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Roland HUREAUX

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:34

 

Beaucoup  craignent que  le mouvement   des Gilets jaunes ne porte atteinte à l’image de la  France dans le monde  dont on suppose que le president Macron l’a  relevée avec brio.

Ce serait oublier que cette  image n’était  déjà pas très  brillante . Avant même cette révolte, la  politique  étrangère de Macron  s’était  avérée déplorable.

Pour commencer, il s’est mis à dos  trois grands partenaires : les Etats-Unis, la Russie , la Grande-Bretagne et un nombre important d’autres  pays en Europe et dans le monde.

Le président Trump ne peut pas ne  pas considérer avec méfiance un président notoirement  proche des réseaux  Obama– Clinton qui lui fait une guerre de tous les instants . Macron  en partage les principaux présupposés : mondialisme, bienfaits de l’ immigration, attitude entièrement positive pour l’UE et l’  OTAN, orientations libertaires  ( auxquelles Trump,  qui n’est certes pas  un moraliste patenté,  a cependant mis fin par ses  nominations la Cour suprême). La visite du jeune président à Washington au printemps 2018, ignorée  de la  presse américaine comme un événement insignifiant,  avait été célébrée comme un succès par une  presse francise complaisante . La désinvolture  de Trump  l‘égard du president français  était pourtant visible. Ayant déclaré  avoir  convaincu Trump de  maintenir ses forces  en Syrie, il s’est attitré un démenti cinglant. 

Malgré quelques ronds de jambes ,  Macron n’est pas très   pris  au sérieux non plus  par  Poutine dont il ne partage  aucune de convictions. Alors que  Fillon avait laissé espérer la levée des sanctions frappant la Russie, Macron n’a même pas esquissé un geste dans ce  sens. En Syrie, la volonté de   Macron de maintenir une présence l’OTAN et donc de prolonger l’état de guerre exaspérerait sans doute Poutine si le président français  qui veut  y  prendre la relève des Etats-Unis avait le moyens de le faire de manière significative. Mais l’hostilité est là  : encore plus que leurs  prédécesseurs , Macron et Le Drian s’en tiennent à une rhétorique anti-Assad et donc antirusse. C’est en vain que notre pays  tente d’être admis au processus de paix d’Astana. :  malgré d’assez bonnes relations avec Israël, la France de Macron ,  en raison des fautes de ses prédécesseurs et des siennes propres, pèse désormais peu au Proche-Orient.  Qui ne voit au demeurant que les options  du président russe,   fondées sur l’affirmation nationale , les valeurs morales et religieuses sont exactement inverses de  celles de Macron ?

La France, au travers du commissaire Barnier, en  pleine communauté de vue  avec le président français n’a cessé  de  mettre des  bâtons dans les roues  à la négociation du Brexit.  On doute que les Britanniques  nous en soient reconnaissants.

 

Faire l’Europe contre les Européens

 

Macron a  de grandes ambitions pour l’unité de l’Europe , mais il a commencé par se mettre à dos tous  ceux qui  ne les partagent pas, le groupe de Visegrad, l’Autriche, l’Italie , moins par ces divergences elles-mêmes que par son arrogance et ses  propos offensants. Etait-il nécessaire de les invectiver  du haut d’un  moralisme d’autant plus hypocrite que la France  n’a pas plus qu’eux,  voulu accueillir l’Aquarius ?  Les l’initiatives de Macron en Libye, justifiées dans leur principe, ne pouvaient qu’échouer dès lors  qu’il a voulu court-circuiter l’Italie  l’ancienne puissance coloniale. Un Européen cultivé connait la susceptibilité ancestrale de nos voisins transalpins à l’égard de la France ; Macron est un Européen mais pas cultivé. 

Sur le continent   africain, le nouveau president dont des  proches ont affirmé que le mot francophonie lui fait horreur, cache mal son indifférence. Son discours de Ouagadougou était presque aussi maladroit que celui de Sarkozy à Dakar . Les deux avaient  en commun   une ignorance abyssale des réalités de ce continent  , et une fascination qu’ on ne peut que juger malsaine  pour  Paul Kagame , président du Rwanda qui  est non seulement   responsable de plusieurs millions de morts  (dix fois plus environ que le  premier génocide auquel il se targue d’avoir mis fin )  , mais de plus  insulte la France et l’armée française à jet continu depuis 25 ans.  Qu’ont  pensé les Africains  en voyant Macron faire une campagne active pour que la candidate de    ce dictateur sanguinaire antifrançais soit portée à la tête  de la francophonie ? « Poignez vilain , il vous oindra » : suffit-il  de donner des coups  de pied au derrière de  la France pour qu’elle s’aplatisse ?  Autre leçon : les  grands discours  des Occidentaux sur les droits de l’homme en Afrique  sont totalement hypocrites. La  communauté congolaise de Paris , elle,  a été furieuse.   La France a abandonné la Centrafrique . La Russie  s’y installe  à sa place : on s’en étonne à l’Elysée  et on multiplie les contorsions pour revenir , non sans  quelques maladresses de Mme  Parly.

Le cas Kagame n’est pas un cas isolé. Tout se passe comme si Macron  se trouvait   des affinités  avec les ennemis de la  France et au contraire détestait les   amis traditionnels de notre pays :  Pologne, Russie, Chrétiens d’Orient ( qui ne demandent  que le retour de  la paix en Syrie) .

Comme la haine de soi  ( ou du pays que l’ on incarne) est un sentiment  ignoré hors de l’Europe occidentale, Macron qui ne manque aucune occasion de dénigrer les Français dans les pays étrangers y  apparait comme un extraterrestre. Dans la jungle internationale, ceux qui ne  défendent pas bec et ongles leurs intérêts nationaux  sont  méprisés.  Qu’en est-il de l’opinion des  Chinois qu’il est allé voir ? On craint de le savoir. 

 

Idéologie et haine de soi

 

Une des formes de la haine de soi est l’idéologie. Celle de Macron est assez claire : la priorité n’est pas pour lui de  de défendre  les  intérêts de son pays , comme  il en a reçu le mandat,  mais de promouvoir  la religion européenne , selon une conception supranationale qui , à l’heure du Brexit et du retour des nations,  apparait singulièrement déphasée . C’est de là que découle  sa complaisance pour la proposition  extravagante  que la France cède à l’Europe son droit de véto au Conseil de sécurité.  Il enrage contre les pays et contre les  peuples qui , de plus en plus nombreux,  ne  veulent plus de cette Europe-là . Les idéologues ayant l’injure facile,  ce refus est tenu  par lui pour  une « lèpre ».

Il tente de  mettre l’Allemagne dans son jeu. Elle est le le seul pays avec lequel il n’ait  pas de sérieuses difficultés, ce qui est assez facile dès lors que  , comme avant lui  Hollande, il  s’aligne sur la chancelière sur presque tous les sujets. Parti supplier les Allemands  de se rallier à son projet d’Europe supranationale , il a reçu une standing ovation au Bundestag.   Mais ignorant tout de l’histoire  et du caractère allemand,  il ne mesure sûrement pas l’art de «  finasser » ( finassieren) de nos amis d’outre-Rhin toujours prompts à appuyer les  idées généreuses   ( la paix au  temps de Stresemann, l’Europe aujourd’hui) mais n’oubliant jamais   de  soustraire discrètement les marrons  du feu.  Les Allemands , à qui tout idée de solidarité   financière fait horreur,   profiteront  sans doute de la bonne volonté du president français pour, sous couvert d’Europe de la défense, reconstituer à notre détriment,   avec  l’accord désolant de Macron,  leur potentiel   dans l’industrie  d’armement : déjà le futur char européen, bientôt les constructions navales, en attendant les avions de chasse et l’arme nucléaire.

Il reste que la vision que Macron a exposée au Bundestag : un bloc continental ouest européen  dominé par l’Allemagne ( il ne ne l’a pas dit mais cela va de soi) avec une armée européenne, antagoniste de la  Russie ( cela,  il l’a dit ) mais aussi des Etats-Unis et de la  Grande Bretagne, poussant même  jusqu’à  l’Ukraine, ne peut que rappeler de mauvais souvenirs , même si elle a peu de chances de se réaliser !

En politique internationale comme dans les  rapport  entre les personnes, il faut « aimer son prochain comme soi-même » .  Si Macron voulait  que la France soit aimée  et respectée dans le monde, il aurait fallu qu’ il commence par l’aimer et la respecter  lui-même. 

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:33

Novembre 2018

Il fallait une singulière maladresse pour augmenter les taxes sur le carburant au moment où le  cours du pétrole est reparti à la hausse.

Ce fut la goutte d’au qui a fait déborder le vase. Elle a déclenché le mouvement des gilets jaunes qui n’est sûrement   pas terminé.

Sa cause profonde  n’est pas philosophique : elle est la baisse continue du  pouvoir  d’achat  de presque toutes les  catégories de la population,  laminé mois après mois par la stagnation des salaires et des retraites, la hause de impôts directs ou indirects et des   cotisations sociales.

Sont particulièrement visées les catégories moyennes ou moyennes basses : ceux qui travaillent à plein temps , les retraités ordinaires. Sont épargnés, d’un  côté les très riches , ceux  qui ont un patrimoine principalement financier et qui bénéficieront  de la suppression de l’ISF , de l’autre côté  les titulaires de revenus sociaux ( à l’exception des allocations familiales ) : chômeurs,  titulaires du   RSA, migrants  qui bénéficieront entre autres de la suppression de la taxe d’habitation .

La hausse du gazole va toucher particulièrement  les « moyens pauvres » qui font de longs trajet pour aller  au travail, spécialement en  zone  rurale. Mais les zones rurales, il est clair que le pouvoir actuel n’en  a cure.

La hausse de la CSG touche , elle, les retraités.   Pour compenser les réductions aux deux extrémités de la pyramide, l’impôt sur le revenu et les  impôts fonciers vont  peser plus sur les classes moyennes de tout niveau.

Pourquoi Macron s’en prend-t-il au pouvoir d’achat  des classes moyennes  ?

Il n’a pas le choix.

Se voulant l’élève modèle de la  classe Europe, il  veut réduire les déficits .  A la différence des Italiens, il obéit à Moscovici  le doigt sur la couture du pantalon.

