardant du Picq et fut perdue lamentablement la guerre de 1870.

En  1897, une Académie de médecine  arrogante  refusa  de reconnaitre la découverte d’Ernest Duchesne du  caractère répulsif de certains moisissures à l’égard des bacilles , principe de la pénicilline laquelle  devait nous  revenir du Royaume-Uni trente ans après. Quand  on sait  que les millions de décès de la grippe espagnole de 1918 furent surtout dus aux  des complications microbiennes, quelles effroyables conséquences !

En 1930,  en France et en Allemagne,  des hommes politiques  accrochés à l’étalon-or   refusaient de dévaluer alors que les Etats-Unis et le  Royaume-Uni le faisaient massivement. Entre 1930 et 1940, notre état-major s’  arc-boutait  derrière  la ligne Maginot, mettant impitoyablement  au rancart  tous ceux qui contestaient cette stratégie uniquement défensive et qui prétendaient que les chars devaient être utilisés en masse et à l’offensive.  Pensée unique, caporalisme : prime à la médiocrité et immense désordre dans la logistique,  comme aujourd’hui au ministère de la santé.

On pourrait continuer :  dans les années 1980 , il était tenu pour évident dans les hautes sphères  de l’Etat  qu’un pays avancé  devait se débarrasser progressivement  de son industrie.  Ceux qui ne le pensaient pas étaient tenus pour   des passéistes inadaptés à la « mondialisation heureuse ». Nous voyons le résultat.

Au même moment, était promue la concentration de la population dans les métropoles et le dépérissement du monde rural , impliquant  la disparition programmée   des petite communes.  L’autonomie des universités est de plus en plus celle des gestionnaires , non des enseignants.

Les autres pays n’échappent pas à l’ ostracisme , mais la France cumule une bureaucratie particulièrement  obtuse et, heureusement,  beaucoup  de créatifs.

Le conflit actuel entre le ministère et les tenants de la chloroquine    est  la continuation de cet antique affrontement. D’un côté une technocratie hostile aux voix divergentes  , de l’autre  un homme seul, aux  positions de bon sens.

 

Psychologie

 

La psychologie des bureaucrates nous et familière. Ils ont généralement le cul serré,  vous regardent de travers ,  mais deviennent   solennels et tranchants devant les caméras .  Calés  sur quelques idées fixes ,  fermés au débat , ils deviennent méchants quand  ces idées  sont remises en cause .  Dans le cas d’espèce, ils disent que la chloroquine a des effet secondaires pas encore testés ; non,  on les connait, mais ils sont rares. Et quel médicament n’en a pas ?  Ils disent aussi qu’on ne peut  pas la mettre entre les mains des généralistes. L’ancien ministre Philippe Douste-Blazy a raison de dire que ce médicament très simple est utilisé massivement depuis soixante ans et que  ses effets sont enseignés   dans toute les facultés de médecine. Et même s’il n’était pas testé, qu’a-t-on d’autre ?  Face à un incendie,  qui va dire que l’extincteur ne peut être   utilisé parce qu’il  n’a pas encore été  testé ?  

Qui n’imagine les réunions du comité d’experts   chargé de  conseiller le gouvernement  dans la lutte contre le coronavirus,  au temps où le professeur Raoult y participait ?  D’un côté    une majorité  échangeant de petits coups d’œil complices  et gênés , de l’autre le verbe sans fioritures d’ un homme libre .

Refusant la  contradiction – et pour cause car il sait quelque part qu’il a tort -  le bureaucrate  n’argumente  pas au fond mais cherche à disqualifier :   le franc-tireur  est présenté comme un orgueilleux - on dit aujourd’hui un mégalo - , quelqu’un qui n’a pas le sens du collectif  ( ah le travail en équipe ! vieux cache-sexe du conformisme), qui ne songe qu’à se faire de la publicité   etc. Cela dans un  débat qui  devrait  rester technique.

 

Quelles motivations ?

 

On peut se demander ce que  sont les motivations  de ces  gens ?  

Souvent l’idéologie. Mais en l’espèce, on ne la voit guère. Sinon  que comprenant  que , de fait, Raoult s’en prend à la politique du gouvernement  Macron, tous ceux qui partagent l’ idéologie du président sur les grands sujets politiques, prennent en grippe ( c’est le cas de le dire) Raoult et la chloroquine. Ainsi Cohn-Bendit qui,  sans aucune qualification sur le sujet, lui demande de se taire. Depuis longtemps, le ci-devant révolutionnaire  a choisi son camp : toujours celui de l’institution contre les  esprits libre.  La  chloroquine finira-t-elle  par  être tenue pour fasciste ?  

Il y a ensuite le conformisme de gens qui ont fait toute leur carrière   du côté du manche. Être du côté de l’institution  donne un  sentiment  de puissance  aux plus insignifiants. Face à quelqu’un qui ne défend que le bon sens et le  bien commun, ils sont perdus, eux qui ne pensent que carrière . Ils imaginent que le  franc-tireur veut prendre leur place.  Même désarroi chez les gens de cabinet et autres communicants qui ont depuis longtemps perdu l’habitude de raisonner sur le fond, seulement de calculer les  effets d’ annonce.

Il y a aussi la  vanité un peu narcissique du pseudo expert  qui se pose comme tel en allant contre le sens commun , supposé vulgaire.

Il y a enfin la répugnance  de toutes  les bureaucraties à reconnaitre leurs erreurs, sauf quand elles deviennent si  patentes  qu’il n’est plus possible de les nier. Et encore font-elles alors le plus souvent de  fausses concessions : on dit qu’on utilisera la chloroquine,  mais on ne le fait pas.

Face aux logiques bureaucratiques devenues folles, c’est au pouvoir politique de rectifier le tir,   mais pour l‘actuel président, énarque de base de l’espèce la plus conformiste, les propositions de la sphère technocratique semblent  infaillibles.

Y a-t-il autre chose ? Quand on ne comprend pas, dit-on, c’est qu’il   y a un loup. Comment,  devant tant d’irrationalité,  empêcher le public d’imaginer que les intérêts de laboratoires pharmaceutiques désireux de développer  des médicaments plus chers que la chloroquine, sont, comme on disait, « déterminants en dernière instance » ?

 

Légitime révolte

 

Le conflit est loin d’être terminé . Sa renommée internationale protège le professeur marseillais qui, sans elle,  aurait  été déjà  impitoyablement broyé par la machine. Il reste que si vous ressentez les premiers symptômes du virus couronné, dans la majorité des hôpitaux français, vous ne serez à ce jour ni  testé immédiatement  ni même traité sauf à avoir moins de 70 ans et être à la dernière extrémité.

La révolte contre les  apparatchiks est toujours légitime ; elle l’est plus que jamais face à la pandémie que nous connaissons.   

 

Roland HUREAUX

 

 

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5 février 2021 5 05 /02 /février /2021 18:44

LE SECRET DE L’AFFAIRE POLANSKI

 

Tou(te)s  les excité(e)s qui protestent contre  les nominations de Roman Polanski à la cérémonie des César pour son admirable  film J’accuse, ignorent  sans doute les    tenants  et des aboutissants géopolitiques  de  l’affaire.

Au  point de départ : Roman Polanski est accusé du   viol  d’une adolescente de 14 ans dans une réception hollywoodienne de 1977, soit il y a plus de quarante ans. Affaire classée depuis longtemps  par la justice américaine non sans que le  réalisateur ait versé  une indemnité conséquente  à la mère de l’adolescente.   Les points obscurs sont  nombreux :   que faisait cette  jeune fille dans ce genre de réception dont on sait comment elle tourne le plus souvent ? S’agit-il vraiment d’un  viol ou d’une simple relation sexuelle ? Ne s’agit-il pas d’une manipulation de la mère de la  jeune fille pour extorquer le maximum à Polanski, ce à quoi elle est parvenue  ?  Circonstance  atténuante  pour  Polanski : le choc qu’avait   représenté pour lui l’assassinat de sa jeune femme enceinte , Mia Farrow, par le démoniaque Manson  quelques  années plus tôt ( 1969 ) .

Toujours est-il que, bien que l’affaire soit classée depuis longtemps, elle est réveillée en 2009 par un juge américain qui demande l’extradition de Polanski,  résidant en Suisse . 

Pourquoi ce  cold case est-il soudain sorti du tiroir ?  Alors même que la jeune fille, devenue sexagénaire , déclare ne plus en vouloir du tout au cinéaste et lui écrit même de temps en temps.

Comme par hasard , la justice américaine ( dont l’affaire Alstom a montré aux naïfs qui l’ignoraient   la politisation  ) réveille l’affaire au moment précis  où Polanski termine   son  tout  aussi admirable film  : The ghost writer  ( intraduisible, disons  le « nègre »)  . Ce film , sorti en 2010, raconte comment un jeune diplômé est embauché par  un ancien premier ministre britannique  pour   rédiger ses mémoires.  Le ghost writer enquête et découvre  peu à peu comment toute  la  carrière du premier ministre a été programmée dès le commencement par les services secrets  d’une grande puissance d’outre-Atlantique pour s’assurer du contrôle du Royaume-Uni. Toute ressemblance avec  Tony Blair  ( ou  d’autres  de ce côté-ci de la  Manche) est bien sûr purement fortuite…

Un film essentiel : c’est tout le système de domination de l’Europe occidentale    par l’Amérique depuis un demi-siècle   qui est mis au jour.

