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Roland HUREAUX

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:10

L'AVORTEMENT ENTRE L'IDEOLOGIE ET LE REEL

 

Une jeune femme qui se trouve enceinte confrontée aux pressions de son employeur ou de son chef de service qui lui laissent entendre ou font dire qu'encore un congé de maternité, ce n'est plus supportable pour l'entreprise :  gare au prochain "plan social".

Une autre menacée par son compagnon que la paternité affole    d'être plaquée si elle garde l'enfant.

Une troisième, lycéenne mineure que ses parents veulent à toute force faire avorter :  "Tu es trop jeune pour te charger d’enfant. Ce n'est pas raisonnable". Tout le monde lui dit qu'elle risque de gâcher ses études et donc son avenir.  Les professeurs, au moins ceux qui sont au courant, aussi.   Elle n'avait d'ailleurs pas osé au départ avouer sa grossesse.

Ces pauvres femmes se retrouvent seules ; elles ne savent, face à tous ces gens qui les poussent à avorter, à qui se confier.  Les collègues de bureau sont de l'avis de tout le monde, à l'hôpital on ne "juge" pas et donc on ne fait rien pour la dissuader, au contraire. Heureusement la lycéenne   a quelques copines de classe, secrètement admiratives de   sa promotion de fille en femme, pour comprendre son désir de garder l'enfant. Mais feront-elles le poids ?  

Ces cas ne sont pas isolés. Tous ceux qui connaissent la "vrai vie" savent qu’ils sont très répandus, probablement majoritaires.

Le drame des avortements sous pression laisse parfois des traces, intermittentes, dans la rubrique des faits divers. Il y a quelques années, du côté de Bordeaux, un   adolescente était allé voir un avocat pour attaquer en justice ses parents qui l'avaient forcée à avorter. En Bretagne, le petit ami de la fille assassine ses beaux-parents après l'avortement auquel ils l'avaient contrainte et qui avait entraîné leur rupture[1].

N'y a-t-il pas là une bonne cause à défendre pour les associations féministes ?  Ces femmes subissent dans ce qu’elles ont de plus intime des pressions extérieures. Des pressions qui, pour la plupart, viennent d’hommes, d'hommes qui, en la circonstance, refusent d'assumer leur rôle de père et   font la preuve de leur lâcheté, n'illustrant ainsi que trop bien une certaine imagerie féministe.  

Ceux qui exercent ces pressions sont presque tous en position hiérarchique : les parents, l'employeur, le médecin, on n’ose plus dire le chef de famille.

 

La Barbe et ivg.net, même combat ?

 

A quand donc l'union sacrée de La Barbe ou des Tumultueuses avec   IVG.net ?

Ce serait possible si les réalités avaient encore une place en politique. Hélas les idéologies on tout envahi.

Loin de défendre les femmes victimes de ces pressions bien réelles, bien plus réelles aujourd’hui que les inhibitions ou interdits qui viendraient de la vieille morale (un fantôme évanoui depuis longtemps), les mouvements féministes ont fait pression sur le gouvernement pour qu'il   confère un caractère délictueux aux publications des sites qui tenteraient de donner aux femmes des raisons pour résister à ces pressions. En les informant par exemple à la fois des risques de l'avortement, bien réels eux aussi, et des solutions alternatives (accouchement sous X par exemple). Le délit   d'entrave à l'IVG   instauré à la sauvette en 1992 a été étendu "en urgence" en décembre 2016 aux sites, principalement catholiques, dédiés aux femmes qui s’interrogent. Parlons d'une urgence !

Les pressions que nous évoquons sont d’une légalité douteuse, mais comme elles ne sont jamais sanctionnées, personne ne se gêne pour les exercer. Inciter la femme qui hésite à résister à ces pressions est au contraire puni très sévèrement par la loi. Pire : avec la nouvelle loi  , une femme pour qui l’avortement aura été une expérience douloureuse (et il y en a tant !)    n’aura   pas   le droit de s'exprimer publiquement, par exemple sur Youtube. Elle doit garder sa souffrance pour elle.

La douleur est censurée comme a été censurée par le CSA, puis par le Conseil d'Etat la joie d'une mère qui avait gardé son enfant trisomique.

Car ce n'est pas le réel qui compte, c'est l’idéologie ; ce ne sont pas les souffrances des femmes soumises à des pressions de leur entourage, c'est la symbolique, une symbolique figée, schématique : plus d’avortements, de gauche ; moins d’avortements, de droite et même très politiquement incorrect:  la Marche pour la vie est plus compromettante qu'une manifestation néo-nazie.

On peut aussi bien dire : pour la méthode globale, de gauche ; pour les méthodes classiques :  de droite. Pour Castro, de gauche, pour Poutine, de droite etc.  Tout n’est plus que symbole.

 

Un champ symbolique simplifié

 

Cette sémiologie simplifiée à l’extrême a envahi tout le champ politique   au point d'interdire non seulement le débat, mais le réel.

La victime de la dégénérescence idéologique, c’est en effet le réel. Le réel qui se trouve forclos (verwerft), selon l'expression de Jacques Lacan, comme le sont   les souffrances de femmes ayant été contraintes à avorter - une souffrance si   politiquement incorrecte que non seulement elle ne doit pas s'exprimer mais que, pire, elle n’est pas supposée exister.  

Les opposants à l'avortement ne sont pas exempts non plus de ce déni du réel :  quand fut abrogée l'obligation de l'autorisation parentale, ils poussèrent des hauts cris, ignorant apparemment que dans la majorité des cas, ce sont les parents qui poussent leurs filles mineures à avorter et elles qui résistent.  

En ce domaine, comme dans d’autres, c’est le réel qui se trouve perdant à ce jeu absurde.

L 'autre nom de l'idéologie est l’absurdité. Mais par derrière, beaucoup de souffrances comme celles que nous évoquions au début de cet article. 

Les féministes se mettront-elles à défendre les femmes vraiment en détresse ? Les changements de pied sont déjà arrivés en politique : la défense des langues régionales était cataloguée autrefois à l'extrême droite :  Mistral était un ami de Maurras. Quand l'auteur de cet article s'était    pointé il y a quelques années à un gala de poésie occitane, il fut pris à partie   par des écolos barbus selon qui, étant de droite, il n’avait rien à faire là !  

L’homosexualité était au temps de Proust associée à une vieille aristocratie décadente et réactionnaire. Encore en mai 68, qui s'en souvient ?  les homosexuels ou ceux qui en avaient l’air étaient catalogués à droite : ils étaient tenus pour des « esthètes », amateurs d'une culture raffinée donc bourgeoise, tolérés parce qu’insignifiants. Les groupuscules de gauche (PC) ou gauchistes (Ligue communiste, UJCML etc.) cultivaient au contraire un style macho, à l’imitation de l'idée qu’ils se faisaient de la virilité ouvrière genre Stakhanov. Comme on voit, les choses ont bien changé. Tout est donc possible.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

[1] Ces faits, déjà anciens, ont été mentionnés le premier dans Marianne, le second dans Ouest-France.  

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:09

CE  POUTINE EST VRAIMENT DANGEREUX !

 

Le dernier numéro de La Revue,   titre,  ironiquement sans doute :  "Poutine, l'homme à abattre" .

Il est pourtant bien certain que  Vladimir  Poutine empoisonne  drôlement  le monde !  

Après 80 ans d'une  démocratie populaire exemplaire,  il a établi en Russie un régime dictatorial:  les élections qui lui ont permis de  devenir président ont été truquées dans une province qu'il contrôlait et cela a suffi pour que son adversaire soit battu.  Il dresse tous les matins la liste des ennemis politiques qui seront abattus  sans jugement  par les services secrets un peu partout dans le monde, même s'il s'agit de citoyens russes, grâce à des drones  ou tout simplement par des tueurs.  Les prisonniers politiques les  plus signalés sont destinés  à un traitement spécial: ils sont emmenés hors du territoire russe , dans une   prison installée au Turkménistan, sur le bord de la Mer Capsienne où ils peuvent être détenus sans jugement aussi longtemps que Poutine  le voudra. Avec l 'accord de ce petit Etat jadis partie prenante de l'Union  soviétique, le droit pénal d'aucun pays ne s'applique. Les tortures sont autorisées sans que les juges de Russie aient leur mot à dire. Les prisonniers ne savent pas  quand ils seront libérés, ni même s'ils le seront un jour.

Toujours en Russie,  la police peut , au motif de lutter contre le terrorisme tchétchène , fouiller  votre appartement ou vous arrêter sans mandat judicaire. Toutes les communications téléphoniques, y compris les portables, et naturellement internet sont écoutés 24 h sur 24  grâce à la complicité des  sociétés privées qui les gèrent.

