Que le Saint Père aille dans l'île de Lesbos rencontrer des refugiés - ou simples migrants - du Proche-Orient , qui le lui reprocherait ? N'est-il pas dans son rôle de témoin de la miséricorde ?
Le pape François se veut par là prophète . Etre prophète , c'est dire la vérité, y compris quand elle déplait.
Mais c'est aussi dire toute la vérité.
Il ne suffit pas de reprocher aux Européens leur peu enthousiasme à accueillir ces réfugiés, il faut aussi dire pourquoi il sont là.
Ils sont là parce que l'Occident, Etats-Unis , France, Angleterre, Allemagne et leurs alliés orientaux, Turquie en tête, ont fomenté la guerre depuis de nombreuses années en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yemen et cela avec le monstrueux alibi d'aller y défendre les droits de l'homme - ce explique par parenthèse que les Européens commencent à se méfier des bons sentiments, tant ils ont couvert de crimes au cours des dernières années.
Faut-il laisser à un militant athée, Michel Onfray, le soin de dire haut et fort que les Occidentaux ont tué près de 4 millions de personnes au Proche-Orient depuis 1990 ?
Les réfugiés sont là où ils sont à cause de ces guerres, mais aussi parce que les mafias, principalement turque, organisent leur transit en avion depuis l'Irak et la Syrie , via le Liban, puis, au lieu de leur permettre de continuer en avion - le vol Istamboul-Berlin coûte 170 € - leur font payer 10 000 € par personne pour prendre le bateau, les dites mafias étant notoirement proches du gouvenrment turc.
Si le pape François osait proclamer tout cela, il remplirait de joie et d'espérance les chrétiens d'Orient qui le savent depuis longtemps et instruirait les chrétiens d'Europe qui ne le savent généralement pas . Si le pape François osait dire ce que Mme Merkel n'ose pas dire : l'écrasante responsabilité de M. Erdogan , tant dans le déclenchement et la poursuite des guerres de Syrie que dans le transfert organisé des réfugiés vers l 'Europe, dans un but explicite d'islamisation, il rendrait service à l'Europe aujourd'hui tétanisée par le nouveau sultan . Si les musulmans doivent être tenus pour des hommes comme les autres quand il s'agit de les accueillir, ils sont aussi des hommes comme les autres quand il s'agit de mettre en cause la responsabilité de certains d'entre eux.
Aller jusqu'au bout de son rôle prophétique, c 'est aussi pour François aimer jusqu'au bout les refugiés. Les aimer jusqu'au bout, c'est vouloir pour eux ce qu'il y a de meilleur, le Christ, c'est donc dire qu'ils ont eux aussi le droit de connaître le Christ. C'est rappeler aux épiscopats nationaux qu'ils ont le droit et même le devoir d'évangéliser les migrants. Trop de musulmans que le christianisme intéresse ont le sentiment que les évêques d'Europe, au moins ceux de France , tout en pressant les gouvernements d'ouvrir les portes de leur pays aux musulmans , ne semblent guère pressés de leur ouvrir les portes de leurs églises.
L' exhortation apostolique Laetitia amoris cite la relation synodale qui dit que
L’accompagnement des migrants exige une pastorale spécifique pour les familles en migration, mais aussi pour les membres du foyer familial qui sont demeurés sur leurs lieux d’origine. Cela doit se faire dans le respect de leurs cultures, de la formation religieuse et humaine d’où ils proviennent, de la richesse spirituelle de leurs rites et de leurs traditions, notamment par le biais d’une pastorale spécifique. (ibid.)
Le "respect de cultures", de "la formation religieuse et humaine" , "la richesse spirituelle" supposée des rites et des traditions des migrants signifieraient-il qu'ils n'aient pas à connaître le Christ ? A moins que ce passage ne concerne que les seuls chrétiens d'Orient dont le respect des rites va évidemment de soi ?
La récente vague de migrations a suscité en Europe une immense crise morale dont nous ne connaissons sans doute que le commencement . Ce serait faire injure aux Européens que de tenir leur réticence à accueillir les migrants pour de l'égoïsme.
Dès qu'il s' agit d' accueillir des individus ou des familles isolées, les chrétiens d'Europe sont , n'en doutons pas, plus généreux que quiconque . Mais si l'accueil doit porter sur des populations entières, l'enjeu est tout autre. Ce n'est plus d'égoïsme qu'il s'agit mais d'une immense et douloureuse inquiétude identitaire , le souci de préserver leur identité collective, lequel, quoi qu'on prétende, est un sentiment noble . Comme l'avait montré le pape Jean Paul II, le patriotisme , autre nom du sentiment identitaire, se rapporte au 5e commandement, "Honore ton père et ta mère". Il est le souci de transmettre à ses enfants l'héritage reçu de ses parents et ancêtres, une Europe chrétienne en l'occurrence.
Les Européens, spécialement les catholiques, ont l'inquiétude légitime que leur continent ne bascule dans une autre civilisation, dont ils seraient un jour exclus, comme c' est arrivé au Proche-Orient et à l'Asie mineure.
Cette inquiétude va de pair avec une immense souffrance. Ce serait manquer gravement à la miséricorde que d'ignorer cette souffrance et d'accabler ce peuple en détresse en le taxant d'égoïsme. Là encore , c'est un philosophe juif et athée, Alain Finkielkraut qui a le mieux fait preuve de miséricorde et d'empathie quand il a parlé de l'"identité malheureuse" de nos compatriotes.
Cette identité malheureuse, ce ne sont pas des leçons de morale qui l'apaisera , c'est le sentiment que l'accueil des migrants s'inscrit dans une dynamique d'évangélisation.
En effet, l'inquiétude identitaire des Européens est d'abord due à la déchristianisation et à son corollaire, la dénatalité . Plaie envenimée par les récentes vagues migratoires . Tout ce qui peut rendre cette inquiétude plus aigue ne peut qu'aggraver les réactions de rejet vis à vis des nouveaux venus. D'autant que la condamnation du sentiment identitaire par des autorités d'Eglise semble rejoindre , pour le plus grand désarroi des fidèles, celle de médias généralement hostiles à l'héritage chrétien et acharnés à détruire ce qui reste de la civilisation européenne. Quelle détresse pour un troupeau qui se sent en perdition , d'entendre ses pasteurs tenir le même langage que les loups qui veulent sa mort ! Le même langage que Grorgrs Soros, parrain des fémens.
Le souci de l'identité est non seulement un sentiment noble, valorisé dans toutes les sociétés antiques, en particulier dans les cités grecques mais il est dans l' histoire le plus fondamental qui soit. Les pays d'Europe où l'Eglise catholique a le mieux prospéré sont ceux où elle a pu s' identifier au sentiment national comme la Pologne ou l'Irlande. Elle s'est bien moins enracinée partout ailleurs.
Chaque fois que, dans l'histoire, le sentiment identitaire et le catholicisme se sont trouvés au contraire en contradiction, comme par exemple dans l'Europe du Nord au temps de la Réforme, le sentiment identitaire l'a toujours emporté. Il ne faudrait pas qu'il en aille de même dans l'Europe de demain.
Roland HUREAUX