Si ce film avait été l’œuvre d’un  obscur cinéaste   pour salles d’art et essai, il serait  passé inaperçu.  Mais là,  c’est le grand Polanski , membre à part entière du Système,  qui vend  la  mèche.

Les représailles ne se sont pas fait attendre et si les Européens se sont gardés d’extrader Polanski (encore heureux) , sa vie continue d’en être  sérieusement  empoisonnée, avec la participation d’extrémistes de tout bord  toujours prêt(e)s à jouer les soutiers des puissants. 

Comme on  le voit le fond de l’affaire Polanski  n’a rien à voir avec la question féministe, mais  tout à voir avec la  résistance à l’ordre mondial.

 

Roland HUREAUX

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:35

ET SI ON AJOUTAIT UN PALMIER A LA CRECHE !

 

Paru dans Causeur

 

La  fin de l’année est marquée par une polémique  récurrente sur l’opportunité de placer des crèches de Noël non seulement dans les lieux publics mais même dans les lieux privés visibles de la rue  comme une vitrine ou une fenêtre. Sans qu’aucune réglementation ait été établie, il est fréquent que ceux qui auraient voulu en faire une, en particulier les commerçants,  reculent devant les critiques.

L’objection qui est faite à ces malheureuses crèches est qu’il faut ménager la susceptibilité   des  musulmans et, pour cela, respecter la laïcité .   Objection qui ne tient pas : la naissance de Jésus figure dans le Coran. Jésus (Issa) est un prophète important dans l’Islam et sa mère Myriam (variante de Marie) une figure particulièrement vénérée.  Tout comme l’ange Gabriel ( Jibril) qui dicte le Coran à Mahomet. N’oublions  pas  non plus que Jésus, Marie et Joseph sont des juifs  poursuivis par un tyran.

Le Coran  ne parle ni de grotte ni d’étable mais dit que Jésus naquit au pied d’un palmier.  Ce n’est nullement  incompatible avec le récit évangélique : qui dit étable dit  point d’eau. Bethléem est  la lisière  du désert. S’il y a un point d’eau, il devait y avoir un palmier. Ajoutons que si l’Evangile de Luc situe la naissance de Jésus dans  une étable, il n’est pas question de grotte jusqu’au  milieu du IIe siècle. Grotte, maternité sacrée :  on imagine la symbolique que les psychanalystes verront dans ces développements, mais ils sont  tardifs.

Une proposition œcuménique serait qu’aux crèches publiques on ajoute un palmier. On ajoute bien un bœuf et un âne qui ne figurent pas non plus  dans les Evangiles,  seulement dans  la Bible  juive, dans  le prophète Isaïe.

Il est donc possible de faire, sans trahir  le texte biblique, une  crèche œcuménique en ajoutant un palmier. 

Cela vaudrait assurément mieux que d'ajouter un sapin. Le sapin est un symbole de pérennité, issu des mythologies nordiques, dont on sait l’usage qui a été fait  : arbre aux feuilles pérennes, il figure la continuité  de la vie au moment du solstice d’hiver. Mais comme les nouveaux laïcistes ne le savent pas ( que savent-ils d’ailleurs puisque leur philosophie  est  d’éradiquer le passé ? ) , ils s’en prennent  aussi à lui.

Les crèches ne gênent nullement  les musulmans de France  même les plus exaltés. Les ménager n’est pour les partisans d’une laïcité radicale qu’un prétexte pour effacer  du domaine public un symbole ancestral, d’affaiblir   encore  un héritage  chrétien bimillénaire. De manière étonnante , les  crèches qui étaient acceptées par les républicains laïques au  temps du petit père Combes ne le sont plus par les néo-laïcistes du XXIe siècle .

 

Le néo-laïcisme soixante-huitard  contre la laïcité  républicaine

 

Loin d’apaiser les relations avec l’islam  , le nouvel antichristianisme les envenime.  Loin de représenter la vieille tradition laïque française, il en est la négation.  Rappelons-nous  l’ordre donné   par Jules Ferry dans sa fameuse   Lettre aux instituteurs[1] de respecter scrupuleusement  la   conscience des élèves et de leurs  parents. Le   nouveau laïcisme,  fondé sur les idées de Mai 68,  se situe aux antipodes de la laïcité  républicaine.  Il conçoit la laïcité comme  la   transgression systématique de la morale commune et des sensibilités religieuses.  Ses promoteurs identifient,  à tort,  ces dérives avec l’héritage national. Malheureusement, beaucoup de  musulmans les croient et  , du coup, e, viennent à détester la France.  La laïcité a été inventée en Europe au sortir des guerres de religions pour empêcher que les croyances ne divisent la  nation. Le nouveau  laïcisme , lui, loin d’apaiser les tensions intercommunautaires, les envenime. 

Est- il nécessaire de dire que  les musulmans   préfèreront   toujours un chrétien respectueux  d’un symbole religieux qu’ils partagent en partie, à ce néo-laïcisme radical   qui n’admet la présence du religieux à l’école ou sur la place publique que sur le mode transgressif.

Il ne s’agit pas que d’un débat d’idées. Les pouvoirs publics, au motif  d’intégrer  l’islam,   font des lois pour renforcer la laïcité ; ces lois aboutissent généralement   à refouler un peu plus l’héritage  chrétien ;  ainsi l’interdiction  des signes religieux ostensibles , peu respectée par les  musulmans,  conduit à une inhibition croissante des chrétiens à porter des signes religieux même discrets.  La future loi  contre le  séparatisme ( terme trompeur puisque ce n’est pas du tout de séparatisme qu’il  s’agit) a pour seul effet connu  à ce jour,  d’interdire l’enseignement à domicile pratiqué par les familles les plus attachées à l’héritage chrétien.  Ainsi, comme pour les crèches,  la  question de l’islam est utilisée pour refouler encore davantage l’héritage chrétien.  

Les promoteurs de cette idéologie  ne se soucient  pas qu’en atteignant l’ objectif de détruire les racines chrétiennes , non seulement ils rendent la France plus répulsive aux tenants d’autres religions , mais aussi qu’en passant l’héritage national au karcher,  ils préparent    le terrain pour des herbes  plus vivaces.    

Loin d’être une agression chrétienne, la crèche est  un symbole de concorde  entre les religions. Les fanatiques qui, au nom d’une laïcité dévoyée,  en rupture avec la tradition laïque elle -même,  veulent les évacuer de l’espace  public   sont au contraire des diviseurs.

 

Roland HUREAUX*

 

* auteur de Gnose et gnostiques des origines à nos jours , Desclée de Brouwer, 2015

 

 

 

 

[1] Lettre aux instituteurs du 27 novembre 1883 :  https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/jules-ferry-1832-1893-lettre-aux-instituteurs

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:23

JUIN 1940 : LES VRAIES CAUSES DE LA DEFAITE

 

Beaucoup d’idées fausses ont circulé au sujet de la défaite française  de mai-juin 1940. Le remarquable  livre de Dominique Lormier paru il y a quelques années «  Comme des lions, mai-juin 1940 : le sacrifice héroïque de l’armée française. »[1], toujours actuel et qui devrait être répandu dans  toutes les écoles, est là  pour  nous rappeler ce que ces semaines eurent  d’héroïque.

En un mois, l’armée française perdit 58 829 hommes au combat  qui  ne furent pas, loin s’en faut, contrairement à une légende  répandue outre-Atlantique  tués en fuyant. L’armée allemande compta  63 682 tués . Les pertes quotidiennes allemandes  furent supérieures à celles de la campagne de Russie de 1941. Sur les 3000 chars allemands, 1100 furent  détruits, principalement par les Français ; sur les 4000 avions allemands, 1400  furent mis hors de combat par les Français et les Anglais.

En ajoutant 21 000 civils, les pertes françaises approchèrent  les sommets d’août et septembre 1914 ; à l‘Ouest,  aucune   armée  n’a perdu autant d’hommes en si peu de temps pour  résister à la force nazie.  En plus de la contre-offensive bien connue de Montcornet  menée par le colonel de Gaulle,  de nombreux  faits d’armes  sont à signaler : le village de Stonne (Ardennes), changea de mains dix-sept fois en trois jours ; à  Landrecies (Nord) , deux chars lourds français mirent hors de combat plus de cent véhicules blindés allemands.   Non,  les Allemands n’eurent pas la partie facile : c’est eux qui écrivirent que les Français  s’étaient battus  « comme des lions ».