Non seulement  le régime  a transformé en vassaux tous les pays de son étranger proche, mais il tente de faire régner ses  principes prétendus libéraux sur l'ensemble de la planète. Des fondations, officiellement indépendantes , en partie financées par les oligarques ou bien sur  fonds publics  tentent d' étendre l'influence russe jusqu'aux frontières des Etats-Unis. Ces fondations sont particulièrement actives au Mexique  où , sous prétexte de programmes civiques, elles excitent sans répit l'opinion contre le grand voisin. Les services de Poutine répandent l'idée  que,  dans ce pays ravagé par les mafias  de la drogue, un politicien véreux mais proche des Russes est un démocrate.  Est-il par contre proche des Etats-Unis ?   Alors c'est un dictateur.   Bien que l'ancien  président mexicain  , pro-américain,  ait été élu selon  les observateurs  internationaux présents à la suite d' élections exemptes de tout reproche ,  ces fondations , avec les services secrets  russes,  ont participé à l' organisation d'un coup d'état qui a permis  de le renverser. Tout a commencé par  des  manifestations à Mexico sur la Place des Quatre cultures  où  la police mexicaine a du intervenir après  que des provocateurs infiltrés  aient multiplié les incidents. L'arrivée de ce nouveau pouvoir insurrectionnel pro-russe est tenu par Poutine et ses sbires  pour une grande victoire de la démocratie au Mexique.  Maîtrisant par des relais directs ou indirects une grande partie des médias  de l'hémisphère nord, Poutine est arrivé à accréditer cette fable.   Dans le nouveau pouvoir installé à Mexico, des néo-nazis s'affichent sans vergogne.

Des idéologues russes ont osé écrire qu'une fois le Mexique complètement débarrassé de toute influence yankee, ce sont les Etats-Unis  eux-mêmes qu'il faudra démembrer en 50 Etats indépendants dont aucun ne pourra  désormais peser sur la scène internationale

On pourrait continuer l'examen des méfaits de ce dirigeant à travers le monde.

Au motif de propager son idéologie prétendu libérale, il a déclenché plusieurs guerres, particulièrement dans le monde musulman : les unes , terminées,  ont abouti à plonger certains pays dans un chaos effroyable; les autres qui continuent, se traduisent par des dizaines de milliers de victimes civiles  et se heurtent à une résistance populaire dont on  peut penser cependant qu'elle  finira  par avoir le dernier mot.

Très curieusement, les  Russes appuient presque toujours  dans cette région  les musulmans les plus extrémistes, dits islamistes, au risque de ne plus maîtriser les monstres qu'ils ont fait émerger.

Leurs expéditions militaires coutent cher. Les dépenses militaires considérables qu' elles représentent sont assurées par l'émission de roubles que, grâce à sa puissance militaire , la Russie oblige presque tous les pays de la planète à accepter comme monnaie internationale.

Les 16 services de renseignement  à la disposition   du dictateur traquent tout ce qui pourrait se dire dans le monde intéressant les  intérêts , y compris économiques, de la  Russie. Dans des pays de vieille culture démocratique  comme   ceux  de l'Europe occidentale, ils entretiennent  à  grands frais des réseaux d'influence qui contrôlent les grands organes de presse . Seules des  feuilles marginales à petit tirage osent dénoncer ces agissements. Tous les hommes politiques de gauche ou de droite  sont   fichés,  leurs faiblesses connues de telle manière que tous soient sensibles à de pressions au cas où des décisions intéressant les intérêts de la Russie viendraient à être mises au vote.

Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de jouer sur le chantage. Certains  sont sensibles  à l'argent.  Mais  la plupart s'inclinent devant l'air du temps, le sentiment qu'il n' y a rien à faire contre la  puissance dominante. Le temps de la servitude volontaire semble  venu.

La Russie, ne rencontrant pas dans le monde d'autre rival  que les  Etats-Unis  a  décidé de prévenir toute attaque qui pourrait venir d'eux en obtenant de Etats qui voisinent avec son grand rival ,  comme  le Canada,  qu'ils installent sur leur territoire  des radars particulièrement sophistiqués et des  batteries de missiles susceptibles de réagir immédiatement sur le territoire des Etats-Unis  en  cas d'attaque imprévue. Des troupes russes viennent même d’y faire leur apparition. Les Russes ne toléreraient naturellement pas que les Etats-Unis fassent de même dans leur voisinage immédiat, que d'ailleurs ils ne contrôlent pas. 

Nul doute que la  Russie représente aujourd'hui  le  principal danger   pour la paix    et   pour  la liberté du monde et   qu'il  est urgent de se débarrasser de Poutine.

 

                                                                       Roland HUREAUX

Octobre 2017

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:08

PERSIANS AND JEWS HAVE NOT ALWAYS BEEN ENEMIES

 

Who still reads the Bible in Israel, at least in government circles? We can wonder after Benjamin Netanyahu’s recent visit to Moscow. And Vladimir Putin, whose atheistic education can be an excuse, does not seem to be better informed.

When received at the Kremlin, the Israeli Prime Minister violently criticized Iran, which is allied to Russia in the Middle East: "2,500 years ago,” he said, “there was an attempt in Persia to annihilate the Jewish people", recalling the festival of Purim (12 and 13 March) which, according to Jewish tradition, celebrates the Jews’ victory over those who had then planned to exterminate them.

"Today's Iran, the heir of Persia, is renewing the attempt to destroy the Jewish State.  They say so in the clearest way: they write it on their missiles”, Netanyahu added.

"Maybe, but that was in the 5th century BC,” the Russian president replied ironically, but no more accurately. "Today, we live in a different world," he concluded.

A different world, no doubt. But what happened in the 5th (or 4th, we don’t know for sure) century BC has nothing to do with what either Netanyahu or Putin said.

The history of pre-Christian antiquity shows quite the opposite:  the Jews then had no better ally than the Persians.

The Jews were deported to Babylon by the Chaldeans as a result of the conquest of Jerusalem by king Nabuchodonosor in 586 BC. Fifty years later, the Jews were set free by Cyrus, king of Persia. In the meantime, the Persians    had eliminated the Chaldeans and taken Babylon.

Cyrus did not merely set the Jews free; he resettled some of them in Jerusalem: 40, 000 returned; the others stayed in Mesopotamia. He appointed a Jewish governor, Nehemiah. It was under Persian political domination that the Temple of Jerusalem was rebuilt. Moreover, that was when the Hebrew Bible was developed in the version we know today. Even if it traditionally comes from Moses (at least the first five books containing the Torah), most historians believe that the hard core was written down at the time of Nehemiah under Cyrus’s protection. It is barely an exaggeration to say that the substance of Judaism took shape under Persian supervision.

Netanyahu was referring to the Book of Esther, in which we learn that, at an unspecified time, a king of Persia called Assuerus (we do not know exactly who he is, since no Persian sovereign of that name appears in the records) decided to get rid of all Jews as suggested by his grand vizier Haman. They were saved by the intercession of the Jewish Queen Esther. With advice from her uncle Merdoches, the head of the Jewish community, she talked the King out of that fatal plan. This is the plot of a well-known tragedy by the great French playwright Jean Racine.

Already, to convince George W. Bush that Iran is evil, Netanyahu had offered him a deluxe edition of the Book of Esther.

In fact, Haman the villain is not Persian, but Greek - the text says: Macedonian.

As far as the historical facts can be reconstructed, the King of Persia was a passive character, with two ambitious minorities vying for influence at his court: the Jews and the Greeks. The story of Esther is a settling of accounts between the two factions and the final trouncing of the Greeks.

However, in 333, the Persian Empire was destroyed by Alexander the Great and the Greeks then dominated the region for several centuries.

 

The age-old hostility between Jews and Greeks

 

It was indeed the Greeks who caused the Jews more trouble than anyone else. The most serious hostility came from the Greek king Antiochus Epiphanius, whose historical existence is more assured than that of Assuerus. He strove to eradicate all Jewish traditions at the beginning of the second century, and had most cruelly executed those who resisted, like the old man Elazar, then seven young brothers and their mother[1]

His attempt at forced Hellenization triggered the revolt of the Maccabees (175-140 BC), which temporarily restored Jewish independence and traditions.

When the region fell under Roman protectorate, the half-Jewish king Herod’s ambitions were thwarted by the Greek queen Cleopatra, Her lover Anthony even offered her a guard of six hundred Gauls to strengthen her military superiority[2] .

One exception in this long story of enmity was a Jewish embassy to Sparta in 177[3]

The Roman domination succeeded the Greek one. After the destruction of Jerusalem by the Romans (70, then 135 AD), Jerusalem was conquered by the Persians in 614, and then again, a Persian king, Chosroes, tried to bring the Jews back to Jerusalem.

