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Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:14

CE QUE N'A PAS VU TODD : LES CATHOLIQUES QUI NE SONT PAS "CHARLIE"

http://www.atlantico.fr/decryptage/que-pas-vu-todd-catholiques-qui-ne-sont-pas-charlie-roland-hureaux-2180458.html

Les familiers des travaux d'Emanuel Todd savent ce qu'est pour lui un catholique "zombie » : quelqu'un qui a eu une éducation catholique, qui n'a plus la foi, mais en garde cependant des structures de comportement inconscientes.  Voltaire, Diderot, Ernest Renan, Emile Combes étaient en ce sens des catholiques zombies : tout le contraire, on le voit, d’enfants de Marie !

Il y a aussi des protestants zombies, des juifs zombies (et pas n'importe qui : Marx, Freud, Husserl, Marcuse, Derrida et tant d'autres figures fondatrices de la culture contemporaine) et déjà, modernité oblige, Todd pense qu'il y en aura de plus en plus, des musulmans zombies.

La particularité des catholiques zombies est que c'est parmi eux que se recrutent les plus fanatiques adversaires du catholicisme, ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas pour les autres groupes. Même en comptant Marx, il ne semble pas que les juifs émancipés aient jamais été les pires antisémites ! 

C'est dire que le dernier essai de Todd qui insiste tant sur les "catholiques zombies » crispera sans doute autant les dits zombies que ceux qui ne le sont pas et qui prendront mal d'avoir à porter les errements de leurs ennemis. Nous éviterons donc cette expression.

Dans le détail, on pourrait trouve quelques approximations dans l’essai de Todd. Il semble oublier que la plus grande manifestation et de loin a eu lieu à Paris, dans ce qui n'est pas précisément un vieux fief de catholicité (au moins depuis le XVIIIe siècle). Comme nous le disait un lecteur critique : "il semble oublier que Paris est dans le Bassin parisien". Ramener le monde catholique de jadis à un Ouest supposé hiérarchique est très simplificateur. Si on se réfère à ses travaux antérieurs, l'Ouest est bien moins hiérarchique que le Pays basque ou le Sud du Massif central qui, après avoir été des fiefs huguenots au XVIe siècle sont devenus des fiefs catholiques au XIXe. Au demeurant la Gascogne précocement républicaine (et malthusienne : cf. Armengaud) est tout autant que le Pays basque un pays de famille souche. Toujours selon ses travaux antérieurs, la Vendée a la même anthropologie individualiste et égalitaire que le Bassin parisien mais dans l’attachement de celle-ci à la religion, l'histoire, une histoire tragique, a compté davantage que l'anthropologie, laquelle explique beaucoup de choses mais pas tout. Quant au raccourci culture inégalitaire, région catholique, pétainisme, antisémitisme, il vient tout droit du dictionnaire des idées reçues. Todd ignore visiblement les travaux de Simon Epstein. Il ignore aussi que l'antisémitisme des années trente était un phénomène parisien ou à la rigueur urbain : comment les paysans de France qui n'avaient jamais vu un juif de leur vie (à la différence de ceux d’Allemagne et de Pologne) auraient-ils pu être antisémites ?  On pourrait être inquiet de telles approximations si on ne faisait confiance à la rigueur scientifique de l'auteur.

A ces nuances près, il n'y a rien à objecter à la thèse centrale de Todd : le groupe dominant en France aujourd’hui est celui des classes moyennes issues du monde catholique, que ce soit en termes sociaux ou géographiques (le grand Ouest), mais déchristianisées. Qu'on les appelle "bobos" ou "deuxième gauche", ils tiennent le parti socialiste et ont soutenu le choix de l'euro ;     tributaires d’une culture catholique désormais inconsciente, ils imposent une austérité doloriste (et deloriste !)  Et un néo-libéralisme à l'anglo-saxonne à caractère inégalitaire. Quoique brandissant les valeurs de la République, ce sont de faux républicains. François Hollande, de parents catholiques mais qui a viré au laïcisme le plus raide (souvenons nous de son refus de dire que les Egyptiens massacrés en Libye étaient des chrétiens) en est une figure emblématique.

Chesterton disait que "le monde moderne est rempli de valeurs chrétiennes devenues folles ». Tout ce qui fait aujourd’hui la sensibilité de   gauche : l'Europe, l'écologie, l'ouverture à l’homosexualité, les langues régionales, le multiculturalisme peut être en effet assigné à une sensibilité chrétienne dégénérée.

Que les manifestants de janvier aient profité de l'affaire Charlie pour exprimer un anti islamisme inavoué, refoulé par les bons sentiments de gauche, est aussi probable, mais cela ne vaut pas seulement pour la deuxième gauche.

Todd n'a pas non plus tort de penser que la grande manifestation « Je suis Charlie" du 11 janvier 2011 a été faite principalement par les pro-euro. Une manifestation de dominants qui laisse de côté deux groupes dominés : la vieille classe ouvrière française et l'immigration musulmane et qui ne réclame rien moins que le droit pour le groupe dominant de blasphémer la religion d'un groupe plus faible !  

Ces pro-euro sont des ex-chrétiens, soit, mais que pourraient-il être d'autre ? Pierre Chaunu aimait à dire que de la France cléricale qui   représentait   la moitié de la population en 1905, descendaient les trois quarts de la France de 1960 du fait du différentiel de natalité entre une France catholique féconde et une France républicaine malthusienne (cf. le triste Paris sans enfants des années trente dans les romans de Simenon). Le grand historien appelait cela la "sélection spirituelle". Mais une partie des catholiques, transfuges, venait à mesure reconstituer le vivier   républicain   dans une France où les Lumières étaient toujours hégémoniques, au sens gramscien du terme. Deux générations après, et l 'accélération de la déchristianisation dans le dernier tiers du XXe siècle aidant, les néo-républicains n'ont pas seulement pris la place des anciens dans la rue, ils l'ont prise dans la France elle-même. La classe ouvrière où Todd voit le reste des républicains d'autrefois est en fait le résultat d’un brassage complexe où l'immigration ancienne a sa part. Même ralliée au Front national, elle est une survivance.

 

Les catholiques qui ne sont pas Charlie

 

Persuadé que le catholicisme est en voie d'extinction en France (les constituants de 1789 le pensaient déjà !), Todd, cependant, ignore ou sous-estime l’existence d'une frange de catholiques qui ne sont pas "zombies » et dont la plupart ne s’est nullement reconnue dans Charlie, beaucoup ayant perçu au contraire dans la manifestation du 11 janvier un rejet subliminal, non seulement de l'islam mais de toutes les religions. Eux aussi ressentent ce que Todd dénonce à juste titre : "cette nouvelle menace à la liberté de croyance qu'est le laïcisme radical".

Cette frange de catholiques "non zombies", de plus en plus nombreuse à chaque génération, d’autant que les déperditions y sont sans doute plus limitées aujourd'hui qu'en Mai 68, explique l ' ampleur de La Manif pour tous, sans équivalent dans le reste de l'Europe : en réduisant, par vengeance, les prestations familiales des classes moyennes, Valls ne s'est pas trompé de cible. Mais cette frange explique surtout   le différentiel qui fait de la France le seul grand pays d'Europe où la population se renouvelle encore à peu près (taux de fécondité : 2 pour une moyenne de 1,6 en Europe).   

Les Français ne font en effet pas exception à la règle posée par Adolphe Landry :  les sociétés athées sont vouées à l'extinction. Ils ne sont pas, contrairement à ce que pense Todd, des athées heureux qui "font » des enfants quand-même.  La population française se perpétue mieux que d'autres par des minorités religieuses arc-boutées sur un sentiment identitaire fort, en particulier une minorité catholique, qui fournit d’ailleurs l’essentiel des cadres de son Eglise et de son armée et, avec ou sans apostasie, une bonne partie de ses élites, même de gauche. 

Il y a donc bien trois pôles dans la société française mais pas tout à fait ceux que voit Todd : le pole dominant, post (et anti) -catholique, pro-euro, pro-homo et antirusse, un pole catholique persistant, généralement prorusse, pro ou anti-euro, selon sa position sociale, et un pole musulman. Si les musulmans de France s’intègrent plus qu'on ne croit, il faut le confirmer par d’autres indicateurs que les mariages mixtes : un jeune Français issu de l'immigration qui épouse sa voisine de palier étudiante en jean moulant, c'est un mariage franco-français ; s'il préfère, comme cela se fait de plus en plus, aller chercher au bled une cousine vierge, c'est un mariage mixte ! Lequel intègre mieux ?

Les musulmans de France, qui avaient voté à 90 % Hollande, se sont abstenus massivement   aux municipales, révulsés par le mariage unisexe et l'ambigüité des socialistes à leur égard. Seule la maladresse insigne de l'UMP - qui vient d'organiser un bien inutile colloque sur   l'Islam -, pourrait empêcher qu'ils finissent à la droite modérée.   

