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Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:26

POURQUOI ON NE PEUT PAS ETRE

A LA FOIS SOCIALISTE ET REPUBLICAIN

L'exemple du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu

Publié dans Le Figaro du 2 septembre 2015

Pourquoi le gouvernement socialiste est si acharné à instaurer le paiement de l'impôt sur le revenu par prélèvement à la source ?  Cela aurait pu être aussi bien une réforme de droite et la gauche l'aurait alors   combattue avec véhémence.

La première raison est que le ministère des Finances l’avait dans ses cartons depuis des années et que tout ce qui est dans les cartons, bon ou mauvais, finit par en sortir. Un gouvernement dont la marge de manœuvre est devenue très faible se doit néanmoins de "faire des choses". Il demande alors à ses fonctionnaires s'ils ont des idées et ceux-ci proposent de manière un peu mécanique ce que le ministère tient en réserve. Dans une société où tout désormais est informatisé, il peut sembler assez logique que le règlement de l’impôt, comme déjà en partie la déclaration de revenu, se fasse automatiquement   depuis les ordinateurs de l'employeur.  Comme tout le reste de l'économie, l'impôt se dématérialise.

Sur le plan de la trésorerie, les recettes fiscales viendront en moyenne plus tôt dans l'année, ce qui peut arranger un Etat exsangue.

Mais la principale raison de cette réforme relève de l'idéologie socialiste. Il sera plus facile d'alourdir encore les prélèvements obligatoires car ils seront devenus indolores. S'il est un signe par lequel on reconnait aujourd'hui un gouvernement de gauche, c'est que la hausse des prélèvements ne lui fait pas peur, alors même que la France a déjà les plus élevés du monde. Il n’est pas difficile d’être socialiste en ce sens-là :  il suffit de laisser les choses aller, leur tendance naturelle étant à l'augmentation !   Il faut un volontarisme féroce pour empêcher les dépenses publiques de croitre, a fortiori pour les réduire. Pour les laisser grimper, il suffit de laisser filer la démagogie et le désordre administratif, de n'être ni trop contrariant ni trop rigoureux.

Si la hausse de ces prélèvements, aujourd'hui au-dessus de 50 % (et qui seraient   près de 55% si une partie n'était financée par l’emprunt), est le signe du socialisme, alors plus l'impôt sera indolore, mieux cela vaudra.

 

Contre la tradition républicaine

 

Or cette logique en heurte de front une autre : rien moins que la tradition républicaine.

A cette tradition, on   peut même trouver des antécédents   dans cette Angleterre médiévale où le "consentement à l'impôt" par un Parlement élu avait été mis par la Magna Carta (1215) au fondement même des libertés.

Il n'en va pas différemment dans la tradition républicaine à la française basée sur la pleine conscience du citoyen libre qui, de manière démocratique, donne par ses représentants son consentement au règlement des charges communes qu’assument l’Etat et les collectivités locales (article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.)   Cela suppose la clarté, la transparence, et l'acte clair qui consiste à porter sa contribution à un percepteur.

Certes cette tradition connait déjà des entorses : les collectivités locales sont financées pour plus de moitié par des dotations de l’Etat, ce qui affaiblit la conscience civique au regard de leurs dépenses. La facilité avec laquelle ces collectivités se laissent aller aujourd’hui à augmenter les impôts est déjà un mauvais présage pour ceux qui voudraient instaurer le même système à l'échelon national.

La TVA est aussi un impôt indolore, et, pour cette raison, celui dont le rapport est le plus grand.

De même les contributions sociales sont obscurcies, pour les salariés   par le paiement direct par l’employeur (dont l'Etat qui s'en exonère en partie) et la distinction factice de la cotisation employeur et de la cotisation salarié.

L'impôt sur le revenu (avec les impôts locaux, insuffisants on l'a dit) restait la seule contribution rappelant aux Français que c'est eux qui payent en dernière instance les charges publiques. Il est clair que l'instauration d'un prélèvement direct à la source, c'est-à-dire chez l'employer, de l'impôt direct mettra définitivement fin à cet acte de conscience citoyenne qui subsistait dans notre République.

Les citoyens, souvent assistés, seront définitivement immergés    dans ce que Michel Schneider appelle Big Mother, image d'un   Etat matriciel congestionné et tout-puissant, donnant l'impression qu'il est la Providence universelle sans laisser apparaitre   comment il se nourrit de leur travail.

Le fossé entre la masse des salariés et les travailleurs indépendants qui continueront à payer directement l’impôt, sera encore approfondi. La vie des entreprises sera compliquée, la confidentialité de l'impôt remise en cause, l'incitation à la dépense publique accrue…

Il est clair que le projet de prélèvement à la source de l'impôt direct montre que le socialisme moderne tel que l'incarnent Hollande et Valls est profondément contraire à ce qu'il est convenu d'appeler la tradition républicaine.

 

                                                                       Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:25

HOLLANDE CHEZ CASTRO : LA NOSTALGIE  N'EST PLUS CE QU'ELLE ETAIT

 

https://www.marianne.net/debattons/tribunes/hollande-chez-castro-le-coup-de-vieux-du-socialisme-francais

 

Il fut un temps où, dit-on, les tyrans tentaient de se rajeunir en buvant le sang de  jeunes hommes, ou à tout le moins en les fréquentant.

François Hollande n'est pas un tyran. Son originalité n'en est pas moins grande :  il tente de se rajeunir (et avec lui le socialisme français) en rendant visite à un vieil homme, malade de surcroît , Fidel Castro.

L'intérêt économique et politique  de cette visite n'apparait pas  avec évidence. Il semble plutôt que le président français ait voulu rappeler aux plus anciens de la gauche française les heures héroïques où , encore au sortir de l'enfance, ils s'enflammaient  pour ce qu'on appelait alors  le "modèle cubain"    et  pour la résistance  courageuse que le lider maximo  opposait à l'Amérique. Qui s'en souvient ? Les plus engagés sacrifiaient même  leurs vacances pour aller y couper la canne à sucre.

S'il suffit d'un voyage pour se prouver qu'on est  encore de gauche, pourquoi ne pas l'entreprendre ? Si  Che Guevara était encore de ce monde, Hollande serait sans doute allé le voir aussi.

Prudent, le président fiançais ne fait cependant le voyage  qu'après  que les premiers pas d'une réconciliation entre Washington et La Havane aient été accomplis. Face au nouvel ordre mondial, François Hollande n'a jamais eu rien d'un provocateur.

Le Cuba  de Castro est un petit pays pauvre proche de la côte de Floride qui résiste depuis 55 ans aux Etats-Unis. La France de Hollande est un grand pays, encore riche , qui s'assujettit aujourd'hui  volontairement aux mêmes Etats-Unis, dont pourtant un océan le sépare. C'est dire que toute comparaison  entre eux serait hasardeuse.

Au temps du général de Gaulle, la France, en se démarquant de la position de Washington, pouvait jouer les intermédiaires, comme,  par  exemple dans la  guerre du Vietnam. Pleinement intégrée aujourd'hui au bloc occidental,   elle ne  cherche à  se distinguer , en Libye, en  Syrie, en Ukraine que par la surenchère. Dans l'affaire cubaine, c'est au  pape François    qu'on a demandé de jouer les intermédiaires. Le président Raul Castro s'est d 'ailleurs rendu à Rome pour le remercier.

Le socialisme cubain a été longtemps un mythe . Mythe très éloigné de la réalité non seulement sur le plan économique mais encore plus  sur celui des libertés. François Hollande marie les homosexuels. Qui sait qu'au  début, Fidel Castro les mettait  en camp de concentration? Une   dimension du castrisme passablement  oubliée. Mais là aussi les temps ont changé.

François Hollande,  rallié avec armes et bagages à la  logique du capitalisme mondial, a un drôle d'air aux côtés du vieux lutteur de la Havane. En cherchant à  rajeunir le socialisme français, il se peut qu'il montre au contraire combien celui-ci  a, comme l'ancien chef de la Révolution cubaine,  pris un coup de vieux.

                                                           Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:24

FRONTIÈRES : LE PAPE FRANCOIS NE S'EGARE-T-IL PAS ?

http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Frontieres-Le-pape-Francois-ne-s-egare-t-il-pas

Parmi les documents exprimant la pensée du Saint-Siège, on connaissait l'encyclique, le motu proprio, l'exhortation apostolique, la lettre apostolique, la constitution, la déclaration, l'homélie, le bref. Depuis quelques années, nous en découvrons un autre : les libres propos tenus par le pape à la presse dans l'avion de retour d'un voyage.

Il n'est pas sûr que ce dernier genre soit celui qui ait   le plus d’autorité. Il emporte en tous les cas le plus de risques de propos mal interprétés.