If too happens often today, historical recollections exacerbate conflicts. But in some cases, like the relationship between Israel and Iran, it is ignorance that fans the flames.

 

                                                                            Roland HUREAUX*

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:05

NI  FEDERALISTES,  NI SOUVERAINISTES

 

Jamais on ne  dira assez combien  le choix des mots importe dans les batailles politiques.  Hélas  la paresse intellectuelle  qui règne dans les milieux  de droite  empêche qu’ils s’en rendent compte.

Cela vaut aussi pour les patriotes adversaires de l’Europe de Bruxelles qui ne  sont pas tous  de ce bord.

Cela fait quarante ans  que les intéressés dénoncent comme des perroquets l’Europe  fédérale, l’Europe fédérale. Mais pourquoi  fédérale ? Parce qu’a   apriori  une union de nations  est une fédération. Parce que surtout  les partisans de cette formule se sont  donné  ce qualificatif. Un qualificatif gentil : fédérer, c’est réunir, c’est tisser des liens.

Or non seulement l’utilisation de ce mot est maladroite : on ne donne jamais un nom valorisant  à son adversaire : le général de Gaulle dont  le moindre talent n’était pas  la communication l’avait compris : il ne parlait jamais  d’Europe fédérale mais d’Europe supranationale, ce qui évoque une machinerie lourde et oppressive, beaucoup moins sympathique qu’une fédération.

Le mot de fédéralisme  n’est pas seulement  de la mauvaise communication, il est  faux. C’est  d’ailleurs un principe éthique    méconnu  que la meilleure communication  est , la plupart du temps,  de  dire tout simplement  la vérité,  ce qui ne va pas de soi car beaucoup , faute de réflexion , lui préfèrent des formules toutes faites.

Pourquoi l’Europe de Bruxelles n’est-elle pas  fédérale ? Dans une vraie fédération, les affaires de second  rang sont laissées aux entités fédérées. Or  Bruxelles non seulement ne les leur laisse pas mais ne cesse de les faire remonter   : l’Acte unique de 1987, au motif de   réaliser un marché unique totalement homogène sur le plan réglementaire,   a enlevé aux länder allemands leurs  compétences de réglementation  économique et professionnelle  pour le   transférer  non à  Berlin mais à Bruxelles (alors même qu’aux Etats-Unis, une partie de ces compétences reste aux Etats).    Quant  au principe de subsidiarité, invoqué  à l’ article  5 du traité de Lisbonne ( repris de l’article 3 B du traité   de Maastricht)  ,  il est parfaitement mensonger  car y font exception  notamment les « acquis communautaires », c’est à dite tout ce qui a déjà été transféré au niveau central et ce qui peut encore l’être , soit  « ce qui peut être mieux réalisé au niveau communautaire. »  

On ajoutera que dans une vraie fédération, le niveau central  n’a aucune relation directe avec les niveaux autres que fédéré  (-1) et laisse à ce dernier la tutelle des collectivités locales (- 2, -  3 etc.) C’est ce qui se  passe en Suisse  ou en Allemagne, pas en France.  Mais la France n’a jamais  prétendu être un Etat fédéral. Or  à Bruxelles, on fait comme en France et même pire : au nom d’une fumeuse Europe des régions, l’échelon central  ne cesse de doubler les Etats  pour traiter directement avec les régions, les départements, voire les  communes.

Les amateurs de  théorie  politique verront une autre raison pour laquelle   la  construction européenne  ne saurait    être fédérale. Jean-Jacques Rousseau   l’a dit : plus  une entité politique est vaste  – et diverse  -, plus elle doit être centralisée : un Empire plus qu’un royaume, un royaume plus que de  petites    républiques  comme celles qui composent la  Suisse.  Barroso, ancien président de la Commission qui s’y connait,    qualifiait, on s’en   souvient,  l’Europe d’ « empire non impérial » : empire quand même.

Mais l’Europe est  plus qu’un  empire : c’est une création  idéologique destinée à refaire l’homme européen en vue de  l’arracher aux démons du passé que s’appellent nationalisme, chauvinisme,  protectionnisme. Or les idéologues sont gens méfiants : comme les  dévots  soumis à la tentation, ils se sentent assiégés par  ces  démons du passé qu’ils veulent combattre  mais qui renaissent toujours, qu’ils qualifient de  populismes. Face à cette montée inexorable des oppositions, il est hors de  question  qu’ils laissent, comme on le fait dans une véritable  fédération,   la bride sur le cou aux échelons inférieurs : qui sait ce qui qu’ils pourraient en faire ?  Une  vraie  fédération repose sur la confiance ; or   la construction européenne, dont Jean-Claude Juncker a rappelé qu’elle ne saurait être démocratique, est  fondée, dès le départ, parce qu’idéologique, sur  la méfiance.

 

La souveraineté n’est pas une secte

 

Et les souverainistes ? C’est un peu pareil mais à l’envers. Là aussi De Gaulle se garda  bien d’employer ce mot. Ce  sont   patriotes  eux-mêmes qui l’ont importé du Canada. Généralement   chatouilleux sur la francophonie, ils ont adopté  un mot qui n’était pas du bon  français. Affrontés à tous  les  partisans d’une Europe idéologique qui les accusent d’archaïsme, il leur  fallait encore s’affubler d’un nom qui évoque,  que nos amis Canadiens  ne nous en veuillent  pas, l’  homme des bois. Comme ces victimes affligées du syndrome de  Stockholm tendent  le cou au bourreau, ils ont voulu   faciliter la tâche à leurs adversaires  lesquels  ont eu beau jeu  de disqualifier ce vocable. Bravo la com. !

Mais il y a une autre raison, plus fondamentale, pour  dire que c’est un mauvais mot : la souveraineté n’est  qu’un autre nom de la liberté, collective au lieu d’être individuelle.  Or    la liberté n’est pas une secte, elle est une évidence. Je ne me qualifie pas de libéral du simple fait  que  je suis attaché à ma liberté individuelle. Pas davantage  un Européen légitiment attaché à la souveraineté   nationale n’a pas à se dire souverainiste.  Il est dans l’ordre naturel de choses et cela lui suffit.   Laissons les ismes au camp  adverse.

 

Roland HUREAUX

Mars 2018

 

 

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:04

POURQUOI IL NE FAUT PAS SE TROMPER SUR LA NATURE DES REGIMES

 

 

Beaucoup d’erreurs diplomatiques auraient   été évitées ces dernières années si la classe politique avait encore une idée claire de la typologie des régimes politiques telle qu'elle avait été élaborée au milieu du dernier siècle par des auteurs comme George Orwell, Hannah Arendt, Raymond Aron.

Aux catégories habituelles venues d'Aristote : monarchie, aristocratie, démocratie, et leur perversion en tyrannie, oligarchie et démagogie, ou aux classifications plus communes distinguant tout simplement démocratie et dictature, les tragiques expériences que l'on sait ont amené ces auteurs à ajouter la catégorie jusque-là inédite du totalitarisme. Hannah Arendt y inclut le communisme soviétique et le régime nazi. Elle y aurait ajouté d’autres régimes communistes apparus ultérieurement, notamment celui de Chine. Elle pensait que le régime totalitaire n'était possible que dans de grands pays comme la Russie ou l'Allemagne : les cas du Cambodge et de la Corée du Nord, seul prototype existant encore à l'état pur de ce type régime, lui ont apporté un démenti. En revanche, elle n'avait pas tort de considérer que l'Italie fasciste avait laissé trop d'espace à des forces étrangères à son idéologie, en premier lieu à l'Eglise catholique et   pratiquait trop peu la terreur pour mériter le qualificatif de totalitaire. Tout au plus s'agissait-il d'un régime idéologique. De même, elle faisait basculer, au grand dam des antifascistes d'alors, l'Espagne franquiste ou le Portugal de Salazar du côté des dictatures classiques de type sud-américain.

 

 

 

Dictature et régime totalitaire

 

La différence entre système totalitaire et   dictature classique ne tient pas seulement à la place beaucoup plus grande que prend l’idéologie dans le premier, conduisant au mensonge généralisé, bien décrit par Soljenitsyne. Elle tient aussi au fait que la dictature ne s’en prend qu'à ses opposants leur réservant généralement le sort le plus dur, tandis que le totalitarisme pratique la terreur de masse, sans considérer de près ce qu’a fait ou n'ont pas fait   les uns et les autres.  Alors que la dictature ordinaire ne demande qu’une allégeance passive sous la forme d'une soumission craintive, le régime totalitaire exige en outre une mobilisation permanente des citoyens en sa faveur. 