Il ne lui  reste pour ce faire que deux solutions . La première  : réduire les dépenses publiques : il n’en est  pas question. A la rigueur rogner encore   plus sur le budgets régaliens : défense, diplomatie, police mais surtout ne pas toucher    aux  prestations sociales ; il en rajouterait même. N’oublions pas qu’il vient de la gauche. 

Ne reste que la seconde  solution :   l’augmentation de impôts  . Ces impôts ne  peuvent toucher que les classes  moyennes ,déjà accablées ; ce n’est pas son problème .

Le libéralisme de Macron n’a rien  voir avec celui d’une Thatcher d’abord soucieuse d’épargner  les classes  moyennes. Il se situe  au niveau de la  gouvernance mondiale à  laquelle l’écrasement  des   classes  moyennes nationales  ne fait pas peur , si elle n’est  pas délibérément recherchée dans la mesure où cette  classe est encore porteuse de valeurs  et d’identité.

L’impasse dans laquelle Macron  a  enfermé la France est la  même que celle   de Hollande : l’ancien président n’avait su rien faire d’autre que  d’augmenter  les impôts . On continue.  Comment s’en étonner puisque  la politique économique  Hollande était déjà entre   les mains de Macron, d’abord comme conseiller à l’Elysée, puis  comme ministre des Finances ?

 

Roland HUREAUX

 

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:32

 

COMMUNIQUE DE PRESSE

 

LES GILETS JAUNES ONT RAISON DE SE REVOLTER

 

Le mouvement des Gilets jaunes qui s’est levé partout en France ces derniers jours  n’est pas , contrairement  ce que voudrait faire croire le pouvoir en place, une fronde irréfléchie.

C’est au contraire un mouvement profondément rationnel.

D’abord parce qu’il exprime une souffrance bien réelle d’une grande partie des Français. Bien peu sont  épargnés  par la politique économique  de  ces dernières années ( Macron était le conseiller économique de Hollande et en porte donc la pleine responsabilité ). Les classes populaires voient chaque jour se réduire  leur niveau de vie  par la stagnation des salaires,  la hausse   du carburant, du gaz, de l’électricité,  des loyers, des assurances . L’Etat et  les  grandes structures ( GDF, SNCF, mutuelles ),  ont fait du pouvoir d’achat populaire leur variable d’ajustement, croyant que l’on peut indéfiniment  et impunément le rogner  pour équilibrer leurs comptes . Les retraités  connaissent  la hausse de la CSG. Les collectivités locales voient  leurs dotations se réduire. Les agriculteurs,  frappés par les sanctions envers la Russie, le seront  aussi  par le CETA non encore voté mais déjà appliqué . Jeunes  et moins jeunes voient les usines se fermer  et le chômage  s’aggraver.  

Au motif de rechercher une société paradisiaque entièrement « sécure », des réglementations de plus en  plus strictes  transforment  la vie  quotidienne en enfer: écologie  punitive ( dont la hausse du gazole est emblématique), guerres aux conducteurs automobiles,  règles d’hygiène et de sécurité  draconiennes  pour les entreprises . Les tribunaux,   indulgents pour les vrais délinquants,   sanctionnent  impitoyablement un mot de trop et   sont sans pitié   pour  les simples citoyens ou   les policiers : comment ne pas être profondément ému par le  suicide de la jeune policière Maggy Biskupski,  porte-parole pathétique  du malaise  de cette profession  ?   

Les Gilets jaunes ont plus raison qu’on ne croit  car  les politiques qu’ils mettent  en cause,  loin d’être rationnelles , comme le prétend  une  caste dirigeante arrogante et  autiste  -   qui ne voit dans ceux  qui la contredisent  que fainéants, « lépreux », illettrés , populistes -  sont le produit d’une logique folle , souvent  absurde ,  effet  de l’  idéologie et de la fausse compétence.

Comment comprendre  qu’un gouvernement veuille  réduire les déficits sans remettre en  cause les dépenses  publiques , ce qui conduit à l’  écrasement  fiscal du pays , spécialement des classes moyennes ? Comment comprendre que l’on perpétue des méthodes absurdes qui détruisent l’Education nationale  ?  Pourquoi construit-on des éoliennes inutiles qui défigurent  nos paysages ? Comment accepter qu’on  multiplie les structures intercommunales couteuses, alors qu’il était si simple de laisser vivre des  communes,  grandes et petites,  efficaces et gérées à l’économie ?

Comment comprendre que l’on entreprenne des guerres cruelles (Libye, Syrie) , en appui de mouvements  terroristes,   qui multiplient les réfugiés, vrais ou supposés ?

Comment comprendre que sous prétexte  de le moderniser, on désorganise  l’Etat par des réformes incessantes  qui démotivent les agents et coûtent toujours plus cher.

Comment  comprendre que les aides sociales, parfois nécessaires, aboutissent souvent  à ce que  leurs bénéficiaires   vivent mieux que ceux qui travaillent ?

Comment comprendre  que sous prétexte de construire l’Europe , on renforce impitoyablement toutes les disciplines,   y compris monétaire,  suivant un modèle allemand dont  deux guerres mondiales ont montré que le reste de l’Europe n’en voulait pas ?   Que sous le même prétexte ou pour des motifs  purement financiers, on  vende à la découpe à des intérêts étrangers nos industries   stratégiques ( hier Alstom ou Alcatel, demain les constructions navales) ?

Le  progrès a toujours signifié l’amélioration des conditions de vie.  Comment comprendre , alors que  le progrès scientifique et technique  continue  plus  que jamais , que  la « marche en avant »  dont  certains se réclament se traduise par toujours plus de pénitence, de sacrifices , de régression sociale ?

Les logiques technocratiques que suit depuis des années l’Etat  français sont de plus en plus folles. Le macronisme en est la version outrancière.  En les refusant, les gilets jaunes sont du côté de la raison. Remettre en cause  ces logiques folles pour revenir au bons sens est  aujourd’hui  indispensable  à   la survie de notre pays.

Une politique alternative fondée sur le bons sens, c’est ce à quoi  l’association MOUVANCE FRANCE  a décidé de s’atteler. La dégradation de la situation à laquelle nous assistons nous conforte dans l’ idée qu’ il s’agit d’une tâche urgente.     

 

Roland HUREAUX,  Président de Mouvance France

 

Téléphone : 0688952539

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:31

La crise des Gilets jaunes a montré la grave perte de légitimité des partis politiques français. Les difficultés qu’ils éprouvent   à désigner une tête de liste  aux prochaines européennes témoigne , entre autres signes, de la crise de leadership qui  traverse  tout l’arc politique.

Cela vaut  pour le  parti socialiste mais faut-il parler encore d’un  moribond ?

C’est vaut  aussi pour les  Républicains.

Ce parti a pourtant un chef , Laurent Wauquiez,  qui a reçu   toutes les saintes huiles  qui donnent en France  l’accès  aux hautes fonctions  : Normale Sup, ENA, Conseil d’Etat, un parcours sans faute  qui l’a mené à la présidence de la deuxième   région de France  et de son parti. Ce n’est pourtant pas un secret qu’il a   du mal à s’ imposer tant à sa  formation qu’à l’ opinion :  plus que dans sa personne que beaucoup mettent  en cause , il faut en chercher la cause dans le  travail de sape auquel se livrent  les réseaux   qui veulent rééditer  le coup de 2017 :  Macron   ( ou plus vraisemblablement aujourd’hui une  doublure)   contre Marine le Pen au second tour  de la prochaine présidentielle. Dans cette perspective , Wauquiez est un  gêneur comme l’était  Fillon. Plus ses chances sont grandes, plus il aura du mal à s’ imposer .

La question de la direction des partis ou de la candidature à  la présidentielle   pourrait se régler  par une primaire. Oui, mais voilà : la formule, dit-on,  a déjà été expérimentée  par  les républicains et les  socialistes  en 2016 et  ce fut pour les uns comme pour le autres un fiasco. Comme souvent en France , l’idée est alors  rejetée sans que l’on se donne la peine d’approfondir la question.  

La vérité est que  ce qui a été fait en 2016  n’était  pas  une vraie primaire  -  à l’américaine s’entend.

En bloquant le vote sur  deux week-ends, un pour  le premier tour, un pour second, on instaurait de fait une présélection par la notoriété déjà acquise, c’est-à-dire que l’investiture était   réservée à ceux qui avaient déjà été quelque chose : au minimum président de la République ou premier ministre .  « Il faudrait , disaient beaucoup, du sang neuf  : pourquoi pas Untel ? »  . « Oui , mais qui le connait ? ».   Dans une France qui aspire  profondément  à changer les têtes, la primaire telle qu’elle a été organisée ne pouvait aboutir qu’à  ne pas les changer . 

 

De vraies primaires à l’américaine

 

Les Français ne sont que  trop prêts à imiter l’Amérique quand il ne le faut pas. Autant qu’ils le fassent quand   c’est justifié  : il faudrait pour cela étaler les  primaires sur au moins six mois en procédant  chaque dimanche   à   une élection partielle   dans un groupe de départements  tirés au sort. Seul  un tel système  permettra à des outsiders d’émerger. Gagnant la primaire dans un ou deux départements , ils attirent l’attention des médias et , s’ils sont bons, peuvent continuer  sur la lancée. Aux  Etats-Unis les présidents élus, qui avaient au préalable arraché l’investiture d’un  des grands partis,   ont été  presque tous, depuis Carter jusqu’à  Trump,  à l’exception  de  Bush père et fils , des hommes nouveaux. Rien à voir  avec la France où  les électeurs ont le sentiment  qu’on prend toujours les mêmes. Pour cette raison, la nouveauté désirée, fut-elle illusoire, ne pouvait  venir en 2017 que de l’extérieur des partis classiques qui avaient  organisé une primaire à un seul scrutin.

Une primaire étalée mettrait en outre en valeur la province , surtout   si  la Région parisienne vient à la fin.

Le parti qui tenterait cette expérience occuperait  en outre   le devant de la scène  pendant au moins six mois , ce qui ne  saurait lui nuire.  

Il faut naturellement  faire une primaire ouverte qui ne serait pas  réservée aux responsables des partis ni même aux seuls encartés .