Dommage car c'est de ce groupe désormais central de la politique française, qui va de DLF au MODEM en passant par "les Républicains », que dépend l’issue du dilemme justement posé en conclusion par Emmanuel Todd :  une confrontation suicidaire excitée par l'ultra-laïcisme ou un compromis fondé sur l'acceptation, dans les limites de la paix civile, du fait religieux.   

 

                                                           Roland HUR

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:13

ET SI LES TERRORISTES ALLAIENT EN ENFER ?

http://www.bvoltaire.fr/rolandhureaux/et-si-les-terroristes-allaient-en-enfer,27514

Pour se faire entendre des terroristes ou candidats au terrorisme, peut-être faudrait-il parler le même langage qu'eux ?

Apparemment, ces gens croient à une vie après la mort.

Jusqu'ici ils n'ont entendu que les promesses de Daesh, peut-être relayées par quelque imam salafiste : s'ils meurent en tuant   un mécréant, ils iront   tout droit au paradis.   

Cela, quel que soit leur comportement sur cette terre : délinquance (le Coran condamne les voleurs à avoir la main coupée : c'est donc un péché !), alcool, tabac, fornication, consommation de porc sont effacés d'un coup par le sacrifice ultime.  

Peut-être faudrait-il leur rappeler que la religion chrétienne, singulièrement la catholique, est d'un autre avis : qui meurt en commettant un meurtre, sans avoir donc eu le temps de se repentir, risque fort d'aller en enfer.

L'Eglise ne l'affirme certes pas comme une certitude (elle ne préjuge jamais de ce qui arrive dans l'au-delà) mais elle en signale très fort le risque.

A cela les Conciles n’ont rien changé : c'est toujours le dogme.

Qui peut le leur dire ? Pourquoi pas les évêques, avec tout l'autorité qui est la leur.

On dira qu’ils ne le croiront pas : ils sont musulmans et seul compte pour eux, pense-t-on, le Coran (qu'ils n'ont généralement pas lu).

Ce n'est pas certain.

D'abord le Coran parle de l’enfer à presque chaque page. C’est une notion qu'ils connaissent bien. Une autorité religieuse qui leur en parlerait aussi gagnerait auprès d'eux en crédit. Plus en tous cas que par des paroles onctueuses du le dialogue des religions.

Ensuite les vrais musulmans ont une déférence superstitieuse pour toute autorité religieuse, même et surtout chrétienne.

Pas ceux qui ont tué le père Hamel dira-t-on. Qu'en sait-on ? Ils ont probablement exécuté un ordre, peut-être en se forçant.

La menace de l'enfer contribuerait au moins à semer chez eux le doute :  "Et si je me trompais ? Et si ce monsieur en habit chamarré portant mitre, si c'était lui qui avait raison ? ".   Alors adieu les 72 vierges :   en lieu et place, une éternité à griller. C'est tout de même un risque.

Surtout si une partie de leurs imams relayaient cette menace de l'enfer.

Quand le leur dire ?

L'invitation faite aux musulmans à leur initiative d'assister à la messe dimanche dernier aurait pu être une occasion. Mais ils n'étaient pas très nombreux : en cette saison, la plupart sont en vacances dans leur pays d'origine. Il y en aura sans doute d'autres.

En tous les cas, il n'y a aucun risque à dire que ceux qui meurent en tuant risquent l’enfer. Et principe de précaution oblige, peut-être que certains candidats au djihad y regarderont à deux fois avant de commettre un nouvel attentat.

 

                                                                       Roland HUREAUX

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:12

 

LIBRE ENTREE DES TURCS EN EUROPE : EN ECHANGE DE QUOI ?

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/05/20/31002-20160520ARTFIG00209-libre-entree-des-turcs-en-europe-o-est-la-contrepartie.php

L'Union européenne a accordé à la Turquie le droit d 'entrée sans visa de ses ressortissants sur le territoire de l’Union européenne à partir du 1er juin.

En échange de quoi ?

Le 18 mars, au moment  de la réunion du Conseil  européen, le président Erdogan prononçait un discours violent contre la Belgique: « Il n’y a aucune raison que la bombe qui a explosé à Ankara (une bombe venait d'exploser en effet le 14 mars, Erdogan accusant les Kurdes) , n’explose pas à Bruxelles ou dans une autre ville européenne (…) Là, je lance un appel aux États qui leur ouvrent les bras qui, directement ou indirectement, soutiennent les organisations terroristes. Vous nourrissez un serpent dans votre lit. Et ce serpent que vous nourrissez peut à tout moment vous mordre (...) quand les bombes commenceront à exploser dans vos villes, vous comprendrez certainement ce que nous ressentons. Mais alors, il sera trop tard. »

Le 20 mars,  le gouvernement turc convoquait  l'ambassadeur de Belgique pour  demander  que la Belgique  ferme  le pavillon installé par des   manifestants kurdes face au Conseil européen, à la station de métro Maelbeek. Pendant la nuit, les tentes ont été saccagées, avant d’être incendiées on ne sait par qui.

Quatre jours après le discours d'Erdogan, le 22 mars, des attentats frappaient Bruxelles, faisant 34 morts et 260 blessés. Un des deux attentats avait  lieu à la même station de métro Maelbeek.

Le  matin de cet attentat , le quotidien Star, organe officieux du régime d'   Erdogan, ouvrait sa "une"  sous le titre « La Belgique,  État terroriste ».  

Le  23 mars  la presse turque gouvernementale se réjouissait de la punition infligée à la Belgique . Le même Star faisait  une édition spéciale intitulée : "Le serpent que nourrissait la Belgique en son sein l’a mordue »,   référence explicite au discours du   président Erdogan du 18 mars Un autre journal  pro-Erdogan titrait  : « Celui qui dort avec le terrorisme, se réveille avec lui.» Le même jour, le journal islamiste Akita, un des organes du Parti de la Justice  (gouvernemental) reprenait  le même argument en une: « La Belgique soutient  les terroristes (...) Le  gouvernement belge, en soutenant les Forces de défense populaire (YPG) ( Kurdes qui luttent contre Daesh  en Irak et en Syrie)  a agi comme s’il disait aux djihadistes:  "Venez me mettre des bombes ».

En octobre 2015  , Erdogan venu faire   campagne à Strasbourg auprès des Turcs émigrés,  pour les élections législatives du 1er novembre,  avait  attaqué avec violence   l'Union européenne. Il  présentait  la Turquie comme le défenseur de « la vraie civilisation » face à une Europe affectée par « la xénophobie, l’islamophobie et le racisme ». Des bagarres eurent même  lieu à Bruxelles entre services de sécurité belges et turcs.

Le 11 janvier dernier, le roi Abdallah de Jordanie, à Washington, devant une commission sénatoriale,    avait    accusé le président Erdogan d’avoir organisé la vague de migrants vers l’Europe et d’y avoir intentionnellement infiltré  des djihadistes. On voit mal en effet comment un million de migrants auraient pu quitter la Turquie sans que le gouvenrment  turc y soit pour quelque chose. Il faut savoir que ces migrants, pour  la plupart, sont non les vrais réfugiés de l'Est de la Turquie mais d'autres que les passeurs sont allé chercher via le Liban dans la région de Damas . Ces derniers seuls peuvent  payer entre 5000 et 10 000 € le passage en mer Egée . Réputé proche des Frères musulmans,  Erdogan, alors Premier ministre  rêvait en   1999 de conquérir  l'Europe par l'immigration : «Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats.»

 

Proximité d' Erdogan et de Daesh

 

De manière notoire, Erdogan continue à aider Daesh . Les 7500 camions qui font la force du khalifat autoproclamé , et la plupart de ses  armes, ont transité par la Turquie. Daesh se finance en vendant au marché noir du  pétrole par la Turquie, le fils de Recip Erdogan étant une des intermédiaires. Par la Turquie transitent aussi  les dizaines de milliers de djihadistes venus du monde entier renforcer les groupes rebelles .  Erdogan  a ainsi contribué plus  que quiconque à déclencher   la guerre civile en Syrie puis à faire émerger Daesh . S'il  cessait de le soutenir, du jour au lendemain,  Daesh cesserait  d'exister. Daesh qui a revendiqué les attentats de Paris  et de Bruxelles.

Pour récompenser Erdogan de toutes  ces bonnes manières , Angela Merkel est venue l'aider  juste avant les élections du 1er novembre 1995 qu'il  risquait de  perdre. Elle lui a promis à cette occasion  3 milliards d'euros, la reprise des négociations d'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et la libre entrée des Turcs sur son territoire .