Entre la dictature et la démocratie des degrés existent. Certains pays comme l'Espagne, le Portugal, le Chili sont passés d'un coup de l'une à l’autre. D'autres tels le Brésil, le Mexique, la Turquie, Taïwan ont suivi des degrés non sans conserver quelques imperfections. On peut considérer aussi la Russie d'aujourd'hui comme une démocratie imparfaite et sûrement pas comme une dictature au sens habituel. Que l'alternace y semble difficile, c'est ce qu'on avait déjà vu en son temps au Mexique, en Suède, au Japon sans que personne ne trouve à redire du caractère démocratique de ces pays, au moins s'agissant des deux derniers. Et que dire de nos démocraties occidentales où ce qui distingue les grands partis qui alternent au pouvoir est devenu bien ténu tandis que ceux qui s'écartent du consensus sont impitoyablement voués à la diabolisation ou à la marginalité ?

Le XXIe siècle a produit de nouveau types de régime inédits jusqu'ici.  La Chine d’aujourd’hui a conservé une enveloppe totalitaire :   parti unique, Etat fort, police politique redoutable mais l'idéologie s'y est affadie au bénéfice d'un système économique capitaliste très éloigné du communisme des origines. Elle est une sorte de totalitarisme schizophrène. On dit que le régime s'est libéralisé mais les milliers d'exécutions capitales (80 % de celles qui ont lieu dans le monde), les millions d'incarcérations dans les camps (laogais) et les prisons frappent-elles seulement les condamnés de droit commun ? Il est permis d'en douter. Comment suivre Pascal Lamy quand il prétend que la Chine de Xi Jinping serait plus démocratique que la Russie de Poutine ?  

Faut-il qualifier de totalitaires des régimes islamiques comme l'Iran des ayatollah ou l'Arabie Saoudite, sans compter le nouvel Etat islamique (Daesh) ?  La référence religieuse les distingue des grands totalitarismes du XXe siècle ou de l’actuelle Corée du Nord qui sont athées. L'intrusion de l'Etat dans la vie privée y va cependant loin. Aucune liberté religieuse n'existe en Arabie ou sous le khalifat de Mossoul. Comme l'Irak et l'Iran, ils ordonnent des centaines d'exécutions par an.  Mais dès lors que la loi islamique y est respectée, ces pays ne connaissent ni la mobilisation permanente (l’Iran s'est bien calmé à cet égard), ni la terreur de masse des régimes communistes.

Il reste que ces régimes religieux apparaissent bien plus oppressifs que les dictatures arabes classiques (de type nassérien, baasiste ou assimilé) : Algérie, Tunisie, Libye, Irak avant 2003, Egypte, Syrie. C’est par ignorance des catégories fondamentales que nous avons évoquées que certains de ces régimes (notamment ceux de l'Irak, de la Libye et de la Syrie) ont été diabolisés comme s'il n'y avait jamais eu rien de pire sur la terre. C'est sur la base de ces analyses erronées et d'une projet utopique de "démocratisation" du Proche-Orient, que l’Occident, au travers des printemps arabes, s ' est évertué à aider à leur renversement : la plupart des pays concernés ont alors plongé dans le chaos. Il s'agissait de dictatures classiques, un peu rudes pour certaines (Syrie, Libye) mais de rien d'autre.  Leur caractère dictatorial témoignait d'un Etat encore peu sûr de lui. Mais pour faire un Etat démocratique, il faut d'abord un Etat et non pas détruire l'Etat.  Dans la longue voie vers la démocratie, l’Etat n'est pas un obstacle, il est une première étape et une condition nécessaire. Sa destruction ne pouvait amener qu’une grave régression.

 

                                               Roland HUREAUX

Mai 2017

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 09:03

Monde & Vie 939 Entretien Roland Hureaux

 

Si vous pouviez murmurer à l’oreille du nouveau président de la République, quel est le premier acte que vous lui conseilleriez de poser ?

Je lui dirais de ne pas faire de lois nouvelles et de commencer par abroger la plupart des lois et décrets de ces dernières années lesquels, pour une grande part, ont aggravé les problèmes au lieu de les résoudre. Cela est particulièrement vrai en matière d’éducation, de justice, d’administration territoriale, de droit de la famille. Jusqu’où faudrait-il remonter ? En tous les cas, il faut abroger presque tout ce qui a été fait au cours du quinquennat Hollande.

Cette proposition est en forme de provocation, mais elle est moins farfelue qu’il ne parait. Le théoricien marxiste Guy Debord, qui a inspiré un philosophe catholique comme Philippe Muray, disait que « la société du spectacle (celle où nous nous trouvons) ne peut plus se réformer que pour faire aller les choses de mal en pis ».

Qui pleurera la réforme du collège, la loi Egalité et Citoyenneté, la modulation des allocations familiales et naturellement les lois Taubira et bien d’autres choses encore, comme la réforme territoriale ou l’extension du délit d’entrave à l’avortement ?

Mais beaucoup d’erreurs ont été commises aussi dans les quinquennats antérieurs. Je pense par exemple que si on n’avait fait aucune « réforme de l’Etat » depuis 25 ans,  les dépenses publiques seraient de 10 % moins lourdes. Paradoxe d’autant plus étonnant que presque toutes ces réformes visaient à les réduire !

Europe, euro, immigration, éducation, culture, questions de société… Le gouvernement de la France a abandonné des pans entiers de souveraineté en même temps qu’il s’immisce à l’extrême dans la société civile. Par où faut-il commencer le redressement du pays ?

Il est clair que les chantiers sont immenses. Certains sont moins urgents : je pense que « plaie d’argent n’est pas mortelle » et que, quelle que soit la nécessité de relancer l’activité économique, de réduire les dépenses publiques, de réformer la fiscalité, d’aménager le territoire au bénéfice des zones déshéritées, on n’en est pas sur ces chapitres à quelques mois près.

Mais il ne faut pas attendre pour infléchir une politique étrangère totalement inféodée à l’OTAN et qui s’est avérée criminelle. Il faut ainsi cesser immédiatement d’aider les groupes djihadistes au Proche-Orient (l’opinion croit que nous les combattons, mais c’est le contraire !). Il ne faut pas attendre non plus pour définir une stratégie industrielle.

La question de l’euro, surévalué, est capitale : à moins qu’un vent de spéculation internationale ne le fasse éclater, le nouveau gouvernement peut, me semble-t-il, laisser passer quelques mois pour prendre des décisions.

Il en est de même pour une éventuelle réforme de l’Union européenne.

L’urgence est plus grande en matière d’éducation pour des raisons de calendrier : la rentrée scolaire est imminente. Un gouvernement de droite, quel qu’il soit, ne saurait la faire dans le cadre tracé par Najat Vallaud Belkacem : compte tenu du délai requis pour faire de nouveaux manuels, le gouvernement devra faire sans délai les quelques réformes urgentes : abrogation de la réforme du collège, retour aux méthodes naturelles d’apprentissage de la lecture, restauration de l’histoire de France, priorité à la langue française etc. Je suggère qu’on reprenne tout simplement les circulaires Robien de 2007, absurdement abrogées par Sarkozy et qui étaient, au moins pour deux d’entre elles, excellentes.

Le problème principal de la France, comme de l’Europe, dont personne n’a parlé dans la campagne, est que sa population ne se renouvelle pas, surtout la population d’origine. La gauche a pris des mesures désastreuses : suppression des allocations familiales de la partie supposée aisée de la population, abaissement du quotient familial. Il faut revenir à ce qui existait avant, et même aller plus loin : la société est de plus en plus hostile à la mère et à l’enfant. Il y a les pressions qui s’exercent impunément un peu partout, y compris dans les familles et les entreprises, pour que les femmes avortent (alors que, comme vous le savez, ceux qui veulent les en dissuader sont passibles de poursuites). C’est toute la mentalité de nos contemporains vis à vis de l’enfant qu’il faut changer. Des gestes forts, pas forcément législatifs, doivent être posés très vite.

 

Un président peut-il afficher ses convictions chrétiennes et cela peut-il, doit-il peser sur ses choix ? Par exemple, face au « mariage » gay, au « droit » à l’avortement, à l’islam, à la mise en œuvre de la laïcité ?

Un président, comme autrefois les rois, a une mission capitale qui passe avant tout : maintenir la paix civile. Cela peut supposer une certaine discrétion dans les affaires religieuses si elles risquent de diviser la communauté. Philippe le Bel qui était un roi chrétien, petit-fils de saint Louis, n’a jamais perdu de vue que sa mission première était le soin du royaume. Le cardinal de Richelieu de même. De Gaulle allait à la messe le dimanche mais il ne communiait pas dans une cérémonie ayant un caractère officiel (sauf à l’étranger pour faire un geste envers le pays hôte). Vous me direz : alors Dieu ne serait pas le premier servi ? Mais rien ne serait plus désagréable à Dieu qu’une guerre civile qui, je crois que saint Thomas le dit, multiplie les péchés de toutes sortes (meurtres, viols, rapines, vengeances) ? Le président doit se montrer le président de tous.