Le choix de la  tête de liste aux municipales de Paris  et de  quelques  grandes  villes où personne ne s’impose : Lyon, Lille,  Strasbourg  pourrait être pour les Républicains l’occasion d’expérimenter le  système.   

Y a-t-il à cette heure  d’autre moyen de   faire émerger des hommes à la mesure des immenses problèmes qui se posent et ainsi de réhabiliter la  politique aux yeux des Français  ?    

 

Roland HUREAUX

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:30

 

La campagne pur retirer le droit à l’objection de conscience des médecins, la proposition d’inscrire le droit à l‘avortement dans la constitution ou encore les débats sur la nomination du juge Brett Kavanaugh à la Cour suprême montrent , s’il en était besoin,  que la question   l’avortement provoqué n’est pas close. Une question où l’enjeu idéologique occulte largement la réalité vécue  par les premières concernées.

 

Une jeune femme qui se trouve enceinte confrontée aux pressions de son employeur ou de son chef de service qui lui laissent entendre ou font dire qu'encore un congé de maternité, ce n'est plus supportable pour l'entreprise :  gare au prochain "plan social".

Une autre menacée par son compagnon que la paternité affole    d'être plaquée si elle garde l'enfant.

Une troisième, lycéenne mineure que ses parents veulent à toute force faire avorter :  "Tu es trop jeune pour te charger d’enfant. Ce n'est pas raisonnable". Tout le monde lui dit qu'elle risque de gâcher ses études et donc son avenir.  Les professeurs, au moins ceux qui sont au courant, aussi.   Elle n'avait d'ailleurs pas osé au départ avouer sa grossesse.

Ces pauvres femmes se retrouvent seules ; elles ne savent, face à tous ces gens qui les poussent à avorter, à qui se confier.  Les collègues de bureau sont de l'avis de tout le monde, à l'hôpital on ne "juge" pas et donc on ne fait rien pour la dissuader, au contraire. Heureusement la lycéenne   a quelques copines de classe, secrètement admiratives de   sa promotion de fille en femme, pour comprendre son désir de garder l'enfant. Mais feront-elles le poids ?  

Ces cas ne sont pas isolés. Tous ceux qui connaissent la "vrai vie" savent qu’ils sont très répandus, probablement majoritaires.

Le drame des avortements sous pression laisse parfois des traces, intermittentes, dans la rubrique des faits divers. Il y a quelques années, du côté de Bordeaux, un   adolescente était allé voir un avocat pour attaquer en justice ses parents qui l'avaient forcée à avorter. En Bretagne, le petit ami de la fille assassine ses beaux-parents après l'avortement auquel ils l'avaient contrainte et qui avait entraîné leur rupture[1].

N'y a-t-il pas là une bonne cause à défendre pour les associations féministes ?  Ces femmes subissent dans ce qu’elles ont de plus intime des pressions extérieures qui constituent une forme de violence. Des pressions qui, pour la plupart, viennent d’hommes, d'hommes qui, en la circonstance, refusent d'assumer leur rôle de père et   font la preuve de leur lâcheté, n'illustrant ainsi que trop bien une certaine imagerie féministe.  

Ceux qui exercent ces pressions sont presque tous en position hiérarchique : les parents, l'employeur, le médecin, on n’ose plus dire le chef de famille.

 

La Barbe et ivg.net, même combat ?

 

A quand donc l'union sacrée de La Barbe ou des Tumultueuses avec   IVG.net ?

Ce serait possible si les réalités avaient encore une place en politique. Hélas les idéologies on tout envahi.

Loin de défendre les femmes victimes de ces pressions bien réelles, bien plus réelles aujourd’hui que les inhibitions ou interdits qui viendraient de la vieille morale (un fantôme évanoui depuis longtemps), les mouvements féministes ont obtenu du  gouvernement pour qu'il   confère un caractère délictueux aux publications des sites qui tenteraient de donner aux femmes des raisons pour résister à ces pressions. En les informant par exemple à la fois des risques de l'avortement, bien réels eux aussi, et des solutions alternatives (accouchement sous X par exemple). Le délit   d'entrave à l'IVG   instauré à la sauvette en 1992 a été étendu "en urgence" en décembre 2016 aux sites, principalement catholiques, dédiés aux femmes qui s’interrogent. Parlons d'une urgence !

Les pressions que nous évoquons sont d’une légalité douteuse, mais comme elles ne sont jamais sanctionnées, personne ne se gêne pour les exercer. Inciter la femme qui hésite à résister à ces pressions est au contraire puni très sévèrement par la loi. Pire : avec la nouvelle loi  , une femme pour qui l’avortement aura été une expérience douloureuse (et il y en a tant !)    n’a  même pas   le droit de s'exprimer publiquement, par exemple sur Youtube. Elle doit garder sa souffrance pour elle.

La douleur est censurée comme a été censurée par le CSA, puis par le Conseil d'Etat la joie d'une mère qui avait gardé son enfant trisomique.

Car ce n'est pas le réel qui compte, c'est l’idéologie ; ce ne sont pas les souffrances des femmes soumises à des pressions de leur entourage, c'est la symbolique, une symbolique figée, schématique : plus d’avortements, de gauche ; moins d’avortements, de droite et même très politiquement incorrect:  la Marche pour la vie est plus compromettante qu'une manifestation néo-nazie.

On peut aussi bien dire : pour la méthode globale, de gauche ; pour les méthodes classiques :  de droite. Pour Castro, de gauche, pour Poutine, de droite etc.  Tout aujourd’hui n’est plus que symbole.

 

Un champ symbolique simplifié

 

Cette sémiologie simplifiée à l’extrême a envahi tout le champ politique   au point d'interdire non seulement le débat, mais le réel.

La victime de la dégénérescence idéologique, c’est en effet le réel. Le réel qui se trouve forclos (verwerft), selon l'expression de Jacques Lacan, comme le sont   les souffrances de femmes ayant été contraintes à avorter - une souffrance si   politiquement incorrecte que non seulement elle ne doit pas s'exprimer mais que, pire, elle n’est pas supposée exister.  

Les opposants à l'avortement ne sont pas exempts non plus de ce déni du réel :  quand fut abrogée l'obligation de l'autorisation parentale, ils poussèrent des hauts cris, ignorant apparemment que dans la majorité des cas, ce sont les parents qui poussent leurs filles mineures à avorter et elles qui résistent.  

En ce domaine, comme dans d’autres, c’est le réel qui se trouve perdant à ce jeu absurde.

L 'autre nom de l'idéologie est l’absurdité. Mais par derrière, beaucoup de souffrances comme celles que nous évoquions au début de cet article. 

Les féministes se mettront-elles à défendre les femmes vraiment en détresse ? Les changements de pied sont déjà arrivés en politique : la défense des langues régionales était cataloguée autrefois à l'extrême droite :  Mistral était un ami de Maurras. Quand l'auteur de cet article s'était    pointé il y a quelques années à un gala de poésie occitane, il fut pris à partie   par des écolos barbus selon qui, étant de droite, il n’avait rien à faire là !  

L’homosexualité était au temps de Proust associée à une vieille aristocratie décadente et réactionnaire. Encore en mai 68, qui s'en souvient ?  les homosexuels ou ceux qui en avaient l’air étaient catalogués à droite : ils étaient tenus pour des « esthètes », amateurs d'une culture raffinée donc bourgeoise. Les groupuscules de gauche (PC) ou gauchistes (Ligue communiste, UJCML etc.) cultivaient au contraire un style macho, à l’imitation de l'idée qu’ils se faisaient de la virilité ouvrière genre Stakhanov. Comme on voit, les choses ont bien changé. Tout est donc possible.

 

                                                Roland HUREAUX

 

 

[1] Ces faits, déjà anciens, ont été mentionnés le premier dans Marianne, le second dans Ouest-France.  

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:29

L’hystérie qui règne  aux Etats-Unis et en Europe occidentale , spécialement dans les médias, à l’égard de Donald Trump, tenu de manière presque unanime  pour un fou et un dangereux va-t’en guerre  , empêche de voir ce  qu’il peut y avoir de cohérent dans sa diplomatie, au demeurant   conforme à ses engagements de campagne.

Il faut notamment un singulier  aveuglement pour  ne pas lui  faire crédit d’être  en train de ramener la paix dans deux pays en guerre : l’Irak et la Syrie , sans en commencer aucune , alors que son prédécesseur, pourtant  Prix Nobel de la Paix avait  , lui,   mis en guerre pas moins de quatre pays qui ne l’auraient pas été sans cela  :  la Libye, la Syrie, l’Ukraine et  le Yémen .  Trump a promis de mettre fin à l’absurde politique de regime change tendant imposer la démocratie à coups  de B 52 :  il a tenu. De même il a vaincu Daech que son prédécesseur faisait  semblant de combattre  et rompu les liens équivoques que les Etats-Unis ont trop longtemps entretenu avec l’islamisme  radical. Détente aussi du côté de la Corée  du Nord , après 75 ans de blocage. Il a même ouvert des pourparlers avec les talibans à Doha. Jusqu’ici ce fort en gueule s’est avéré  un « artisan de paix » ! 

Le point de départ de sa démarche est la volonté d’améliorer  les relations des Etats-Unis et de la Russie.  Les grands humanistes  européens qui le détestent tant devraient pourtant en  comprendre  l’intérêt . Deux puissances dotées d’immenses   arsenaux nucléaires ; un   champ  de bataille potentiel,  l’Europe occidentale :  comment les Européens un peu  conscients ne seraient-ils pas rassurés par  cette volonté de détente ?  

 

Pourquoi Trump doit montrer les dents   

 

Elle se heurte au militarisme déchaîné du clan Clinton et  de  tout ce qui tourne autour ( une grande partie du Pentagone, de l ’administration américaine et des médias,   les  gouvernements de  France et d’Angleterre ) . L’absurde   théorie du complot  selon laquelle l’ élection  de Trump aurait  été machinée par Poutine    limite la marge de manœuvre de ce dernier  qui,  face à une opinion intérieure  au  nationalisme déchaîné,  lui interdit tout signe de faiblesse.  Il est ainsi  conduit à   une gesticulation permanente, sous forme de déclarations tonitruantes ou de tweets, souvent grossière car  la cible en est l’Américain de base.  Cela explique aussi la  nominations de super-faucons, dont il n’est pas nécessairement prisonnier  quant au fond : James Mattis,  John Bolton. Ou encore  les frappes spectaculaires opérées en Syrie le 6 avril 2017  et le 14 avril 2018,  négociées avec les Russes  pour ne pas faire de victimes et éviter toute  escalade, en réponse à de  supposées attaques chimiques.   Qui vis pacem  para bellum , dit-on . Aux Etats-Unis, celui qui veut la paix doit aujourd’hui  faire semblant  de faire la  guerre.