Il est aussi faux d’imputer la défaite  à un armement  insuffisant :  nous avions deux fois plus de canons  ( mais pas assez d’antiaériens) , presque autant de blindés : 2268  (2858 avec les Anglais et les Belges ) dont   600 Somua S-35  qui surclassaient tous les chars allemands , au nombre de  2574. Principale défaillance : l’aviation : 4000 avions allemands pour 1100 français (1800 avec les alliés), ce qui rend d’autant plus inexcusable que certains de ces   avions soient restés dans les hangars  faute de doctrine d’emploi.  Le général de Gaulle exagéra donc quand il dit le 18 juin que nous avions été « submergés par la force mécanique de l’ennemi »,  mais il savait qu’un chef n’ humilie pas son peuple blessé, ce dont Vichy ne devait pas se priver .

Il faut le dire : la défaite  est entièrement  imputable   au commandement.    Notre état-major plus âgé de dix ans en moyenne que l’Allemand, se trouvait  plus éloigné des lignes de  100 km. 

Après la retraite des grands chefs de la première guerre mondiale, ne restait que  Pétain,   statue du commandeur  qui surveilla tout au long des années trente    les  nominations .  La médiocrité a régné . L’armée française fut alors  victime d’un mal encore plus répandu dans l’Etat aujourd’hui , et pas seulement au ministère de la santé : le règne d’une  pensée unique  calée sur la défensive incarnée par la ligne Maginot  et rien d’autre. Pensée inadaptée mais  surtout , comme toutes les  pensées étroites,  intolérante à toute dissidence, faisant la chasse aux  esprits libres  , rarement  les plus mauvais,  tenus à l’écart des postes de commandement.  Ce conformisme allait de pair avec un  grand désordre dans  ce qui relevait seulement des armées  et non  de l’échelon politique : transmissions, logistique , coordination.

Il serait, on le voit , tout à fait injuste  de  mettre la défaite  sur le compte des Français dans leur  ensemble  comme le fit   le gouvernement  de Vichy . Les chefs militaires responsables de la défaite, qui, au Japon, se seraient sans doute fait hara kiri,  sont à peu près les mêmes qui prirent le pouvoir le 17 juin 1940 , le responsable de la charnière des Ardennes se retrouvant par exemple  ministre de la défense . Ils étaient mal placés pour   mettre en cause , comme ils le firent, le vices et la décadence des Français et les appeler à une  pénitence réparatrice. Ils ne furent pas le seuls : si   Marc Bloch  insiste dans son Etrange défaite[2]  sur la responsabilité du commandement  il  impute aussi la défaite à l’ échelon politique et à la société française, toutes classes confondues . La responsabilité de la société est devenue la doxa  d’aujourd’hui. Elle  est injuste. Le corps social français des années trente conservait, bien plus que la nôtre,  des bases solides  qui s’exprimèrent dans la vaillance de nos soldats. Elle empêche de regarder en face  des dysfonctionnements de l’Etat qui sont plus que jamais d’actualité.

« Des lions commandés par des ânes[3] » , comme dit Charles Gave ; c’est ce  que  nous avons vu  en juin1940.  Ca ne devait pas être la dernière fois.  

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Dominique Lormier , Comme des lions , Calmann-Lévy, 2005

[2] Marc Bloch, L’étrange défaite , Folio, 1990 ( écrit en 1940)

[3] Charles Gave , Des lions menés  par des ânes, Robert Laffont, 2003.

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:22

Le nouvel évêque de Nanterre , Mgr Matthieu Rougé , a justement protesté contre le délai imposé   à la reprise des cultes au titre  du  déconfinement , plus long que  celui des  autres activités. Pour le gouvernement, il est  plus urgent   de réouvrir les écoles et les commerces que les églises. L’évêque y voit un traitement peu respectueux  pour les religions, une attitude « indigne de notre démocratie »., n’hésitant pas à évoquer un « anticléricalisme » gouvernemental.

Il ne s’ agit pas d’un fait isolé   : personne ne  tient  certes Christophe Castaner  pour un enfant de Marie, mais  l’irruption   de la police dans  l’église Saint André de l’Europe où se tenait une célébration légale à huis clos  confirme le mépris  des équipes Macron  pour l’Eglise catholique.  

Mgr Rougé  croit voir dans ces procédés cavaliers  une «  inflexion »  de la politique gouvernementale  . Quelle inflexion ? Macron et son équipe sont dans la stricte continuité de ce qu’ils sont depuis le début.  

A peine arrivé à Bercy , Macron ministre des finances avait liquidé le principe des allocations familiales  universelles . Dans sa campagne électorale il promettait d’instaurer  le « droit »  des femmes seules ou en couple à  la fécondation artificielle, promesse tenue depuis,  et laissait mêmes espérer un assouplissement  de l’euthanasie.  L’affaire Vincent  Lambert où  il était, n’en doutons pas , à la manœuvre,  a  montré la direction.

Sa politique étrangère fut dès le début hostile aux  intérêts des chrétiens d’Orient.   

Les évêques  l’ont néanmoins reçu en grande pompe aux Bernardins, le 9 avril 2019. Cérémonie sans précédent dans l’histoire de France . Pour qui a bien écouté son  discours, il leur crachait à la figure qu’il ne tiendrait aucun compte  de leur opinion ( qui sont celles de l’Eglise mais aussi l’expression de  la morale  naturelle ) en matière de bioéthique. Il n’admettait même pas qu’ils la disent, seulement qu’ils « questionnent ». Cela ne l‘a pas empêché  de recevoir une standing ovation . Cet enthousiasme  fut trouvé incongru  par beaucoup mais il était aussi   bien imprudent au cas , fort possible, où la carrière de Macron se terminerait par une  forme ou une autre de damnatio memoriae.

Sous prétexte de  faire face à l’épidémie du  virus couronné, le présent gouvernement   a lâché en catimini un assouplissement de l’euthanasie  ( dite « sédation profonde ») pour les plus de 70 ans et   un allongement du délai  où l’avortement chimique . Le ministre de la santé qu’il vient de nommer , Olivier Véran ,  déplore  publiquement la baisse du nombre d’avortements ;  ainsi, par derrière la lutte  contre la pandémie, la culture de mort est à l’œuvre. Ceux qui la  promeuvent avec tant  d’acharnement ne sont-ils pas les mêmes   qui ont si lamentablement  géré la crise sanitaire , en liaison avec l’OMS et les équipes de Bill Gates,  ami de Macron  qui veut réduire de 90 % le nombre des  hommes ?

Il est clair que dans l’attitude du présent gouvernement, il n’y a aucune inflexion mais une parfaite continuité.

Quand  42 % des catholiques pratiquants  votent En marche  aux européennes ( pour une moyenne nationale de 24 %), avouons que c’est bien cher payé .  Pourquoi se gêner  avec un troupeau de brebis qui voteront quand-même pour vous?  Nous voulons croire que les évêques ne soient pas responsables de  cet aveuglement.     On aimerait en être  sûr. Cette crise aura eu au   moins le mérite de permettre à certains  d’entre eux  d’ouvrir les yeux sur la véritable nature du régime Macron. «Il n'est rien de caché qui ne doive être révélé » (Lc 2,12).

 

Roland HUREAUX

 

 

  

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:20

LES QUATRE FRACTURES PROVOQUEES PAR LE CONFINEMENT

 

L’épidémie du Covid-19  et surtout les mesures qui ont été  prises pour la combattre, principalement   le confinement,   ont généré ou aggravé  quatre  fractures de la société française.

La première   s’est creusée entre les personés âgées et les autres. Ce sont déjà , du fait de  la nature,  les personnes âgées qui sont  plus affectées par la maladie. Mais les circulaires du ministère de la santé  prévoient qu’au-delà de 70 ans, elles ne seront plus prioritaires dans l’admission aux  soins intensifs. La chloroquine interdite, il ne leur reste plus en cas de contagion que d’attendre chez elles et , s’il y a aggravation, la perspective d’une sédation profonde  ( autre nom de l’euthanasie). Le   seul  fait de risquer  de  se voir appliquer  ce traitement – ou  non-traitement  -  ne peut   être qu’  anxiogène.

L’autre  fracture est économique et  financière : le clivage entre la France à revenus garantis : fonctionnaires, retraités, salariés de grandes structures comme les banques et le  tertiaire où le télétravail était possible ,  qui a pu continuer  et continuera à être payée  et la France  qui a vu s’effondrer tout à coup ses rentrées d’argent  : commerçants et artisans, PME , entreprises de transport ,  bref l’essentiel du secteur productif.  Il est inexact de dire que l’Etat subventionne le chômage partiel.  Le mot partiel fait illusion :   c’est du chômage tout  court qu’il s’agit , partiel pour  l’entreprise,  et encore pas  toujours,  et total pour le salarié. Par une approche moins hystérique  et un confinement plus souple, l’Allemagne a mieux protégé son secteur reproductif.  On attentait du gouvernement  quelque geste fort de  solidarité nationale pour permettre à l’économie de repartir le jour  venu à plein régime , par exemple une garantie des  revenus  des  professions affectées  ou un moratoire sur  les dettes fiscales  et sociales et sur les dépôts de bilan  : rien ne vient  ; le risque que la prudence des consommateurs aidant, la crise se prolonge,  est sérieux.

