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Roland HUREAUX

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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 09:09

Phénomène fascinant, aux lisières du christianisme , la gnose n'est pas facile à définir.

On s'accorde généralement sur le fait qu'elle connaît sa période "classique" au IIe siècle au sein de l'Empire romain: Antioche, Alexandrie et Rome. Certains savants proposent même de parler pour cette période de gnosticisme, réservant le mot gnose à un phénomène plus général.

Les figures marquantes de la gnose primitive sont bien connues, au moins de nom: Ménandre et Saturnin à Antioche, Basilide et Carpocrate à Alexandrie, Valentin et Marcion , eux aussi originaires d'Orient mais qui "montèrent à la capitale" et répandirent leur doctrine à Rome. Tous ceux-là eurent des disciples et beaucoup d'autres gnostiques ont laissé au moins leur nom à la postérité. Assez vite des sectes étranges comme les ophites s'adonnant au culte du serpent ou les caïnites vénérant Caïn apparaissent dans les marges du courant gnostique , notamment en Egypte.

A cette gnose gréco-latine originaire, il faut ajouter l'importante figure de Mani (ou Manès), apparu en Mésopotamie un siècle plus tard (vers 240) mais dont la doctrine complexe se situe entièrement dans le sillage de Marcion, à la suite duquel il oppose un dieu du bien et un dieu du mal, et de Basilide dont il pousse encore plus loin la métaphysique complexe. Il a , lui, à la différence de ses prédécesseurs, construit une Eglise manichéenne qui s'est étendue de Rome à la Chine.

Les caractères de la gnose antique

Quoi de commun entre ces différents personnages ? Un certain nombre de caractères que l'on retrouve chez eux avec des variantes:

- d'abord, ils font tous référence au Christ, ce qui a amené certains à les considérer comme des chrétiens . Mais le Christ des gnostiques est docète (de dokein , en grec, apparaître) , c'est à dire qu'il ne s'est incarné qu'en apparence , qu'il n'a pas été crucifié lui-même et qu'il n'est pas Dieu, seulement une émanation plus ou moins lointaine du Premier principe;

- ils professent que le salut s'obtient par la connaissance (gnosis) et non par la foi, la vertu ou l'amour comme le pensent les chrétiens orthodoxes;

- cela suppose un processus initiatique qui réserve ce salut (et les connaissances qu'il implique) aux seuls initiés. Ils tiennent les croyances chrétiennes ordinaires pour une religion à l'usage des simples , exotérique, se réservant les secrets, ésotériques, de la gnose;

- l'esprit a la primauté absolue sur la matière et seules, à la fin des temps , subsisteront les âmes , vouées à s'unir au Plérôme ( le Premier principe et tout ce qui l'entoure : éons, anges etc.) Ceux qui n'arrivent pas au plérôme pourront le cas échéant, être réincarnés , bénéficiant ainsi d'une deuxième chance ;

- la matière est mauvaise; le monde sensible, tel que nous le connaissons, est radicalement mauvais et voué à la destruction ;

- le Dieu suprême, quand son existence est admise ( Basilide parle du Dieu néant) ne saurait être le créateur du monde sensible puisque celui-ci est mauvais, ce qui justifie une vision en cascade extrêmement complexe du monde céleste ( 365 cieux pour Basilide ). Le monde présent a été créé par des êtres intermédiaires qui se seraient fourvoyées : l'éon Sophia pour Valentin, le démiurge pour d'autres ou carrément par un Dieu mauvais symétrique du Dieu bon ( Marcion, Mani)

- le Nouveau testament est accepté , au moins en partie, par les gnostiques, mais pas l'Ancien : ce rejet que l'on croit souvent propre à Marcion se retrouve à des degrés divers chez tous les gnostiques de l'Antiquité ; au Dieu vengeur de la Bible juive, ils opposent le Dieu bon annoncé par Jésus.