La faiblesse de sa  position intérieure  oblige   Trump à ne se priver d’aucun appui   : cela peut expliquer son choix de s’aligner  intégralement  sur les positons  du gouvernement israélien jusqu’au  transfert contesté de l’ambassade américaine à Jérusalem  et la rupture de l‘accord nucléaire de Vienne avec l’Iran .  Le rapprochement avec Pyong-Yang  pourrait lui-même s’expliquer par la volonté d’isoler l’Iran   du seul  pays susceptible  de l’aider au  plan nucléaire.   

Ces manœuvres bruyantes conduisent-elles à  une nouvelle  guerre,  contre l’Iran,  cette fois ? ou seulement  à satisfaire Israël et ses soutiens inconditionnels aux Etats-Unis ?  Le gouvernement  israélien  fait-il lui-même autre chose que de la gesticulation ? Et quid du gouvernement iranien que l’agressivité américaine aide si bien à   surmonter ses contradictions internes ?  Trump  connait assez l’art de manier les foules : il sait  qu’une grande puissance comme d’Amérique a besoin de désigner un ennemi : pour  lui, c’est l’Iran.  Ca vaut mieux en tous cas que la Russie. Cela reste cependant   un jeu dangereux non seulement  pour la paix mais  pour l’économie mondiale  qui serait confrontée en  cas de conflit, à une hausse vertigineuse du prix du pétrole.

Les rodomontades hostiles à  l’Union européenne et à l’Allemagne recouvrent une vieille constante  de la politique anglo-saxonne vis-à-vis du continent européen  : y maintenir l’équilibre et donc affaiblir le plus puissant, qui est  aujourd’hui manifestement l’Allemagne. Hélas  l’aveuglement   idéologique empêche les dirigeants français de profiter de la perche qui leur est ainsi tendue.  Quand Trump demande que les pays européens  prennent leur part du  fardeau de l’OTAN, vieille revendication, jusqu’à menacer de la faire sauter , qui le lui reprocherait ?  

Face à  la Chine, le président américain brandit la menace de  la guerre économique  notamment par un retour  au protectionnisme,  mais cela est autre chose que la guerre tout court .  Que le libre-échange ne soit pas la panacée, de grands économistes comme   Keynes l’avaient déjà  vu . Le vrai risque   de   guerre , ce ne sont pas les droits de douane mais les déséquilibres commerciaux entre les pays.  Coupables au premier chef,  la Chine et l’Allemagne qui  recherchent,  depuis des    années , des excédents , aujourd’hui devenus colossaux,   au détriment  de leurs partenaires ,  dangereux tant pour la prospérité qu’ à long terme, pour  la paix. Qui ne voit  ce qu’il y  a de légitime  de la part de Trump à vouloir les ramener à la raison , ce que  personne d’autre n’avait  osé  faire jusqu’ici ?

Depuis le général de Gaulle  , les partenaires des Etats-Unis se plaignent  des déficits  commerciaux de ce pays  : comment reprocher à un président américain  de  prendre enfin ce problème  à  bras le corps , quitte à paraitre  un peu agressif,   pour se donner  les  moyens de rééquilibrer la balance, même s’il n’est pas sûr qu’il y parvienne ?   

 

Roland HUREAUX

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:24

https://www.causeur.fr/melenchon-personne-sacree-fillon-le-pen-155717

 

Jean-Luc Mélenchon a raison de s’indigner du traitement qui lui a été infligé par la justice : perquisition au petit matin sans interrogatoire préalable pour un grief qui relève manifestement de la cuisine politique et non du droit commun.

Cette affaire rappelle fâcheusement l’affaire Fillon : un grief mineur largement médiatisé ( qui n’a pas eu de suite judiciaire à ce jour )  où l’instrumentalisation de la justice  ( le parquet financier en l’occurrence) a permis d’éliminer  un adversaire de Macron à l’élection présidentielle,  tenu pour favori jusque-là .  Si,  à la lettre,    les poursuites contre Fillon  n’étaient pas illégales,  elles  transgressaient dans leur  esprit  un de principes le plus fondamentaux de la tradition  républicaine : l’abstention de la justice judiciaire dans les affaires administratives   et  a fortiori politiques. Elle découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789  qui prescrit la séparation des pouvoirs , précisée par   la loi des 16 août 1790 et rappelée par la  loi du 16 fructidor an III :  «Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit», des actes et donc de la  désignation des autorités, y compris par l’élection . Ces dispositions ont inspiré, entre autres,    l’article 110 du corps électoral  issu de la loi du  31 mars  1914 et celle  du 2 mars 1982. 

 

La justice instrumentalisée

 

Aujourd’hui, le risque  que la  France insoumise passe avant En marche aux prochaines  européennes apparait grand  compte tenu du discrédit  du président. Il fallait donc    casser le chef de cette mouvance comme on a cassé Fillon.

La justice n’ a  pas procédé autrement avec Marine Le Pen  qui risque de ne pas pouvoir présenter  une liste aux européennes en raison des sanctions financières  infligées par la justice  au Front national.  Le Modem  fait aussi l’objet de poursuites,  moins acharnées certes,  mais qui empêchent François Bayrou d’entrer  au gouvernent , ce qui arrange sans doute le président.

Des principaux candidats à la dernière élection présidentielle, seul Macron   est exempt de poursuites judiciaires  lors même que les obscurités du  financement de sa campagne dépassent largement celles de ses rivaux . Plusieurs de ces actions ont été    été lancées par la présidence du  Parlement européen  dont le sens  démocratique n’est pas non plus le fort.   

Que ne dirait-on pas si la justice russe se comportait comme la nôtre ?

Les gens de droite qui se réjouissent assez stupidement des malheurs de Mélenchon n’ont pas compris qu’ils sont embarqués dans la même galère[1].  

Dans   tous les  cas évoqués :  Fillon, Mélenchon, Le Pen, Bayrou, les poursuites sont liées à l’activité politique ou électorale et non, comme on le laisse entendre à l’opinion,  à des agissements crapuleux de droit commun.  Le principal grief est  l’utilisation d’attachés parlementaires  pour le compte de partis politiques. Quant au fond, ce grief est  d’autant moins fondé que les fonctions d’attaché parlementaire et de cadre de parti politique sont parfaitement  fongibles : il n’y a pas d’un côté les    attachés qui assisteraient  l’élu dans le noble  travail législatif  et de l’autre les  mauvais permanents   au service d’intérêts  partisans et donc sordides.  La constitution (article 4)  reconnait le rôle des partis  politiques dans la démocratie. Le uns et les autres ont à peu près la même  mission : assurer  la logistique des   élus pour leur permettre d’accomplir leur mission, que ce soit en les documentant, en tenant leur  secrétariat, et même en préparant les élections  notamment  par l’élaboration de   programmes. Seule une réglementation   artificielle  marque une limite entre les deux fonctions. Si la limite est franchie, tout au plus pourra-t-on invoquer l’irrégularité comptable mais sûrement pas le délit ou le crime. Les élus ont une tâche  lourde et  prenante   ; il est normal qu’ils soient  assistés ;  ne pas cloisonner entre ls différents aspects de cette assistance, c’est déjà leur faciliter le travail.

 

Détournement de procédure

 

Il y a  détournement  de procédure  à utiliser des moyens  qui sont manifestement  faits pour la répression du grand banditisme et non la correction  d’imputations comptables : perquisition au petit matin, saisie conservatoire   des   comptes bancaires etc.   

Le grief d’emploi fictif parait plus sérieux mais il  est très difficile à établir comme on l’a vu dans l’affaire  Fillon :  quand l’épouse du député  parle dans une boulangerie avec une  électrice qui lui raconte ses  malheurs, elle n’est pas en dehors de sa mission d’assistant parlementaire.   Et après tout,  si un élu veut se priver des services  que l’Etat finance, n’en sera-t-il pas  le premier puni ?  On en dira autant du griefs de surfacturation des frais de campagne électorale, lui  aussi  incertain, invoqué  à l’encontre de Mélenchon.  Le juges qui s’acharnent   sur ce sujet  montrent qu’ils  ne savent pas ce qu’est  une campagne électorale   : une  épreuve extrêmement  intense où du  souci d’aller chercher des voix,  pas une minute ne saurait être distraite ;  aucun candidat vraiment engagé   n’a jamais  eu le temps d’éplucher les  factures  au retour d’un grand meeting. S’il s’agit d’argent, une procédure purement  administrative et financière devrait suffire.  

Quant à l’accusation faite à Marne Le Pen d’incitation aux actions terroristes, qui ne voit  combien elle est absurde ?  La justice n’a pas craint de se ridiculiser en prescrivant même une expertise psychiatrique.  Il est plus qu’évident que si  l’élue  a publié sur son site des scènes d’exécutions de  Daech  ce n’était pas pour soutenir le djihadisme  mais,  comme elle l’a bien dit, pour réfuter  l’accusation ignoble de M. Bourdin assimilant le Front  national au terrorisme.

 

Respecter les élus

 

Jean-Luc Mélechon a aussi raison de  clamer que les élus ont quelque chose de sacré. Ils sont déjà protégés de la  garde à vue par l ‘immunité parlementaire. Ce n’est  pas pour que , sorti  de là , ils  ne fassent l’objet d’aucun   ménagement.  Ils participent à la dimension sacrale du  pouvoir. En charge du vote des   lois de la Cité, ils méritent des égards, sauf bien entendu s’ils étaient  pris en flagrant délit dans un crime de sang ! Qui imagine  Léon Blum permettre  une perquisition chez Paul Raynaud ? Qui  se souvient que le général de Gaulle avait ordonné la suspension des  poursuites  à l’encontre de François  Mitterrand durant la campagne de 1965 ? Même s’ils ne sont pas dans la loi, ces ménagements font partie   de ce qu’Orwell appelait la  common décency, une notion que les juges , et pas seulement eux, ont aujourd’hui  perdue de vue. Une conception étriquée du droit, souvent à finalité idéologique, s’y est substituée. Encore heureux que les  auteurs de perquisitions ne soient pas animés de la jouissance de prendre leur revanche  sur les puissants , expression malsaine de l’  esprit de ressentiment o de la vieille envidia democratica.