La troisième fracture concerne le confinement : il est très inconfortable  pour les uns, ceux qui vivent dans de  petits  appartements, sociaux ou pas, dans les villes et ceux qui ont  pu quitter la région  parisienne ( 20% de sa population, dit-on) pour rejoindre des maisons de campagne plus ou moins spacieuses.

Mais il est  une quatrième fracture dont on a peu parlé, et qui est sans doute  la plus choquante  : entre la  caste des  super-pistonnés du monde politique, médiatique ou médical qui peuvent se faire prescrire par un  médecin compréhensif  le traitement  du Pr Raoult , à base de chloroquine et d’antibiotiques et le commun de mortels qui se heurte à l’interdit imposé par le ministère de la santé.  A ces privilégiés , on peut ajouter l’armée française qui a commandé 70 kg de chloroquine.  Comment une société avancée, qui se targuait de l’excellence de son  système de santé ,  a-t-elle pu accepter que, selon les directives ministérielles, le médicament le moins inefficace soit refusé  aux populations à qui on n’a rien d’autre à dire  en cas de contamination que :  restez chez vous et prenez   du doliprane !

Qu’un tel  discours  ait été reçu  par le grand  nombre, alors que chacun  en haut lieu  s’efforce d’échapper ces  prescriptions (ou  non-prescriptions ) , sans susciter une immense  révolte , témoigne du degré d’ asservissement mental qu’on a réussi à inoculer à   notre société. 

 

Roland HUREAUX  

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:19

JUIN 1940 : LES VRAIES CAUSES DE LA DEFAITE

 

Beaucoup d’idées fausses ont circulé au sujet de la défaite française  de mai-juin 1940. Le remarquable  livre de Dominique Lormier paru il y a quelques années «  Comme des lions, mai-juin 1940 : le sacrifice héroïque de l’armée française. »[1], toujours actuel et qui devrait être répandu dans  toutes les écoles, est là  pour  nous rappeler ce que ces semaines eurent  d’héroïque.

En un mois, l’armée française perdit 58 829 hommes au combat  qui  ne furent pas, loin s’en faut, contrairement à une légende  répandue outre-Atlantique  tués en fuyant. L’armée allemande compta  63 682 tués . Les pertes quotidiennes allemandes  furent supérieures à celles de la campagne de Russie de 1941. Sur les 3000 chars allemands, 1100 furent  détruits, principalement par les Français ; sur les 4000 avions allemands, 1400  furent mis hors de combat par les Français et les Anglais.

En ajoutant 21 000 civils, les pertes françaises approchèrent  les sommets d’août et septembre 1914 ; à l‘Ouest,  aucune   armée  n’a perdu autant d’hommes en si peu de temps pour  résister à la force nazie.  En plus de la contre-offensive bien connue de Montcornet  menée par le colonel de Gaulle,  de nombreux  faits d’armes  sont à signaler : le village de Stonne (Ardennes), changea de mains dix-sept fois en trois jours ; à  Landrecies (Nord) , deux chars lourds français mirent hors de combat plus de cent véhicules blindés allemands.   Non,  les Allemands n’eurent pas la partie facile : c’est eux qui écrivirent que les Français  s’étaient battus  « comme des lions ».

Il est aussi faux d’imputer la défaite  à un armement  insuffisant :  nous avions deux fois plus de canons  ( mais pas assez d’antiaériens) , presque autant de blindés : 2268  (2858 avec les Anglais et les Belges ) dont   600 Somua S-35  qui surclassaient tous les chars allemands , au nombre de  2574. Principale défaillance : l’aviation : 4000 avions allemands pour 1100 français (1800 avec les alliés), ce qui rend d’autant plus inexcusable que certains de ces   avions soient restés dans les hangars  faute de doctrine d’emploi.  Le général de Gaulle exagéra donc quand il dit le 18 juin que nous avions été « submergés par la force mécanique de l’ennemi »,  mais il savait qu’un chef n’ humilie pas son peuple blessé, ce dont Vichy ne devait pas se priver .

Il faut le dire : la défaite  est entièrement  imputable   au commandement.    Notre état-major plus âgé de dix ans en moyenne que l’Allemand, se trouvait  plus éloigné des lignes de  100 km. 

Après la retraite des grands chefs de la première guerre mondiale, ne restait que  Pétain,   statue du commandeur  qui surveilla tout au long des années trente    les  nominations .  La médiocrité a régné . L’armée française fut alors  victime d’un mal encore plus répandu dans l’Etat aujourd’hui , et pas seulement au ministère de la santé : le règne d’une  pensée unique  calée sur la défensive incarnée par la ligne Maginot  et rien d’autre. Pensée inadaptée mais  surtout , comme toutes les  pensées étroites,  intolérante à toute dissidence, faisant la chasse aux  esprits libres  , rarement  les plus mauvais,  tenus à l’écart des postes de commandement.  Ce conformisme allait de pair avec un  grand désordre dans  ce qui relevait seulement des armées  et non  de l’échelon politique : transmissions, logistique , coordination.

Il serait, on le voit , tout à fait injuste  de  mettre la défaite  sur le compte des Français dans leur  ensemble  comme le fit   le gouvernement  de Vichy . Les chefs militaires responsables de la défaite, qui, au Japon, se seraient sans doute fait hara kiri,  sont à peu près les mêmes qui prirent le pouvoir le 17 juin 1940 , le responsable de la charnière des Ardennes se retrouvant par exemple  ministre de la défense . Ils étaient mal placés pour   mettre en cause , comme ils le firent, le vices et la décadence des Français et les appeler à une  pénitence réparatrice. Ils ne furent pas le seuls : si   Marc Bloch  insiste dans son Etrange défaite[2]  sur la responsabilité du commandement  il  impute aussi la défaite à l’ échelon politique et à la société française, toutes classes confondues . La responsabilité de la société est devenue la doxa  d’aujourd’hui. Elle  est injuste. Le corps social français des années trente conservait, bien plus que la nôtre,  des bases solides  qui s’exprimèrent dans la vaillance de nos soldats. Elle empêche de regarder en face  des dysfonctionnements de l’Etat qui sont plus que jamais d’actualité.

« Des lions commandés par des ânes[3] » , comme dit Charles Gave ; c’est ce  que  nous avons vu  en juin1940.  Ca ne devait pas être la dernière fois.  

 

Roland HUREAUX

 

 

 

[1] Dominique Lormier , Comme des lions , Calmann-Lévy, 2005

[2] Marc Bloch, L’étrange défaite , Folio, 1990 ( écrit en 1940)

[3] Charles Gave , Des lions menés  par des ânes, Robert Laffont, 2003.

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:17

 

https://www.bvoltaire.fr/dijon-de-turc-a-more/

 

De Turc à More : c’est à cette vieille expression française, que l’on trouve chez Molière,  que font penser les règlements de compte entre Tchétchènes et Maghrébins qui ensanglantent la ville de Dijon.

Rappelons en l’origine : au XVIIe siècle, l’Empire turc contrôlait l’ensemble du monde arabe, de la péninsule arabique à l’Algérie, en passant par tout le Proche-Orient à l’exception du Maroc. Le traitement infligé aux Arabes par les Turcs a laissé un souvenir cuisant, moins médiatisé que celui de la colonisation européenne  mais autrement  plus cruel que ne le fut jamais celle-ci.    

Les Tchétchènes, comme les Turcs , quoique musulmans, ne sont pas des Arabes ; ils n’ont certes  pas été sous le contrôle de l’Empire turc, sauf passagèrement,  mais sous son influence, y compris sans doute dans l’idée qu’ils se font des Arabes . Ils sont, comme les Turcs, originaires d’Asie centrale. C’est pourquoi nous rappelons cette expression .

Là où d’autres se laisseraient impressionner, les Tchétchènes, présents sur le territoire  français, quoique beaucoup moins nombreux qu’eux,  n’ont, à la différence de l’Etat français,  apparemment pas peur des Maghrébins.

L’irrédentisme tchétchène  fut le principal problème qu’ait eu à affronter Poutine depuis qu’il est à la tête de la Russie. Il l’a résolu , après une guerre très dure, en mettant en place  à la tête de la Tchétchénie , restée membre de la Fédération, un gouvernement à sa botte , celui du dictateur  Ramzan Kadyrov ; mais les Tchétchènes constituent aussi une importante diaspora à Moscou  et maintenant en France, encadrée par une des mafias les plus redoutables qui soient. Le FSB (ex-KGB) suit , n’en doutons pas,  de près  les activités de cette diaspora. Il est probable que Poutine été informé en amont de l’expédition punitive  de Dijon.  A-t-il donné le feu vert ? Qui sait ?   Il n’est pas impossible en tous cas qu’il  y voie un pied de nez au  gouvernement   dévirilisé  ( à son gré)   de la France .