Dans son voyage de retour du Mexique, le Saint Père, si l'on en croit La Croix, a condamné avec la plus grande véhémence l'idée d'un mur séparant les États-Unis du Mexique destiné à barrer les immigrants mexicains. Il est même allé jusqu'à dire que "ceux qui construisent des murs et non des ponts ne sont pas chrétiens". N'était-il pas allé jusqu’à célébrer deux jours avant la messe au pied du dit mur ? 

Sans doute, dans un monde idéal, il n'y aurait pas de murs, pas plus que d'inégalités sociales. Mais dès lors que l’humanité ne s'est pas encore remise du péché originel, les tensions sociales sont inévitables et il est difficile de dire a priori quelle mauvaise solution sera préférable à quelle autre, encore plus mauvaise. Cela relève de choix politiques pour lesquels les hommes d'Église, à quelque niveau que ce soit, n’ont pas été dotés de la grâce d'état.

 

L'enjeu le plus important :  la guerre et la paix

 

Certains   ont vu dans ces propos une condamnation de Donald Trump, le candidat républicain à la présidence des États-Unis qui fait aujourd’hui la course en tête. Le pape a certes a cru bon de préciser qu'il ne le visait pas spécialement[1]. Trump semble pourtant le plus radical dans le refus de l’immigration clandestine aux États-Unis. Pourtant cela ne devrait pas suffire à le disqualifier ; nous pensons en effet que, dans l’exercice d’éventuelles responsabilités à la Maison-Blanche, il y a plus important que la question des murs, il y a celle de la guerre et de la paix. Les esprits superficiels diront que ces questions sont liées. C'est faux.

L'expérience de ces dernières années nous montre au contraire que ceux qui ont mis le plus de désordre dans le monde - et ils viennent des États-Unis - sont précisément ceux qui étaient portés par une vision universaliste fondée sur la condamnation de toute limite à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes (de la main d’œuvre) et hostiles par principe à toute structure étatique qui voudrait contrôler son propre territoire (et donc ses frontières).  C'est au nom de cet universalisme libéral qu'ont été entreprises les destructrices expéditions d'Irak, de Yougoslavie, d’Afghanistan, de Libye, qu'ont été encouragés les mouvements subversifs et par là de longues et douloureuses guerres civiles en Syrie, au Yémen, en Égypte, en Tunisie, et dans une certaine mesure en Ukraine. Dans ce dernier pays, la Fondation for an Open society de George Sors a été particulièrement active pour exciter les sentiments antirusses et promouvoir    les femmes[2]. Le bilan final de ces entreprises fondées sur la volonté d'établir un espace de libre circulation et par là de démolir les murs serait   de 4 millions de morts, à en croire Michel Onfray[3]  qui ne se trompe pas de beaucoup. Une des conséquences de ces guerres aura été le massacre et l'exode de centaines de milliers de chrétiens du Proche-Orient.

Dans cette affaire, il faut sans doute faire la part d'une certaine hypocrisie anglo-saxonne qui condamne les murs hors de chez soi et qui les bâtit à domicile. 

Il reste que les plus grands crimes de guerre de ces dernières années l'ont été par ceux qui, comme le pape François, voulaient abattre les murs, mais avec des B 52.  

En définitive, pour les Européens soucieux de paix que nous sommes, il est plus important que tout qu'un président des États-Unis préserve la paix dans le monde.

Peu nous importe à cet égard que Donald Trump soit plus radical que d'autres pour limiter l’immigration, dès lors qu'il a tenu, sur les grandes questions internationales, des propos qui nous semblent plus raisonnables que d'autres : quand il a condamné rétrospectivement la guerre d'Irak ou quand il préconise une politique d'entente avec la Russie.

Des propos de ce genre tranchent avec ceux que l'on tient dans l’establishment washingtonien sur la politique étrangère, démocrates et républicains confondus, peut-être parce que Trump est éloigné de ce monde fermé des think tanks, en osmose étroite avec l'administration américaine et le complexe militaro-industriel où se concoctent dans l'entre-soi les idéologies les plus folles   qu'on qualifie généralement de néoconservatrices.

Hillary Clinton est sans doute plus ouverte à l'immigration que Trump, mais elle nous fait froid dans le dos quand elle suggère de démocratiser l’Égypte tenue d’une main trop ferme à son gré par le maréchal Sissi, c'est à dire d'aggraver encore la déstabilisation du Proche-Orient.

 

 

 

Pas de candidat idéal

 

Il est douteux que nous trouvions le candidat idéal à la présidence des États-Unis. Pour le Saint Père, on suppose que ce serait quelqu'un qui serait généreux avec les immigrés et pacifique sur la scène internationale. Les pires seraient ceux qui construiraient des murs tout en étant agressifs à l'égard du reste du monde : nous ne sommes pas sûrs que les deux principaux rivaux de Tromp, Rubie et Cruz, n'entrent pas dans cette catégorie. Mais nous risquons d'avoir le choix entre des gens comme Donald Trump qui veulent construire des murs, mais ont une approche pragmatique et pacifique des affaires du monde et ceux qui comme Hillary Clinton ont peu ou prou la position inverse - et qui, qui plus est, se trouvent aux antipodes des exigences chrétiennes sur les questions sociétales. Compte tenu des enjeux, le choix devrait être vite fait.

L'expérience du XXe et   du début du XXIe siècle montre que ceux qui tiennent à leur pré carré et veulent le gérer à leur manière tout en comprenant que les autres fassent de même, sont en définitive moins dangereux que ceux qui promeuvent une ouverture générale des frontières et tentent de l'imposer par la force au reste du monde. Décidément Chesterton avait raison de dire que "Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ». Or rien en politique, spécialement à l'ère atomique, n’est plus dangereux que la folie. 

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

[1] D'ailleurs le mur existe déjà. 

[2] Elle l'est aussi pour financer les mouvements en faveur de l'avortement.

[3] Interview à LCI

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:22

Un suicide pas tout à fait réussi

 Eric ZEMMOUR, Le suicide français, Albin Michel, octobre 2014, 534 pages.

http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Un-suicide-pas-tout-a-fait-reussi

 

Au lecteur pressé qui n'aurait le temps de lire qu'une page de l'essai d'Eric Zemmour sur le "suicide français", nous recommandons celle qui traite de Louis Schweitzer (p.279), ancien PDG de Renault où est expliquée toute la cohérence entre la délocalisation de milliers d'emplois industriels, la multiplication par treize de son salaire et la présidence de la HALDE, sous-tendue par une conscience de gauche bien entendu.

Schweitzer apparait ainsi comme un personnage emblématique d'une génération où l’auteur tente de discerner les moments clef de ce qu'il tient pour le déclin de la France.

Une lecture en forme de chemin de croix :  pour qui a suivi la politique française des dernières décennies et sait déjà l’essentiel, Zemmour, pour peu qu'il en partage un peu le regard, remue le couteau dans la plaie !  Mais il  ne fait pas que cela :   ses   éclairages culturels  viennent utilement compléter les développements politiques :  le cinéma , avec le sinistre  Dupont la Joie d'Yves Boisset (1975) qui renvoie pour la première fois depuis 1789  à l'homme du  peuple français une image négative, des chansons prémonitoires comme celle d'Aznavour sur les homosexuels (Comme ils disent, 1972), le rôle du rap ou de Coluche ;   les éclairages sportifs , quant à eux,   révèlent une  vraie  compétence : ainsi est  décrite  la dénationalisation des équipes de football à la suite d' une décision dogmatique de la Cour de Luxembourg imposant aux vedettes du ballon rond  le principe de la  libre circulation des "travailleurs"  qui a transformé les grands joueurs en mercenaires. 

Sans doute aurait-il fallu distinguer, dans les étapes de cette "descente aux enfers" ce qui était inévitable, comme le déclin de la sidérurgie, les privatisations (pas toutes) ou une certaine mondialisation, de ce qui aurait pu être évité avec des politiques différentes, comme l'abandon du contrôle d'Airbus ou le droit du sol.  Mais l’auteur a une thèse : la mondialisation ne pouvait être que particulièrement   cruelle à la France dans la mesure où ses caractères historiques : Etat unitaire, héritage colbertiste, modèle social, lui étaient directement contraires. Il rappelle opportunément que l'initiative de l'Etat dans les années cinquante, soixante et soixante-dix est à l'origine de la plupart des    champions de l'industrie française :  aéronautique, espace, TGV, nucléaire etc. Il aurait pu ajouter «et européenne".

L'ouvrage, qui se veut une somme,  s'attache à ne rien omettre   de tout ce qui a contribué à raboter l'"exception française" et la France elle-même  :  mai soixante-huit  suivi du  ralliement des trotskistes au marché et aux logiques ultralibérales , l'essor du féminisme idéologique  ( qui a sans doute  le même rapport avec le bonheur des femmes que le stalinisme en avait avec celui des ouvriers   russes) , le regroupement familial,  le collège unique sacralisé par Haby,  ministre de Giscard, les lois mémorielles,   la revendication homosexuelle ,l'art contemporain,  la création de SOS Racisme à l'initiative de l'Elysée  qui , après le naufrage  de la gauche sociale,  a  assis   la nouvelle  gauche morale, la réintégration  de l'OTAN, l'adoption des  normes américaines, la transformation de l'IEP de Paris  sous l'impulsion de Richard Descoings  etc.