C'est exactement ce que la même  Merkel, négociant  au nom de l'Union européenne  a   concédé à Erdogan dans l'accord passé  le 18 mars.  Avec encore 3  milliards d'euros en prime.

Contrepartie : une vague promesse de cessation de l'afflux de réfugiés, la possibilité pour les Grecs de renvoyer  jusqu'à   72 000    réfugiés tenus pour faux en échange de vrais.  Cette seule clause,  sans incidence sur le flux total a néanmoins valu de toutes parts  aux Européens  un déluge d'opprobre.

Avec la libre entrée de ses ressortissants, la Turquie,  qui bénéficie déjà de la libre entrée de ses  marchandises et d'aides considérables,  est devenue de facto  membre de l'Union européenne, au nez et à la barbe des peuples qui n'en voulaient pas.   Merci Madame Merkel, merci  l'Europe.

 

                                                                       Roland HUREAUX         

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:12

ERDOGAN ET POUTINE NE SONT PAS COMPARABLES

 http://www.causeur.fr/erdogan-poutine-turquie-russie-syrie-38697.html

Les personnalités de premier plan ne se bousculant pas aujourd'hui dans les sommets des chefs d'Etat de l'Union européenne, il est habituel qu'on se tourne avec un mélange d'envie et de crainte vers les marges Est du continent, où, il faut bien le dire, deux figures exceptionnelles émergent : Poutine et Erdogan. Deux ennemis dont les armées se font face dans le nord de la Syrie, le premier appuyant les forces gouvernementales, le second les rebellions islamistes. Tous deux sont présentés comme des nationalistes, hommes d’autorité, plus ou moins dangereux.

En réalité les positions des deux hommes ne sont pas comparables.

 

Régime nationaliste et régime idéologique

 

On ne saurait confondre un régime national, voire nationaliste, plus ou moins autoritaire et un régime idéologique. Le premier suit une politique étrangère classique de défense des intérêts nationaux et rien d'autre. Quand il s'agit d'une grande puissance, ce souci des intérêts nationaux peut s'étendre au voisinage immédiat (l'Ukraine s'agissant de la Russie) mais ce genre de régime n'a pas de plan de conquête du monde, tout simplement parce qu'il n'a pas d’idéologie à répandre.

Un régime idéologique, c'est autre chose. Le moteur profond de son action politique n'est pas la défense des intérêts nationaux, même s'il s'en préoccupe aussi, il est d'étendre une certaine idéologie au monde entier, ou en tous les cas à d'autres pays. L'idéologie pour cette raison est inséparable de l'impérialisme. Comme une idée peut s’étendre indéfiniment, l'impérialisme d'un régime idéologique n’a pas   de limite, en dehors de celle que lui assigne la résistance des autres pays.

Pour dire les choses simplement, si la Russie était un régime idéologique au temps du communisme, elle s'est transformée depuis lors en régime nationaliste classique. On peut la considérer comme un   pays qui a été totalitaire et qui ne l’est plus, en marche vers la démocratie, celle-ci étant encore sous Poutine très imparfaite.  

La Turquie a suivi le chemin exactement inverse : du temps de Mustafa Kemal et de ses successeurs, elle avait un régime nationaliste classique.  Avec Erdogan, elle est en train de se transformer en régime idéologique. Cette idéologie n'a naturellement rien à voir avec le marxisme-léninisme qui était le moteur de l'Union soviétique. Erdogan est un frère musulman qui considère que l’islam a vocation à devenir la religion mondiale et que cette religion doit s'étendre au besoin par la force. Il a aussi la nostalgie du sultanat ottoman qui s’étendait très loin dans les Balkans et qui dominait à la fois la péninsule arabique et le nord de l'Afrique, soit presque tout le monde arabe. Le projet ottoman de conquête de l’Europe a subi plusieurs coups d’arrêt : la bataille de Lépante contre les Espagnols (1571), les sièges de Vienne successifs (1521 et 1683). Au cours du XIXe siècle, les Turcs durent   se retirer de la Grèce, puis des Balkans ; Erdogan a le désir secret de venger ces revers. Il pense le faire de deux manières : en entrant dans l'Union Européenne où son poids démographique de 80 millions d'habitants et la sidération de ses partenaires, que l’attitude d’Angela Merkel anticipe, le mettraient vite en position hégémonique, en s'appuyant sur les communautés immigrées musulmanes présentes dans tous les pays d'Europe. On connaît sa fameuse déclaration de 1999 : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats ». L'envoi délibéré de plusieurs centaines de migrants musulmans vers l'Europe à partir de l'été 2015, s'inscrit dans cette stratégie.  L'appel récent visant à détourner les communautés turques d’Europe du planning familial le confirme.

Lors de la première guerre mondiale, l'empire turc a été amputé de l'ensemble de ses possessions arabes : Erdogan rêve aussi de reprendre pied dans le monde arabe, à commencer par la Syrie voisine où il aurait aimé installer un gouvernement islamiste proche de lui et pour cela renverser le régime "hérétique" (alaouite) de la famille Assad. Si le régime turc a encore l'apparence démocratique, il ne cesse de se durcir : une partie de l'état-major de l’armée, restée kémaliste, a été emprisonné. Des journalistes le sont également en grand nombre. Que ne dirait la presse occidentale si Poutine faisait la même chose ?

 Poutine, lui, n'a   aucune idéologie à répandre. Il ne rêve pas que le monde entier, ni même l’Europe, se rallient à la religion orthodoxe ou au culte de la terre russe. Si la démocratie russe est encore insuffisante, elle a fait d'immenses progrès depuis l'époque communiste, alors que, si le régime kémaliste n'était pas vraiment démocratique, il est douteux que la Turquie le soit devenue davantage, quoi qu'on en pense à Bruxelles, depuis la venue au    pouvoir d’Erdogan (2003).

 

Une concurrence asymétrique

 

Sur le plan de la politique internationale, le conflit entre les Turcs et les Russes en Syrie n'est nullement symétrique. La Russie intervient en Syrie en plein accord avec le droit international, à la demande du gouvernement syrien légitime, celui de Bachar el Assad, alors que les interventions de la Turquie dans le Nord de la Syrie, notamment contre les Kurdes de Syrie, se font en violation de la légalité internationale. D'autre part, si la Russie défend le régime syrien, elle n'envoie pas de djihadistes comme la Turquie en envoie en Syrie ni des centaines de milliers des réfugiés en Europe occidentale comme le fait Erdogan, un afflux ravageur incontrôlé   qui pourrait avoir un effet profondément déstabilisateur.

Des deux régimes, il est clair que l'un est en position défensive et que l'autre est au contraire en position d'agresseur.

Il est vrai que des experts prétendent souvent que le grand problème d'Erdogan est celui des Kurdes. Certes, le tiers oriental de son territoire est occupé par des musulmans sunnites qui ne se sentent pas turcs et dont beaucoup rêvent de rejoindre leurs frères kurdes d'Irak, d'Iran et de Syrie pour constituer un Kurdistan indépendant. Si cela se faisait, la Turquie se trouverait réduite à la portion congrue. Mais si la guerre n'avait pas éclaté dans le nord de l'Irak et en Syrie, guerre dont Erdogan est largement responsable, il est probable que les Kurdes se seraient tenus tranquilles. Les Kurdes de Turquie ne se sont rebellés en 1995 qu'à la suite de bombardements du gouvernement turc. Cela s'est fait peu de temps avant les élections législatives ; sachant que la majorité de la population turque est très hostile aux Kurdes, le réveil du séparatisme kurde a permis à Erdogan de resserrer les rangs autour de lui et de remporter une victoire électorale qui était loin d'être assurée.

Contrairement à ce qui se raconte, Poutine ne représente nullement une menace pour la paix en Europe. Comme l'a rappelé récemment Valéry Giscard d'Estaing, la question ukrainienne s'est envenimée au lendemain du coup d'État organisé par les Occidentaux sur la place Madian en février 2014, lui-même issu de la volonté de Bruxelles et de Washington d'englober l'Ukraine dans l'Union européenne et l'OTAN. Comme en ont convenu des hommes comme George Kennan (un des faucons de la guerre froide), Henry Kissinger, Helmut Schmidt, la volonté occidentale d'intégrer la Géorgie et l'Ukraine dans une alliance aux objectifs ouvertement antirusse ne pouvait apparaître que comme une   provocation. 

Si l'on peut lui reprocher de se mêler des affaires du Proche-Orient, Poutine n’y fait cependant que défendre une position que la Russie avait en   Syrie depuis 1954 et que les Etats-Unis ont ouvertement voulu lui reprendre, mais rien n'indique qu'il cherche   à en conquérir de nouvelles.     