En tous les cas, les affrontements de Dijon envoient aux Français indigènes (c’est à dire de  souche) un message que beaucoup  auront entendu : si la montée des Arabes vous inquiète, les Russes, Tchétchènes ou pas, eux  n’en ont pas peur. Ils seront si nécessaire à vos côtés.

Ainsi la France serait ramenée à ce qu’était l’Empire byzantin à la fin de ses jours : un noyau historique de moins en moins majoritaire  dont le pouvoir ne se survivait qu’ en opposant entre elles les différentes communautés allogènes qui l’assiégeaient  pour qu’elles se neutralisent.  Avec un ministre de  l’ intérieur comme  Castaner  qui organise le désarment moral et juridique de la police, et donc de l’Etat ,  nous y arriverons  vite.

 

Roland HUREAUX 

 

 

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:15

L’EUROPE SELON CHARLES DE GAULLE

et ce qu’elle est devenue après lui

 

Article publié dans la Revue politique et  parlementaire n°1094-1095, juin 2020

 

Interrogé  pour qu’il dise qui avaient été les grands Européens de l’après-guerre, l’archiduc Otto de Habsbourg, cita en premier lieu Charles de Gaulle[1]. Pour lui,  les grands  Européens   n’étaient pas ceux  qui avaient promu  telle ou telle forme d’organisation  du continent, mais ceux qui avaient relevé l’honneur de l’Europe après le désastre  des années trente et quarante, sur le plan non seulement  politique mais aussi et moral et intellectuel.

 

Pour la civilisation européenne

 

De Gaulle n’aurait pas  récusé une telle appréciation  qui, en un sens, correspondait à son dessein. Il  savait bien que la France qui lui tenait tant  à  cœur était, par sa géographie et par son histoire,  inséparable de  Europe dans son ensemble, « de l’Atlantique à l’Oural » « J’ai , de tout temps mais aujourd’hui plus que jamais, ressenti ce qu’ont en commun les nations qui la peuplent  (l’Europe) » [2].  De même qu’il ne  doutait pas que la place de la France était au premier  rang, il savait que la civilisation de l’Europe était inégalée, qu’elle avait et qu’elle devait  jouer encore un rôle essentiel dans l’histoire du monde. Au sens littéral, De Gaulle était tout le  contraire d’un « eurosceptique ».  Pour un Français, servir la France, c’était, selon lui, la meilleure  manière  de servir l’Europe, voire d’épouser  « la seule querelle qui vaille, celle de l’homme ».  Pour lui, « ce que chaque peuple doit au monde, c’est d’abord lui-même. » 

Catholique, il ne passait pas son temps à disserter sur  la doctrine sociale de l’Eglise.  Il préférait  l’inspiration   de Chateaubriand ou de Péguy.  Il  sentait d’instinct le principe de subsidiarité dont une première application était  que l’Europe ne pouvait pas se construire  contre les Etats.  La participation et la promotion des régions qu’il proposa en 1969 avaient la même inspiration.  Certes,  aucun échelon ne devait écraser les autres mais l’Etat  demeurait pour lui  l’échelon majeur.    C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’Europe des Etats (il ne parlait guère de l’Europe des nations ) :    deux niveaux qui ne sont pas  en concurrence mais qui au contraire  se renforcent l’un l’autre. L’indépendance, valeur cardinale, valait pour lui  tout autant pour les nations européennes que pour l’Europe dans son ensemble: il ne pouvait y avoir d’Europe indépendante si  ses composantes  nationales ne l’étaient pas.

Cette culture européenne, il s’était très tôt appliqué, comme l’a montré le professeur Larcan, à bien  la connaître.   Familier de  la littérature française, il   s’efforça   très jeune d’ étudier  un  grand auteur par pays:  Goethe pour  l’Allemagne  ( mais il citait aussi Hölderlin), Shakespeare pour l’Angleterre, Cervantes pour l’Espagne,   Dante pour l’Italie; pour la Russie, probablement  Tolstoï.    Il ne chercha  pas en revanche comme Jacques Chirac  à  comprendre les civilisations orientales : il savait que l’européenne, la sienne,   suffisait à une vie;  pour le reste, il avait Malraux. 

Ajoutons que cet homme que les ignorants assimilent au   chauvinisme national le plus obtus, fut, avec Giscard d’Estaing, le seul chef d’Etat  de la Ve République à maitriser deux  langues étrangères[3].

Une telle approche  ridiculise  d’emblée ceux qui tiennent de Gaulle pour un homme du passé  qui, s’il était resté en vie aurait su évoluer , se serait rallié au fil des ans  à  l’Europe supranationale ou à la réintégration de  l’OTAN, comme les 306 députés UMP qui votèrent le traité de Lisbonne et les 329 qui approuvèrent celle-ci.

 

De Gaulle vs/ Monnet

 

Entre  les partisans  de l’ Europe de De Gaulle et celle des supranationaux, il n’y a pas  un  avant et un après, il y a une opposition fondamentale   qui  se fit jour à Londres  dès  juin 1940. Le 17  au soir, De Gaulle dîne chez Jean Monnet. Il lance son appel à  la radio de Londres le 18 au soir; le 19,  Monnet intervient auprès du cabinet  britannique pour qu’il cesse de parler. C’est en s’adressant directement à Churchill, dont la vision  de l’Europe n’était pas  très différente de la sienne, que De Gaulle retrouve le droit de s’exprimer  à la BBC.

A vrai dire, il n’y a jamais  eu   deux conceptions de l’Europe, il n’y en a qu’une, celle de De Gaulle. Celle de Monnet, qu’on lui oppose  - Monnet  que son père  avait envoyé vendre du cognac à Londres à  14 ans considérant que  les études ne servaient à rien -, était étrangère à la civilisation européenne; elle était   la section continentale de l’internationale mondialiste  dominée  par les Américains, le banc d’essai d’un Etat mondial,   comme il   le dit à la dernière ligne  de ses Mémoires: « la Communauté européenne n’est qu’une étape vers les formes d’organisation du monde de demain »[4].

Ce n’est pas par un attachement fétichiste  à la nation ou à l’Etat que De Gaulle refusait la conception supranationale , c’était par ce qu’il tenait pour la première qualité d’un homme d’Etat , le réalisme : « Je vois, dit–il,  l’Europe comme un ensemble de nations indestructibles. A quelle profondeur d’illusions ou de parti pris faudrait–il plonger pour croire que les nations européennes forgées au cours des siècles par des efforts ou des douleurs sans nombre, ayant chacune sa géographie et  son histoire, sa langue, ses traditions, ses institutions, pourraient cesser d’être elles-mêmes et n’en former qu’un seule ?[5]» .   

L’idée de confédération qu’il a opposée un temps aux projets fédéraux, n’était pour lui qu’ une perspective lointaine. Y croyait-il  seulement ? Il savait au moins, en bon politique,   qu’il fallait opposer projet à projet et ne pas rester sur le registre négatif.  Il croyait  en revanche à une collaboration étroite et permanente des principales puissances  européennes pour harmoniser leurs positions sur la scène internationale et y peser de  leurs  poids additionnés.[6] Et même « Il est conforme à leur nature qu’elles en viennent à former un tout ayant au milieu du monde son caractère et son organisation[7] ».

Autre marque de réalisme relatif  au projet européen : « là où il y a fédération, dit-il,  il y a toujours un fédérateur » ,  lequel , s’agissant d’Europe de l’après-guerre , ne pouvait être  que l’Amérique. De fait , sur toutes le querelles qui opposèrent De Gaulle aux Etats-Unis dans les années soixante ( et qui n’empêchèrent nullement  une union exemplaire dans les crises comme celles de Cuba et de Berlin) : la force multinationale, projet de Kennedy destiné à saborder la force de frappe française, l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun, l’étalon -or, le retrait de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, le rapprochement avec l’URSS,  le  Vietnam, la guerre des Six jours, le Québec, les européistes à la Monnet, essentiellement   socialistes et démocrates-chrétiens, étaient du côté de Washington, comme si  les  deux causes, l‘Europe supranationale et l’allégeance atlantique, étaient indissociables.  Alors même que l‘entrée de Britanniques attachés à la souveraineté, qu’ils souhaitaient, aurait torpillé leur  projet.

Nous disons Europe supranationale : De Gaulle  ne disait jamais Europe  fédérale :  d’abord, parce que, maître du verbe,  il  évitait de donner un nom sympathique aux projets de  ses adversaires, ensuite parce  qu’il savait que  le projet de Bruxelles n’avait  rien de  fédéral.