A la création de Canal Plus devenu selon l’auteur le chien de garde de la haine de soi, il aurait fallu ajouter la privatisation ostensible par Chirac de TFI, chaîne de référence, alors que la deux et la trois    restaient dans le domaine public ; les enseignants datent de l'éclatement du PAF vers 1987, la baisse de l’attention des élèves à l'école, la difficulté de plus en plus grande pour les adultes de les   contrôler. Zemmour n'évoque guère la décision prise par une gauche viscéralement hostile au monde rural, d'abandonner les politiques d’aménagement du territoire à partir de 1990, au risque    d'aggraver la concentration parisienne et le problème du logement.  La réforme de la PAC de 1992 donna le coup du lapin   à la vieille paysannerie française. L'auteur parle de   "Paris et la désespérance française ».

Zemmour rappelle le rôle de la gauche chrétienne ou postchrétienne dans l’attrition de l'Etat supposé "jacobin » :  Rawi Abdelal, professeur à Harvard a montré dans une étude jamais traduite le rôle décisif tenu au cours des années 1980 par les Français de cette école, les "Delors boys », dans l'accélération de la mondialisation financière où Warren Buffet voit la grande revanche des riches contre les pauvres.  Mais la gauche tout court   a su elle aussi détricoter   l'héritage de la Révolution française   avec la décentralisation, l'encouragement au communautarisme, la dégradation de l’école publique, le tout-marché (et son primat sur la démocratie au nom de l'Europe).

Certaines  innovations  dont les effets devaient s'avérer décisifs  sont passées  inaperçues  ,   personne   sur le moment n'en mesurant  la portée    : l'introduction des préambules  dans le bloc de constitutionnalité  sous Gaston Palewski (1971), porte ouverte au gouvernement des juges ; la loi Pleven ( 1972)  qui interdit toute discrimination sur la nationalité , votée à l'unanimité comme la loi Gayssot, comme la LOLF, comme  toutes les mauvaises lois ,  la loi Giscard qui interdit à l'Etat  de se financer par  la Banque de France (1973)  , loi sans laquelle la dette publique  ne  serait pas ce qu' elle est aujourd'hui.

La montée du gouvernement des juges a eu des effets fâcheux au cours de la période comme l’arrêt Motcho du Conseil d'Etat (1980) qui élargit le regroupement familial aux polygames ou l'avis de 1989 favorable au port du voile à l'école.  La loi est heureusement venue corriger en ces matières la jurisprudence.

On pardonnera quelques erreurs ici ou là : le Royaume-Uni n'a pas de régions ; Machiavel n'a sûrement pas déniaisé une France sortant vierge du Moyen-âge : un Louis XI que Chateaubriand appelle le "roi-jacobin » était déjà passé par là. Auraient pu être évités les poncifs inexacts sur le général de Gaulle : son   supposé maurrassisme, son   pacte avec les communistes ; on ne l'a jamais appelé le Père, sauf après sa mort.   Il n'est pas sûr que les centristes pro-européens qui appelaient de leurs vœux l’entrée de l'Angleterre dans le Marché commun aient été déçus par celle-ci :  la contradiction entre leur volonté d'élargissement et leur ambition supranationale   avait déjà   été relevée par le général de Gaulle. Zemmour cultive selon son habitude l’art des formules dont certaines sont un peu rapides : "c'était l'Etat qui faisait le droit ; à présent, c’est le droit qui fait l'Etat".

Pudique sur le sujet, comme il se doit, l’auteur ne mentionne pas ce qui sous-tend sans doute les évolutions qu’il déplore : la déchristianisation, qui n'avait jamais été aussi ample que dans la génération en cause. Peut-on suggérer que, à côté d'un dérèglement des mœurs après tout pas si grave, elle aurait pu entrainer   aussi, au moins dans les élites, un dérèglement des esprits ?  Quand la foi se retire, comme le montre Emmanuel Todd, l'idéologie occupe l'espace et avec elle la déraison.  On ne congédie pas impunément le Saint-Esprit. 

Il a été reproché à Zemmour d'avoir voulu réhabiliter Pétain. Ce n'était pas son intention. Il défend non pas Vichy mais la France, livrée depuis quarante ans   à une humiliante culpabilisation qui vise à saper la fierté nationale sans laquelle il n'est pas de nation vivante - et capable d'intégrer ses immigrés. C’est, non pas de la guerre comme on croit, mais de 1968 que date cette entreprise morbide ; et c'est   Jacques Chirac, non François Mitterrand, qui a identifié la France non plus à l'épopée gaulliste, mais à Vichy.  La première attaque est venue d'un historien américain, Robert Paxton, d’un pays qui, après les ruades gaulliennes, avait intérêt à abaisser la France. Mais la dénonciation obsessionnelle du pétainisme avait une portée plus large, de nature véritablement nihiliste, puisqu' à ce régime   était amalgamé de manière insidieuse    la morale traditionnelle (travail, famille, patrie) que la génération de 68 voulait détruire. Alors même que ces valeurs de toujours   avaient été tout autant exaltées par la Résistance.

Si nous devons nous cantonner à l'essentiel, nous ne ferions qu'une objection :  à l'égard de la vision qu'a l'auteur de l'Allemagne. En bon méditerranéen, il est, lui aussi, quelque part fasciné par elle. Il la tient pour une puissance sans cesse grandissante à laquelle la France aurait été contrainte au fil des ans, non seulement de céder le leadership en Europe mais de se soumettre. "La supériorité allemande est telle que la France ne pourra plus échapper sa vassalisation ». Est-ce si simple ? Il n'est de servitude que volontaire. La réunification n'a ajouté que 5 % de PIB à notre voisine, soit un an de croissance des Trente glorieuses, avec des montagnes de   problèmes (que nous l'avons aidée à régler au delà de toute mesure, au point de nous affaiblir plus qu'elle). Mais pour le reste, l’affaiblissement de la France, n’est   ce pas nous qui l'avons voulu   hors de toute exigence de notre voisin ? Déjà le préambule ajouté par le Bundestag en 1963 pour torpiller le traité de l'Elysée était l'œuvre d'un Français, Jean Monnet. Le franc fort puis la création de l'euro en 1993 résultent d’un mauvais calcul de Mitterrand qui ignorait tout de l’économie : il pensait que la réunification renforcerait l'Allemagne et que l'euro serait une compensation pour nous. Ce fut l’inverse : la réunification affaiblit durablement l’Allemagne et l’euro, tel qu'il a été conçu, c'est à dire un mark repeint, est à l'origine de l’affaiblissement de la France. Etonnante négociation de Maastricht où la France fait pression pour imposer à une Allemagne réticente une règle du jeu qui pourtant    favorise celle-ci ! Si Airbus est issu d’initiatives françaises, c'est volontairement que le gouvernement Jospin-Strauss-Kahn en transféra sans vraie contrepartie la moitié à l'Allemagne. A Pékin, on considère aujourd'hui que l'Airbus est un produit     allemand ! Il faut ajouter à ce tableau des capitulations sans défaite la guerre de Yougoslavie, règlement de comptes historique avec la Serbie, ennemie de toujours   de l'Allemagne et amie traditionnelle de la France, où rien n’obligeait Chirac à s’engager. Si l'Allemagne paraît aujourd’hui forte et la France faible, ce sont les élites françaises, toujours prêtes à trahir et, ajouterons-nous, d'une incompétence rare, qui ont fait ce choix.    Zemmour oublie cependant la fragilité de la prospérité allemande, fondée sur un appauvrissement sans précédent d'une partie de la population, la dégradation des équipements publics et une dénatalité qui épargne les dépenses scolaires. En définitive, une date nous parait plus importante que toute autre dans l'histoire de la relation franco-allemande :  à partir de l’an 2000, et pour la première fois depuis 1870, il y a plus de naissances en France qu'en Allemagne   -  et il ne s'agit pas seulement d’enfants d'immigrés !  Passée entre 1960 et 2015 de 46 à 67 millions d'habitants, la France est aujourd’hui le seul grand pays d’Europe à renouveler à peu près   ses générations. Est-ce pour cela que, seule, elle a opposé quelque résistance à   la vague du mariage homosexuel ?  Il y a en tous les cas des suicides plus réussis.