Mitterrand  aurait  dit à   ses proches :  « méfiez-vous de juges, ils ont renversé la   monarchie , ils renverseront la république ». Nous y sommes. Mais ne perdons pas de vue que  derrière les juges, il y a un exécutif sans scrupules dont la référence aux valeurs républicaines apparait de plus en plus  mensongère. Un  exécutif qui , c’est un comble, veut effacer de  la constitution  la Haute Cour (titre IX) ,  seule instance devant laquelle  il puisse encore répondre.  

 

Roland HUREAUX

 

 

[1] Il est vrai que Mélenchon ne s’est pas non plus beaucoup   inquiété  des poursuites engagées contre la droite; mais  ce n’est qu’en partie vrai : Clémentine Autin a voté contre la  levée de l’immunité judiciaire de Marine Le Pen. 

 

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:23

 

 

L’individu a aujourd’ hui mauvaise presse, au moins dans une certaine droite    en quête de refondation.

Dans un paysage politique et idéologique  qui ressemble à un champ de ruines,   beaucoup de gens de droite et parfois de gauche, en réaction aux idéologies dominantes de  type libéral-libertaire, sont  en effet à la recherche d’un nouveau socle théorique à partir duquel reconstruire une pensée politique forte.    

Force est de considérer cependant que cette recherche, pour estimable qu’elle soit , se traduit le plus souvent par un au retour à de vieilles lunes : le conservatisme par exemple. Conserver , c’est très bien. Mais que fallait -il conserver dans la Russie de 1990 après 73 ans de communisme ? Que faut-il même conserver dans le France d’aujourd’hui après quarante ans de réformes idéologiques plus destructrices les unes que les autres : méthodes pédagogiques, regroupement autoritaire des communes, affaiblissement de la famille, privatisation systématique des grands services publics. Nos nouveaux conservateurs vont-ils d’ailleurs  jusqu’au bout de leur logique  en proposant de conserver  le statut de la  fonction publique ou le libre accès des bacheliers à  l’université ?  

D’autres  reviennent à la vieille rengaine  des salons balzaciens , répandue sous des formes  différentes aussi bien   par la gauche  républicaine que  par la droite légitimiste :  tout part de  1789.   Pour les uns , comme Jean-Luc Mélenchon, c’est là le  commencement de l’histoire la sortie de siècles d’obscurantisme , pour les autres  le péché originel  qui nous a fait sortir   de ce  jardin d’Eden qu’aurait été  un ancien régime idéalisé.  Du monarchisme de tradition, on passe au monarchisme de système et donc   à Maurras , promu , faute  d’autre , référence politique incontournable par une certaine droite.  Revenir au légitimisme ou au maurrassisme, deux grands vaincus de  l’histoire[1] , n’est pas de  bon augure pour qui veut  conquérir le  pouvoir dans une France beaucoup  plus déchristianisée que celle du XIXe siècle et qui plonge, l’affaiblissement  de l’enseignement de l’histoire aidant,  dans l’amnésie.   

 

En réaction à la Révolution française

 

C’est dans la réaction à la Révolution de 1789 que se situe  l’origine de la condamnation de l’individualisme. A  une Révolution qui avait  prétendu promouvoir  la liberté individuelle   et supprimé les corps de l’Ancien régime :   noblesse , Eglise, corporations,  Bonald , de Maistre, Blanc de Saint-Bonnet  et quelques autres ont     opposé   une société où cette liberté serait évacuée , une société organique où  chacun aurait sa place , où il n’y aurait pas  d’électron libre. Pour cela, tout homme serait membre d’un organisme, la société globale étant l’addition de ces organismes eux-mêmes  étroitement articulés. « Les individus n’existent que dans et pour la société » ( Louis de Bonald).

Dès lors, quel modèle suivre ? Il y en a  un,  issu de la nature :  la famille.  Le chef de famille n’est pas élu, ses membres n’y adhèrent pas par contrat , ils sont hiérarchisés.  La nation n’est autre qu’une grande famille dont  le roi, non élu, serait le père. C’est sur cette base que les contre-révolutionnaires se proposaient de  reconstruire la société . Ajoutons la notion d’un nécessaire enracinement,  préféré à toutes  les formes de fluidité .

Ce modèle de  société que nous appelons organique , ennemie de l’individu,   a connu sa plus grande faveur au XIXe et dans la première moitié du XXe siècles . Charles Maurras ,  Gustave Thibon , chacun dans son registre, s’en prévalurent.

On en trouve  la forme extrême  chez  les philosophes du fascisme comme Giovanni Gentile : «  l'État est le seul détenteur de l'autorité, et l'individu doit lui être parfaitement soumis  , dans la mesure où l'individualité n'a pas de sens pris en dehors de l'État » . Le régime fasciste italien[2]  s’en inspira. A   la différence des fascistes,  les traditionnalistes dont on peut rapprocher le régime de Vichy, refusent que l’Etat soit la seule entité  organique pertinente mais ils récusent la valeur de l’individu en tant que tel.

 

L’Eglise contaminée  par l’organicisme

 

Cette  évolution a son volet  religieux. En symbiose avec les milieux légitimistes  où elle évoluait , l’Eglise catholique  postrévolutionnaire  s’intéressa aussi à la famille. La doctrine ne connaissait  jusque-là que le seul sacrement du mariage . Le pape Léon XIII instituait en 1893  la fête de la  Sainte Famille. Deux  ans  auparavant  il avait  publié l’encyclique Rerum novarum,  un exposé de la doctrine sociale chrétienne où certains ont vu l’esquisse d’une société  organique , célébrant elle aussi la famille et les vieilles corporations. Le dictateur portugais Salazar qui  prétendait  s’en inspirer, instaura à partir de 1932  , en réaction à la révolution portugaise de 1910, un régime qui n’était pas si différent du fascisme .

Cette évolution organiciste  du catholicisme eut sa version de gauche, encore plus vivace ; c’est au sein de la démocratie chrétienne et du catholicisme social qu’émergea au XXe siècle, autour de la revue Esprit,   la  philosophie personnaliste d’Emmanuel Mounier, dont le fondement était l’opposition , déjà esquissée  par Bonald et Péguy,   entre l’individu et  la personne. De fait,  la personne est pour les personnalistes tout ce qui est  bon et  l’individu tout ce qui est mauvais dans l’homme : « Est-il besoin de répéter […] que la personne n'a rien de commun avec l'être schématique mû par des passions élémentaires et sordides, qu'est l'individu. (...)  La personne, c'est l'être tout entier, chair et âme, l'une de l'autre responsable, et tendant au total accomplissement» (Daniel-Rops).  Mais la distinction ne s’arrête  pas là :  pour Mounier, la personne est    « communautaire » , l’individu est coupé du  groupe . Dans le personnalisme se conjuguent le  vieux fond  antirévolutionnaire  du catholicisme français et la volonté de trouver un terrain de dialogue  avec le socialisme,  alors à son apogée ,  lequel prônait lui aussi, à sa manière,  la supériorité de la société  sur l’individu.

Cette condamnation,  à la fois civile et religieuse,  de l’ individualisme  a prospéré : on la trouve désormais dans  beaucoup de   textes officiels comme les déclarations de  conférences épiscopales  ou le document du pape François , par ailleurs si controversé,  Amoris laetitia.  La condamnation de l’individualisme  dépasse les  milieux cléricaux :  dans un dictionnaire moderne des  idées reçues, Flaubert aurait écrit «  Individualisme  : tonner contre » .

 

De nombreux malentendus

 

Pourtant cette condamantion où certains voient un des  moyens de refonder la pensée de droite, repose sur de nombreux malentendus et simplifications , sachant que la simplifiction est au départ de toute démarche idéologique.

Malentendu sur la réalité  de l’Ancien régime .  On dit « ce n’était pas une société de droits,  mais une société de devoirs » . Ceux qui disent pareille sottise devraient relire les Plaideurs de Racine  ou se plonger dans les archives des Parlements : depuis le  plus profond du Moyen-Age, l’Ancien régime , à tous les niveaux de la société,  est procédurier : chacun revendique devant de multiples cours de justice  la reconnaissance de ses droits ; et on va chez le notaire pour  garantir trois francs six sous.  Comme l’exécution des jugements  laisse  presque toujours à désirer, aussi longtemps que l’autorité monarchique en ce qu’elle a  de moderne ne s’est pas encore affirmée, ceux qui le peuvent  ont  recours  à la force pour faire appliquer  les décisions de justice.

Maurras a répandu l’idée qu’à  cette époque, étaient reconnues  des libertés et non pas la liberté. Etonnant hommage d’un penseur  qui passe pour réactionnaire au positivisme juridique , arme de guerre des modernes contre le droit naturel  et chrétien. Il est vrai que Maurras était positiviste en philosophie. Au demeurant l’idée est inexacte : les grands  juristes espagnols du XVIe siècle : Vitoria, Suarez  , d’inspiration thomiste,  ont esquissé l’idée de droit universels.  Quand Francisco de Vitoria donne à Salamanque  ses célèbres leçons sur les droits des Indiens, il ne se réfère nullement aux droits que leur reconnait  la Couronne d’Espagne mais à leurs droits naturels, antérieurs  à toute  conquête.

 

« La liberté est chrétienne »

 

Malentendus sur la tradition chrétienne. Des mots comme individualisme et même  famille sont absents du Dictionnaire de théologie catholique , la plus grande somme  doctrinale  jamais réalisée ,  entreprise à    la fin du XIXe siècle. L’opposition entre    individu et personne n’a aucun  précédent dans la tradition catholique. L’Eglise ne parle pratiquement pas de la famille durant dix-neuf siècles : elle s’est bien rattrapée depuis.