- le rejet de l'Ancien testament implique chez la plupart des gnostiques ( pas chez Valentin, semble-t-il ) le rejet de la loi de Moïse donnée par le Dieu mauvais. Soit ils ne trouvent pas cette loi assez exigeante et tombent dans l'encratisme : refus absolu de la sexualité comme de tous autres plaisirs matériels , soit au contraire ils s' adonnent au plaisir de manière désordonnée, considérant que tout ce qui concerne la chair n'a pas d'importance : deux manières de nier le corps que l'orthodoxie , au travers des dogmes de l' Incarnation et de la Résurrection de la chair , tient au contraire en haute estime: Tertullien écrit contre les gnostiques un "Traité de la chair du Christ".

Ces différents caractères de la gnose antique sont inégalement spécifiques.

Le processus initiatique existe dans beaucoup de religions. On peut même se demander pourquoi le Christ dit à ses disciples "à vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux tandis qu'à ces gens là, cela n'est pas donné." (Mt 13, 10). Les cultes à mystères venus d'Orient (Déméter, Isis, Mithra ), florissant dans l'Empire romain, procédaient aussi à des initiations, mais il ne semble pas que ces initiations aient comporté la transmission d'une doctrine, qu'elle aient été autres que rituelles.

Le dualisme ne se trouve que chez certains gnostiques, pas tous. Mais au fur et mesure de son évolution, la gnose tend, surtout avec Mani, à le généraliser.

La dévalorisation de la matière au bénéfice de l'esprit pourrait être un héritage de Platon, mais ce dernier n'est jamais allé jusqu'a dire que le monde sensible était l'œuvre du démon ou d'un Dieu du mal.

En fait la marque distinctive de la gnose antique est sans doute cette définition, formulée par Plotin, un disciple de Platon, contemporain des gnostiques : "ceux qui disent que le démiurge de ce monde est mauvais et que le Cosmos est mauvais" . Formulée aussi radicalement, cette affirmation ne se trouve nulle part ailleurs que dans la gnose antique ( et le bouddhisme sur lequel nous reviendrons ) et elle est partagée par tous les courants.

Gnose et christianisme

Le rapport de la gnose au christianisme fait l'objet de débats : que penser de la légende rapportée par saint Irénée selon laquelle la gnose aurait été inventée par Simon le magicien , qui apparait dans le Nouveau Testament comme un concurrent des apôtres ? Il ne faut pas l'exclure et plusieurs indices laissent à penser que la gnose existait dès le Ier siècle dans l'environnement de la première annonce du message chrétien. Renan parle à son propos d'"une maladie infantile, un croup " du christianisme, ce que récusent, sans beaucoup d'arguments , les érudits allemands comme Hans Jonas, qui pensent que la gnose, si elle a interféré avec le christianisme, demeure un phénomène autonome.

Un Père de l'Eglise comme Saint Clément d'Alexandrie ( fin du IIe siècle) pense même qu'il y a une gnose chrétienne légitime, dans la mesure où elle est subordonnée à la foi, et que ce qu'on appelle habituellement la gnose n'est qu'une "fausse gnose" . Le pape Benoît XVI a confirmé cette doctrine.

L'origine juive de la gnose , souvent alléguée, est problématique compte tenu de l'antijudaïsme de tous les gnostiques de l'Antiquité.

L'origine orientale est également sujette à caution : le fameux dualisme iranien qu'on invoque est-il vraiment antérieur au manichéisme , lui-même issu de la gnose gréco-latine ? C'est douteux car le dualisme n'est pas seulement une opposition entre le bien et le mal , que l'on trouve dans toutes les religions, mais l'identification au mal au monde sensible. Or cette identification n'apparait pas dans le zoroastrisme, ni dans sa continuation, le mazdéisme.

L'influence de l'hellénisme

Nous suggérons pour notre part que la gnose , contemporaine de l'expansion du christianisme, qui connait un succès grandissant aux IIe et IIIe siècles, reflète la réaction d'une partie du monde grec à une doctrine qui exerce une forte séduction , qui parait alors en avance sur les autres, mais dont ils refusent l'élément sémitique, notamment son sens de la positivité fondamentale du monde et la loi de Moïse.