 

                                                                       Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:21

IL FAUT AIMER L'IMMIGRE...JUSQU'AU BOUT  

http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Il-faut-aimer-l-immigre-jusqu-au-bout

Beaucoup de catholiques français ont du mal à suivre la hiérarchie catholique quand ses membres les appellent à se faire accueillants aux immigrés, notamment ceux qui traversent clandestinement la Méditerranée et arrivent jour après jour en Italie du Sud ou en Grèce.

Non que les chrétiens n'aient pas le sens de l’hospitalité, mais parce que, témoins de la déchristianisation, ils sont légitimement inquiets du devenir de l'identité chrétienne de la France, sentiment parfaitement légitime. Le succès de la pétition de Denis Tillinac demandant que les églises de France demeurent réservées au culte catholique et qui avait été signée aussi bien par des juifs que des musulmans et des incroyants   et approuvée selon un sondage par 75 % des Français témoignait de l'intensité de cette angoisse dans le peuple français.

Pourtant, on ne saurait attendre d’évêques catholiques, se référant au Christ, autre chose qu’une attitude de compréhension et d'accueil aux étrangers qui viennent sur notre sol. Le 17 juin 2015, le Conseil permanent de l'épiscopat français avait publié un texte dans ce sens. Au même moment, trois évêques faisaient une déclaration fondée sur le Livre du Deutéronome : « Aimez donc l’immigré, car au pays d’Égypte vous étiez des immigrés » (Ddt 10, 19). " Sans aller jusqu'à dire que tout clandestin doit être accueilli, ils revendiquent « une attitude humaine à l’égard des immigrés et réfugiés qui sont nos frères".

Il est difficile de demander aux évêques de France de ne pas aimer les immigrés, comme on doit aimer tous les hommes. Il est difficile de s'offusquer qu'ils invitent les fidèles et par-delà tous les Français à faire de même.

Mais s'il est légitime que les évêques catholiques aiment les immigrés, disons-le tout net, ils doivent les aimer jusque ' au   bout. Ce ne devrait pas être difficile pour les réfugiés chrétiens, en particulier ceux qui viennent de Syrie ou d'Irak.  Ce le sera peut-être plus pour les musulmans.

Or quel est, pour un chrétien, le bien le plus précieux ?  C'est évidemment Jésus-Christ.

 

A temps et à contre temps

 

Aimer les immigrés jusqu’au bout, c'est "à temps et à contretemps" (2 Tim 3, 14) leur annoncer Jésus Christ.

Il ne s'agit pas de les convertir car on ne peut convertir personne de force   mais de leur annoncer l'Evangile, c'est à dire une « bonne nouvelle" qui s'adresse à eux aussi. Cette annonce n’est pas pour l'Eglise une option, elle est une obligation. Même si ce devoir concerne aussi les laïcs et les simples prêtres, l'obligation s’applique particulièrement à ceux qui dirigent l’Eglise :   les évêques, successeurs de Pierre à   qui il a été dit "Allez de toutes les nations, faites des disciples et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" (Mt 28, 19).  Commandement auquel répond en leur nom saint Paul :   "Malheur à moi si je n'annonce pas l’évangile » (1 Co, 9, 16).

Or sur ce plan, il faut bien dire que l'Eglise a encore bien du chemin à faire tant est que la question de l'évangélisation des musulmans y demeure un tabou. Un converti de l’islam livre un verdict sans   appel :  selon lui, dans les milieux catholiques, 40 % sont hostiles vis à vis des conversions, 40 % réservés, et 20 % seulement franchement favorables. Il déplore en particulier que les grands médias catholiques soient muets sur le sujet. L'impression générale des musulmans qui veulent se faire baptiser est que, sauf exceptions, ils ne sont pas attendus. Il faut deux ou trois ans de catéchuménat pour être baptisé alors que cinq minutes suffisent pour prononcer le charabia qui fait de vous un musulman. Ces exigences et ces délais tirés du droit canon et qui visent les catéchumènes venant d'un milieu païen n'ayant jamais entendu parler de l’Eglise, s’appliquent-ils à des gens vivant au milieu de chrétiens, qui courent des risques en demandant le baptême et ont donc déjà mûri leur choix ? On peut se le demander.

Certains vont même jusqu'à dire que l'Eglise catholique est, sauf exceptions, plus portée à ouvrir les portes de la France au musulman que les portes des églises à ceux d'entre eux qui voudraient se convertir.  Singulier paradoxe.

On pourrait voir là l’écho de ce qui fut l’attitude des pouvoirs publics dans l’univers colonial, singulièrement en Algérie. Il y était permis de convertir les païens mais pas les musulmans et les missionnaires avaient plus ou moins adopté ce positon. En théorie, ce n'était   la position officielle ni de l'Etat ni de l'Eglise, mais c'était la position de fait de l'un et de l'autre. A la rigueur les missionnaires pouvaient-ils contribuer, par leurs écoles, à ce que les élèves musulmans deviennent de meilleurs musulmans, mais pas plus. Comme si le christianisme, bon pour les Européens, ne l’était pas pour les "indigènes" qui pouvaient bien se contenter d'une religion de seconde zone. Le Père de Foucault avait averti que cette politique conduirait à de grands malheurs : c'est ce qui est arrivé avec la guerre d'Algérie.

On rappellera que les évangéliques, très actifs dans les banlieues françaises, comme ils le sont dans certains pays musulmans, n'ont pas tant de scrupules. Est-il nécessaire de leur laisse le champ libre, au motif que là aussi leur message simplifié conviendrait seul à "ces populations" ?

D'autant que la jeunesse musulmane des pays occidentaux, même si elle ne le montre pas, est remplie d'une immense curiosité pour le catholicisme.  Ce qu'elle rejette d'abord de l’Occident c’est un laïcisme libertaire ignorant voire hostile au fait religieux. Ne rompant pas avec un fait religieux qui demeure pour eux essentiel mais paraissant mieux compatible avec la modernité, le catholicisme apparaît comme un moyen terme.

Il importe enfin qu'un christianisme tonique propose un chemin d 'absolu à une jeunesse déboussolée tentée par le djihad.   Cela ne vaut pas que pour les jeunes musulmans mais aussi pour tous ceux, d'origine chrétienne et éloignés de l'Eglise, que ce genre d'aventure tente aussi.  

 

Une rupture inévitable

 

Il est vrai que la conversion à l'islam suppose presque toujours une rupture du prosélyte avec sa famille, rupture qui peut être dangereuse pour lui et pour la paix civile. Que la conversion suppose une rupture avec la famille va tout à fait dans le sens de l'Evangile " qui aimera son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi". "N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien l'épée. Oui, je suis venu séparer l'homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère, on aura pour ennemis les gens de sa maison" (Mt 10, 34-35) et    "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi" (Mt 10, 37). Par leur prudence, certains pasteurs voudraient néanmoins épargner aux   musulmans attirés par le baptême, le risque de ces antagonismes, points différents pourtant de ceux que courraient les prosélytes gréco-romains des premiers siècles.

Mais il se peut que ce soit l’idée même d’une rupture avec la famille qui   remplisse ces pasteurs de scrupules.   On peut se demander si, à force de parler (depuis un siècle seulement !) de la famille, l'Eglise catholique n’a pas fini par sacraliser à l'excès dans ce qu'elle a d’holiste, de captateur pour l'individu et si elle ne se trouve pas dès lors pleine de déférence pour la famille musulmane, au point de ne pas y encourager les ruptures.    C'est oublier que l'adhésion au christianisme est toujours un acte de rupture et que la vision holiste de la famille qui prévaut chez le musulman n'est pas du tout celle du christianisme qui, dans les affaires de foi, a toujours donné la priorité à l’individu sur le groupe. Loin d'être admirable, la famille musulmane résulte de la pétrification de la société archaïque, avec laquelle la Bible invite à rompre : "l'homme quitte son père et sa mère » (Gnu 1,24).

Au demeurant, la famille musulmane qui, au temps des colonies, se présentait comme un bloc compact imperméable à tout effort d'évangélisation, est aujourd'hui en crise : loin d'être le clan ancestral dirigé par le patriarche, elle est le plus souvent une famille monoparentale d'où le référent masculin a disparu où les enfants sont livrés à eux-mêmes.

 

Pour la paix civile

 

Evangéliser les musulmans n'est pas seulement un devoir et la plus grande forme d’amour à leur égard, c’est aussi une responsabilité vis à vis de la communauté française, par rapport à la paix civile.

Prêcher l'accueil le plus large et le plus fraternel aux immigrés et être pressé ensuite de leur donner ce qu’on a de meilleur, l’Evangile, est une attitude chrétienne cohérente.

Etre fermé à l'immigration et aussi à la conversion n’est pas forcément une attitude chrétienne mais c'est une attitude cohérente, qui pourrait refléter une vision tribale du christianisme et de la France.

Etre ouvert à l'immigration et réticent à la conversion, c’est, n'hésitons pas à le dire, gravement irresponsable. 