 

De Gaulle, accoucheur de la Communauté européenne

 

Paradoxe : cette Europe institutionnelle qu’il n’aimait guère, De Gaulle contribua  plus que quiconque à ce qu’elle voie le jour. Il avait pourtant été  d’emblée     hostile à la  CECA et  à la CED, projets plus ou moins vite mort-nés et , s’il ne s’est pas  exprimé alors sur le  Traité de Rome instaurant le  Marché commun ou sur  l’Euratom,  on sait qu’il n’en était guère enthousiaste.  Et pourtant, revenu au pouvoir en 1958 , il mit tout son zèle à appliquer le traité de Rome et nul doute que s’il n’avait pas été là, ce traité  aurait fait aussi, pour les raisons que nous verrons,  long feu. Il tenait d’abord à  honorer  la signature toute fraiche de France, d’autant que la mise en œuvre  du traité apparaissait comme un défi  à relever: de 1959 à 1968, la France opéra, dans le cadre des Six et sous son égide,  le plus important  désarmement  douanier de son histoire.  Alors que les traités de la CECA et de la CED avaient été préparés sous l’égide  des Américains, ce ne fut pas le cas du   traité de Rome;   ils    n’acceptèrent jamais sa composante essentielle: le marché commun agricole.  Les Américains étaient  le  principal fournisseur de  céréales de l’Allemagne,  le  marché commun  devait permettre à la France de prendre leur place.  De Gaulle soutint d’autant plus  le traité qu’il    était favorable aux intérêts concrets des paysans  français, ce qui était, dans sa conception du leadership , important.   Monnet , assez naturellement,  avait  boudé lui  aussi le traité de Rome qui devait être pourtant la matrice de tous le développements institutionnels ultérieurs.

L’inféodation  des cinq autres membres de la Communauté économique européenne devait permettre aux Etats-Unis de faire avorter   le volet agricole. De  Gaulle  l’empêcha.  Il imposa  au forceps le 16 janvier 1962  le principe d’une politique agricole commune.  Mais le traité de Rome restait  ambigu :  derrière le volet technique , perçaient des arrière-pensées supranationales  que le général s’attacha à  mettre en veilleuse en abaissant la commission et notamment son président  Walter Hallstein, qui avait été impliqué dans le  projet paneuropéen  d’Hitler.  Il y parvint, après avoir fait la politique de la  chaise vide, au travers du compromis de Luxembourg  adopté  en janvier 1966  qui sauvegardait les droits des Etats sur leurs intérêts essentiels.    

Face aux prétentions  de la commission, le général de Gaulle tenta de promouvoir sa conception  de l’Europe, fondée sur une  étroite coopération politique des Six , respectueuse des droits  des Etats : ce fut le plan  Fouché (1962).  Ce plan  ayant été  refusé par une majorité d’ Etats – et les Etats-Unis -, le président français  se  rabattit sur le rapprochement franco-allemand, sorte de Plan Fouchet à deux, concrétisé par le traité du 23 janvier 1963, dit traité de l’ Elysée. Ayant dès le mois de septembre 1958 invité le chancelier Adenauer à Colombey-les-deux-Eglises, privilège dont lui seul eut l’honneur,  De Gaulle avait dès le départ vu  le partenariat   franco-allemand comme  la colonne vertébrale de la future Europe.  On  a trop dit que  ce traité avait été saboté par le Bundestag, qui lui adjoignit un préambule  tendant à le vider  de sa substance ; pas assez  que  ce coup de  poignard dans la réconciliation franco-allemande ( après un siècle de guerres)  avait été préparé par Jean Monnet, à l’instigation des Américains; pourtant   ce traité s’avéra, à long terme,   un relatif succès, plaçant le dialogue   franco-allemand  ( les  Allemands ont  horreur  que l’on parle de couple !) au centre   de la construction européenne.

De Gaulle  comptait aussi  sur l’application du traité de Rome pour obliger la France à se moderniser, au moins jusqu’à un certain point : lui  qui avait préféré en 1945 le plan Pleven au plan Mendès-France, plus exigeant, avait  assez de  réalisme politique  pour mesurer les limites de  cet exercice.  Il veilla  néanmoins , après la dévaluation de 1958, à ce que le franc ne décrochât  plus du  mark. La contrainte économique qui en résulta   est peut-être une des raisons de l ’explosion de Mai 1968. En dévaluant  le franc de plus de 20 % par rapport au mark à l’été 1969, Georges Pompidou  donna au contraire un coup de fouet sans précédent  à l’économie française dont la  magnifique croissance, de 1969 à 1974 permit de rattraper en partie notre retard.

Hors cela, on ne voit pas  de lien direct entre les  troubles qui entrainèrent, dix mois après,  le départ  du général et les enjeux européens; bien au contraire, la régionalisation qu’il soumit  à référendum de 1969 n’avait rien pour déplaire à Bruxelles.  A moins qu’on ne considère les questions  européennes que comme un simple volet de l’affrontement   franco-américain qui connut son climax en 1966-67,   et les  évènements de mai 1968 comme une revanche des forces sombres, principalement transatlantiques,  que  le général avait eu, comme nul autre avant et après lui, l’audace d’affronter.  Un affrontement qui n’avait rien de fatal  puisque les premiers mois de   1969, juste avant son départ, virent au contraire une belle lune de miel franco-américaine  dès lors que le général trouva à Washington   un interlocuteur à sa convenance en la personne de son admirateur Richard Nixon.  Mai 68 et ses suites économiques mirent  en tous les cas fin à toute  idée de retour à l’étalon-or  et de déstabilisation du dollar.

Depuis l’adoption du compromis de Luxemburg, un équilibre avait  été trouvé à six dans l’organisation européenne: les marathons agricole de fin d’année   donnaient l’apparence d’un affrontement permanent mais ils gardaient un caractère technique. On était loin cependant de  l’Europe dont le général de Gaulle avait rêvé: il n’avait  convaincu aucun de ses partenaires qu’elle  devait  prendre ses distances  vis-à-vis de la puissance américaine  et,   selon Alain Peyrefitte[8], le De Gaulle des dernières années pestait souvent contre  la machinerie de Bruxelles à laquelle il n’avait jamais adhéré qu’à contre-cœur. L’Europe gaullienne n’a  jamais vraiment  existé.

 

Après De Gaulle: Pompidou et Giscard d’Estaing  

 

C’est à  tort, selon nous, que l’on considère que Pompidou aurait trahi  l’héritage européen du général. S’il donna  le feu vert à l’entrée du Royaume-Uni dans  le marché commun, le général n’y avait pas opposé un refus de principe, seulement la nécessité d’un délai plus ou moins  long. Pompidou, il est vrai, précipita les choses. Si De Gaulle n’a jamais dit comme le veut la  légende « je veux l’Angleterre nue», il les aurait sans doute  fait trainer davantage. Le Brexit, 45 ans après,  a  montré combien il avait été lucide sur la difficulté d’intégrer  le Royaume Uni à une quelconque entreprise européenne.

Les accrochages mémorables entre  Michel Jobert et Henry Kissinger montrent que le France de Pompidou n’était pas encore inféodée  à l’Amérique. Cependant, la fructueuse coopération avec le gouvernement  Nixon se poursuivit.

Les personnalités   comptant autant que les doctrines, rien ne dit que De Gaulle aurait sympathisé plus que Pompidou avec Willy Brandt. Il reste que la  conséquence majeure de l’Ostpolitik, les accords d’Helsinki (1975), furent une   victoire posthume des idées gaulliennes.

Valéry Giscard d’Estaing   avait été ministre du général. Entre les gaullistes et les atlantistes, il fut un des rares  à  adhérer  sincèrement   à l’idée d’ une  Europe « fédérale » indépendante des Etats-Unis, alors  que   la plupart des supranationaux ne distinguaient guère  l’européisme de d’atlantisme le plus servile. Il s’exprima dans ce sens en promouvant  la création d’un  conseil des chefs d’Etat et de gouvernement  dont le concept était conforme à la  vision gaullienne,  et en instaurant avec  Helmut Schmidt un partenariat de haut niveau  relativement   égalitaire. Il se fourvoya cependant en pensant que  l’élection du Parlement   européen au suffrage universel allait favoriser l’émergence d’une Europe forte. Ouvert à  toutes les influences extérieures , ce grand corps  informe fut un des moyens de l’inféodation du continent.

La crise des euromissiles vit Giscard, ambigu par rapport aux Soviétiques, s’éloigner de l’atlantisme  sur un terrain que  n’aurait   pas forcement choisi  le général , intraitable quand les intérêts fondamentaux de l’Occident  étaient en jeu.   La France de Mitterrand apporta   au contraire   un soutien essentiel  à l’Amérique de  Reagan  en approuvant   l’implantation des euromissiles américains en Europe ( implantation  sans laquelle l’Europe occidentale se serait trouvée  assez vite   finlandisée ). Mais bien peu ont vu qu’il  ne put  le faire  que parce que  la   politique d’indépendance du général de Gaulle  avait conjuré durablement  la tentation pacifiste dans l’hexagone  - à la différence du reste de l’Europe. Kissinger avait d’ailleurs reconnu, dès 1973,  que la politique d’indépendance française avait plutôt renforcé qu’affaibli   l’Alliance atlantique. Voilà peut-être l’ultime contribution du général à l’équilibre européen et  même,  indirectement,   à la chute du communisme.