Face à la prolifération des doctrine gnostiques au Ier et surtout au IIe siècle, l'Eglise que l'on appelle déjà catholique, réagit . Saint Irénée et Tertullien démontent patiemment les mécanismes de la pensée gnostique avant de les réfuter. Ils furent longtemps notre source principale sur elles, jusqu'à ce que soient découverts à Nag Hammadi, dans le désert égyptien, des manuscrits originaux de type gnostique aujourd'hui publiés par la Pléiade. Parmi eux l'Evangile de Marie (Madeleine), l'Evangile de Thomas et par ailleurs celui de Judas, textes assez courts et sans doute plus tardifs que les évangiles canoniques : malgré leur contenu assez mince, ils suscitent beaucoup de curiosité.

La vigueur de la réaction de l'Eglise occidentale a permis de séparer très tôt les gnostiques des orthodoxes. C'est peut-être ce qui explique le déclin de la gnose occidentale , concomitant de l'essor du manichéisme en Orient. Toutefois certaines sectes gnostiques demeurent vivaces jusqu'au IVe siècle : Epiphane de Salamine en dresse le catalogue vers 380 ; il n'en repère pas moins de quatre-vingt variétés.

Influences gnostiques

En Perse et en Mésopotamie, le manichéisme est balayé par l'islam au VII siècle . Si l'islam ne saurait être considéré à proprement parler comme une gnose , puisque il préserve l'idée d'un Dieu unique créateur du monde et la valeur positive de celui-ci, et qu'il ne revêt pas, au moins dans sa forme sunnite , de caractère initiatique, il est probable que la gnose a inspiré certaines sectes périphériques à l'islam comme les alaouites, les alévis, les druses , les haschischins, ancêtres des Ismaéliens, les yézidis . Les mandéens présents en Irak depuis les temps les plus reculés pourraient descendre des disciples de Jean le Baptiste d'où est issu Mani , mais leur orientation gnostique nous semble davantage l'effet de l'influence manichéenne qu'un caractère originel.

Plus mystérieuse est l'influence possible du manichéisme sur le bouddhisme. Les deux doctrines se ressemblent beaucoup ( jusqu'au végétarisme et à la réincarnation). Sur certains sites archéologiques chinois du VIIe siècle, les noms de Mani et de Bouddha semblent interchangeables. Si Bouddha est , en théorie, une figure beaucoup plus ancienne, les premiers écrits bouddhiques sont postérieurs à l'apparition du manichéisme. On a longtemps considéré que l'influence était en sens inverse, de l'Orient vers l'Occident, mais cela semble aujourd'hui moins probable que l'inverse. La question demeure en tous cas ouverte.

Si le manichéisme , soumis presque partout à une rude persécution, s'efface peut à peu à la fin du Ier millénaire, ses idées perdurent et se transmettent sans que leurs adeptes soient toujours conscients d'une filiation vis à vis de Mani dont les nombreux écrits sont perdus. C'est ainsi que les Pauliciens en Arménie ( VIIIe - IX e siècle), ou les Bogomiles dans les Balkans ( Xe - XIIe siècle ) reprennent l'essentiel de l'héritage manichéen.

Les cathares

On peut en dire autant des cathares du Midi de la France, actifs à partir du XIIe siècle et jusqu'à leur extinction au début du XIVe siècle. Bien que leur doctrine ressemble étrangement, jusqu' au dualisme ou la réincarnation, à celle des manichéens, que leur morale soit tout aussi austère, beaucoup d'érudits locaux pensent qu'elle serait un produit du milieu occitan, une controverse difficile à trancher. L'influence des bogomiles, même si les documents manquent pour l'établir, semble cependant l'hypothèse la plus vraisemblable.