Le premier devoir de tout dirigeant est de préserver la paix civile car la guerre civile est sans doute la chose la plus horrible qui puisse arriver à un peuple.

Le pluralisme religieux dans un Etat est parfois   source de dialogue culturel et d’enrichissement réciproque. Mais si deux religions sont de poids, sinon égal du moins comparable dans un pays, comme pourraient l'être le christianisme et l'islam en France, si le premier continue dépérir et le second à prospérer, c’est la certitude de la guerre civile. Il n’y a pas d'exception à cette règle.  Il n'y en a pas dans l’histoire : la France du XVIe siècle, l’Allemagne du XVIIe siècle n'y ont pas échappé. Seules à l'époque moderne ont évité la guerre de religion dans les monarchies où s’appliquait la règle cujus région, eus religion. Voltaire dit sans ironie que   l’Inquisition épargna à l’Espagne les   guerres de religion.   Plus près de nous le massacre des Arméniens (en fait de tous les chrétiens sauf les protestants et les catholiques protégés par les Occidentaux) dans l'Empire ottoman de 1916 fut l'aboutissement tragique de siècles de coexistence entre chrétiens et musulmans.  La guerre d'Algérie (1954-1962) fut aussi une guerre de religion, sanction de l'attitude   évoquée plus haut ; elle   se termina par l'expulsion d'un million de juifs et de chrétiens en 1962.  Le Liban et la Bosnie, états multiconfessionnels où chrétiens et musulmans étaient à peu près de force égale ont connu deux atroces guerres civiles, le premier entre 1975 et 1990, la seconde entre 1991 et 1995. Jusque-là, pourtant, on vantait benoîtement l’harmonie qui y régnait entre les religions. 

Les religions orientales ne sont pas plus tendres : le Sri Lanka, divisé entre indigènes bouddhistes et immigrés hindouistes connait lui aussi la guerre civile.

C'est dire que laisser s'instaurer en France une situation où chrétiens et musulmans pèseraient d’un poids analogue serait une imprudence grave.

Il faut avoir la foi, dira-t-on, et se fier à la Providence. Sûrement pas pour éluder un devoir évangélique. Sûrement pas pour évacuer la vertu de prudence - au sens rigoureux de cette vertu :  non pas la prudence du bureaucrate qui ne veut "pas d'histoires", mais celle de l’homme accompli   qui voit loin et prend ses décisions en toute lucidité sans se bercer d’illusions. Pour Aristote, repris par saint Thomas d’Aquin, la prudence n'est rien d'autre que "la droite raison des actions à faire"[1]. Dans cette perspective, l'excès de lenteur peut être aussi coupable que l'excès de hâte.[2]

Il faut être clair : le prolongement naturel de l'esprit d'accueil à l'égard des musulmans qui viennent sur le sol français, ce n'est pas l'abstention de toute effort d'évangélisation au nom d'un respect de l'autre mal compris ou de la crainte des remous. L’appel cité plus haut est suivi d'une prière qui dit "Remplis nos cœurs de ton Esprit Saint, pour que nous vivions comme tes enfants, unis dans la diversité de nos cultures" ; on suppose que culture ne veut pas dire ici religion et que cet appel ne saurait signifier un acquiescement définitif à la différence religieuse.  Annoncer l’évangile aux immigrés, c’est   aller jusqu’au bout de l'amour, en souhaitant leur apporter ce que nous avons de meilleur. Toute autre attitude serait lâche, hypocrite et pleine de périls.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

[1] Somme théologique 2a - 2ae, qu’Est. 47, art. 1 & 2 

[2] Somme théologique 2a - 2ae, qu’Est.  53, art. 3

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:20

L'EX-PRESIDENT OBAMA TOUJOURS AUSSI  HYPOCRITE

https://www.ndf.fr/poing-de-vue/13-02-2017/lex-president-obama-toujours-aussi-hypocrite/

"Le président Obama est fondamentalement en désaccord avec l'idée de discriminer des individus à  cause de leur foi ou de leur religion" a dit le  porte-parole de l'ancien président  Obama en réponse au  décret pris  par Donald Trump interdisant l'accès aux Etats-Unis aux ressortissants de sept  pays à majorité musulmane.

Le même Obama apporte son soutien  aux manifestants qui protestent contre ce décret.

Ce qu'il y a d'inouï dans cette  prise de position est qu'elle se produit à peine dix jours après la prise de fonction  du nouveau président. Elle va  ainsi  à l'encontre de toutes les traditions des Etats-Unis  où,  à la fois par  respect de la démocratie , par patriotisme  ( souci de la continuité nationale)  et aussi  par élégance,  un ancien président savait s'effacer devant son successeur.

Elle porte sur un sujet plus banal qu'on ne croit :  presque tous les prédécesseurs de Trump ont ordonné la fermeture temporaire de l'Union aux ressortissants  de certains  pays : Reagan, 4  fois, Clinton  6 fois, Bush Jr 6 fois et Obama lui-même a interdit pendait 6 mois l'entrée des Irakiens. C'est dire à quel point la réception qui est faite   au décret de Trump témoigne du  climat d'hystérie qui règne aujourd'hui outre-Atlantique.

L'hypocrisie d'Obama dénonçant toute discrimination fondée  sur  la  religion prend un singulier relief quand on sait que,  lors de la constitution  de son cabinet et de son  administration en 2007, il avait été demandé   par son collaborateurs John Podesta (ultérieurement directeur de la campagne d'Hilary Clinton) , selon les messages interceptés par Wikileaks[1],  que ne soient  recrutés que des Américains d'origine arabe  de religion musulmane  à l'exclusion des chrétiens.

 

L'homme aux 26 000 bombes

 

Il est vrai que  ce Prix Nobel de la paix  au nom de qui ont été lancées  26 000 bombes sur 6 pays dans la seule dernière année de son mandat, n'en est pas ça  près. Certains lui confèreraient  même le  prix Nobel  de la guerre !  Il aurait certes été inadmissible  qu' Obama ait pris la même  mesure à l'égard de pays comme la Libye et la Syrie , plongés dans une  guerre civile dont l'ancien président américain est directement responsable. Déclencher des guerres et refuser ensuite les réfugiés qui fuient à cause d'elles aurait été abject. Mais on ne saurait faire le même  grief à Trump qui s'est engagé  à cesser de déclencher ce genre de guerre ayant pour but  le changement de régime (  regime change).  C'est une caractéristique de notre temps dont on n'a pas assez noté combien elle est sans précédent :  ceux qui revendiquent haut et  fort , comme le clan Obama-Clinton, les droits de l' homme déclenchent  des  guerres et  ceux qui, comme Trump,  sont condamnés  par les bienpensants au nom de ces mêmes droits , font  la paix.

 

                                              Roland HUREAUX

 

 

[1] [1]  https://wikileaks.org/podesta-emails/emailid

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:18

 

L’ENTREE EN SCENE DE TRUMP OBLIGE A UNE REFORME RADICALE DES INSTITUTIONS EUROPEENNES

Pour une Europe à géométrie variable

http://www.causeur.fr/trump-europe-changement-russie-brexit-42601.html

Les critiques retentissantes de Donald Tromp à l'égard de l’Union européenne et même de l’OTAN et son appui au Br exit ont suscité l'indignation et le désarroi de la plupart des responsables politiques de l'Europe occidentale, le premier ministre britannique Teresa May exceptée.

Il était pourtant clair, avant même cette déclaration, que, du seul fait de l'élection du nouveau président américain et de sa volonté affichée de s’entendre avec Poutine, l'Union européenne   se trouvait   remise en cause dans son fonctionnement actuel tel qu'il résulte du Traité de Lisbonne de 2008.

Elle se voit désormais confrontée à un double défi :

- Le Royaume-Uni n'est plus en position marginale mais retrouve au contraire son rôle traditionnel de partenaire privilégié des Etats-Unis ;

- La Russie de Poutine sera elle aussi, d'une autre manière, réintégrée dans le jeu    international, y compris européen, avec le risque que s’établisse un duopole américano-russe sur l'Europe occidentale.  

On ajoutera qu'en cas de crise, analogue à la crise grecque, rien n'assure que Washington viendra à la rescousse de Bruxelles pour forcer un accord de dernière minute, comme cela fut le cas en juillet 2015.

Face à ces données radicalement nouvelles, il est urgent de reconfigurer les institutions européennes pour les adapter à la   situation géopolitique qui en résulte. L'Europe doit "ouvrir ses fenêtres" aux partenaires de son environnement proche et sortir d'une opposition frontale entre les "in" et les "out » qui s'avèrera très vite suicidaire.