Le Syllabus  de Pie IX où certains croient voir une condamantion du libéralisme  ne condamne en fait  aucune doctrine, aucun isme,   seulement des propositions, selon la méthode pragmatique propre à l’esprit latin. Le même Pie IX, recevant l’ancien premier ministre Emile Ollivier[3] l’assure que l’Eglise n’a jamais condamné tout dans la Révolution française ; elle ne condamne  pas par exemple, dit-il,  le principe de l’égalité d’ accès aux emplois publics.  Cela n’a  l’air  de rien, mais ce principe  inspire    toute la « méritocratie »  républicaine, fondée sur le talent et l’ « utilité commune », non   sur la naissance, il signifie   le refus d’une société  d’ordre  ou chacun  resterait  enfermé  dans sa case. 

Mais il faut remonter   plus loin pour  saisir en quoi il y a malentendu sur  la tradition chrétienne. Nous  avons dit que pendant dix-neuf  siècles,  elle n’avait connu  que  le sacrement de mariage , fondé sur l’union de deux personnes sans lien de parenté antérieur et librement consentantes .   Le premier commandement  qui l’institue , qui   se trouve dans la Genèse  ,  est un commandement  d’émancipation individuelle :   « l’homme quitte son père et sa mère (et s’attache à sa femme) » (Gn 2, 24, repris en Mt  19,5 et Ep 5, 31))   et pour la femme,  « oublie ton peuple et la maison de ton père » (Ps 45, 11) .   Dans ce qu’elle a de   fondamental, la tradition chrétienne   n’a jamais  renié cette dimension de rupture, faisant   tout au long de son histoire la guerre aux conceptions claniques et  organicistes   de la famille pour en dégager le couple fondé  ( au moins en théorie) sur le  consentement  de deux personnes ( ou individus ).  C’est en  désobéissant  au pater familias que les vierges et  martyres se convertissaient   au christianisme, lequel ne lui reconnait plus le droit  de faire divorcer ses enfants. Plus tard,  les rois barbares doivent, à coup d’interdits,   renoncer  à l’endogamie qui enferme l’individu dans le clan. L’ Eglise catholique s’adjuge au XVIe siècle,  contre Luther, Calvin, Rabelais et le Parlement  de Paris le droit de marier de jeunes gens majeurs  qui le désirent,  sans le consentement  de  leurs parents. Au cours des guerres de religion, La Ligue  catholique trouve son épicentre dans la Paris populaire et déjà  individualiste, contre les huguenots,  ombrageux chefs de clans  descendus de leur montagne.  Fénelon fulminait contre les mariages arrangés. Ce n’est qu’au  XIXe siècle que  l’Eglise,  effarée par le Révolution française,   se replia,  au rebours de son histoire,  sur  les terres de famille clanique qui avaient été celles du protestantisme:  Basse-Bretagne,  Aveyron, Pays basque. Entre temps, il est vrai, les Ligueurs étaient devenus jacobins. 

Chateaubriand a bien vu la faiblesse des penseurs contre-révolutionnaires sur ce chapitre, pointant la continuité entre la grande civilisation chrétienne et européenne et l’exaltation révolutionnaire  de  la  liberté : « La liberté est sur la croix du Christ  et elle en descend avec lui »[4],  « La liberté émane de Dieu qui livra l’homme à son franc-arbitre » [5], « La liberté  ne doit point être accusée   des forfaits que l’on commit en son nom » .  Chateaubriand se gaussait du holisme des théoriciens contre-révolutionnaires dont le modèle achevé était , disait-il,  l’Empire ottoman  que bien évidemment il rejetait . Chateaubriand s’inscrit dans la lignée de Burke, celle des   conservateurs libéraux  pour lesquels la liberté  implique des traditions qui peuvent seules garantir l’indépendance du  jugement et la  capacité de résistance aux pouvoirs . Pour lui, « la religion est source de la liberté» [6] .  Et  comment ne pas citer  ce passage prémonitoire : « Si la religion chrétienne s’éteignait, on arriverait par la liberté à la pétrification sociale où la Chine est arrivée par l’esclavage » [7]. On n’en sera pas étonné : Maurras  détestait Chateaubriand.

Emmanuel Todd  a montré  comment la société   européenne, à la différence de toutes les  autres,  laisse, en raison des interdits  de consanguinité ,    une  vraie   liberté ( au moins en principe )  aux jeunes gens pour  choisir leurs conjoints .  Ce caractère  anthropologique, issu du christianisme,  constitue une des données fondamentales de  cet esprit de liberté qui a permis à notre  civilisation d’ émerger et de prendre au cours    des  siècles une nette avance sur les autres.  Sur l’échelle des modèles familiaux, l’islam, communautaire et endogame se trouve au pôle opposé.

L’individualisme   chrétien plonge ses racines dans la Bible : le livre des Psaumes, livre de prières  fondamental tant des juifs que  des chrétiens ne connait la plupart du temps que l’ orant ( le roi David ?) face à Dieu , le reste de la  société se trouvant presque toujours réduit  à  une coalition d’ennemis.  Il en est de  même de  cet  autre livre fondamental , l’Imitation de Jésus-Christ. Pour la tradition monastique, le  chrétien parfait , c’est le monos, le moine , ainsi appelé  parce qu’il vit seul   en face de Dieu . Comment d’ailleurs    échapper à la force du groupe pour affirmer son projet individuel  si on ne s’appuie   sur plus puissant que le groupe , sur Dieu ?  C’est ce qu’ont compris  tous les résistants    à  toutes les époques , à commencer par les martyrs. La figure du  résistant individuel  existe-t-elle   hors de la  société   chrétienne[8] ? 

Le Concile Vatican II a insisté, peut-être sous l’influence du personnalisme,  sur  la dimension communautaire du catholicisme : là où beaucoup ont vu un progrès, n’était-ce pas plutôt une  régression ? N’est-ce pas parce qu’elle a perdu de vue son libéralisme séculaire que l’Eglise catholique se trouve si complaisante avec l’islam , ne sachant  quoi  lui opposer ? Dans la même veine, elle met l’accent sur la collégialité où prospèrent si bien les médiocres.

 

Ne pas caricaturer  la Révolution française

 

Malentendus ensuite sur  la Révolution française.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen  du 26 août  1789  ne proclame pas le droit de faire n’importe quoi : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » (article 4).   Ne pas nuire à autrui :  vaste programme que bien peu peuvent se targuer  de réaliser. Ce serait déjà beaucoup   même si l’Eglise dit que l’homme a aussi des devoirs  envers  Dieu et envers lui-même. Où commence et où finit-on  de « nuire à autrui » ? C’est ce que le législateur doit préciser.  D’autant que cette formule pose des problèmes de périmètre : qui est autrui ? Les enfants non nés en sont-ils ? Et les esclaves ?  Les étrangers ont-ils les mêmes droits que les nationaux ? Il semble que non, puisque sont distingués les droits de l’homme et ceux du citoyen.  Il est clair que sur certains aspects  la législation actuelle, ajoutant toujours de nouveaux droits et en  limitant d’autant d’autres, est devenue folle. Mais,  dans son principe , rien dans la Déclaration  n’autorise l’individualisme   débridé .

Il a été dit aussi que la Révolution parlait des droits mais pas des devoirs . Cela aussi est inexact . Les Constituants avaient  prévu d’adjoindre à la Déclaration des droits   une déclaration des  devoirs mais ils n’en eurent pas le temps. Cette Déclaration des devoirs de l’homme et du citoyen fut finalement promulguée par la Convention thermidorienne le 5 fructidor an III et  fut longtemps    affichée dans les écoles de la République.  Elle dit par exemple que   « nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux » (article 4).

Parmi les  textes fondateurs de l’individualisme  moderne , les lois Le Chapelier et d’Allarde  ont abrogé les corporations professionnelles d’origine médiévale. Mais tout n’était pas mauvais dans cette suppression : était-il juste qu’un nouvel  artisan menuisier  doive obtenir   l’autorisation de ses collègues déjà en place, qu’il est susceptible de concurrencer,  pour s’installer ? Au demeurant ces corps constitués  abrogé  en 1791 , Napoléon s’est empressé de les reconstituer  , instaurant  notamment  les Chambres d’agriculture, de commerce, des métiers, les tribunaux de commerce , l’Université, le Consistoire israélite,  installant l’Eglise  concordataire et ce n’était qu’un début.

S’imaginer que nous sommes encore sur ce chapitre sous le régime des lois révolutionnaires serait méconnaitre  l’évolution de la société française depuis deux siècles. En  France , plus peut-être que partout ailleurs,  les organisations intermédiaires ont proliféré au fil des ans, au point d’être sans doute plus étouffantes  encore qu’avant 1789 :  collectivités locales  ,   ordres professionnels,  Universités, établissements  publics autonomes de toutes sortes , 800 000 associations de la loi de 1901 ,    banques coopératives qui dominent  le paysage bancaire , coopératives agricoles ,    syndicats ,   mutuelles,  Assedic,   caisses  de sécurité  sociales etc.  L’économie sociale, qu’on pourrait appeler aussi corporative représente près de 50  % du  PIB, soit bien plus que l’Etat . On dira que  tous ces organismes sont soumis au pouvoir , mais ne l’étaient pas déjà sous l’Ancien régime ?    Un commentateur du mouvement  des  gilets jaunes[9] déplorait récemment  que depuis la loi Le Chapelier , la France manque de corps intermédiaires  :  il faudrait qu’il se mette  jour.  Les légitimistes  fervents d’esprit corporatif apprécieront que dans ce maquis , plus qu’ailleurs,  prospèrent les loges maçonniques, lesquelles revendiquent elles-mêmes  un héritage corporatiste. Si l’on en croit Augustin Cochin[10], ce n’était pas si   différent à la veille de la Révolution.

Le général de Gaulle,  qui n’était lui-même pas  à l’abri  de la tentation corporatiste , sous l’influence  de la doctrine sociale de l‘Eglise , est  tombé en 1969 sur un référendum instaurant la participation, projet de  même inspiration .  Faut-il vraiment regretter  que les apparatchiks syndicaux , patronaux et ouvriers, qui peuplent le    Conseil   économique, social  et environnemental et tant de conseils d’administrations à caractère social  n’aient pas de rôle législatif ?  