 

Mitterrand et Chirac

 

Peut-être plus que De Gaulle,  François Mitterrand et Jacques Chirac, au fond d’eux-mêmes,  pensaient d’abord français.  Mais l’opportunisme politique  les conduisit à se rallier, l’un et l’autre,  à la construction européenne. Mitterrand , tout en protégeant un Chevènement  - comme Chirac ne sut jamais le faire  avec ses propres souverainistes ouvrant un boulevard  au Front national - , devait tenir compte de la  culture européiste profondément ancrée  au parti socialiste, surtout dans la deuxième gauche rocardienne, démocratie chrétienne  décolorée, qu’il avait habilement intégrée à ce  parti.   Chirac, suivant une arithmétique sommaire, pensait qu’il ne pouvait être  élu président sans  les voix  du centre.

 

La fin du communisme,  réalisation  de la prophétie gaullienne

 

Le tournant des années quatre-vingt-dix vit l’effondrement  du communisme , événement majeur pour  l’Europe, conforme aux prophéties du général de Gaulle.  En théorie, il ouvrait les  portes d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural mais la rivalité persistante des Etats-Unis et de la Russie l’empêcha.  Il permit seulement  l’ élargissement de l’Union européenne à l’Est et, par la multiplication des membres , le renforcement de la commission .  Il n’est pas sûr que De Gaulle aurait fait tant de difficultés que Mitterrand  à la réunification de l’Allemagne  qu’il  pensait  inévitable , ni que l‘élargissement de l’Union européenne au Sud et à l’Est aurait  suscité chez lui  les réserves qu’expriment   certains de nos « souverainistes »,  ignorants  des  liens historiques forts qui attachent la plupart de ces pays à  la France . Il reste  que,  dans le cadre institutionnel actuel, cela ne pouvait aboutir qu’à  donner une majorité à des  petits pays le plus  souvent  téléguidés de Washington.

 

La mutation de 1992

 

Au même moment l’Europe institutionnelle connaissait en 1992 une mutation importante, marquée par la réforme de la  PAC et l’instauration de la  monnaie unique : le cœur du réacteur     européen cessait  d’être  agricole   pour devenir monétaire.

L’Acte unique, enfant de Jacques Delors, négocié par la gauche,  était voté par la droite en 1987. Au motif  de  faire un marché  parfait  tel qu’en  rêvent les économistes en chambre, il centralisait  l’essentiel de la  législation économique et sociale à Bruxelles, affaiblissant autant  le fédéralisme allemand que le Parlement français, devenu dès lors  une chambre d’enregistrement de  la réglementation européenne, ce qui    ne devait pas peu contribuer au discrédit de la classe politique en France comme  en Europe.  En même temps, la politique  intégriste de la concurrence appliquée par Bruxelles privait les Etats, dont  la France, de toute possibilité de mener une politique industrielle active.

Le GATT, moteur  efficace de la mondialisation commerciale, avait depuis longtemps affaibli  l’identité  européenne en faisant baisser partout les  tarifs douaniers  industriels. Si l’Europe était ouverte au grand large, l’Union douanière n’avait plus de sens. Sauf en matière agricole où la PAC  première manière instaurait des  barrières  protectrices solides.  A force de   coups de boutoir, les Etats-Unis  obtinrent que l’agriculture, jusque-là exemptée,   entrât dans la mécanique du GATT : le principe en    fut concédé    par Mitterrand en tête à tête  avec Reagan en  1984, puis mis en œuvre par Chirac en 1986. Cette banalisation de l’agriculture qui passa par les étapes de la réforme de la  PAC  en 1992 et les accords de Casablanca en 1995,  devait faire perdre à la construction  européenne  d’origine, celle que précisément le général de Gaulle avait soutenue, une partie de  sa raison d’être.  

 

La monnaie unique

 

Au même moment, toujours sous l’égide de Mitterrand, puis de Chirac, l’Europe institutionnelle se cherchait  une nouvelle  identité au travers de la  monnaie unique instaurée par  le Traité de Maastricht en 1992. Il n’avait jamais  été question de monnaie unique dans les années soixante, mais qui  peut imaginer que  De Gaulle aurait donné son accord à l’abandon définitif     d’un des  piliers fondamentaux  de la souveraineté, le droit de battre monnaie, avec tout ce  qui allait avec comme la maîtrise de la politique économique ?     Si le général avait  voulu, sans succès,   que le franc  vogue  de conserve avec le mark, c’était bien évidemment sans contrainte  et non sous la  férule de Bruxelles.

Considérons aussi que le général connaissait l’économie : il s’y était   mis  tard,  à l‘école de Jacques Rueff,  mais  en était venu à la  comprendre très bien au point de susciter  l’admiration de son maître: les conférences de presse qu’il y consacrait  étaient d’une admirable clarté pédagogique.  Pompidou et Giscard la connaissaient aussi . A partir de  Mitterrand, jusqu’à aujourd’hui, l’ignorance règne.  Que l’euro tel qu’il a été conçu, c’est-à-dire le mark repeint, dut  être un frein considérable à la croissance et de la France et de l’ Europe, et donc un instrument  de leur  déclin,  il nous semble que lui  l’aurait compris.  

Au moins deux  autres évolutions récentes de la construction européenne  sont aux antipodes de  la pensée gaullienne: la perte sans précédent de l’indépendance  de l’Europe  et l’évolution du rapport franco-allemand .

 

Une Europe de moins en moins indépendante

 

On peut  dire que plus la construction européenne a avancé, plus l’Europe a perdu de son indépendance vis à vis de son allié américain,  au point d’épouser aujourd’hui aveuglément, sous la bannière d’une OTAN largement sortie de son rôle originel,    toutes les mauvaises causes  dans lesquelles les hommes qui commandent à Washington, spécialement les « néo-conservateurs », ont réussi à l’entrainer : guerre des Balkans,  regime change   au Proche-Orient,  guerre d’Ukraine, sanctions  à l’encontre de la  Russie ou  exercices militaires provocateurs dans les pays  baltes.  

Pensons qu’ en 1956, onze ans après la fin de la seconde guerre mondiale et avant la signature du  traité de Rome,  Guy Mollet et Anthony Eden purent se mettre d’accord sur une expédition militaire conjointe au Proche-Orient  contre le vœu de Etats-Unis  (qu’elle ait mal tourné  sur le  plan diplomatique est une autre question : ils avaient pu   l’entreprendre). Aujourd’hui, Bruxelles n’oserait même  pas dépêcher  un émissaire dans cette région sans l’aval du  Département  d’Etat [9]. Une étape de cette évolution a été  le traité de Maastricht qui  subordonne explicitement   la politique européenne de sécurité commune (PESC)  à  celle de l’OTAN (article J 4) .

Dernier à résister à l’imperium américain, Jacques Chirac refusa – avec l’Allemagne – de participer à  la guerre d’Irak de 2003.  On dit  alors à Washington que la France serait « punie » . Peut-être par l’élection de trois présidents tenus de Washington avec une laisse de plus en plus  courte.   La réintégration plénière de l’OTAN  que Sarkozy fit approuver  à la plupart des députés  dits « gaullistes », constitue une étape importante  du  processus d’asservissement  de l’Europe. Ainsi, loin de s’opposer, l’indépendance de l’Europe et celle des Etat européens, comme l’avait vu le général,  vont de pair : là où  celle des Etats  s’affaiblit, celle de l’Europe aussi.

Inséparable de l’indépendance est la démocratie. Le référendum du 29 mai 2005 qui vit les Français repousser le projet de constitution européenne préparé par Giscard  montrait les résistances croissantes que  l’Europe de Bruxelles rencontrait auprès des peuples. Qu’une copie à peine amendée de ce projet, dite Traité de Lisbonne,  ait pu, quelques mois après,  être ratifiée   par le Parlement, constituait une injure à  la doctrine   gaulliste si respectueuse de la souveraineté populaire.