 

Au lieu d'un trou noir, une galaxie

 

La solution : s'orienter résolument vers un schéma d’Europe à la carte (qui s'applique déjà d'une certaine manière, tous les membres actuels de l'UE n'étant pas dans l'euro). Remplacer des institutions centrales monolithiques qui, à vouloir concentrer toutes les compétences, pourraient vite devenir un "trou noir », par une galaxie d’agences thématiques spécialisées, sur la modèle de l’Agence spatiale européenne ou de l’OCCAR. Les différents sujets d'intérêt européen qui sont aujourd'hui  traités à Bruxelles  pourraient continuer de  l'être , par le même personnel le cas échéant, mais la participation à chacune de ces agences serait "à géométrie variable",  certains membres actuels pouvant s'en retirer et certains pays aujourd'hui à l'extérieur,  comme désormais  le Royaume-Uni, mais aussi  la Russie et pourquoi pas  la Turquie ou  le Maroc , pouvant adhérer à  l'agence correspondante ou  se joindre à elle pour telle ou telle action. La coopération politique, appuyée sur un secrétariat spécifique, suivrait le même modèle, avec la possibilité d’associer certains pays tiers en fonction de l'ordre du jour.

L'autre solution, aujourd'hui envisagée dans les milieux européens, mène à une impasse. Elle consiste à dire : face aux risques de marginalisation, pour continuer à "peser », l’Union européenne telle qu'elle existe doit serrer les rangs, défendre   très fort l’acquis, s’intégrer si possible davantage.  Concrètement, durcir le Brexit pour punir Londres, maintenir les sanctions envers la Russie (alors même que les Etats-Unis vont les lever bientôt !), continuer de battre froid Donald Trump au nom des "valeurs ».  Qui ne voit que cette voie est une impasse ?   Elle conduirait à placer l'Ouest du continent sous un contrôle encore plus étroit de l'Allemagne, dont la chancelière est affaiblie par ses frasques migratoires   et mal vue par Trump. Qui imaginerait d'ailleurs que l’Allemagne, bordée par une France nécessairement inféodée et donc sans poids, pourrait résister à    Washington, Londres et Moscou coalisés ? Comme aux "heures les plus sombres de notre histoire » !  Le plus probable dans un tel schéma est que les Allemands ne seraient plus que la courroie de transmission du nouveau pouvoir international. On aurait là l'aboutissement paradoxal de soixante ans de "construction européenne : les affaires l’Europe décidées entièrement en dehors d'elle. 

Une Europe à géométrie variable permettrait au contraire, à la fois d'atténuer la rigueur du Brexit et d’éloigner la Russie de la tentation du duopole en la réintroduisant dans quelque chose comme un nouveau « concert européen », de rompre ainsi le front de la mise en tutelle. Même perspective pour la Turquie aujourd'hui contrainte à s'inféoder à Moscou.

Même s'il ne préjuge pas de l'avenir de l'euro avec lequel il n'est pas formellement incompatible, ce schéma obligera les adeptes d’une intégration sur le   modèle monnetiste au sein d'un super-Etat périmant peu à peu les Etats-nations, avec ses frontières, son armée, son drapeau, et pourquoi pas ses timbres, à en faire leur deuil. 

Mais qui ne voit que le modèle de l'Europe bloc contredit la complexité qui est au cœur du génie européen. Comme le dit Jean-Jacques Rosa [1], il s'oppose aux tendances modernes privilégiant, non les constructions monolithiques, mais les   organisations plurielles, souples, interconnectées sans hiérarchie stricte. Ajoutons qu'au moment où la Russie est débarrassée du communisme et les Etats-Unis de ce projet mondial qu’était aussi le néo-conservatisme, le monde    s’éloigne, pour le plus grand bien de la paix, des modèles idéologiques du XXe siècle auxquels on peut, même de manière atténuée, assimiler le projet européen de l'après-guerre.

La réorganisation des institutions européennes que nous proposons n’est pas une option. Qui peut croire que l'édifice actuel (ou ce qu'il en reste) pourra se maintenir longtemps en excluant frontalement les deux principaux centres financiers de la planète (New York et Londres) et la première puissance énergétique et militaire du continent ? 

 Si l'Union européenne ne procède pas à une réforme rapide de ses institutions, dont la France pourrait prendre l’initiative, on peut craindre qu'elle ne coure à une cataclysmique dislocation.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

[1] Jean-Jacques Rosa, L'erreur européenne, Grasset.

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:17

 

VERS UNE EUROPE   AUTORITAIRE ET GHETTOÏSEE

 http://www.causeur.fr/vers-une-europe-autoritaire-et-ghettoisee-36846.html

La conjonction de vagues migratoires hors de contrôle, d'attentats terroristes de grande ampleur et d'une restriction des libertés (loi sur les écoutes, état d'urgence) allant jusqu'à une réforme de la constitution qui   inquiète même le Conseil de l'Europe, pourrait bien dessiner les traits de l'Europe vers laquelle nous allons : ghettoïsée, conflictuelle et autoritaire.

Les tenants de la société multiculturelle pensent que la diversité des communautés allogènes implantées dans les pays européens constituera un enrichissement pour le pays d'accueil par la multiplication de échanges et le croisement des cultures qu'elle suscitera, pouvant aller jusqu'au métissage. Cela est vrai, au moins en partie, quand les dites communautés ne sont qu'une petite minorité, trop réduite pour rester dans l'entre-soi et pour apparaître comme une menace.  Chacun de ses membres a de fortes chances de rencontrer, à l’école, sur les stades ou au travail des autochtones et de s'assimiler à leur mode de vie. Les autochtones ne sentant pas leur primauté remis en cause, se montrent accueillants et ouverts aux échanges.  Il n'en est plus de même quand les dites communautés se font   nombreuses. Les nationaux ont moins envie d’échanger. Les immigrés ou fils d'immigrés ont moins de chances de les rencontrer notamment dans des écoles devenues monocolores. En France, la reprise de la fécondité immigrée depuis quinze ans laquelle s'était jusque là plus ou moins normalisée, est un marqueur de la communautarisation, de pair avec la préférence des mâles pour des femmes qu'ils font venir du pays, plus dociles que leurs voisines de palier.  Au terme :  une société d'apartheid telle que l'Allemagne en montre l'exemple depuis longtemps : à Berlin il n'y a pas d'Allemands dans les quartiers turcs et très peu de Turcs dans les quartiers allemands. Plus les populations immigrées seront importantes, plus la séparation sera grande.

 

 

Des tensions prévisbles

 

Les relations de ces communautés seront, qu'on le veuille ou non, conflictuelles. Sans doute, le nombre de musulmans impliqués dans les actes terroristes est-il infime par rapport à leur nombre total :   1 sur 1000 si on se réfère au fichier S, lui-même très extensif et qui comprend d'ailleurs aussi des convertis. Mais ces actes auront statistiquement et toutes choses égales par ailleurs deux fois plus de chances de se produire si la population allogène devient deux fois plus nombreuse. Ils contribuent et contribueront à durcir les relations intercommunautaires, à entretenir la méfiance et l'hostilité dont les effets seront seulement tempérés par la séparation des communautés.  En outre le terrorisme n'est pas la seule forme de l’agressivité réciproque des communautés : la délinquance ordinaire, les "incivilités » ou alors les réflexes d'autodéfense des autochtones y contribueront aussi.

Malgré les exemples de pays comme le Liban, la Bosnie, Ceylan qui montrent que des communautés religieuses d’importance comparable[1] ne peuvent coexister longtemps de manière pacifique, on peut penser que ce n'est pas ce genre de guerre ouverte qui menace immédiatement l'Europe. Mais, comme l'a montré Pierre Manent [2] , la démocratie ne peut prospérer que dans une communauté relativement homogène On peut craindre que l'hétérogénéité au contraire lui soit fatale. C'est une loi historique que plus une société est hétérogène, plus il faut un pouvoir fort pour y maintenir la paix civile.

 

Menaces sur les libertés

 

On ne voit que trop comment un pouvoir socialiste qui proclame à tout va son attachement aux valeurs républicaines, conforte chaque jour sa légitimité par une gesticulation sécuritaire qui entretient la psychose de l’attentat et habitue insensiblement les esprits à un régime d'exception. S'il est vrai que des failles dans le dispositif policier ont fait obstacle à ce que les attentats de Charlie et du Bataclan aient été détecté à temps, personne n'a considéré que ces failles provenaient de lacunes juridiques, seulement de dysfonctionnements des services. Il est probable que leur vigilance ayant été aiguisée par les évènements, ils mettront un point d'honneur à mieux prévenir les attentats et donc à diminuer les risques que court la population. Il reste qu'avec l'état d’urgence, tout citoyen français peut craindre de voir au milieu de la nuit débarquer la police chez lui pour y effectuer une perquisition sans mandat judicaire.  Il est aussi vrai que depuis la loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement, la plupart des gens font attention au contenu de leurs courriels craignant qu'ils ne soient interceptés et utilisés contre eux. Ces moyens juridiques d'exception ont été notoirement utilisés contre des personnes, écologistes, identitaires ou autres qui n'avaient rien à voir avec les réseaux terroristes. Sans aucune nécessité, on veut réformer la constitution alors même qu'une démocratie forte devrait garder ses lois fondamentales sauves quelles que soient les circonstances[3].