Même si les deux sont de vrais chefs, mettre dans la même catégorie Poutine et Erdogan, est fallacieux. Non seulement parce que Poutine est dans son pays   plus populaire qu'Erdogan dans le sien, mais surtout parce que les logiques auxquelles ils obéissent ne sont pas les mêmes.   Même si Erdogan est dans l'OTAN, il est aujourd’hui   le plus dangereux des deux.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:10

POURQUOI L'OPERATION BARBARIN A FAIT LONG FEU

 http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-operation-barbarin-fait-long-feu-roland-hureaux-pedophilie-pretres-cardinal-non-information-atteintes-sexuelles-mineurs-2669648.html

Si le but de l'opération Barbarin était de jeter un peu plus de trouble dans une France déjà gravement déboussolée, dont l'Eglise affaiblie et intimidée par le "monde" ne semble plus à même d'offrir une alternative à l’islamisation, alors l'opération a réussi. Si le but était, par contre, comme il est probable, de faire démissionner le cardinal, elle semble faire long feu.

Les initiateurs de l'affaire, dont nul ne doute quelle ait été en partie montée, comme le démontre l’article brillant d’Éric Verhaegen,[1] avaient décidé de régler leurs comptes aux principales figures de proue de la Manif pour tous. Virginie Telenne (alias Frigide Barjot), après avoir perdu sa place dans le monde du spectacle, a été, avec ses enfants, expulsée de son appartement à la demande de la   Ville de Paris pour un motif très léger, sur fond de campagne de presse unilatérale. D'autres dirigeants connus ne trouvent pas de travail. Dans le clergé, le cardinal Philippe Barbarin était le plus en vue tant par ses prises de position que par sa    participation aux manifestations, lesquelles ne faisaient pas peur à ce sportif.  Les initiateurs de l’affaire, sans doute proches de la LGBT et partie prenante à une opération internationale de déstabilisation de l'Eglise catholique dans son ensemble, rayent sans doute les noms, à mesure, sur leur liste. 

Ceux qui font pression sur Mgr Barbarin s'imaginent qu'on fait tomber un prélat comme on fait tomber un ministre : à coup de sondages, de pétitions ou de campagnes de presse (en    l'espèce, certaines agences de presse, largement relayées par les médias, y compris catholiques, ne chôment pas). Ces initiateurs n’imaginent pas qu’avant de prendre une telle décision, quelqu’un comme l’archevêque de Lyon se recueillera   quelques heures devant le Saint-Sacrement, se souvenant du dernier verset des Béatitudes :

 

"Heureux êtes vous si l'on vous insulte si l'on vous persécute, et si l'on vous calomnie de toute manière à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux" (Mt 5 11-12).

 

Le cardinal Barbarin n'est peut-être pas dans la joie et l'allégresse mais il est certain que les conseils de l'Esprit-Saint auront pour lui plus de poids que ceux de M. Valls. 

Le recul de la civilisation chrétienne ne se marque pas d'abord au recul du nombre de prêtres ou de pratiquants, mais à l’ignorance croissante de choses de l'Eglise. Le petit père Combes n'aimait pas le catholicisme mais il le connaissait. On peut en douter des socialistes d'aujourd'hui (et pas que d'eux). Personne n'a peut-être rien écrit d’aussi sévère pour le milieu clérical que L'imposture de Bernanos mais lui savait de quoi il parlait.    Cette ignorance est pénible aux croyants car elle témoigne d'un profond mépris pour une réalité sur laquelle il ne parait même plus utile à leurs adversaires de s'informer. Mais elle est surtout le signe d’un recul de la civilisation où les mille et une subtilités auxquelles l'Eglise catholique a formé l’Occident, Voltaire compris, cèdent la place   à la grossièreté, aux simplifications idéologiques et, à terme, à la barbarie.

Le cardinal-archevêque de Lyon a reçu l'appui d'un nombre impressionnant de personnalités, dont plusieurs académiciens et professeurs d'université qui, l’ayant approché, en connaissent les immenses qualités.

 

De quoi se mêle Valls ?

 

Les résultats mitigés de l'opération de déstabilisation tiennent aussi au     nombre de gens, pas forcément croyants, qui ont été choqués par la déclaration du premier ministre   Manuel Valls demandant au cardinal de "prendre ses responsabilités".   Cette déclaration    constitue   une entorse tant au principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat qu’à celui de la présomption d'innocence [2]. Mais s'agissant de Valls, n'est-ce pas plutôt le ridicule qu'il faut retenir !  

Présomption d'innocence ?   Le cardinal s'est excusé auprès des victimes.  Peut-être en effet a t-il été imprudent ?   Mais aucun juriste sérieux ne croit qu'une des enquêtes en cours conduira à autre chose qu’un non-lieu.

Et comment ne pas s'étonner que, dans ces affaires, le nom des accusés, dont un seul a été condamné, soit livré en pâture au public, alors que celui de leurs accusateurs est tenu secret. 

Etranges affaires au demeurant : les plus assurées ont précédé de plusieurs années la nomination de Barbarin à Lyon (2002) et elles portent sur des prêtres dont la conduite a été irréprochable au cours des années où il a été archevêque. Dans les deux   qui se sont présentées sous son ministère, il avait été notoirement impitoyable. Il a immédiatement conseillé à la jeune journaliste de Mag2Lyon qui, en août dernier, lui faisait croire de manière mensongère, pour le tester, qu'elle avait été violée par un prêtre, de porter plainte, sans se douter que c'était peut-être là le signe qu'une machination se tramait.

Nous n'aimons pas beaucoup l'appellation de pédophilie, la philia étant tenue par les Grecs pour un des sentiments les plus élevés.  S 'agissant plutôt d'eros, il faudrait dire pédérastie, si le terme n’était déjà préempté. On se contentera de pédomanie. Pourtant une seule des   trois ou quatre des affaires évoquées relève de cette espèce, les autres, dont toutes ne sont pas avérées, ne concernent pas des mineurs de moins de 15 ans, seuls protégés par la loi (Dieu sait combien la gauche a lutté pour abaisser cette limite).  Il s’agit, disons -le tout net, d’homosexualité pure et simple.  La drague homosexuelle est sans doute une faute grave au regard de la discipline ecclésiastique. Mais depuis quand le lobby LGBT et ses sympathisants la tiennent-ils pour criminelle ? A moins qu'on ait eu affaire à un viol, ce qui supposerait chez   le prévenu la carrure du Gérard Depardieu des Valseuses !  

Un seul fait concerne des mineurs, scouts ayant fait l'objet d’attouchements et elle s'est produite il y a 25 ans. Le père Preynat, dénoncé puis réintégré par le cardinal Decourtray, alors archevêque de Lyon, a ensuite rempli, ses anciens paroissiens de la région de Roanne en témoignent, son ministère de manière exemplaire.  Il a été mis à l’écart en 2015.

 

Un dossier bien mince

 

Au total, les faits que l'on pourrait reprocher au cardinal sont bien minces  et on ne peut  que  s'étonner que parmi ces  plaignants  qui se réveillent au bout d'un quart de siècle, figure un haut-fonctionnaire  ,  victime respectable peut-être,   mais  chargé de la communication (c'est à dire de la propagande) dans un   gouvernement connu pour son hostilité à l 'Eglise catholique : le ministre de l'intérieur, son patron ,  n'est-il pas  allé jusqu'à dire que l'évocation de racines chrétiennes de la France lui paraissait  "nauséeuse" ?  Cette hostilité s’est étendue aux chrétiens d'Orient   pour lesquels Barbarin s'est plus   que tout autre démené et dont les assassins ont reçu pendant quatre ans armes et entrainement du gouvernement français.

Quelque horreur qu'inspire un acte de pédomanie commis   par un prêtre, le cardinal est d’abord victime de l’air du temps. Un temps qui, malgré les appels du pape François, ignore la miséricorde. Certes la doctrine officielle   prônée par    Christiane Taubira est de préserver   la possibilité d’amendement et de tout mettre en œuvre pour la réhabilitation des coupables, ce qui suppose une certaine confiance.  Mais il est clair que notre époque, si indulgente à l'homosexualité, tient par un étonnant paradoxe     la pédomanie pour le crime de crimes auquel cette possibilité de réhabilitation ne s'applique pas.  Le cardinal Decourtray, en 1991, n'avait   pas tenu le prêtre incriminé pour irrécupérable, lui   laissant une seconde chance, ratifiée par Barbarin quand il a eu connaissance de l'affaire, soit cinq ans après sa prise de fonctions. La suite a montré qu'ils avaient eu raison, l'un et l'autre, de faire confiance.  Peut-être ont-ils été imprudents mais que dire des juges qui remettent en liberté tant de criminels au repentir douteux ou de l’Education nationale qui se contente généralement de déplacer les enseignants pédomanes ?  Valls a-t-il demandé à Najat Vallaud Belkacem de démissionner ? Le recteurde Grenoble et l'inspecteur d'académie qui ont laissé en place l'instituteur de Villefontaine, condamné en 2008 et accusé de viols d'enfants en 2015, ont -ils été sanctionnés ?