 

La philosophie libertaire contre l’individu

 

Malentendu enfin sur le prétendu individualisme libertaire.

Dans le strict respect  de la tradition   chrétienne, il ne faut pas  opposer la morale à l’individu, comme on le fait le plus souvent,   mais bien plutôt le contraire : la[H1]  morale bien comprise vise à l’individuation. L’individuation, c’est dit Lacan, l’acceptation de sa condition d’être  « castré » , c’est  à dire arraché , généralement au moyen d’une   une opération douloureuse,  de la matrice originelle, du sein maternel,  où chacun aurait voulu s’éterniser. Cette castration primordiale , c’est aussi l’accès au principe de réalité, l’accès à un réel  autre que ce que je voudrais qu’il   soit.  Or c’est cette   tragédie intime   qui permet l’épanouissement  de l’individu   , notamment   en lui ouvrant  l’accès à l’autre  sexe, symbole d’une altérité sans laquelle il n’est pas d’homme – ou de femme – accomplis. Tout déficit dans cet arrachement primordial , dit l’illustre professeur,   expose le sujet à la psychose.

Les jouissances que célèbre   la philosophie libertaire, loin d’être libératrices,  se placent presque toutes sous le signe de l’addiction et donc du contraire de la liberté  : drogues , pornographie , informatique ; elles expriment , chacune à sa manière, un engluement dans la matrice originelle.

Y a-t-il d’ailleurs encore , dans l’espace libertaire,  un individu  au sens propre du terme ou au contraire  un être divisé entre ses moments successifs ?  Le véritable individu s’accomplit par des choix irrévocables qui appellent la fidélité . A l’image de l’ange, il  est capable d’actes de  liberté  qui transcendent le temps. 

Est-il permis de dire que l’homosexualité , qui se trouve à la pointe  de la révolution  libertaire ,  a quelque chose à voir avec un attachement viscéral à la mère et donc avec le narcissisme  ? C’est  en tous les cas ainsi que le voit  Freud, pour qui elle marque une individuation inachevée[11]. Est-ce  la raison  pour laquelle elle semble fleurir dans les milieux où l’on cultive  une vision organiciste de la famille ? Qui dira en tous cas que le mariage homosexuel  est le  triomphe  de l’individualisme  ?

Il est vrai que le vent libéral-libertaire   qui souffle  sur le monde  a entrepris une offensive sans  précèdent contre tout ce qui peut rester de structuré   dans les sociétés contemporaines  : contre la famille,  contre les identités sexuelles, contre les nations, contre le Etats , contre les syndicats, contre l’école, contre les Eglises,   en France contre  la commune et même contre  le département issu de  la Révolution  française mais qui  a acquis depuis  deux siècles une   identité forte  . L’entreprise seule échappe à cette remise en cause, elle tend même à devenir  l’ultima ratio de la société contemporaine ; contrairement au schéma que l’on prête  à Pétain , le travail ( et tout ce qui  procède de  la logique de l’entreprise ) est devenu l’ennemi de la  famille et de la patrie.

Cette destruction est-elle en continuité avec celle qu’a tenté la révolution de 1789 ?  Rappelons qu’elle concerne  tous  les pays occidentaux , y compris les monarchies, y compris donc  ceux qui n’ont jamais connu  la Révolution française. Les monarchies nordiques ont même  été « en avance » dans les  évolutions  sociétales. Rappelons   aussi que la Révolution  française avait pour l’essentiel préservé la famille, consolidé la  paroisse, devenue commune, comme entité civile et  exalté, peut-être exagérément,  la nation. Pendant presque un siècle (1878-1968) ,la France a vécu sous le régime de la morale  laïque, laquelle n’était pour l’essentiel , ainsi que le  dit Jean-Paul Sartre, que la morale chrétienne dégriffée.

La destruction – ou déconstruction – qui s’est produite depuis les années soixante  a-t-elle vraiment pour but de libérer les individus ?  Ne serait-ce  pas plutôt d’instaurer  un nouveau totalitarisme sur fond de masses  atomisées, devenues des  particules élémentaires sans culture et  sans repères et donc grégaires et manipulables à   souhait  par un pouvoir despotique ?  Si c’est l’esprit libertaire  que l’on récuse, il faut   rappeler sans cesse  qu’ il n’est pas le véritable  individualisme et qu’il  a pour finalité et non point seulement pour  effet collatéral  l’oppression et la destruction de l’ individu dans ce qu’il a de singulier et de créatif.

 

Le génie individuel au fondement des activités humaines

 

Non seulement la condamnation de l’individualisme  se fonde sur beaucoup de malentendus, mais encore elle ignore la place  essentielle de l’individu dans la réalité humaine .

Nous avons rappelé comment  le mariage biblique se fondait sur une rupture, qui n’est  autre que la rupture œdipienne , mais la Bible et la tradition judéo-chrétienne  ont aussi développé cette notion profondément  individualiste de la vocation personnelle, religieuse ou professionnelle.

La réalisation d’une vocation,   qui est la réponse à l’ appel de Dieu mais qui a aussi sa version séculière,   suppose très souvent une rupture avec  la famille . Les vies de saints sont  remplies de récits de vocations  religieuses  que la famille tente de contrarier : un saint mérovingien dut  enjamber le corps de sa mère qui , barrant le seuil ,  voulait l’empêcher d’  aller au  monastère. Saint François d’Assise se dépouille contre sa famille, Saint Thomas d’Aquin est enfermé par les siens pour qu’il ne se fasse pas  prêtre etc.  Presque toujours la vocation individuelle  s’affirme contre le groupe.

Il  y a aussi  les vocations   artistiques.  Si on avait suivi  les réactionnaires  organicistes pour lesquels le fils  de paysan doit   rester paysan, le fils d’artisan artisan,  le  fils de soldats soldat,  Hector Berlioz aurait dû obéir à son père médecin qui voulait qu’il   soit médecin . C’est par un choix personnel ( autrement dit individuel)  qu’il délaissa la médecine pour la musique. Qui s’en plaindra ?  Cette rupture  n’était-elle pas même  son véritable devoir  ?

Le rôle de l’individu dans le monde de la  recherche scientifique et technique est également fondamental. Même aujourd’hui où  la recherche se  fait dans des structures organisées , publiques ou privées,  combien  d’inventions proviennent d’intuitions  individuelles ? Combien apparaissent d’abord saugrenues au sein des    laboratoires  ou des  académies ?  Le progrès scientifique et  technique  de l’Occident  chrétien    au cours des   derniers siècles , si supérieur  à celui des autres  civilisations, ne procède-t-il pas , pour l’essentiel,  de la  créativité individuelle ? Si nous examinons tout ce qui conditionne notre vie quotidienne : automobile , téléphone, télévision, ordinateur,  médecine, que ne devons-nous pas à  une série de coups de génie qui furent et qui ne pouvaient âtre que ceux d’individus , souvent en rupture avec les   idées  reçues de leur temps ou les structures dans  lesquelles ils évoluaient ?  

Combien artificielle et décalée  serait une philosophie  politique   qui mettrait l’individu au rancart dans un monde comme le nôtre  ? Combien  ceux qui récusent l’individu ou la liberté , outre qu’ils se fondent sur  une simplification idéologique, se mettent  hors de l’histoire et ne sauraient par là prétendre    jamais accéder à une influence  véritable ?

Cela ne veut pas dire que l’individu prime  les  structures , qu’elles soient naturelles ou artificielles . Ils  sont l’un avec l’autre, dans une  relation que nous qualifierons de  dialectique .  Des structures existantes  s’échappent, parfois  par une rupture violente,   des individus , parmi lesquels les plus doués fonderont de nouvelles structures :    Etats, religions, entreprises , des structures desquelles   d’autres, plus tard, s’échapperont   et ainsi de suite.

Tout cela n’est rien d’autre  que la  marche de la vie elle-même :   une ruche  se développe, se divise,  essaime, se  développe à nouveau ; d’une famille donnée nait un individu  qui à son tour  se détache pour fonder une nouvelle famille etc.

Dans un mode envahi par le grisaille ,  le conformisme et la grégarité  , s’il est quelque chose que le vrais conservateurs doivent  défendre, c’est bien l’individu.

 

Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] L’ Action française a  cependant, malgré la « divine surprise » vichyste de Maurras ,  fourni un nombre important de cadres à la Résistance et cela dès la première heure.

[2] Nous n’évoquons pas le socialisme national (dit nazisme) , cas plus complexe, où l’Etat , loin d’être une fin en soi, est au service de la race, et où le rôle dévolu au « surhomme »  a pu avoir un effet désintégrateur.

[3] Emile Ollivier , Le Concile du Vatican , 1871.

[4] Notes et pensées

[5] Génie du christianisme , 4e partie, VI, 11.

[6] Mémoires d »outre-tombe , 3e partie, 2e époque, Livre I, 8.

[7] Mémoires d’Outre-tombe , appendice XXV.

[8] Elle se trouve dans l’islam Chiite mais c’est à peu près tout.

[9]  Jean-Yves Naudet,  Vérités et ambigüités d’un mouvement populaire, Aleteia. 

[10] Augustin Cochin , La machine révolutionnaire, œuvres,  préface de Patrice Gueniffey, Tallandier, 2018. On ne saurait trop recommander cet auteur qui , dès avant 1914, appuie sa critique des idées révolutionnaires sur les sciences humaines  et qui , sans utiliser le mot, critique le phénomène idéologique avec un demi-siècle d’avance sur Hannah Arendt.

[11] Sigmund Freud, Trois essais sur la sexualité, Gallimard-Idées, I.


 [H1]Orale n’a pas d’autre b

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:18

N’est-ce pas plutôt les réformateurs qui le sont ?

Publié dans Le Figaro du 13 septembre 2018

En visite au Danemark le président Macron s’est gaussé des « Gaulois réfractaires au changement ». Vieille rengaine : la France serait  un pays irréformable.   Le discours est simple : « On sait ce qu’il faut faire  pour que  la France aille mieux. Le peuple résiste  par attachement aux privilèges  et à un  corporatisme  désuet ; après avoir tant attendu, il nous faut enfin  un gouvernement assez  courageux pour passer en force . »

Le vrai problème : à quelles réformes les Français résistent-ils ?