S'il est vrai, comme on le dit, que les évènements que nous avons vécus ne sont rien à côté de ceux qui nous attendent (il faut espérer le contraire !), alors les restrictions de libertés que nous aurons à connaitre dans le futur seront encore plus considérables.

Cela ne concerne pas que la France. Une fois l’euphorie de la politique d'accueil de Merkel passée, qui sait ce que nous réserve ce pays dont les oscillations extrêmes ont déjà ébranlé l'Europe ?  

Il est des gens, en France et en Europe, qui imaginent qu'une politique d’accueil large et généreuse rendra les gens meilleurs et la société plus prospère et démocratique, qu'elle fera progresser les droits de tous à commencer par ceux des migrants. Certains sont même prêts à faire émerger cette société vertueuse par la force d'une loi impitoyable au moindre écart de langage.  Ils devraient être refroidis par les perspectives qui se dessinent. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire contemporaine que les bons sentiments amènent des catastrophes ; c’est même plutôt là la règle que l'exception.  Nos anticipations ne découlent de rien d'autre que d’une connaissance objective de la dynamique des sociétés de tous les temps et de l'extrapolation de ce qui se passe sur notre sol depuis quelques mois.

 

                                               Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] Ce qui ne veut pas dire un poids démographique équivalent.  Le nombre d'adeptes actifs de chaque groupe, ses appuis extérieurs, importent aussi

[2] Pierre Manent, La Raison des nations : Réflexions sur la démocratie en Europe. Gallimard, collection "l'esprit de la cité", 2006. 

[3] Ce qui fut le cas de la IIIe République en guerre de 1914 à 1918 ou des Etats-Unis jusqu'au 11 septembre 2001

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:16

EURO : FIN DE PARTIE REMISE

http://www.causeur.fr/grece-euro-merkel-obama-33817.html/comment-page-1

 

"Cette fois l'euro est sauvé, la crise grecque est terminée ". Un concert de satisfaction a salué, tant dans    les sphères du pouvoir que dans  la sphère médiatique, l'accord qui a été trouvé le 13 juillet à Bruxelles entre le gouvenrment Tsipras et les instances européennes - et  à travers elles,  les grands pays, Allemagne en tête .

Etonnante illusion : comme si la diplomatie pouvait venir à bout  du réel. N'est ce pas Philippe Muray qui a dit un jour : "Le réel est reporté à une date ultérieure " ?  

Il n'y a en effet aucune chance que cet accord résolve quoi que ce soit.

Passons sur le revirement étonnant d'Alexis Tsipras qui organise un référendum  où le "non" au plan de rigueur de l'Europe est plébiscité avec plus de 62 % de voix  et qui, immédiatement après,  propose  un plan presque aussi rigoureux.  

 

Aide contre sacrifices

 

Ce plan  a trois volets : les dettes de la Grèce doivent être étalées ; jusqu'où ?  On ne sait pas encore, cela ne sera décidé qu'en octobre . La Grèce recevra de nouvelles facilités à hauteur  de 53 milliards d'euros (remboursables), plus le déblocage de 25 milliards de  crédits du plan Juncker (non remboursables). Elle doit en contrepartie faire voter sans délai un certain nombre de réformes : augmentation de la TVA, recul de l'âge de la retraite , lutte renforcée contre la fraude fiscale etc.

Le volet réforme correspond-t-il à une vraie logique économique ?  Appliquées immédiatement,  ces mesures plomberont un peu plus l'activité , comme toutes celles que l'on inflige à la Grèce depuis quatre ans. Ne vaudrait-il pas mieux que  ce pays  consacre les ressources nouvelles à l'investissement et ne soit tenu de revenir  à l'équilibre qu' au moment où la croissance , grâce à ces investissements, repartira. Quel  pays a jamais restauré ses grands  équilibres dans la récession ?  

Moins que de considérations techniques, cette exigence de réformes ne s'inspire-t-elle pas plutôt du vieux moralisme  protestant :   aider les pauvres , soit mais seulement s'ils font des efforts pour s'en sortir; quels efforts ? peu importe  pourvu qu'ils en bavent !

Quoi qu'il en soit,  pour redevenir solvable et donc rembourser un peu de ce qu'elle doit, la  Grèce doit avoir des comptes extérieurs non  seulement  en équilibre  mais excédentaires. Pour cela elle doit exporter.

Pourquoi n'exporte-t-elle pas aujourd'hui , et même achète-t-elle  des produits comme les olives? Parce que ses coûts sont trop élevés. Pourquoi sont-ils trop élevés ? Parce qu'ils   ont dérivé  plus que dans les autres pays de la zone euro  depuis quinze ans. Et quoi que prétendent  certains experts, cela est irréversible.

 

 

Aucun espoir sans sortie de l'euro

 

La Grèce a-t-elle  un espoir de devenir excédentaire en restant dans l'euro ?  Aucun.

Seule une  dévaluation  et donc une sortie de l'euro qui diminuerait ses  prix internationaux d'environ un tiers   lui permettrait de reprendre pied sur les marchés.

C'est dire que l'accord qui a été trouvé , à supposer que tous les Etats l'approuvent, sera remis en  cause dans quelques mois quand on s'apercevra que l'économie grecque ( à ne pas confondre avec le budget de l'Etat grec) demeure déficitaire  et qu'en conséquence, elle  ne rembourse toujours rien.    

On le lui a assez dit  : cette sortie-dévaluation sera dure au peuple grec, du fait de l'augmentation des produits importés, mais elle lui permettra au bout  de quelques mois de  redémarrer.  Sans sortie de l'euro, il y aura aussi des sacrifices mais pas d' espoir.

Nous pouvons supposer que les experts qui se sont réunis  à Bruxelles savent tout cela. Ceux du FMI l'ont dit, presque en ces termes.  Les uns et les autres  ont quand même signé. 

Les Allemands qui ont déjà beaucoup prêté à la Grèce et  savent  qu'ils ne récupéreront rien de leurs créances, réformes ou pas,   ne voulaient pas s'engager d'avantage . Ils ont signé quand-même . Bien plus que l'attitude plus flexible  de François Hollande, c'est une pression aussi ferme que discrète des Etats-Unis qui a contraint Angela Merkel à accepter un accord, envers et contre une opinion allemande remontée contre les Grecs.

Quant à Tsipras, a t-il dû lui aussi céder aux mêmes pressions ( de quelle manière est-il tenu ?) ou joue-il double jeu pour grappiller encore quelques avantages avant une rupture définitive - qui verrait sans doute le retour de    Yannis Varoufakis.  Le prochains jours nous le diront. 

 

Le médiateur discret

 

On ne comprend rien à l'histoire de cette crise si on ne prend pas en compte , derrière la scène, le médiateur discret de Washington     qui,  pour des raisons  géopolitiques autant qu'économiques, ne souhaite ni la rupture de la Grèce,  ni l'éclatement de l'euro.

Cette donnée relativise tous ce qu'on a pu dire  sur les tensions du  "couple franco-allemand" ( ça fait cinquante ans que le Allemands nous font  savoir qu'ils n'aiment  pas cette expression de "couple"  mais la presse continue inlassablement de  l'utiliser  ! ) . Au dictionnaire des idées reçues : Merkel la dure contre Hollande le mou. Merkel , chancelière de fer,  qui tient entre  ses mains le destin de l'Europe  et qui  a imposé son diktat à la Grèce. Il est certes important de savoir que les choses sont vues de cette manière (  et une  fois de plus notre piteux Hollande a le mauvais rôle !). Mais la réalité est toute autre. Ce que l'Allemagne voulait imposer n'est rien d'autre  qu'un principe de cohérence conforme aux traités qui ont fondé l'euro. Ce que Tsipras a concédé, c'est ce qu'il  ne tiendra de toutes les façons pas  parce qu'il ne peut pas le tenir .  Merkel a été contrainte à l'accord par Obama contre son opinion publique. La "victoire de l'Allemagne" est doublement illusoire :    elle ne défendait pas d'abord  ses intérêts  mais la logique  de l'euro;  cette logique, elle ne l'a imposée que sur le papier .

Mais pourquoi donc tant d'obstination de la part de l'Europe de Bruxelles, de la France et de l'Allemagne   ( et sans doute de l'Amérique) à trouver une solution à ce qui dès le départ était la quadrature du cercle ? Pourquoi tant de hargne vis à vis des Grecs et de tous ceux qui ont plus ou moins pris leur défense , au point d'anesthésier tout débat économique sérieux ?  