Les encycliques sur ce sujet n’ont pas précisé, à notre connaissance, que si la miséricorde est gratuite pour celui qui en bénéficie, elle peut coûter cher à celui qui la dispense, ce que   les évangiles nous avaient appris depuis longtemps. 

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

[1] Atlantico, 5 avril 2015

[2] Et même de la séparation des pouvoirs.

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:08

ENTRETIEN AVEC ROLAND HUREAUX SUR LE MOYEN-ORIENT

 

M.T. : Merci Roland Hureaux d’avoir accepté de répondre à nos questions pour faire un point sur « l’Orient compliqué ». A quelle époque récente faut-il remonter pour comprendre les enjeux actuels ?

 

Roland Hureaux : Il faut au moins remonter à la fin de la guerre froide. A cette époque, il y avait deux blocs. D’un côté l’URSS, qui avait sous son influence l’Irak, la Syrie, la Lybie, l’Algérie, le Sud-Yémen, la Somalie et aussi l’OLP  . De l’autre, les Etats-Unis qui avaient pour alliés, Israël, la Jordanie, le Liban, les monarchies du Golfe, la Turquie et le Pakistan. Ces deux blocs étaient à peu près stables même si le Président Sadate fit passer l’Egypte, pro-russe depuis 1956, dans le camp américain et si l’Ayatollah Khomeiny  sortit l’Iran d’influence  américaine.

 

MT : Est-ce que l’Afghanistan a joué un rôle dans l’effondrement de l’URSS ?

 

RH : Oui, essentiel. Mais ce ne fut pas la seule raison de la chute. Le pape Jean-Paul II eut également un rôle majeur, notamment au travers de la révolte des Polonais autour de Lech Walesa. Ronald Reagan   lança  la "guerre des étoiles" qui asphyxia économiquement l’URSS   ;   l’accident de Tchernobyl fut à la fois un révélateur de la désorganisation du monde soviétique et le déclencheur de l’effondrement. L’intervention en Afghanistan fut un terrible  revers pour les Soviétiques. Les Américains, aidés des services secrets pakistanais et saoudiens, aidèrent les rebelles afghans, encadrés par des islamistes à  mettre en échec l’armée rouge. Ce fut le début de la gangrène islamiste qui frappe aujourd’hui en plein cœur l’Occident.

 

MT : Y eut-il d’autres événements préparateurs de la situation actuelle ?

 

RH : Bien sûr. Il y eut la guerre Iran-Irak entre 1980 et 1988, prolongement du conflit séculaire entre Arabes et Perses et entre Sunnites et Chiites. Elle laissa l'Irak très affaibli.    Ensuite il y eut la première guerre du Golfe (2010) à la suite de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein (peut-être suggérée par l'ambassadrice américaine à Bagdad pour lui tendre un piège). 34 pays se sont ligués  autour des Etats-Unis contre l’Irak. Après la victoire de la coalition, les sanctions économiques qui continuèrent à être infligées à ce pays provoquèrent probablement le décès d’un million d’Irakiens dont 500.000 enfants.  

 

MT : Derrière les récentes évolutions, y a-t-il une réflexion stratégique d’ensemble, un courant intellectuel ?

 

RH : A la fin des années 1990,  on a vu l’émergence du courant néoconservateur aux Etats-Unis. On les appelle néo, car beaucoup venaient du   trotskysme et ils développaient une approche systématique et idéologique du conservatisme, très différente de l'approche traditionnelle et pragmatique, celle d'un Nixon par exemple. Cette doctrine a inspiré aussi bien  des républicains comme Bush père et fils que des démocrates comme les Clinton, mari et femme.  Comme Francis Fukuyama, ils croient à la "fin de l’histoire". La démocratie capitaliste l’a emporté sur le communisme. Ce mouvement doit dès lors, selon eux, se poursuivre dans le monde entier grâce aux Etats-Unis. Comment ? Ils croient que la force peut tout. Et même que tout Etat est un ennemi (hors l'Etat américain et probablement celui d’Israël). Ils souhaitent en tous les cas la destruction des Etats qui ne seraient pas démocratiques, ce qui fait tout de même beaucoup.   Ils ont aussi le projet de réorganiser le Proche-Orient sur une base tribale ou religieuse (division de l'Irak entre sunnites et chiites, création d'un Kurdistan etc.)  "Change of regime", « Reshaping the Middle East » : tels sont leurs mots d’ordre.  Il y a là, à mon sens une erreur de conception majeure : l'Etat peut n'être pas démocratique mais il reste la condition de la démocratie : si on détruit l'Etat, la démocratie ne s'y substitue pas, c'est le chaos, qui est pire que toutes les dictatures. C'est ainsi que ces idéologues ont mis à feu et sang près d'une dizaine d'Etats : Irak, Afghanistan, Libye, Syrie, Yemen. On peut ajouter à leur palmarès la Somalie, le Sud-Soudan, le Rwanda et naturellement l’Ukraine (sans compter les Balkans).  L'Egypte et la Tunisie ont échappé au chaos complet mais sont très affaiblis.  D'autres Etats sont dans leur collimateur comme l’Algérie.  C'est monstrueux.   

 

MT : Ces idéologues sont-ils uniquement intéressés par les idées ?

 

RH : Non, ils veulent faire passer, comme tous les idéologues, leurs idées dans la réalité. Et pour cela, ils   n’hésitent pas à s’allier aux pires des islamistes , voire, sous d'autres cieux, aux narcotrafiquants. En Europe, l'arme d’affaiblissement des Etats est plus policée, c'est l'Europe de Bruxelles qu’ils appuient aussi. C’est la stratégie du chaos. Semons le chaos chez l’ennemi pour éviter qu’il ne s’organise. De la même façon que les Etats-Unis avaient aidé les islamistes en Afghanistan ce qui donna les Talibans, puis les attentats du 11 septembre 2001.  Comme le golem, la créature échappe à son créateur.

 

MT : Les attentats du 11 septembre 2001 ont-ils accéléré le mouvement ?

 

RH : Oui. Ce fut l’occasion rêvée pour les néo-conservateurs de se lancer dans un nouveau cycle de guerres au Proche-Orient afin de le refonder sur de nouvelles bases . Les Américains commencèrent par bombarder et occuper l’Afghanistan, pour renverser les Talibans qui étaient pourtant, au départ, une créature  des Pakistanais et d'eux-mêmes. Puis ils décidèrent de liquider le régime de Saddam Hussein qui se tenait pourtant tranquille en prétextant des préparatifs nucléaires qui se sont avérés faux. La deuxième guerre du Golfe où les Américains envahirent cette fois l'Irak à le tête d'une coalition tout aussi formidable que la première - à laquelle les Français, à leur honneur, refusèrent de se joindre, fit des ravages considérables.

 Elle a entraîné l’éclatement de fait de ce pays en trois entités :  chiite, kurde, et sunnite. Il y eut aussi la formidable erreur de Paul Bremer, premier administrateur américain de l’Irak, qui licencia sans solde tous les militaires de Saddam Hussein (sunnites en majorité), mais sans  confisquer leurs armes. Ils dirigent aujourd’hui l’Etat Islamique.

 

- MT : Quel fut le rôle des « printemps arabes » ?

 

- RH : Les printemps arabes furent apparemment spontanés. Mais ces « printemps » débouchèrent partout sur des automnes islamistes.  Généralement parce que    les partis islamistes, presque tous issus des Frères musulmans, sont seuls à gérer  des réseaux de bienfaisance qui les rapprochent des populations, et non pas, comme on croit, en raison du fanatisme de celles-ci. Dans les pays arabes il n’y a que deux forces organisées : les militaires et les religieux. Si vous renversez les militaires, les religieux prennent la place.

 

- MT : La France qui s’était judicieusement opposée à la deuxième guerre d’Irak n’a-t-elle pas ensuite commis des erreurs ?

 

- RH : Si. La première grande erreur fut l’intervention en Lybie. Pour éviter soi-disant 2000 égorgements par l’armée de Kadhafi, les forces anglo-françaises ont   fait au moins 50 000 morts, presque tous civils et installé le chaos. Beau résultat ! Et l’Arsenal de Kadhafi s’est retrouvé dispersé au Mali, au Niger et ailleurs pour renforcer les islamistes (AKMI, Boko Haram).

 

- MT : Que dire de la situation en Syrie ?