La paix civile peut aussi passer par des mesures de fermeté qui ne sont pas de l’ordre de la morale ordinaire.

Quant aux questions que vous évoquez : mariage homosexuel (pas gai du tout), avortement, ce sont des questions de loi naturelle, autrement dit de morale laïque. C’est le Comité national d’action laïque qui aurait dû prendre la tête de la Manif pour tous pour défendre la morale naturelle. Si des catholiques s’en sont mêlés, c’est à titre subsidiaire, les autres ne le faisant pas : un peu comme le pape Saint Léon le Grand défendait Rome menacée par le Huns : ce n’était pas sa mission première mais la défaillance des autorités civiles l’y avait contraint.

Comme le dit Rémi Brague, il n’y a pas de morale chrétienne, ni de morale catholique. Le Christ se réfère à la loi naturelle (réitérée dans la loi de Moïse). Et cette morale n’est, pour l’essentiel, depuis la préhistoire, que le manuel de survie des groupes humains. Il n’est donc pas nécessaire d’être un chef d’Etat chrétien pour invoquer la loi naturelle qui est au fondement de toutes les sociétés.

Quant à l’islam, sa place dans la société doit aussi être subordonnée au souci de la paix civile. La laïcité a deux significations : la première, l‘exclusion de principe de toute acte religieux de l’espace public, position de quelqu’un comme Mélenchon. Elle n’est pas acceptable. La seconde, la subordination de l’expression religieuse aux exigences de l’ordre public,  est indispensable : elle ne suppose aucune règle générale, il y faut le sens de l’opportunité et le doigté.

Mais le problème de fond posé par l’islam en Europe est d’abord démographique et il n’a pas de solution facile. Il se poserait même si on arrêtait entièrement l’immigration. Il est à craindre que, si la France est un jour, ce que la prolongation des courbes laisse supposer, composée de deux blocs religieux de poids comparable, nous n’échappions pas à de graves troubles. Tous les précédents historiques, sans exception, le montrent.

        

Qu’est-il encore possible d’espérer de cette élection ?

Il n’y a pas à attendre de miracles d’une élection. Le sauveur suprême n’en sortira pas nécessairement. Un peuple a les chefs qu’il mérite ; je ne sais pas si nous en méritons de très bons.

Mais avec le quinquennat Hollande, nous avons eu l’impression de toucher le fond : outre les lois sociétales que vous savez, la déliquescence de l’éducation nationale et de la justice, une politique étrangère honteuse, qui a sacrifié le sort des chrétiens d’Orient et nos propres intérêts à l’idéologie, qui a contribué à semer la guerre en Europe. S’y ajoute le viol des principes les plus fondamentaux de la République et même de l’Etat de droit, dont l’instrumentalisation sans précédent de la justice au travers de l’affaire Fillon est un exemple. Peut-on avoir pire ? J’espère que non.

 

Enfin, sur le plan métapolitique, de quoi la France a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ?

Depuis les Lumières, il était habituel d’opposer la raison et la foi ; on opposait aussi la morale naturelle, celle dont je vous parlais, aux exigences ecclésiastiques jugées exagérées ou contre nature.

Le pape Jean Paul II a renversé la perspective dans son encyclique Fides et ratio. Quand les hommes perdent la foi, ils perdent aussi la raison. De même que, si le fond chrétien est trop affaibli, la morale naturelle qui était, pour l’essentiel, commune à l’Eglise et aux vieux laïques comme Jules Ferry, part à vau l’eau.

La déraison en politique, cela s’appelle l’idéologie qui est le contraire du bon sens, du « sens commun » si vous voulez.

L’idéologie a aujourd’hui envahi tout. Ce n’est pas une grande idéologie du type du marxisme léninisme, ce sont des dizaines d’idéologies sectorielles comme le collège unique ou les idées de Bourdieu à l’éducation nationale, les idées libertaires et antifamiliales, le marché pur et parfait promu à Bruxelles, le droit-de-l’hommisme exacerbé à l’international qui a conduit à des catastrophes. L’idéologie, comme la gnose autrefois, fait perdre le sens du réel. C’est pour cela que je disais que la plupart des réformes de ces dernières années étaient mauvaises.

Mais derrière, il y a la société civile : si elle ne se renouvelle plus sur le plan démographique, c’est qu’elle ne croit plus à son avenir. Peut-elle retrouver la foi en elle-même sans la foi tout court ? Voilà une vraie question.

Propos recueillis par Jeanne Smits

 

 

 

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 08:58

LA BALANCE DES PAIEMENTS, TALON D’ACHILLE DE MACRON

 

Le redoux  économique dont témoigne une légère reprise de la  croissance en Franc e (1,8 % par an pour 2017) et en Europe résulte bien davantage de la politique inflationniste menée depuis déjà quelque temps par la Banque centrale européenne (dite quantitative easing)  que  de l’effet des ordonnances sociales  de M. Macron ou de la meilleure réputation qu’il aurait donnée à la France à l’étranger ,  ni l’un ni l’autre n’ayant eu évidemment  le temps d’avoir produit un résultat, si tant est qu’ils en aient jamais.   

Pour ce qui est du déficit budgétaire, il reste contenu, au moins sur le papier,  dans la limite de 3%, ce qui veut dire que la France continue à s’endetter  de quelques dizaines de  milliards chaque année. Et il n’est contenu que par une hausse d’impôts qu’on estime déjà  à 10 milliards, comportant pas moins de 8 impôts nouveaux en huit mois. C’était la méthode Hollande, elle continue. Macron la connait bien : il était son ministre des finances. On le qualifie de libéral…

Mais cet optimisme, tout relatif, rencontre une zone d’ombre : le déficit commercial qui a grimpé de 45 à 63 milliards  (dont 50  milliards pour les produits manufacturiers). Pendant ce temps, l’excédent commercial allemand s’élève  à 245 milliards.

Ces chiffres ne font que refléter ce qu’il est   advenu de notre production industrielle depuis l’entrée dans  la zone euro : Allemagne + 32 % ; France  – 12 % ; Italie – 19 %.

Devant ces faits, on peut bien sûr faire toutes  sortes de contorsions : les Français devaient faire ceci ou cela,  baisser les impôts, mieux  soutenir leur industrie et tout ce que l’on veut : s’il   ne l’ont pas fait en 18 ans, il y a peu de chances qu’ils le fassent aujourd’hui.

 

La monnaie, facteur incontournable

 

En fait, il est un facteur avec lequel on ne triche jamais en économie, c’est la monnaie.

Quels  que soient les handicaps de compétitivité des uns ou des autres,  ils n’ont pas  d’effet sur l’équilibre des   balances  des  paiements  dès lors qu’ils se conjuguent avec un taux de change adapté.

Or la zone euro souffre d’un grave  déséquilibre : celui de l’Allemagne (et de ses compagnons de  route comme les Pays-Bas ou la Finlande )  et de  tous les autres  dont  la France. Le taux de change auquel les différents   pays ont fait entrer leur monnaie dans la zone euro,  déprécié pour l’Allemagne, trop élevé pour la France  et les pays méditerranéens  s’est conjugué avec  la politique  de déflation féroce menée par le chancelier  Schröder  à l’entrée dans l’euro  destinée à accroitre encore la marge de compétitivité de  l’économie allemande. La propension de ce pays étant  depuis longtemps  moins inflationniste que celle des  autres, le déséquilibre    n’a fait que s’aggraver  depuis 2017. Et bien évidemment, Macron qui n’envisage notamment aucune réduction des  dépenses  publiques  n’y changera rien.

La sanction de ce handicap monétaire, c’est,  comme le montre tout manuel d’économie   de première année, le déficit de la  banque des paiements . Et plus le temps  passe, plus il a de chances de s’aggraver.

Macron, fanatiquement  attaché à l’Europe et à l’euro,   sera confronté très  vite à cette embûche . Or  le cadre mental dans lequel il évolue l’empêchera d’y apporter la seule solution  possible : une redéfinition des  parités entre les pays de la zone  euro et donc son éclatement.

A la rigueur aurait-on pu rééquilibrer  en partie  nos échanges  sans changement de parité  en adoptant la   mal nommée « TVA sociale »,  remboursable aux exportateurs ;  mais en faisant le choix d’augmenter  plutôt  la CSG, non remboursable , Macron tourne le dos à cette solution qu’il aurait d’ailleurs fallu adopter déjà  il y a dix ou quinze ans.  