Le Monde  a vendu la mèche en titrant en grand: "L'Europe évite l'implosion en gardant la Grèce dans l'euro"  . Nous avons bien lu : l'Europe et pas seulement l'euro.  Bien que la Grèce ne représente que 2 % du PIB de la zone euro, son maintien dans cette zone conditionne la survie  de l'euro. Mais par delà l'euro , c'est toute la construction européenne qui semble devoir être  remise en cause si la Grèce sortait et     si, du fait de la Grèce,  la zone euro éclatait. Là encore le paradoxe est grand :  comment de si petites causes peuvent-elles  avoir de si grands effets ? Ce simple constat montre , s'il en était besoin, la fragilité de l'édifice européen. Cette fragilité réapparaitra qu'on le veuille ou non,  jusqu'à la chute de ce qui s'avère  de plus en plus n'être qu'un château de cartes.

Devant une telle perspective, les Européens, ont dit " de grâce, encore une minute,  Monsieur le bourreau" . Une minute ou quelques mois mais  pas beaucoup plus.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:15

L'INCONSCIENCE DES REPUBLICAINS

http://www.causeur.fr/primaire-lr-presidentielle-2017-sarkozy-juppe-fillon-38602.html

Etonnants républicains : au moment où le gouvernement rencontre les pires difficultés à faire passer la loi El Khomri  qui réforme le Code du travail a minima, les candidats à la primaire de droite se livrent à une surenchère libérale annonçant une révolution qu'ils veulent  sans précédent : retour aux  39 heures, retraite à 65 ans,  fin des régimes spéciaux, refonte en profondeur   du Code du travail,   réduction drastique des  effectifs de fonctionnaires, 100  milliards d'économies budgétaires et hausse de la TVA ( donc baisse des salaires réels  ! ) , mesures accompagnées  d'autres  qui ne toucheront pas au niveau de vie populaire,  telle la suppression de l'ISF,  mais ne feront pas nécessairement plaisir  à l'immense majorité qui ne le paye pas :   un Fouquet's programmatique en quelque sorte.      

Beaucoup de ces réformes à prétention libérale ont un air de déjà vu : sélection à l’entrée des universités (qui avait, bien inutilement, mis le feu au pays en 1986), nouvelles refontes territoriales (dont il ne semble pas que les candidats mesurent la lassitude et   le désarroi qu’elles suscitent chez les Français) etc.    

Dans cette surenchère, Juppé semble aujourd'hui en pointe mais Sarkozy et Fillon et ne sont pas en reste. La tonalité des campagnes de Le Maire ou Copé n’est pas différente.

Nous ne ferons pas aux uns et aux autres l'injure de penser qu'il ne s’agit là que de poses pour séduire à la primaire un électorat de droite   largement conditionné par des prescripteurs à qui cette rhétorique libérale plait : patronat petit et grand, think tanks libéraux de tout poil, sans oublier nos partenaires européens. Non, les candidats y croient vraiment.  Mais il  est une question à laquelle ils  ne répondent pas :  comment feront-ils pour faire passer de telles réformes  alors que la gauche elle-même n'y arrive pas ?  

Fillon compte sur l'"état de grâce" qui lui permettra, pense-t-il, de faire adopter certaines   par référendum. La règle d'or par exemple. Juppé veut commencer son quinquennat par un "choc".

 

Quelle légitimité ?

 

Tout cela est bien joli.  Mais quelle légitimité auront-ils ?

Les politologues l'observent : le fameux état de grâce est de plus en plus court.

Il est plus que probable que le candidat de la droite classique sera élu au second tour contre un candidat du Front national avec un écart assez faible, témoignant à lui seul d’un profond mécontentement du pays.    Il le sera avec des voix de gauche. Cela devrait, en théorie, lui permettre de s'appuyer sur tout l'"arc républicain" pour entreprendre des réformes vigoureuses, mais l'expérience du passé montre que c'est le contraire qui se passe. Jacques Chirac, élu en 2002 avec 80 % des voix, ne se crut pas pour autant autorisé à faire des réformes en profondeur car il ne voulait pas contrarier la gauche dont il avait recueilli les voix.  Les présidents de région élus récemment dans des    conditions analogues se sont sentis tenus, à tort ou à raison, de faire tout de suite des concessions à la gauche pour lui marquer leur reconnaissance.

La gauche, malgré sa faiblesse actuelle, dispose dans le pays réel, de relais qui lui permettent de contrôler en partie au moins les remous sociaux occasionnés par ses tentatives de réformes. On la soupçonne même de   se servir de ces relais extrémistes, antifas et autres, pour discréditer, en entretenant des   violences, l’opposition syndicale. Qu'importe !  Si la droite, au temps de Pasqua, eut autrefois de tels relais, elle n’en a plus aucun aujourd'hui.

Il fut un temps où la grande presse se partageait, certes inégalement, entre la droite et la gauche. Aujourd’hui, elle semble presque entièrement acquise à la gauche.  Cela ne la conduit certes pas   à faire preuve d'indulgence pour un Hollande au bout du rouleau, mais ne nous leurrons pas : très vite, elle en aurait encore moins pour un gouvernement affiché à droite.

Reagan et Thatcher purent faire des réformes libérales profondes mais ils n'étaient pas que libéraux, ils jouaient aussi sur la fibre nationale, voire nationaliste.  Nulle orientation de ce genre chez les candidats LR dont aucun (sauf Myard et Poisson qui ne font pas la course en tête) ne remet en cause la dépendance actuelle à l'égard des contraintes euro-atlantiques.  En définitive qu'offrent-ils en échange d'une remise en cause de ce que beaucoup tiennent encore pour des acquis sociaux : un peu plus de sécurité publique, un meilleur contrôle de l'immigration : avec quelle crédibilité ?  Une réforme en profondeur de l 'école ?  Même pas. Une remise en cause des dérives sociétales :  surtout pas, politiquement correct oblige.  D’ailleurs, la plupart des réformes promises par la droite sont-elles autre chose que la transposition de directives de Bruxelles ? Tout comme d’ailleurs les rares propositions qui émanent d'un Macron.

Or c'est là que le bat blesse. Pour exiger des gens des sacrifices courageux, il faut soi-même donner le sentiment de faire preuve de courage. Quoiqu' ils n'en    soient pas toujours   conscients, les Français sentent bien que les réformes libérales, même si certaines sont nécessaires, visent à satisfaire des donneurs d'ordres étrangers (Bruxelles, Berlin ou d’autres), que ces ordres sont répercutés par des "princes esclaves" selon l'expression de Gaston Fessard. Piètre posture pour exiger "du sang et des larmes".     

Ajoutons que les réformes libérales sont plus faciles à faire en période de croissance : il est plus aisé par exemple de rétablir l'équilibre budgétaire quand les rentrées fiscales augmentent, de supprimer des postes de fonctionnaires quand le secteur privé recrute, d'augmenter le temps de travail quand on peut en même temps augmenter les salaires. Rien de tel ne se profile à l'horizon 2017. L'assouplissement du Code du travail a lui-même peu de chances de se traduire par des recrutements   massifs si les conditions macroéconomiques d'une reprise ne sont pas au rendez-vous.  

La convergence des propositions des candidats républicains   ne tient pas seulement au conformisme technocratique :   ne remettant évidemment pas en cause l’euro, ils n’envisagent pas non plus des solutions alternatives comme un vigoureux transfert des charges sociales sur la TVA dite "TVA sociale" (assortie d'une hausse des salaires à due proportion, sinon la mesure apparaitra elle aussi pénitentielle). A l'intérieur des   contraintes dans lesquelles ils inscrivent leur projet, la seule solution qu'ils voient pour relancer la croissance est la politique dite de l'offre : faciliter l’initiative des chefs d'entreprise en améliorant leur situation financière et réglementaire vis à vis du reste de la population. Une telle politique serait sans doute acceptée par les Français s’ils étaient sûrs de son efficacité, ce qui n'est évidemment pas le cas, non sans raisons. Sans compter le risque qu'une compression brutale des dépenses publiques et privées n'enfonce davantage encore le pays dans la récession.

Le plus probable à ce jour est que le prochain président soit issu des rangs des Républicains. La règle à suivre par ceux qui conseillent les candidats à la primaire de ce parti ne devrait pas être seulement "plus libéral que moi tu meurs », mais :  "comment éviter que la nouvelle majorité ne soit carbonisée en trois mois ?"  Autrement dit, comment ne pas réitérer les mésaventures de 1986 et 1995 : toute la population dans la rue aux premières réformes ?  Mais qui s'en souvient ? C'est alors en effet qu'aurait   lieu l'explosion que tout le monde attend depuis des mois, voire des années.  Les réformes en seraient définitivement discréditées et la gauche, malgré son épuisement idéologique, se trouverait une fois de plus, remise   en selle.

 

                                                                                   Roland HUREAUX   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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