 

- RH : La Syrie était le dernier pion russe au Moyen-Orient. Les Russes y  tiennent la base navale de Tartous. Les Russes ne la laisseront jamais tomber. Or les adversaires du gouvernement syrien que dirige Bach-el-Assad, sont tous des islamistes.  Des islamistes que les gouvernements français arment et entrainent depuis cinq ans, en premier lieu Al Nosra que rejoignent presque tous les djihadistes français qui partent en Syrie. Invoquer l'existence de "rebelles modérés », voire d'"islamistes modérés" est une imposture.  Un mensonge de nos gouvernements. Et demander aujourd'hui un cessez le feu au motif d’épargner les civils du dernier quartier d'Alep encore occupé par les islamistes, c’est empêcher les Russes et les loyalistes d’en finir avec  eux. Sous les apparences humanitaires, c'est une position criminelle. C'est comme si on avait demandé en janvier 1945 d’épargner Berlin pour des raisons humanitaires !   

La guerre de Syrie ne fut pas seulement une erreur : elle a déshonoré la France qui était depuis des siècles la protectrice des chrétiens d’Orient : cette guerre, comme on pouvait le prévoir, a entraîné le massacre et l'exode des chrétiens (et pas seulement d’eux).     

 

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:06

A propos du Vade mecum de l'Association des maires de France

 

L'ULTRALAÏCISME N'EST PAS L'ANTIDOTE AU FANATISME

 

http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-ultralaicisme-ne-peut-pas-etre-antidote-au-fanatisme-religieux-roland-hureaux-2471200.html

 

Par quelle aberration, l'Association des Maires de France, que l'on croyait être le temple de cette sagesse propre aux élus locaux, a-t-elle pu avaliser un "Vade mecum de la laïcité" qui suggère aux magistrats municipaux d'éradiquer de la vie publique les dernières traces de nos racines chrétiennes, comme la mise en place de crèches dans des mairies ?  Laïcité contre démocratie : confondant les élus et les fonctionnaires, seuls assujettis à l'obligation de réserve, il les invite, dans leur action publique, à "s’abstenir de faire montre de leurs propres convictions religieuses ou philosophiques", alors même que ces maires, élus tels qu'ils sont, ne répondent que devant leurs électeurs.

Electeurs ? Les auteurs de ce guide semblent ignorer   que les électeurs musulmans de nos quartiers préfèrent et respectent bien davantage un chrétien pratiquant qu'un laïque, surtout dans la version libertaire qui prévaut aujourd'hui. Jésus et Marie, fêtés à Noël, sont révérés aussi par les musulmans.  On voit combien, malgré des assauts de démagogie qui sont autant d'atteintes à   la laïcité (financement de mosquées, réceptions en mairie à l'occasion de l'Aïd el Kébir, tolérance du niqab etc.), le parti socialiste peine à reconquérir un électorat musulman éloigné par le « mariage pour tous".

 

Pas d'amalgame !

 

A la suite des attentats du 13 décembre, la plupart des médias ont répété en boucle, avec raison sans doute :  "pas d'amalgame" entre les musulmans ordinaires, dits modérés, et les terroristes.  Est-ce pour que la France officielle opère au contraire   tous les amalgames entre   terroristes et tenants de n'importe quelle religion, la religion chrétienne d'abord ?     

Sans doute l 'histoire de l'Europe chrétienne, comme celle de tous les peuples, de toutes les religions et de tous les régimes, républiques comprises (Terreur, répression de la Commune), est-elle parcourue de violences, mais aucune de la sorte que nous avons vue à l’œuvre ces   jours-ci.  Il n'y a dans le monde actuel aucun terrorisme chrétien d'aucune sorte, a fortiori sous une forme aveugle et suicidaire. Il est vrai que dans le très catholique Pays basque, les familles nombreuses d'où sortaient autrefois des dizaines de prêtres et religieuses, ont produit à un moment donné autant de terroristes de l'ETA ; mais entretemps, la foi s'était perdue, ce qui ne fait pas une mince différence.

Emblématique de cette propension à l’amalgame, Jean-Paul Brighelli généralement mieux inspiré, évoque dans un article récent[1]   "la confraternité des totems du monothéisme » et, dénonçant l’obscurantisme, croit utile de préciser : " il y a un siècle ou deux, c’eut été le jésuitisme des congrégations. Aujourd’hui, c’est le salafisme (dont il décrit la scabreuse théologie du viol dont on se demande où il a vu l’équivalent dans les autres religions).  Dans leur inculture, nos contemporains ignorent généralement que   les jésuites ont inventé le collège secondaire, où, délibérément, la culture profane, gréco-latine et scientifique, prévalait sur l’enseignement strictement religieux. Le lycée napoléonien ne fit qu’y remplacer la cloche par le son du clairon !  L'Europe chrétienne a ainsi produit, non seulement le lycée (XVIe siècle) mais aussi l'Université (XIIIe siècle) et l’école primaire (XVIIe siècle). Voltaire, comme à peu près tout ce qui compte dans la culture française, en est issu.

Ce genre d'amalgame emporte des risques considérables. Loin d'ouvrir l'espace aux Lumières, l'affaiblissement du christianisme    crée un vide spirituel dans lequel n'importe quoi peut s’engouffrer y compris aujourd'hui    le salafisme. A preuve, le nombre de convertis en perte de repères   parmi les terroristes. Apprenti sinon sorcier, du moins jardinier, un certain ultra-laïcisme (à mille lieues de la laïcité de Jules Ferry), ardente à désherber à tout va, fait du passé table rase au risque de faire prospérer les plus mauvaises herbes.  

Un autre risque est que la déchristianisation rende l’Occident encore plus haïssable aux islamistes.   Tout en dénonçant les croisés (encore l'inculture !), les gens de Daesh condamnent bien davantage la dérive libertaire de nos sociétés que leurs racines chrétiennes.  Sans compter que, renonçant volontairement à des symboles ancestraux, nous leur donnons l'apparence   de la faiblesse, peu propre à les amadouer

C'est donc une grave illusion que l’ultralaïcisme intégriste, qui est d'abord un antichristianisme, voire un anticatholicisme, serait le remède à l'extrémisme salafiste.  

Mais certains ne voudraient-ils pas, sciemment, instrumentaliser l’islam pour liquider les derniers vestiges du christianisme en Europe ?   Aujourd’hui, interdiction des crèches, demain suppression des crucifix aux carrefours (on a déjà commencé) et sécularisation des   églises ? Si tel est le cas, on peut douter qu'aucun musulman entre dans ce jeu. Ou que le "vivre-ensemble » gagne à la disparition des quelques rares lieux où on enseigne encore le respect d'autrui et, osons le mot, la charité. Il est douteux que les Lumières, produit dialectique de l'Europe chrétienne, survivent à cet arasement. Les esprits forts qui espèrent se tirer vivants de l’effondrement de la cathédrale s’illusionnent. Ceux qui, au nom de Charlie, dénoncent toutes les religions peuvent craindre d’être, selon l'expression de Serge Federbusch[2], comme les lemmings qui marchent sans le savoir à leur propre mort.

 Les nombreux maires qui ont protesté contre les initiatives douteuses de leurs dirigeants, certains allant jusqu'à se retirer de l’association, montrent que, dans ses profondeurs, la France a compris cela.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] http://www.causeur.fr/etat-islamique-et-la-theologie-du-viol-34214.html

 

[2] Serge Federbusch, La marche des lemmings, Ixelles Editions, 2015

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:05

RESEAUX MEDIATIQUES ET IDEOLOGIE : L'EXEMPLE DE CRISTEROS

http://www.bvoltaire.fr/rolandhureaux/reseaux-mediatiques-ideologie-lexemple-de-cristeros,181081

 

Après avoir été projeté dans près de 300 salles de cinéma, un peu partout en France, Cristeros, le film de Dean Wright qui relate la révolte des catholiques du Mexique contre un gouvernement persécuteur (1926-1930) aura finalement franchi le cap des 80.000 entrées, ce qui est un résultat honorable. Il s'inscrit ainsi dans le petit nombre de films amortis avant même leur sortie en DVD.

Pourtant sa diffusion en France aura été plus que laborieuse.

Les réseaux normaux ne voulaient pas en entendra parler. Il a fallu un lobbying intense des milieux catholiques, pour qu'une petite société  se risque à en assurer la distribution.

Première leçon  : le catholicisme  est politiquement incorrect en France. Un film qui relate leur persécution et leur révolte sent le souffre dans le pays des droits de l'homme , spécialement dans le milieu su show business et des médias. On en a eu une confirmation récente    quand la direction de la RATP a  refusé de diffuser une affiche mentionnant  qu'un concert était donné en faveur des chrétiens d'Orient. Qu'elle ait été obligé de faire machine arrière  ne change rien à la signification de l'incident. Le syndicat CGT de la Bibliothèque nationale a eu une   réaction analogue vis à  vis d'une exposition à la Bibliothèque nationale au sujet des chrétiens d'Orient.