Les conséquences de cette situation pour  la France  sont lamentables   : notre tissu industriel s’étiole , notre agriculture aussi .  L’économie française, du fait de son  déficit global pâtit d’un manque  croissant de capitaux qui se traduit par la cession   à l’étranger de l’essentiel de nos  industries stratégiques : Alstom, Technip,  Nexter (GIAT) , Naval Group (DCNS), toutes opérations que le président, en cheville avec les milieux bancaires qui lui sont proches,  réalise  sans vergogne.

A la rigueur   un pays peu compétitif comme le sont aussi les Etats-Unis peut stimulera  son   marché intérieur en y injectant des commandes  publiques  non soumises  à la concurrence : ainsi les gigantesques dépenses d’armement  du Pentagone  qui s’élèvent à 700 milliards de dollars.   En France nos collectivités locales le font aussi  sans s’en  apercevoir  en multipliant les  ronds-points  même là où ils ne servent à rien.  Mais en  matière militaire, nous faisons exactement   le contraire : le renouvellement  des  fusils d’assaut français  qu’aucune règle internationale n’empêchait de  faire en France  (quitte à réactiver les industries  spécialisées ) a  été  confié  à une  entreprise   allemande  ! Absurde.

Cela n’est pas contradictoire avec une certaine reprise  économique : un pays déficitaire importe et les importations,  même non équilibrées par des exportations, génèrent des emplois de  commerce et de service . Mais cela reste  à la surface des choses ; pendant ce temps, les   fondamentaux de  l’économie  française,  eux,  périclitent , exactement    comme péricliterait  un commerce qui vendrait  25 % plus cher que son concurrent.  L’euphorie passée, Macron n’échappera pas à cette  épreuve de vérité.

 

Roland HUREAUX *

Mars 2018

 

*Auteur de D’une crise à l’autre, Mondialisation, euro, France, Allemagne , Ed Libres, 2017

 

 

 

 

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 08:57

POURQUOI PERSONNE N’ARRIVE À CONTENIR LA HAUSSE DES DÉPENSES PUBLIQUES 

 

Depuis trente ans, inlassablement, les think tanks libéraux qui occupent le devant de la scène française et tentent d’alimenter les programmes des partis   plaident pour la baisse des dépenses publiques et ils ont raison :  ce devrait être là une priorité nationale. Ces dépenses publiques sont passées de 38, 5 % du PIB en 1970 à 57,7 % en 2015. Elles continuent à s’élever.

Même si la gauche est plus responsable que la droite à cet égard, celle-ci n'a nullement profité de ses passages au pouvoir pour renverser la tendance, au contraire.

Il est même frappant de voir combien les analyses et les propositions des libéraux restent lettre morte. 

On impute cette hausse permanente à différents facteurs : la démagogie, l’incompétence des politiques qui laissent souvent filer les budgets sans y prendre garde ou n'y attachent pas d’importance. Mais beaucoup de nouvelles dépenses sont engagées sans que personne ne les demande !

Même si ces explications ont une part de vérité, les raisons de la hausse des dépenses publiques sont plus profondes.

 

Le rôle de l'idéologie

 

Elles tiennent, pensons-nous, à l’investissement des politiques publiques par l'idéologie.

Ce terme d’idéologie a de nombreuses significations. Nous en retiendrons une : des politiques publiques inspirées par des idées simples, généralement fausses parce que trop simples, fondées sur des clichés qui circulent dans les milieux dirigeants (presse comprise) ou certaines administrations et non sur une analyse fine des réalités.

Ce refus d’analyser de près certaines réalités de terrain avant de décider existe dans tous les pays, mais il est particulièrement répandu en France où la suffisance des décideurs parisiens (et parfois provinciaux) semble les dispenser de s'abaisser à regarder les choses de près ; méprisant les acteurs de terrain, ils les soupçonnent a priori d'être prisonniers de partis pris démagogiques.  A l'origine de ces attitudes se conjuguent curieusement nos deux grands héritages, celui    de l’Ancien régime : une société de cour arrogante et de celui de la Révolution française : une propension inégalée à l’abstraction.

Il a été admis une fois pour toutes sans examen que 36 000[1]  communes étaient source de gaspillage, alors que c’était exactement le contraire : ces petites communes étaient gérées à l'économie, leur regroupement en ensembles intercommunaux s'est avéré au contraire terriblement dispendieux. Mais les think tanks libéraux continuent de répéter comme des perroquets qu'il faut regrouper les communes, les départements, et le gouvernement vient de procéder, sans nécessité, au regroupement des régions, ce qui entraînera sans nul doute des dépenses publiques supplémentaires. On peut en effet tenir pour une loi économique que plus une entité publique est grosse, plus elle entraîne de frais généraux.

Quand nous parlons d'idéologie, nous ne nous référons pas à un grand système totalitaire tel que celui qui a régné en son temps en Union soviétique[2]. Il s'agit d'idéologies sectorielles qui suivent généralement le même modèle simplificateur mais qui ne sont reliées entre elles que de manière lâche. Certaines sont même contradictoires :  par exemple, au ministère de la santé, la tendance est à la fois à fonctionnariser la médecine libérale et à libéraliser le statut des pharmaciens.

 

Des réformes nocives

 

L'idéologie n'est pas seulement une simplification et donc une falsification du regard porté sur le réel, elle inspire d’innombrables réformes plus nocives les unes que les autres. Pour qui veut comprendre la différence entre une réforme "naturelle" et une réforme idéologique, il suffit d'appliquer la règle suivante : une réforme « naturelle » vise seulement à résoudre les problèmes quand ils se posent, ce qui est déjà assez tant il y en a ; une réforme idéologique vise à   résoudre des problèmes qui ne se posent pas, sans résoudre ceux qui se posent vraiment. Simplement, elle veut redresser telle ou telle réalité qui n'entre pas dans les schémas abstraits que les décideurs ont établie en norme.  Il en est ainsi de la plupart des normes européennes : ainsi celles qui ont entraîné le sectionnement d’EDF et de la SNCF en plusieurs entités indépendantes sans autre objectif que de se mettre en conformité avec une théorie de la concurrence généralisée à caractère idéologique (au demeurant contestée dans le cas d'espèce par beaucoup d’économistes) et qui a bien plutôt créé les problèmes qu'elle n'en a réglé. On pourrait ajouter beaucoup d’autres exemples. En matière de réforme de l'État où sans tenir compte de la spécificité de la sphère publique, on a tenté d'imposer de manière artificielle des méthodes de gestion prétendues issues du privé, l'effet a été de créer du désordre et d’affaiblir la motivation des agents : indicateurs d’efficacité manipulés, primes de résultat arbitraires, gestion des carrières lourde et formaliste, regroupements de services aux cultures éloignées etc. L’éducation nationale, de manière plus ancienne, avait imposé le principe du collège unique : on pensait   assurer l'égalité des enfants en imposant le même moule à tous sans   tenir compte de leurs aptitudes différenciées, une idée aussi stupide que si on avait dit que pour égaliser une série de nombres, il fallait les multiplier tous par deux !   Souvent, l'idéologie est l’imitation servile de modèles étrangers : ainsi la réforme de la politique agricole commune de 1992, d’inspiration américaine, qui a alourdi le coût des soutiens ou l’imitation du modèle pédagogique allemand (inefficace) par la multiplication d'exercices interdisciplinaires dans l'enseignement secondaire qui brouillent les repères et démoralisent les enseignants.

 

Le bon sens est la chose là moins partagée

 

Dans cette multiplication   de politiques idéologiques, il est rare que les idées de bon sens arrivent à faire leur chemin : on citera la création des Instituts Carnot dans le domaine de la recherche qui ont été instaurés avec succès en 2006, parce que leurs promoteurs avaient pu travailler hors du feu des projecteurs et des stéréotypes du parisianisme. L'extension du domaine de l'idéologie est facilitée par l'obsession  de la    communication (la com')  : des schémas simples sont plus faciles  à expliquer   aux journalistes ou au grand public ;   fusionner  tous les services de renseignements civils en un seul semble a priori propre à en améliorer l'efficacité même si le désordre entraîné par cette réforme que rien ne nécessitait (  le renseignement intérieur marchait très bien jusque là)  , est une des causes de la perte de contact de nos services avec les milieux terroristes à partir de 2010 et, par là , des attentats de 2015.