C'est à la suite de la crise cathare et peut-être en réaction contre cette doctrine, que l'Eglise officielle découvre au cours du XIIIe siècle l'intérêt de la philosophie d'Aristote , dont la conception du monde sensible est beaucoup plus positive que celle de Platon lequel, jusque là faisait autorité et qui fait toujours autorité dans les Eglises orientales. Dans la grande synthèse qu'il édifie entre Aristote et la révélation chrétienne, saint Thomas d' Aquin réhabilite , plus nettement qu'on ne l'avait jamais fait jusque là , la sexualité et la société terrestre, ce qui n'empêche pas des relents gnostiques dans leur dimension encratique ( condamnation absolue de la sexualité) de persister au sein du christianisme, le jansénisme qui sévit partir du XVIIe siècle en étant une manifestation parmi les plus manifestes.

Les formes modernes de la gnose

Si la fin du catharisme marque un tournant , celui de l'épuisement de la veine de Basilide, Valentin , Marcion et Mani , que nous appelons la gnose classique, l'esprit gnostique a perduré sous différentes avatars jusqu'à nos jours.

Pourtant les gnoses qui se succèdent depuis le XIIIe siècle sont à bien des égards différentes de celles de l'Antiquité : elles ne constituent plus des églises organisées ayant pignon sur rue comme pouvait l'avoir eu le manichéisme. Elles se structurent autour de figures charismatiques : mages, théosophes, inspirés de différentes sortes, les uns profonds et respectables, les autres à la limite du charlatanisme. C'est une gnose de salon ou de conventicules qui se réclame d'une Tradition mais qui présente des formes variées.

Parmi les théosophes, on citera des humanistes comme Pic de la Mirandole, Roechlin, le docteur Faust dont on connait la destinée littéraire et lyrique, Jacob Böehme, Lavater , Swedenborg, Claude de Saint-Martin et bien d'autres. René Guénon (1886-1951) se situe dans cette lignée.

Le romancier J.K.Huysmans nous a montré comment certains groupes occultistes du XIXe siècle ont repris les pratiques sulfureuses des ophites ou des naassènes.

La franc-maçonnerie qui apparait en Angleterre au début du XVIIIe siècle, apparait comme une tentative de fédérer les courants théosophiques mais elle se scinde très vite entre des fidèles des traditions ésotériques et ceux qui leur préfèrent le rationalisme des Lumières soutenu par l'essor de la pensée scientifique.

Différences avec la gnose antique

Les gnoses modernes ont perdu puiseurs éléments fondamentaux des gnoses antiques.

Le dualisme ou les métaphysiques alambiquées à la manière de Basilide ou de Mani , qui mettent à distance Dieu et les créatures mauvaises, disparaissent de l'horizon.

En revanche réapparaissent les tendances que l'on observait chez Simon le magicien lequel voulait acheter leur pouvoir miraculeux aux apôtres : transformer en un savoir transmissible ce qui chez le Christ relève de la gratuité de la relation interpersonnelle ; c'est ainsi que la Christian science fondée par Mary Baker Eddy aux Etats-Unis au XIXe siècle, propose d'utiliser le savoir occulte qui sous-tendrait selon elle les Evangiles en vue d'un meilleur accomplissement personnel.

La kabbale

Dans le courant du Moyen Age s'était développé en Languedoc et dans le Nord de l'Espagne une sorte de gnose juive appelée la kabbale dont on ne sait pas exactement ce qu'elle doit à la gnose chrétienne. Si la kabbale use d' un riche symbolisme et se livre à des spéculations métaphysiques et mystiques complexes, elle préserve l'idée d'un Dieu créateur et surtout la positivité du monde. Dans la fidélité au judaïsme, elle tient en haute estime la sexualité dans le mariage. L'influence de la kabbale sur les courants chrétiens humanistes est avérée à la Renaissance. C'est une des raisons pour lesquelles l'héritage juif est considéré dans le milieu gnostique moderne de manière beaucoup plus positive que dans l'Antiquité.

A la différence des gnoses antiques et , dans la continuité de la kabbale qui est une de leurs sources d'inspiration, les gnostiques modernes tiennent généralement que le monde sensible n'est pas intrinsèquement mauvais (à l'exception du philosophe Schopenhauer que l'on peut rattacher à la filiation gnostique). Beaucoup virent pour cela à une sorte de panthéisme, voyant Dieu non comme un être lointain à la manière de Basilide ou Valentin mais comme une sorte d'âme du monde. A tort on confond ce panthéisme avec la gnose proprement dite.