Osons le dire : à peu près les mêmes depuis 20, 30,  50 ans.

Ces projets de réforme sont l’émanation d’une bureaucratie , française  ou européenne ( culturellement , c’est la même ), qui ne  doute pas que ses  projets soient bons : pour elle,  les résistances , quelles qu’elles soient,  sont à  rejeter dans les ténèbres de l’irrationnel et des égoïsmes catégoriels.  Fermez le ban.

Quoique qualifiés de technocratiques, ce qui supposerait qu’ils  contiennent  une certaine complexité technique, ces projets, sont en fait le ressassement, dans chaque domaine, de deux ou  trois idées simplistes, généralement  les mêmes depuis des décennies. 

La   question est donc : et si ces idées qui inspirent l’action publique n’étaient pas si bonnes que le croient leurs promoteurs  ? S’il y avait  dans les résistances  plus de raison qu’on ne pense  ?  

 

La raison des résistances aux réformes

 

Nous pouvons   passer  en revue le principales pour y répondre :

Réforme de l’Etat  : que n’a-t-on  encore compris que l’évaluation  et  la rémunération au mérite ( que Macron annonce comme une nouveauté alors qu’elles existent depuis quinze ans) sont le source de tricheries ( faute de critères pertinents  d’efficience) , d’arbitraire, de détérioration  de l’ambiance et en définitive de perte  d’efficacité ; au contraire l’esprit de corps , tant décrié,   était un facteur  de motivation  peu coûteux , ayant  largement fait ses preuves.

Fiscalité : le prélèvement à la source était dans les cartons de Bercy depuis des lustres. Il va se traduire , n’en doutons pas,  par d’immenses difficultés.

Services publics : le dogme  est l’ouverture généralisée  à la concurrence ,  imposée désormais par les directives européennes. Des économistes très qualifiés ont pourtant montré qu’il existe  des monopoles naturels , rendant préférable  une organisation intégrée  appelant  un contrôle public. Il y avait, parait-il,  aux Etats-Unis,  des  compagnies  de  chemin de fer concurrentes sur des  lignes parallèles  : mais  où en est aujourd’hui le rail  dans ce pays ?  

Université :  depuis  la loi Devaquet (1986) jusqu’à aujourd’hui  , soit pendant plus de  trente ans, la question de la sélection à   l’entrée de l’université est  posée  à peu  près dans les mêmes termes.  Etait-il utile de ressortir ce genre de provocation ?  La sélection existe déjà : en médecine, dans les classes préparatoires  et les universités de prestige. Là où elle n’existe  pas, pourquoi  refuser un complément  de formation aux bacheliers et ne pas reporter l’orientation définitive  à la fin du premier cycle ?

Sécurité sociale :   l’idée  de transférer une partie du risque  maladie à l’assurance privée est agitée depuis quarante ans. Fillon l’avait  , fort imprudemment,  intégrée  à son programme,  ce qui n’a pas fait peu pour le disqualifier  - car la droite n’est naturellement pas exempte de ces idées fixes. En France, le privé, ce sont d’abord les mutuelles ; coût moyen de gestion : 20 % du chiffre d’affaires ; régime général : 7 %.

Logement : « il faut réserver  le parc social à ceux qui en ont le plus besoin » dit la doxa, également reprise par la droite  . En clair : il faut accentuer la ghettoïsation.

Organisation  territoriale :  les 36 000 communes sont un poids mort, une tare française, il faut les regrouper, promouvoir des intercommunalités de  plus en plus  larges   et si possible leur  fusion en « communes nouvelles» .  Ces réformes, supposées engendrer des économies,   se sont traduites par le recrutement de près de 400 000 fonctionnaires. Même effet pour  la fusion  des régions. Attendons-nous au pire si le projet fou de fusionner les départements   venait à voir le jour.

Avec une obstination aveugle , la bureaucratie ignore cette loi fondamentale de toute fusion des structures dans la sphère publique : 2 + 2 = 5. Ces fusions dont on attend des économies  se traduisent toujours par des surcoûts . N’en doutons pas, la fusion des régimes de retraite aura le même effet.

Aménagement  du territoire : depuis trente ans , la priorité ( non affichée pour le coup) est le développement  des  métropoles, celui des « banlieues » , la  Ville avec une majuscule , aux  dépens  de la « France périphérique »  , rurale , vouée au dépérissement. Dans quel but  ?

A supposer  que toutes  ces  réformes  auxquelles les « Gaulois », chacun dans son domaine, résistent des quatre fers, soient réalisées , la France ne serait ni plus efficace, ni plus compétitive. Serviles vis-à-vis de l’organisation bruxelloise  ( la nouvelle Rome ?) , nos dirigeants  sont au fond experts à   lui jeter de la poudre aux  yeux : elle nous demande des  réformes , faisons-en , bonne ou mauvaises, qu’importe.  

Quand elles aboutissent, ces réformes,  presque toujours , mettent le plus grand désordre dans des organisations qui marchaient bien  : regardons  ce que sont devenus la gendarmerie,   le ministère de finances, le renseignement  téléphonique , l’organisation territoriale pour ne pas parler de l’éducation nationale  etc.  C’est ce qui guette le chemin de fer.  A l’inverse, les vrais problèmes : immigration , sécurité,  croissance des  dépenses publiques ( qui est la résultante de tous les errements que nous venons d’évoquer, ce que les think tanks libéraux qui réclament  eux aussi à corps et à cri des réformes n’ont  pas encore compris !) ne sont abordés que de manière cosmétique.

Tout cela,  les Français le sentent confusément. Ils résistent à des  réformes  dont ils devinent au fond d’eux-mêmes  qu’elles  ne servent  à rien. Contrairement à  ce que croit le président,  une réforme  vraiment utile  et bien expliquée emporterait  leur adhésion . Mais  en a-t-il dans les cartons ?

 

Réformer les réformateurs

 

En définitive, le difficile n’est  pas de  réformer la France mais de réformer la rigidité intellectuelle des  réformateurs , des administrations   où les hommes passent mais où les idées demeurent . Inapte à appréhender la complexité , notre oligarchie combine l’arrogance avec le conformisme et la paresse intellectuelle.  Althusser avait  montré  comment toute organisation sécrétait son idéologie, pour ne plus en démordre.   Le vrai  mal français  est là.

Il fut un temps où,  aux idées trop simples ,  des  hommes politiques combinant l’expérience  du terrain et la connaissance des problèmes, savaient résister . Y en a-t-il encore ? En tous cas, tout  est fait aujourd’hui  pour  les faire taire .   La réduction envisagée du nombre des  députés est un signal  clair : il ne servent  à  rien ,  l’administration s’en tirerait  aussi bien si elle gouvernait  directement !  

Emmanuel Macron  est apparu au moment de son élection  comme le président de « la  dernière chance de réformer le France » ; il  est en réalité la dernière chance d’une  technocratie  de lui imposer  ses  lubies.  Pour notre  plus grand malheur.

 

Roland HUREAUX

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 18:16

Le Brexit ressemble de plus en plus à un feuilleton à rebondissements dont on ne voit pas la fin.

Après deux ans de négociations, les deux parties avaient cru trouver un accord sur les conditions  de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais cet accord où beaucoup de Britanniques jugent que Mme May , leur premier ministre, a fait trop de concessions, n’a finalement pas été présenté au Parlement  le 12 novembre dernier, comme prévu, de crainte qu’il ne  soit repoussé par une coalition des adversaires du Brexit , toujours actifs,  et de ceux qui jugent  le résultat des négociations est trop défavorable aux intérêts britanniques.

On se demande pourquoi Mme May s’est engagée dans ce qui ressemble  de plus en plus pour elle à  un chemin de croix. 

Il y avait  deux manières de sortir de l’Union européenne.

La première, la plus simple était une dénonciation pure et simple du traité d’adhésion, ce qui est possible à tout Etat souverain.  Tous les réglementations européennes auraient   continué à s’appliquer  au   Royaume-Uni  jusqu’ à ce que le gouvernent de Londres  décide de les modifier ou les abroger.   Si cette modification posait un problème à l’Union européenne, par exemple au cas où le Royaume-Uni aurait imposé   un droit de  douane sur les importations du continent  là où il n’y en avait pas ,  une négociation  ponctuelle  pouvait s’engager. Il en aurait été  de même si, à l’inverse    l’Union européenne opposait au Royaume-Uni des décisions qui lui étaient  défavorables. Mais  ces négociations seraient intervenues après la sortie de la  Grande-Bretagne, en toute liberté. Les accords de l’OMC auxquels adhèrent aussi bien l’Union que la Grande-Bretagne  limitent par avance  la portée des représailles commerciales éventuelles de Bruxelles.

Pour ce qui est du pouvoir réglementaire propre de l’Union, il serait revenu  à la Grande-Bretagne suivant la  théorie de la succession d’Etat  sans qu’il soit nécessaire de revoir l’ensemble des réglementations antérieures.

La second manière de  sortir  était l’application de l’article 50 du traité de l’Union   européenne   qui organise une procédure  complexe  de sortie , sachant  que tant que la procédure n’est pas allée jusqu’à bout, le Royaume-Uni reste  membre .

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Le gouvernement britannique a choisi la seconde formule sans doute pour ne pas rendre la rupture trop brutale . Ce choix n’est peut-être  pas   étranger au fait que  Mme May était  au départ hostile au Brexit.

S’ils l’ignoraient, les Britanniques ont sans doute compris aujourd’hui  que cette  procédure complexe  avait en fait pour but de rendre si difficile le retrait d’un Etat  qu’il en soit par avance découragé. Et  c’est précisément  pour que la sortie d’un autre  membre soit dissuadée  par  cette procédure   que les négociateurs de l’UE, le commissaire français Michel Barnier en tête,  n’ont rien fait  pour faciliter le Brexit, encouragés en  cela par le président  français Macron et,  plus discrètement, par la chancelière allemande.

Le résultat de ces lenteurs pourrait cependant être  l’inverse : lorsqu’un nouveau pays voudra sortir, il saura  désormais  qu’il  vaut mieux prendre  le  chemin le plus court, celui  de la dénonciation  unilatérale, la négociation venant après la sortie et non avant.

 

Roland HUREAUX

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