Deuxième leçon : les réseaux du capitalisme médiatique sont tout sauf neutres. Du temps de la Révolution d'octobre, Lénine disait que les capitalistes étaient  prêts, pour gagner  de l'argent,  à vendre tout ,  "même la corde qui servira  à  les pendre". On  considérait , en  ce temps là, que l'argent n'avait ni odeur ni couleur polique . Si une bonne affaire était possible, le capitaliste ne regardait pas à quel parti elle  allait profiter, au risque même  de favoriser les ennemis du capitalisme.

Mais  les temps ont changé. Les publicitaires  font aujourd'hui une sélection des médias auxquels il vont apporter la manne qu'ils gèrent . Cette sélection est politique et  idéologique. Elle  ne sera pas faite en fonction des intérêts directs du capitalisme mais de l'idéologie dominante "politiquement correcte". Dans ce cadre, un film  faisant l'apologie de la religion catholique comme Cristeros est suspect. Il en   serait  de même d'un film qui serait critique du  mariage homosexuel  ou encore favorable à un pays auquel l'Occident est hostile.

Ce climat nouveau traduit une mutation très profonde de la société.   L'intolérance est inséparable d'une idéologie à la fois manichéenne et prométhéenne , comme l'était le marxisme-léninisme , comme l'est aujourd'hui un certain libéralisme libertaire . Ceux qui s'attellent à l'entreprise de construire un monde nouveau  acceptent mal qu'on se mette en travers. 

Au XIXe siècle, la bourgeoisie dominante n'était pas idéologue, quoi qu'en ait dit Marx. Elle gérait la société en fonction de ses intérêts, certes,  mais avec pragmatisme. C'est la gauche et l'extrême gauche qui avaient dû alors , pour résister  à la classe dominante , s'arc-bouter sur une idéologie rigide, le socialisme.

Aujourd'hui, l'idéologie, libérale et mondialiste en l'occurrence,  n'est plus à la périphérie de la société. Elle est au centre. Les classes dirigeantes sont devenues idéologues . Ceux  qui contrôlent la planète ne le  font plus seulement par le pouvoir de l'argent et de la force armée. Ils  le font de en imposant un mode de pensée  aussi exclusif et intolérant que l'était l'idéologie  socialiste à ses débuts. Paradoxalement, c'est une idéologie de gauche fondée sur les bons sentiments :  l'antiracisme, la promotion libertaire de l'homosexualité, la condamnation du nationalisme et de  toutes  les frontières. Idéologie très peu subversive en fait sur le plan social  dans laquelle  rien ne contredit la liberté  d'action des grands groupes qui dominent le  marché mondial.  Comme toutes les idéologies , celle qui domine aujourd'hui est d'une manière plus ou moins ouverte  hostile au fait religieux. Le contrôle des médias constitue  pour les groupes dominants  ou leurs truchements idéologiques un  enjeu  fondamental . La maîtrise  des canaux   publicitaires ou ceux de la diffusion  sont  un moyen essentiel de ce contrôle. Tout organisme qui se voudrait libre par rapport à l'idéologie dominante est   tenu de renoncer aux ressources de la publicité  et à trouver d'autres formes de financement.

 

 

Le fait d'être en position dominante dans la société donne toujours un prestige et des moyens que n'ont pas les opposants. Mais  l'idéologie a une force propre, par son caractère de construction logique, sa promesse eschatologique  (le progrès sous telle ou telle forme) et l'intolérance à toute forme de débat qui renforce beaucoup les positions de ceux qui combattent sous  son pavillon. Cette force se conjugue avec la puissance   que le progrès technique donne désormais aux médias.  Que le mode  de fonctionnement  idéologique soit passé de la périphérie de la société où il était apparu, à son centre de commandement, est  inséparable d'un contrôle sur la société globale par les forces dominantes sans proportion avec ce qu'il était dans le passé.

Ce qui est arrivé au film Cristeros qui,  malgré son caractère éminemment rentable, a eu beaucoup de mal à être distribué , confirme  que dans notre société mondialisée, le contrôle des opinions est plus étroit que jamais il ne l' été.

 

                                                                       Roland HUREAUX

 

 

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 22:04

HILLARY CLINTON N'EST PAS LA PLUS RASSURANTE DES CANDIDATS A L'ELECTION PRESIDENTELLE AMERICAINE

 

http://www.atlantico.fr/decryptage/hillary-clinton-candidate-maison-blanche-pas-rassurante-que-roland-hureaux-2766971.html

 

http://www.libertepolitique.com/Convaincre/Dossiers-thematiques/Hillary-Clinton

 

Au moment où l'élection présidentielle américaine entre dans sa dernière ligne droite, beaucoup d'observateurs s’alarment des foucades apparemment hasardeuses de Donald Tromp et redoutent son accession à la présidence des Etats-Unis. Il y a pourtant des raisons être au moins aussi inquiet de celle de Hillary Clinton.

Certains vont jusqu'à dire que l’élection de la sénatrice de New York nous entraînerait dans une guerre mondiale.

Dire que l'ancienne première dame, puis secrétaire d'Etat est, selon la terminologie américaine, un faucon (Hawk) est faible. Il n'y a pas eu de crise au cours des dernières années où elle n'ait pris le parti de la guerre avec une particulière détermination. Elle a toujours été, comme disent les Américains, du côté des warmongers.

 

Toujours du côté de la guerre 

 

Passons vite sur les entreprises militaires de son mari, Bill Clinton, indirectes comme l’invasion du Rwanda (1994) par ses protégés, cause première de tragédies en chaîne, ou directes comme la guerre de Yougoslavie (1999). De ces entreprises, Hillary n’est pas formellement responsable quoiqu' elle se soit vantée   d'avoir poussé le président, qui hésitait, à bombarder la Yougoslavie.  Passée dans l'opposition et élue au Sénat, elle a voté pour les expéditions militaires lancées par George Bush Jr en Afghanistan et en Irak.

Secrétaire d'Etat de 2009 à 2013, elle a été une enthousiaste des printemps arabes, dont elle ne pouvait ignorer que les services secrets américains s'étaient évertués, sinon à les déclencher, du moins à les attiser, ni que les révoltés étaient presque tous islamistes.  Elle a eu l'initiative, sous Obama, de la malheureuse expédition en Libye dont on sait combien les effets ont été catastrophiques, et des manœuvres pour renverser le président Assad en Syrie, à l’origine d’une guerre qui a déjà fait 250 000 morts. Quoique de manière occulte, les Etats-Unis ont soutenu l’essor du radicalisme islamique en Syrie et en Irak qui a abouti à l’émergence de Daesh et donc encouragé   les réseaux terroristes.

Au total, Mme Clinton s'est trouvée directement impliquée dans les manœuvres qui ont plongé dans la guerre civile trois pays : Lybie, Yemen, Syrie, et qui s'ajoutent à deux autres où avait opéré son prédécesseur avec son approbation, l’Afghanistan et l’Irak   soit cinq pays toujours en guerre. Ont été en outre ruinées l'Egypte et la Tunisie.    Ça fait beaucoup pour une seule femme.

Les relations de la secrétaire d’Etat avec les présidents Morsi et Erdogan, tous deux frères musulmans, furent particulièrement étroites et elle ne cache guère aujourd'hui qu'elle verrait d'un bon œil le renversement du régime du maréchal Sissi en Egypte qui a pourtant a stabilisé le pays et ramené la tolérance entre les communautés religieuses. On peut craindre que, si elle était élue présidente, elle ne cherche à nouveau à répandre la démocratie par la force dans le monde arabe avec l'effet presque assuré de ramener au pouvoir les islamistes. Compte tenu de la situation incertaine qui est aujourd'hui celle de l'Algérie, dont le président est à l’agonie, une telle politique y aurait des effets gravement déstabilisants où la France serait en première ligne. 

Le rapprochement des Etats-Unis avec l'Iran et Cuba a été opéré par Barack Obama avec son successur John Kerry. Tout laisse penser quelle n'y était pas favorable.

Son agressivité face à la Russie ne fait pas de doute non plus. Bill Clinton avait favorisé, dans le but d'encercler au plus près la Russie, l’extension de l'OTAN à l’Est de l’Europe contraire aux engagements pris en 1989 par Bush père à l'égard de Gorbatchev. Une politique que George Kennan, vétéran de la guerre froide, avait qualifiée   de "tragique erreur". Hillary Clinton a soutenu le travail de sape antirusse opéré par les ONG américaines (au premier chef   la Fondation Soros) en Ukraine.  Leur l’aboutissement fut le coup d'état de la place Maidan en 2013[1],  fomenté  par sa protégée Victoria Nuland, femme de Robert Kagan, l'idéologue néo-con qu’elle avait chargée auprès d’elle des affaires européennes. Elle est allée jusqu'à comparer Poutine à Hitler, ce qui n’a pas peu contribué au retour de la guerre froide.