Les gnoses modernes doivent en outre, sauf à se marginaliser, tenir compte des progrès de la science positive qui étudie le monde réel et prendre leurs distances avec les pratiques magiques qui étaient répandues dans les milieux gnostiques de l'Antiquité.

Comment la modernité est gnostique

Il reste que, malgré ces différences, le monde moderne présente une série de traits qui le situent dans la continuité de la gnose.

D'abord la conviction qu'il y a d'un côté les sachants aptes à diriger le monde et les autres , conviction en opposition au principe démocratique pour lequel, au contraire, la voix de la multitude prévaut. On peut qualifier cette conviction de technocratique mais, en fait , loin de reposer sur une vraie technique, elle est sous-tendue par l'idéologie. L'idéologie , qui réduit la réalité sociale à des idées exagérément simplifiées, est sans doute la forme moderne de la gnose.

L'idée que , sinon le monde, du moins l'homme est mauvais , ressort d'une hyper-écologie qui tient l'humanité toute entière pour une nuisance et voudrait réduire la population mondiale des neuf dixièmes. D'autres idéologues considèrent que l'homme est, sous tous les rapports, à réformer : il est spontanément chauvin, raciste, xénophobe, homophobe , pollueur, etc. A partir de là, le pouvoir politique s'attache à le libérer de tous ces penchants mauvais , quitte à transformer la société en un vaste camp de rééducation. La théorie du réchauffement de la planète semble venir à point nommé pour imposer une révision de tous nos comportements.

Dans l'idée très répandue , notamment chez Marx et ses disciples, que le passé n'est qu'une logue préhistoire remplie de calamités, se trouve quelque chose comme le rejet radical du passé juif par Marcion. Ce qui fait dire à Rémi Brague que le monde moderne est marcionien.

Si l'antijudaïsme des gnostiques antiques a , on l'a vu, disparu, le rejet de la morale, en particulier sexuelle, et spécifiquement du mariage , apparu dans les années soixante, n'est pas sans rapport , comme l'a bien vu Michel Onfray, avec certaines attitudes des premiers gnostiques.

Plus que jamais le savoir est tenu pour salvateur. Même si la matière est réhabilitée, l'univers , y compris l'homme lui-même, est désormais considéré comme un vaste champ d'expérience ouvert à l'esprit humain pour qu'il le maitrise, comme s'il était extérieur à lui. La théorie du genre , fondée sur la césure entre les données physiques relatives au sexe et le vécu psychologique ou encore le transhumanisme se situent dans cette lignée.

Les idéologies contemporaines ont mené cette domination de l'idée , jugée apte à tout réformer, à une logique de destruction dont on sait jusqu'où, dans certains cas extrêmes, elle a pu aller .

Même si les théories de Basilide et de Valentin de sont plus à l'ordre du jour , il se peut que nous soyons aujourd'hui , plus que jamais tributaires d'une vision gnostique du monde.

Roland HUREAUX

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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 09:08

APRES LES ELECTIONS REGIONALES,

NICOLAS SARKOZY MERITE-T-IL TANT D'INDIGNITE ?

Beaucoup de commentateurs s' accordent pour dire que le grand perdant des élections régionales a été "les Républicains" et, dans la foulée, d'en faire porter la responsabilité à leur chef, Nicolas Sarkozy.

Bien qu'elle gagne 6 régions sur 13 ( 7 avec la Réunion), dont 5 prises à la gauche , l'ex-UMP parait en deçà de ce qu'elle pouvait espérer. Le Parti socialiste, grâce notamment à ses victoires inespérées en Normandie, Centre, Bourgogne-Franche-Comté est au contraire au-delà. Sa défaite cuisante peut donc passer pour une victoire.