 

La dépense publique, variable d'ajustement

 

Quel rapport entre l'idéologie et la dépense publique ? Il est plus grand que l'on croit. On peut dire que chaque fois qu'une réforme est idéologique et donc mauvaise, la dépense publique constitue la variable d'ajustement. Cela de différentes manières :

 

-  D'abord parce que toutes les réformes créent du stress et entrainent une forte dépense d'énergie, spécialement celles qui touchent à l'administration elle-même : pendant plusieurs années, le service est perturbé, les agents étant mobilisés par le changement interne. Une administration en réforme permanente est une administration qui coûte   bien plus cher que celle qui fonctionne normalement sans être chamboulée.  D'autant   que, généralement imposées de haut, comme c'est l'usage en France -  toujours l'esprit de Cour-, ces réformes sont mal reçues par le personnel qui   se démoralise et se démobilise. L'action administrative a besoin de cadres stables ; les déstabiliser en permanence entraîne une perte d'efficacité ; la perte d'efficacité entraîne des besoins de personnel supplémentaires ;  

 

- Ensuite parce que les agents étant naturellement conservateurs (mais qui ne l'est pas ?), les autorités politiques qui souhaitent que la réforme se fasse sans heurts   achètent leur consentement par une large distribution de primes ou d'avantages de carrière. Une première tentative de fusionner les services fiscaux et les services du trésor   avait   échoué face aux résistances. L'administration ne voulant jamais se déjuger est revenue à la charge quelques années après : une seconde réforme a réussi parce qu'une prime de fusion a été généreusement distribuée à un personnel qui était déjà parmi le mieux payé de la sphère publique.  De même, la perspective de fusion (non encore réalisée heureusement) de la police et de la gendarmerie a conduit à aligner les avantages statutaires des uns sur ceux des autres, selon la règle du mieux disant[3]. Pour attirer les élus locaux réticents dans les structures intercommunales, la loi Chevènement leur a permis de multiplier les postes de vice-présidents devenus de coûteuses prébendes et d’augmenter les indemnités ;

 

- Enfin la plupart de ces réformes idéologiques étant mal conçues car inadaptées à la réalité concrète, créent des dysfonctionnements divers et généralement coûteux. La mise en place des communautés de communes et d’agglomération a entraîné la création de 200 000 postes de fonctionnaires en plus de ceux qui existaient déjà : sont en cause, outre le principe lui-même de la course à la dimension, les mécanismes financiers du rapprochement intercommunal comme, par exemple, les distributions de dotations incitant à la dépense, ou la complication plus grande des nouvelles procédures.  Si l'on n'avait rien réformé du tout - et cette réforme est typiquement idéologique puisque personne ne la demandait et qu'aucun problème grave ne la rendait nécessaire - le coût aurait été encore moindre. L'instauration des Agences régionales de santé, selon le même principe de "regrouper pour mieux gérer" a entraîné la création d’une couche bureaucratique supplémentaire dans le monde hospitalier ; par ailleurs les    chefs de pôles sont venus s’ajouter aux chefs de service. De même l'idée absurde que nos universités étaient trop petites, inspirée par les critères très particuliers du classement de Shanghai, a déterminé la création d'organismes fédérateurs, les PRES, qui ne sont eux aussi qu’une strate supplémentaire ;

 

-  Ajoutons, et c'est le plus grave, que le règne de l’idéologie dans certains secteurs clef de l’appareil d’État français fait tant de dégâts que le seul moyen de les réparer est d'engager de nouvelles dépenses publiques. L'exemple le plus patent est l'éducation nationale qui a vu au cours des quarante dernières années l'application du collège unique, des théories pédagogiques pseudo-scientifiques absurdes, notamment dans l'apprentissage de la lecture, des idées de Bourdieu selon lesquelles, pour rendre l'éducation plus égalitaire, il fallait abaisser les exigences en matière de langue, de tenue, d’obéissance, ce qui a eu pour   conséquence un relâchement général de la discipline dans les écoles. Par elles mêmes ces réformes n'alourdissent pas les coûts mais elles ont pour effet une baisse du niveau que l'on tente de compenser en créant de nouveaux postes pour diminuer sans cesse les effectifs des classes, en instaurant de coûteuses ZEP aux crédits renforcés et en allongeant la scolarité etc.  Les libéraux font souvent le procès aux enseignants que leur efficacité est faible, que leurs syndicats "n'en ont jamais assez". Ils proposent un système lui aussi idéologique qui coûtera cher sans résultat :  l'évaluation généralisée. En fait, la raison d’être de ces dysfonctionnements, tient à l’application, et cela dès le niveau le plus élémentaire, des principes faux qu'on a vus. Cette application a été décidée en haut lieu, les enseignants, conscients des inconvénients générés, n'y sont pour rien, sinon qu’ils adhèrent à des syndicats qui ont soutenu ces réformes. On peut dire la même chose de la justice, autre secteur hautement idéologique : les idées perverses du Syndicat de la magistrature y ont pénétré, répandant à tous les niveaux la culture de l'excuse et se traduisant par une augmentation de la délinquance qui rend nécessaire l'augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, la création de nombreux postes d’éducateurs généralement inopérants, sans compter des troubles de l'ordre public coûteux. Parallèlement, les procédures n'ont cessé d'être compliquées au nom d'un droit de l'hommisme échevelé (alors même que les atteintes à la vie privée se multiplient sous l'effet de lois antiterroristes). Si la justice se faisait craindre davantage, il faudrait moins de policiers et de gendarmes !  

On pourrait aussi montrer comment la réforme de la PAC de 1992 a coûté beaucoup plus cher au contribuable tout en démoralisant le monde agricole désormais assimilé à un consommateur de subventions. Cela pour faire droit à la théorie libérale prônée par le GATT qui   disqualifiait le soutien des prix.

L'idée que   la plupart des augmentations de la dépense publique depuis 1980 sont imputables à des réformes à caractère idéologique, peut être étendue   à l’explosion des dépenses d'indemnisation du chômage (y compris toutes les formes d'emploi aidé) qui ne sont pas sans lien avec la préférence bien antérieure à l’euro pour une monnaie forte, qui a, elle aussi, un caractère idéologique et est la cause de l’augmentation du chômage.

 

Le libéralisme érigé en système est aussi une idéologie

 

Face à ces mécanismes de pensée (ou de non-pensée), qu'on ne voudrait   cependant pas généraliser pour ne pas nous exposer nous aussi au   soupçon d’idéologie, l’inaptitude des think tanks libéraux à promouvoir, malgré leur hégémonie intellectuelle, une vraie politique d'économies est frappante.  Ils ressassent à chaque échéance électorale des propositions de coupes sombres dans les dépenses sociales dont on ne voit jamais la couleur, des privatisations érigées en système (tantôt opportunes, tantôt pas) alors qu’elles ne concernent que les stocks publics, pas les flux, ou la réforme des statuts des fonctionnaires (qui coûtera très cher elle aussi, n'en doutons pas). Le problème est qu'ils sont eux aussi porteurs d'idéologie, c'est à dire de schémas simplifiés qui semblent les dispenser s'une étude approfondie des réalités. Idéologie nourrie de leur peu d'empathie pour le monde du service public qui n'est pas le meilleur moyen d’en connaître en finesse les mécanismes. Idéologie qui n'est sans doute que le reflet des préjugés sommaires de leurs financeurs (grands groupes) ou de leurs relais (grands médias) qu'ils se doivent de satisfaire en allant dans leur sens.  Ils sont    à l'origine, directe ou indirecte, de nombreuses réformes qui ont abouti à une augmentation des dépenses publiques : ainsi, l'assimilation abusive du management public au management privé d'où résultent la LOLF de 2001 ou le regroupement des communes, dans laquelle des libéraux peu au fait du fonctionnement réel de l'Etat ont imaginé trouver une source d’économies alors que c’était le contraire. L'évaluation généralisée, presque toujours fallacieuse en dehors du critère du profit, est de la même eau. Le libéralisme transformé en système est lui aussi une idéologie et il n’échappe pas à la loi commune des idéologies qui est d'alourdir la dépense publique.

Parmi les raisons qui favorisent l'envahissement de la sphère publique par le mode de pensée idéologique, il y a l'incompétence, les modes internationales, il y a aussi la paresse intellectuelle.  Il est plus facile de proposer des réformes qui se traduisent par la déclinaison mécanique de grands principes éloignés du terrain (la loi Macron est, au moins en partie, assez typique à cet égard) que d'analyser en détail comment fonctionnent réellement les services, ou encore de consulter les gens de la base.  La paresse va généralement avec l’orgueil, celui de savoir sans s'être informé. Les sept péchés capitaux ne sont certes pas tous impliqués au même degré dans ces dérives, mais il est certain que la France n'est pas près de contenir les dépenses publiques tant que ne sera pas opéré dans le mode de pensée de nos gouvernants ce qu’Ernest Renan appelait une grande réforme intellectuelle et morale.