Lors d'une récente soirée de fund-raising, elle s'est laissé aller à déclarer que si Israël devait tuer encore 200 000 habitants de Gaza pour avoir la paix, elle l'y aiderait. Devant le tollé soulevé, elle a déclaré ensuite qu’elle voulait dire 20 000, ce qui n'est déjà pas si mal.

De fait , rien ne sépare sur le plan de la politique internationale Hillary Clinton de positions  du clan néoconservateur  qui avait déjà sévi sous  Bush et qui  est animé d'une double conviction : 1) que tout étant rapport de forces, dès lors que  deux puissances comme  les Etats-Unis et la Russie se font face, il faut que l'une élimine l'autre, 2) que les Etats-Unis ont la mission  de répandre par les armes la démocratie libérale et l'économie de marché dans le monde ,  fut-ce au prix de  la destruction des Etats , comme cela a été le cas en Irak, en Libye et au Yemen ou comme on a  tenté de le faire en Syrie jusqu'à l'intervention russe.

Dans un tel schéma, l’Europe occidentale a, pour les gens de cette école, peu de place. Ils la tiennent pour décadente :  elle est face aux Etats-Unis, comme Vénus face à Mars[2].   De plus en plus intégrée à l’OTAN, elle a vocation à obéir sans sourciller aux directives de Washington. Ceux qui, dans les différents pays, ne seraient pas sur cette ligne sont éliminés.

Nous avons évoqué les idées d’Hillary Clinton. Il faudrait considérer aussi son caractère, de plus en plus colérique et imprévisible.

 

Remise en cause des clivages traditionnels

 

Face aux positions de Hillary Clinton, celles de Donald Trump en politique internationale apparaissent étonnamment modérées : il considère que l'invasion de l’Irak en 2003 fut une grave erreur, il prône une politique de détente avec la Russie de Poutine, il souhaite un certain désengagement des Etats-Unis dans le monde : c'est dans cette perspective qu'il faut comprendre sa proposition que le Japon se défende   lui-même, y compris en se dotant de l’arme nucléaire.  Affirmation contestée par tous ceux qui craignent à juste titre la prolifération mais les Etats-Unis ont-ils vocation à s'interposer entre les deux géants que sont la Chine et le Japon ?

L'opinion de Clinton est celle de la bulle washingtonienne où spéculent en circuit fermé géopoliticiens de haut vol, agents des services, militaires, industriels de l'armement, financiers, lobbies, think tanks, journalistes, s’excitant les uns les autres dans une   vision obsidionale et paranoïde du reste du monde. Trump, prétend, lui, représenter le peuple américain, de plus en plus conscient du coût exorbitant de la politique étrangère.

L'opposition Trump-Clinton ne recoupe donc pas les oppositions traditionnelles où les Républicains apparaissaient comme les faucons et les Démocrates comme les colombes.  C'est que, aux Etats-Unis comme en France, une mutation de la vie politique est en cours, qui périme les clivages traditionnels.

Le 28 mai 1952, le parti communiste défilait à Paris contre la venue du commandant en chef de l'OTAN qu'il appelait "Ridgway la guerre" [3]. Slogan alors douteux, mais, par contre l'expression "Hilary Clinton la guerre" pourrait, elle, être aujourd’hui   fondée.

En tous les cas, après la période ambigüe mais globalement modérée du second mandat de Obama, on peut se demander si, dans un monde éminemment instable, l’élection d'une idéologue comme Hillary Clinton ne représenterait    pas une menace sérieuse pour la paix du monde. 

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

[1] Valéry Giscard d'Estaing lui-même a reconnu  que les événements de la place Maidan avaient été un "coup d'Etat" de la CIA contre un gouvenrment légitime.

[2] Robert Kagan, La puissance et la faiblesse, Hachette-Littératures, 2006

[3] On disait aussi "Ridgay la peste", une expression que nous ne reprendrons pas

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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 21:57

REFUSER DE FETER LE 19 MARS N'EST PAS CELEBRER l'ALGERIE FRANCAISE

http://www.bvoltaire.fr/refuser-de-feter-le-19-mars-nest-pas-celebrer-lalgerie-francaise/

 

En attaquant bille en tête Robert Ménard pour avoir renommé à Béziers la rue du 19 mars 1962 rue du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, Manuel Vals n’a pas peu contribué à obscurcir la mémoire des évènements de la fin de la guerre d'Algérie.  

N'était la personnalité exceptionnelle de celui qui a été ainsi honoré, condamné certes par le Haut Tribunal militaire en 1961, mais gracié dès 1966, unanimement respecté et, au soir de sa vie, couvert d'honneurs par tous les gouvernements, on pourrait certes tenir non le changement lui-même mais le nouveau nom pour une provocation.

Mais en ne voyant en Denoix de Saint-Marc que le participant du putsch d'Alger (ou plutôt celui qui ne voulait pas trahir sa parole d’officier), Vals ramène la question à un face à face absurde entre les tenants du 19 mars et ceux de l'Algérie française, comme s'il n'y avait pas d'autre position possible.

 

La pression du parti communiste

 

Est-il nécessaire de rappeler d'où vient que tant de rues en France portent aujourd'hui le nom du 19 mars ?

Les signataires des accords d'Evian n'y sont pour rien : le général de Gaulle aurait été le premier choqué que l'on appelât de ce nom une rue en France, a fortiori qu'on   fasse de cette date une fête nationale.  Tenant les accords d'Evian pour une douloureux pis-aller, il savait que ce jour là les Algériens fêtaient, non sans arranger l'histoire, une victoire.  De même que le 1er novembre, jour qui commémore le peu glorieux assassinat d'un couple d’instituteurs français en 1954, tenu pour le début de la révolte du FLN, qui n'est certes pas devenu une fête française, encore heureux, mais que nos ambassadeurs honorent pourtant de leur présence dans toutes les capitales du monde. Ni Pompidou, ni Giscard n'envisagèrent non plus de fêter le 19 mars 1962.   François Mitterrand lui-même résista des quatre fers à la pression de la base socialiste pour faire de ce jour une fête nationale. Jacques Chirac   ne céda pas non plus à cette démagogie. Ni Nicolas Sarkozy. Mais l'Assemblée socialiste ayant voté un texte dans ce sens en 2002, il a été avalisé par le Sénat dix ans plus tard, délai d’ailleurs discutable sur le plan constitutionnel.  François Hollande aurait pu s'y opposer ; il ne l’a pas fait. 

Derrière tout cela, la pression inlassable du parti communiste qui avait fondé le principal mouvement d'anciens combattants de la guerre d'Algérie, la FNACA. Beaucoup d'adhérents de celle-ci n'étaient pas communistes mais voulaient à toute force « leur » fête, frustrés que les poilus aient le 11 novembre, les combattants de la Seconde guerre le 8 Mai et eux rien.  La FNACA organisa, bien avant que cela fut officiel, des cérémonies aux monuments aux morts le 19 mars. La plupart des élus, pas seulement de gauche, prirent l'habitude de s'y rendre.   En même temps, cette association harcelait les   municipalités   pour qu'elles instaurent un peu partout des rues du 19 mars.

J'ai assisté à la réunion d'un conseil municipal de droite, qui vota à l’unanimité (sauf une voix, la mienne), une motion demandant que le 19 mars devienne une fête nationale. Autour de la table, personne ne savait exactement ce qui s'était passé ce jour-là et encore moins dans les tragiques semaines qui suivirent. On savait tout au plus   vaguement que c'était le jour de la "paix en Algérie".

Pour le Parti communiste, grand amateur de symboles, la signification du 19 mars était beaucoup plus perverse : les aventures coloniales n'ayant été qu'une mauvaise chose de bout en bout, le jour où elles se sont terminées, qu'importe dans quelles conditions, devait être célébré. Les malheureux anciens combattants qui entrèrent dans ce jeu n'avaient, pour la plupart, pas conscience que cette fête disqualifiait   entièrement   leurs efforts et leurs souffrances.

Il est vrai que ni le mouvement concurrent, l’UNC, ni les hommes politiques qui refusaient d'entrer dans ce jeu, ne firent beaucoup d’efforts pour trouver un autre jour, rappelant tel ou tel fait mémorable de notre histoire coloniale, qui leur aurait donné satisfaction.   On s’avisa bien tard    de leur donner le 5 décembre, jour à la signification bien pauvre puisqu' il célèbre depuis 2003   l'érection    quai Branly d’un monument commémoratif de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc.

Cette affaire illustre une fois de plus que, si l'on laisse de côté les questions économiques et sociales, si contraintes par l’extérieur qu’elles ne sont plus significatives, et ne considère que les questions de mémoire et de   société, la France est aujourd’hui gouvernée à l'extrème gauche.      

 

                                                                                   Roland HUREAUX 

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