Certains ajoutent que les succès de la droite classique dans le Nord et PACA sont dus au désistement des socialistes dans le cadre d'un Front républicain décidé unilatéralement par François Hollande pour barrer la route aux dames Le Pen, fille et petite-fille, et ne seraient donc pas à porter au crédit de la droite. Pourtant, en se désistant, le PS n'a-t-il pas reconnu à l'UMP un rôle de leader dans son entreprise de "barrer la route au FN " ?

Le PS a certes le bénéfice symbolique d'avoir paru seul à la manœuvre, mais à quel prix ? En disparaissant de plusieurs de ses fiefs historiques !

N'oublions pas non plus les résultats en voix du second tour : 40, 24 % pur LR , 28, 66 % por le PS ( il est vrai absent de deux régions) , 27,10 % pour le FN.

On peut aussi mettre à l'actif de l'UMP la belle victoire de Varie Pécresse obtenue à l'arraché en Ile-de-France.

Quant au FN , donné vainqueur au 1er tour de manière excessive, et donné battu au second, de manière tout aussi excessive, parce qu'il n'a pu conquérir aucune région, on invoque le "plafond de verre" qui désormais, le barrerait définitivement de la route du pouvoir. C'est oublier que seule a été testée au second tour des régionales l'hypothèse Républicains/ FN et non PS/FN, qu'il faut envisager aussi.

C'est une ligne vieille de plus de trente ans qui est remise en cause

En admettant qu'il y ait un échec relatif de l'ex-UMP, thèse qu'accréditent d'ailleurs les changements décidés dans sa direction , doit-on en faire porter la responsabilité au seul Nicolas Sarkozy.

Il est difficile d'aller jusque là car ce qui est en cause, plus que la gestion d'un homme, c' est une ligne politique vieille de plus de trente ans.

La ligne suivie aux régionales : large ouverture au centre pour éviter qu'il ne fasse ses propres listes et pour montrer l'exemple d'un grand rassemblement de la droite dite "républicaine", allant jusqu'au Modem, n'était pas spécialement la ligne Sarkozy. Elle était celle de tout le mouvement depuis Chirac, lequel, à tort ou à raison, avait pensé qu'il n'y avait pas de majorité possible au second tour d'une élection présidentielle sans l'appui du centre et donc sans de larges concessions à ce dernier sur différents sujets , notamment l'Europe. Des concessions qui vont jusqu'au souci de ne pas prendre systématiquement le contrepied de la gauche. Le parrain de cette ligne fut longtemps Jean-Pierre Raffarin , gardien vigilant de l'orthodoxie centriste de l'UMP, dont la mise à l'écart à soi seul est significative.

On peut se demander a postériori si cette ligne, qui conditionne la politique française depuis trente ans - et qui a notamment eu pour effet l'incapacité de la droite classique de répondre aux préoccupations de Français dans tout une série de domaines ( école, justice, immigration) où leurs problèmes n'ont de solution qu'à droite, et même dans les autres, était bien légitime.

Quoi qu'il en soit, la ligne suivie à ces régionales était davantage celle de Juppé ou de Nathalie Koszuisko-Morizet que celle de Sarkozy, dont le seul tort fut de s'y rallier.

Etait-on pour autant obligé d'aller jusqu'a investir en Midi-Pyrénées, un Dominique Reynié dont les positions sur certains sujets critiques (entée de la Turquie dan l'Union européenne, GPA) tenaient de la provocation à l'égard des électeurs de droite et qui a été sanctionné en recueillant pour son camp le moins de voix des 13 régions ? Ou encore de laisser tant des têtes de listes à des centristes ? Comme nous le disait il y a peu un élu UMP "le centre n'est qu'un parti d'élus : ceux que nous leur concédons". Il aurait pu ajouter que la plupart des militants , car il en existe tout de même quelques uns , sont d'anciens du RPR ou de l'UMP en bisbille avec les caciques de ce parti dans leurs départements respectifs. Investis UDI ou Modem, beaucoup se croient obligés , pour se trouver une particularité, de se rapprocher de la gauche dans ce qui est plus un jeu de rôles que l'expression d'une véritable conviction. Ce rapprochement est particulièrement facile sur les questions sociétales, y compris aux héritiers déchristianisés ( Todd dit "zombies") de la démocratie chrétienne.