 

France-Allemagne: un  déséquilibre dangereux

 

L’autre évolution totalement  contraire aux vues du général est celle de la relation franco-allemande : il ne la concevait  qu’égalitaire,  et encore,  en 1963, du fait de son poids personnel,  l’avantage   était-il à la France.  Ce n’est pas tant la réunification ( qui n’apporta à l’Allemagne que 5 % de PIB en plus avec une montagne de problèmes) que l’euro avec ses effets   dissymétriques, qui a  transformé peu à peu le partenariat    en un rapport de subordination de la France   à l’Allemagne.  Mais encore plus décisifs dans cette évolution furent les  complexes  de la classe dirigeante  française: à force de traiter  par le mépris  l’héritage du général de Gaulle, elle est retombée dans une sorte de néo-vichysme   corrosif pour la  relation franco-allemande.  Avec la guerre du Kosovo (1999),   la France  de Chirac se joignait à   une opération de destruction de son allié historique  serbe, au bénéfice de pays sous influence  allemande. La même année, dans  le  traité de Nice (1999), Chirac consentait   à ce que la représentation parlementaire de l’Allemagne soit supérieure à celle de la  France, au-delà même de ce qu’exigeait la démographie.  La domination économique de l’Allemagne  que le carcan de l’euro  empêche désormais de rééquilibrer comme Pompidou avait su  le faire dans les années soixante-dix, au lieu de  rapprocher le peuples, les éloigne dangereusement. Et encore la  germanophobie n’a-t-elle pas encore  atteint en France  le niveau  de l’ Italie,  pays fondateur de la construction européenne  traditionnellement  le plus europhile  devenu le plus europhobe. Elle a pour contrepartie le mépris croissant, quasi-raciste, de beaucoup d’ Allemands pour les PIGS[10].

Asservissement sans précédent de la politique  étrangère européenne  à celle des Etats-Unis, affaiblissement par rapport au reste du monde et récession, déséquilibres économiques croissants et   ressentiments réciproques  des  peuples:  nous sommes loin de l’Europe telle que l’ avait  voulue le général de Gaulle:  indépendante, prospère et fondée sur le  rapprochement de peuples restés  libres . Même s’il n‘en a jamais formulé l’idée, Charles de Gaulle  a eu l’intuition de ce qu’était  le fait idéologique;  il l’ appelait  « les chimères », antithèse du réalisme dont il faisait sa règle absolue. En devenant de plus en plus  idéologique, l’Europe ne pouvait que s’éloigner de l’idée  que s’en faisaient les  grands européens de l’après-guerre comme De Gaulle, Churchill ou  Adenauer. L’idéologie obéit à ce que Hayek a appelé   «  la  loi des effets contraires aux buts recherchés ». Nous y sommes. 

 

Roland HUREAUX

 

[1] A l’occasion du 50e anniversaire du traité de Rome, mars 2007. 

[2] Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1, page 181 .

[3] Pompidou et  Mitterrand ne parlaient pas de langue étrangère. Chirac, Sarkozy et Macron ne savent  à notre connaissance , plus ou moins bien, que l’anglais .

[4] Jean Monnet, Mémoires,  tome 2 , page 794,  Livre de Poche

[5] Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1, page 200.

[6] Les pays européens de second rang ne tenaient pas  beaucoup  de place dans la vision européenne de Charles de Gaulle. Ils étaient , il est vrai,  les plus inféodés à Washington.

[7] Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1, page 181

[8] Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle, tome 3

[9] C’est ainsi que l’UE confia une mission à Tony Blair au Proche-Orient en 2007.

[10] PIIGS : Portugal, Italie, Grèce, Espagne ( Spain).

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 20:13

CE QUE LA CRISE SANITAIRE REVELE  CONCERNE TOUT L’APPAREIL D’ETAT.

https://www.atlantico.fr/decryptage/3589339/coronavirus--pourquoi-nous-payons-aujourd-hui-les-innombrables-reformes-de-l-etat-des-30-dernieres-annees-reformes-france-roland-hureaux

La crise du virus dit Covid-19 a mis au jour l’invraisemblable désordre qui régnait  au ministère de la santé.  Les commissions parlementaires en feront , nous l’espérons, un jour prochain, l’inventaire.   

Ce que le grand public ignore , c’est que la désorganisation atteint aujourd’hui l’Etat dans son ensemble et pas seulement le ministère   de la santé .  

Pour le comprendre, il faut sortir une fois pour toutes  des poncifs faciles, du style « une administration trop jacobine », « une mentalité  encore archaïque », qui ne mènent à rien.

 

Des réformes fondées sur des idées fausses

 

N’hésitons pas à le dire : la raison principale de cette désorganisation, ce sont les innombrables réformes effectuées  au cours des trente dernières années , presque  toutes fondées sur des idées fausses. 

Quelles idées ? Le point de départ est : le secteur privé est  plus « performant » que le secteur public , il faut donc  l’imiter  en introduisant dans l’administration des méthodes qualifiées pompeusement de managériales.  Or ces méthodes du  privé, on ne les a pas transposées, on les a singées.

Leur  pointe avancée  fut   la « loi organique relative aux lois des finances » (LOLF )  du 1er août 2001 , votée à l’unanimité, ce qui est toujours  mauvais signe, tendant à aligner la comptabilité   de l’Etat   sur celle du secteur privé.  Vaste complication d’abord. Effets hasardeux ensuite comme  la destruction  récente de millions de  masques , au nom d’une meilleure « gestion des stocks ».  Dans le même esprit , ont été supprimés des milliers de lits d’hôpitaux. Pour rentabiliser les actifs immobiliers ont été décrétés la fermeture  des sites historiques  de  l’Hôtel-Dieu et du Val-de-Grâce.  

L’imitation fallacieuse du secteur privé

 

La LOLF  , fondée sur une analyse des fonctions devait entrainer le regroupement de services paraissant  proches -  vu  de loin. On a ainsi    supprimé les Renseignements généraux, dont  on avait oublié qu’une de leur mission était  l’interposition et la négociation en cas de conflit social. La crise  des gilets jaunes aurait été singulièrement  amortie s’ils avaient encore été là. Dans le même esprit , le rapprochement de la police et  de la gendarmerie , a entrainé récemment chez celle-ci ,  par  souci  de parité statutaire , la création de 150 postes de généraux ! Bonjour l’armée mexicaine.

Les antennes locales de l’Etat ont été également regroupées, pour que le préfet ait  l’air d’ « un vrai chef d’entreprise » . DDA et DDE  ont fusionné, c’est à dire qu’on leur  a superposé un directeur général : économie de postes… Un  animateur sportif  passe ainsi sous l’autorité d’un directeur de maison de retraite, un inspecteur du travail sous celle d’un  conseiller commercial venu de bout du monde etc.

La  manie des regroupements a eu des effets tout aussi pernicieux dans   les collectivités locales : la volonté  de réduire le nombre des  communes a entrainé la création près de 400 000 postes de fonctionnaires territoriaux , dits intercommunaux,  supplémentaires !

Le primat  de la gestion comptable s’est accompagné d’une hypertrophie des contrôles et de l’évaluation.  Dès 1975, Alain Juppé avait  créé les Agences régionales de santé  et  les pôles hospitaliers , deux states de plus. Les  administratifs , recrutés par milliers tandis qu’on supprimait de postes de soignants, ont étendu leur pouvoir au détriment des médecins  - comme à la Défense, les civils  ont accru le leur au détriment des militaires.   

 

L’illusoire  rémunération « à la performance »

 

Un autre caractère   de ces réformes est l’ hostilité au « corporatisme », tenu pour une tare alors même que les corps de fonctionnaires   assuraient  une autorégulation  à bon marché :  tout gendarme cherchait naturellement à être un bon gendarme, tout instituteur un bon instituteur  etc.   Partant de cette autre idée fausse  que le fonctionnaires  ne travaillaient pas assez a été instaurée  une évaluation généralisée devant conduire à une rémunération  « à la performance » . Evaluation généralement difficile en matière publique où n’existe pas l’indicateur simple du profit, sentiment d’un  arbitraire des primes au mérite,  et  pour des professionnels dévoués,  d’un manque de confiance à leur égard.

L’aboutissement : un découragement profond  qui multiple les congés de maladie  et  exige toujours plus d’effectifs  ( le contraire de ce qu’on recherchait).

 

L’idéologie contre le bons sens

 

Ces réformes , on l’aura compris,  sont idéologiques. Or  rien de plus opposé au bon sens que l’ idéologie qui  marginalise  ceux qui en ont et habitue les esprits à l’absurdité d’un univers kafkaïen. Comment comprendre autrement que les innombrables   dysfonctionnements du  ministère de la santé : refus du concours des cliniques privées ou des  laboratoires vétérinaires, crispation incompréhensible contre la chloroquine, sanction de médecins  ayant fait   des opérations non urgentes   ?

On ne se consolera pas en disant  que tout cela n’est pas nouveau : notre armée de 1940, prisonnière d’un dogmatisme d’un autre genre   n’était pas en meilleur état. Ni en sachant  que le monde anglo-saxon , tenu pour modèle,  n’est souvent pas mieux inspiré :  la libérale Thatcher n’avait-elle pas transformée ses administrations en agences autonomes ( les fameux quangos[1]) qui s’avérèrent des monstres  bureaucratiques ?   

En tous les cas,  les dégâts sont immenses . Immense aussi devra être   l’effort pour  reconstruire une   administration que nous appellerons normale. Ce n’est pas une nouvelle couche de réformes qui est nécessaire  mais une remise en cause radicale des principes  qui ont inspiré  celles des trente dernières années.

 

Roland HUREAUX

 

Auteur de La grande démolition, la France cassée par des réformes, Buchet-Chastel – 2012

 

 

 

[1] Quasi non governemental organisation

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