 

                                                           Roland HUREAUX

                                                           Juillet 2017

 

 

 

 

 

 

 

[1] 36 593 exactement en 2015

[2] Encore que le système communiste ait été fondé, lui aussi, sur quelques idées trop simples : la propriété doit être supprimée, l'Etat doit s'occuper de tout.

[3] De la même veine, est le projet récent de fusionner les écoles de police et de gendarmerie qui témoigne d'une parfaite ignorance des cultures spécifiques de ces institutions et qui, s'il était réalisé, coûterait très cher.

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 08:56

 

IL FAUT ACCORDER LA CARTE DU COMBATTANT AUX DJIHADISTES DE RETOUR   DE SYRIE

 

De nombreuses voix s’indignent des avantages consentis aux djihadistes français de retour sur le territoire national, notamment le bénéfice du RSA. Certains voudraient les déchoir de la nationalité française. D'autres les interdire de séjour, les emprisonner ou leur imposer un stage de radicalisation.

Nous pensons au contraire qu’il faut leur accorder le statut d 'ancien combattant.

Pourquoi ?

Parce que dans la guerre de Syrie, ils se sont battus aux côtés de l'armée française.

Depuis 2011, la France a , de facto , fait la  guerre au gouvernement de Syrie  ( dit "régime de Bachar el Assad") . Pour cela, il a livré des armes, fourni de l'entrainement  aux forces djihadistes ( notamment en Jordanie ), au moins à certaines comme Al Qaida ( rebaptisé pour plus de respectabilité  Al Nosra) - mais que ce soit Al Qaida ou d'autres , cela n'a pas d'importance, l'osmose entre les groupes djihadistes, y compris Daech,  étant totale. Nos soldats les ont "conseillés » dans les combats, ce qui veut souvent dire "commandés". Des officiers français impliqués dans les combats ont été faits prisonniers par l'armée syrienne à Homs en 2012.

Certes il s'agissait de "forces spéciales » et notre pays n 'était pas officiellement en guerre avec la Syrie - quoiqu’il ait entièrement rompu les relations diplomatiques avec Damas en 2012.  

 

Ils étaient du même côté que l'armée française

 

Il reste que les djihadistes en cause n'ont pas trahi la France.  Ils se sont toujours trouvés du même côté que l’armée française en tous les cas celle   François Hollande. La cause qu'ils ont servie était officiellement promue par l'Etat français ; c’était la lutte contre le régime de Bachar el Assad et donc la cause des droits de l'homme et de la démocratie.  

Les djihadistes n'étaient pas seulement du côté de la France :    ils étaient du côté du "monde libre ", puisque l’OTAN dans son entier était engagée aux côtés des islamistes syriens (appelés "rebelles", ça fait mieux) : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Danemark, Turquie etc.

Que nos volontaires se soient laissé pousser la barbe n'est pas non plus un obstacle :  n'est-ce pas aussi dans les usages de la Légion étrangère ?

La durée de service sur le théâtre des opérations exigée pour obtenir la carte du combattant est de vingt jours : la plupart des djihadistes de nationalité française sont restés plus que cela.  Beaucoup y sont même restés tout court, la mortalité étant particulièrement élevée dans cette guerre.

Il n’est certes pas prouvé que les instructeurs issus de l'armée française chargés de former les rebelles dans les camps d'entrainement aient rencontré les "volontaires" français issus de nos banlieues. Nous n'avons pas encore de témoignages directs à ce sujet. Mais il est bien évident que, pour des raisons pratiques, c’est à des instructeurs français qu’ont dû être confiés les   volontaires francophones.

L'idée de donner la carte du combattant, avec tous les avantages afférents, aux djihadistes de retour au pays n’est donc pas absurde.   

Quoique l'engagement français ait commencé sous Sarkozy et Juppé, il a pris une ampleur encore plus grande sous Hollande. C'est donc à lui, tant qu'il est encore président, de prendre la mesure de justice élémentaire que nous préconisons. 

 

                                                           Roland HUREAUX

                                                           Mars 2017

 

 

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 08:54

EUROPE 1  SE  DECHAINE DANS LA PROPAGANDE

 

Je n’écoute plus, comme beaucoup, les  bulletins d’information les plus connus: France Inter, Europe 1, RTL etc. Encore moins ceux de la télévision.

Je savais qu’ils étaient devenus pour l’essentiel des bulletins  de  propagande mais  je n’imaginais pas à quel point.

Il y a quelques jours,   au bulletin du soir de RTL, une présentatrice dont je ne veux pas connaitre le nom,  nous a résumé l’actualité.  5 minutes sur les projets du gouvernement Macron : une voix  sympathique et agréable, pleine d’empathie, pour évoquer Emmanuel Macron par ci, Edouard Philippe   par  là,  à croire qu’elle  en était amoureuse. Parmi les projets, la réduction de la vitesse limite à 80 km /h  qu’un  ministre nous a présentée  comme très bénéfique pour la sécurité, sans contradiction, alors que tout el monde sait que cette mesure est très contestée.  Bref tout va pour le mieux dans notre belle France.

Ensuite 10 minutes sur Poutine et la Russie. Un  tableau effroyable : dictature,  contrôle de l’opinion,  élections truquées, matraquage de manifestants, assassinats.  Bref l’horreur, bien pire que du  temps de Staline et Brejnev. Poutine  n’a fait, dit-elle,  pour les élections présidentielles, que deux réunions publiques : une en Crimée et une à Moscou : à Moscou 1500 personnes dans la salle « qui ne savaient même pas pourquoi elles étaient là » : cette information est si absurde qu’on ne peut pas ne pas y voir la  fake-news  dans toute sa splendeur,  comme si dans toute  l’agglomération de Moscou  on ne trouvait pas 1500 personnes pour venir écouter  le président !     

A aucun moment cette présentatrice si complaisante  pour le gouvernement français  n’a envisagé que si Poutine gagnait    les élections, ce n’était  pas seulement  en bourrant  les urnes, c’était aussi  parce   les Russes en étaient globalement contents : les sondages qui l’attestent ont un caractère international et ne sont donc pas   sujets à manipulation.  A comparer avec  les candidats d’En Marche, régulièrement battus aux élections partielles.

J’étais allé en Russie après l’élection précédente.  J’y avais  rencontré  Dimitri Mouratov, le rédacteur en chef de Novai Gazeta,   principal organe d’opposition à Poutine. Avec les journaux de province, il représente  , nous a-t-il dit,  1 million et demi d’exemplaires : en France, quel groupe de presse  d’opposition à Macron peut afficher un tel  tirage ?

Il y avait  alors, jour après jour,  des manifestations  à Moscou    pour  protester contre la fraude massive présumée avoir  eu lieu lors de cette élection. Qui a manifesté à Paris contre cette fraude caractérisée qu’a représentée   l’intervention de la justice dans le processus électoral  qui a permis d’éliminer Fillon et de faire élire  Macron ?

Nous lui demandâmes  quel aurait été le résultat s’il n’y avait pas eu de fraude. Il nous répondit que Poutine  n’aurait été élu  avec 55 % des voix au lieu des  65 % affichés.  Et qui aurait eu  10 % de plus ?  Réponse de cet opposant  libéral : le parti communiste.

Au temps de la  guerre froide, il nous arrivait parfois d’écouter  Radio Moscou – sans aucune sympathie pour le régime   alors en place, bien entendu    : la complaisance vis-à-vis de l’action du gouvernement  soviétique n’était pas très  différente de celle de la speakerine d’Europe 1  évoquée plus haut à l’égard de Macron. Mais   nous ne souvenons pas d’avoir jamais  entendu  une propagande aussi grossière à l’encontre de l’Occident  que celle de cette journaliste. Jamais par exemple le président  Kennedy n’était  attaqué d’une pareille manière.    

Je ne sais si cette présentatrice exprimait son opinion ou était en service commandé. Je  crains  le pire : qu’elle y croyait comme la majorité de ses collègues, subjuguée par je ne sais quelle force invisible ( la Zorglonde me dit quelqu’un, familierde Franquin). En cette époque  où personne ne  doute de soi, avec quelle inconscience  voit-on un peu partout la paille qui est dans l’  œil du  voisin sans voir la poutre qui est  dans le sien !  

L’état de guerre quasi-chaude qui règne en Occident aujourd’hui, nous fait descendre bien bas. Le reniement de toutes nos valeurs de  liberté est « en marche ».  Pour éviter  la soviétisation, la première chose à faire est de ne   plus  jamais écouter ce genre de bulletin.  

 

Roland HUREAUX   

Mars 2018

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