L'autre handicap de l' UMP , qui n'est pas propre à Nicolas Sarkozy, est l'absence de lisibilité de sa ligne politique . Disons le : quant au fond - et notamment sur les questions européennes - , la France est divisée en deux et non en trois: le PS , qui a marginalisé son extrême gauche représente l'option de soumission aux contraintes de la monnaie unique et plus largement de toutes les directives venues de Bruxelles, voire de Washington. Ce qui explique l'absence de marge de manœuvre de Hollande. Il est rejoint dans cette posture par le centre et par l'essentiel de la direction des Républicains. En face, la positon euro-critique est celle de la majorité des électeurs de la droite classique et d'une pléiade de mouvements qui tout en se méfiant de l'héritage sulfureux de la famille Le Pen tiennent des positions analogues sur l'Europe ( DLF, UPR , gaullistes divers etc. ) . Cette position est, de fait, interdite d' expression au sein du RPR et de l'UMP : le seul candidat à l'investiture des Républicains qui l'assume est Jean-Frédéric Poisson. C'est ainsi qu' elle a fini par trouver son principal porte-voix dans le Front national.

Entre ces deux tendances fondamentales qui se sont exprimées pleinement lors du référendum du 29 mai 2005, les "oui" et les "non", le RPR de Jacques Chirac puis l' UMP de Nicolas Sarkozy s'en étaient sortis en vendant un discours musclé à leur base militante et à leurs électeurs et en menant, une fois élus, une politique proche du centre, voire de la gauche, avec pour effet de ne résoudre aucun des grands problèmes du pays, faute d'oser braver les tabous du politiquement correct dont la gauche fixe seule les normes. Cette méthode passant de plus en plus mal, le mouvement se trouve aujourd'hui écartelé.

Pour passer de l 'écartèlement à la synthèse, pour trouver et oser poser une doctrine transversale au deux camps qui se partagent la France, il ne suffit plus d'acrobatie, il faut une forme de génie. L'UMP , et pas seulement Nicolas Sarkozy, sont voués à la disparition s'ils ne trouvent pas cette synthèse.

Roland HUREAUX

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18 décembre 2015 5 18 /12 /décembre /2015 09:05

Le concert de lamentations et de déclarations indignées , qui a suivi l'annonce des bons résultats du Front national au premier tour ( et même au second, bien qu'il n'ait remporté aucune région) des élections régionales de décembre 2015 nous a fait revivre avec peu de changements le scénario qui avait suivi le fameux 21 avril 2002 où Jean-Marie Le Pen avait pu être présent au second tour de l'élection présidentielle .

Premier thème: comment cela a-t-il été possible ? Comment en est-on arrivé là ? Une question qui, chez certains éditorialistes, du seul fait qu'ils la posent, témoigne d'une singulière méconnaissance de l'immense souffrance du peuple français.

Un souffrance qui ne se résume pas à l'immigration et à la délinquance comme l'imaginent ceux qui, précisément, se contentent de clichés au lieu de faire l'effort de comprendre de l'intérieur cette souffrance. Clichés dont le Front national lui-même n'est pas exempt.

Le département de la Haute-Saône est un de ceux qui, dans l'Est, ont voté le plus pour le parti de Marine Le Pen : 38,5 % . Le FN ne fait mieux, dans cette partie de la France, que dans deux autres départements ruraux, la Meuse et les Vosges. Que la Haute-Saône soit aussi le département où le foncier a le plus baissé depuis dix ans ( et donc où l'activité économique est tombée le plus bas) n'est sans doute pas un hasard. Or dans ce département rural, ce sont les villes qui ont le mieux résisté à la vague bleue marine, soit au bénéfice de l'UMP ( Vesoul) soit du PS (Héricourt) alors que la plupart des communes rurales ont mis le Front national en tête. Or les immigrés sont concentrés dans les villes et peu présents dans les campagnes. Mais ces campagnes sont composées de près de 600 petites communes , vieilles de mille ou deux mille ans et promises selon le discours officiel de la droite comme de la gauche de gouvernement, à la disparition. Les cantons ruraux ont été regroupés, la région Franche-Comté et la région Bourgogne, deux vieilles régions historiques aux caractères très différents ont été fusionnées . Les communautés de communes sont poussées à se regrouper, le département est remis en cause etc. Bref les gens sont "paumés" et gravement. Le repère territorial, une des structures anthropologiques les plus fondamentales de l'homme, est sans cesse bousculé, sur fond de crise de l' agriculture et de l'industrie. Depuis des temps immémoriaux des repères stables sont nécessaires à l'homme . Il ne fallait pas moins que ces bouleversements pour désespérer les gens. Or aucune de ces réformes n'est utile . Aucune économie n'est à en attendre, au contraire. Les réforme menées en matière d'école, de justice, d'administration de l'Etat sont aussi destructrices. Dire cela n'a rien de politiquement incorrect. Tous ceux qui n 'ont pas mesuré à quel point notre pays est pris d'un mouvement de folie ne peuvent rien comprendre à la souffrance de nos compatriotes.

Le deuxième thème : "maintenant il faut nous reprendre" :"si nous ne devenons pas enfin sérieux pour saisir à bras le corps les problèmes que les gens se posent , la "bête immonde" l'emportera, le Front national sera au pouvoir " .

Déjà nous avions entendu cette antienne en 2001. Et rien ne fut fait.

Pour résoudre les problèmes des Français, le couple Chirac-Raffarin ne trouva rien de mieux qu' une nouvelle couche de décentralisation, soit un peu plus de pouvoir et de prébendes à des élus déjà honnis ! Exactement le contraire de ce qu'il fallait faire.

Et cette fois ? Non sans une pointe d'ironie, le journal Le Monde annonce clairement la couleur: " François Hollande ne change rien malgré le choc des régionales".

Que le Front national n'ait finalement gagné aucune région peut hélas servir d'alibi à cette inertie.

Prisonniers du texte

Comportement prévisible : François Hollande est , come le parti socialiste dans son ensemble, entièrement prisonnier des logiques idéologiques. Or le propre de l'idéologie est la mise entre parenthèses du réel pour suivre la logique, une logique folle. Le vote du peuple français, expression intermittente de son état d'esprit, c 'est le réel. L'idéologie n'en a cure. Nous ne disons pas les idéologues mais bien l'idéologie car, en la matière, l'acteur est prisonnier de son texte. C'est, pour parler comme les structuralistes, le texte idéologique qui littéralement "possède" la classe politique et non l'inverse. Une possession au sens fort du terme.

Or pour véritablement aller à la rencontre des Français qui ont voté FN ou qui se sont abstenus , il faudrait prendre à bras le corps toute une série de problèmes lourds qui sont la cause de leur souffrance: le chômage, l'immigration, mais aussi la justice ( et par là la sécurité ), l'école, les abus du système social ressentis comme injuste, une administration pléthorique (et qui croît encore: 40 000 fonctionnaires de plus en 2015 ), des impôts écrasants etc.

Or si on prend ces problèmes un par un , les solutions qui permettraient de les résoudre ont presque toutes la caractéristique d'être politiquement incorrectes , c'est à dire d'aller à l'encontre de l'idéologie dominante. Le contrôle de l'immigration contre l'universalisme, l'amélioration de école contre le pédagogisme, la réforme de la justice contre la culture de l'excuse, expression d'une philosophe déterministe négatrice de la liberté etc. Dans des sujets apparemment neutres , comme l'administration territoriale , s'opposer aux politique officielles ne fait certes pas courir le risque de l'infamie , mais tout de même celui de la marginalisation ou de l'insignifiance : "comment, vous voulez garder 36 000 communes ? Mais pourquoi donc ? Ne voyez bien que c'est complètement archaïque ? ".

Pour aller enfin à la rencontre des attentes des Français, il n'y a pas d'autre solution que de briser toute une série de tabous entretenus par la plupart des médias , ce à quoi se refusent les partis qui se qualifient de républicains - on se demanda pourquoi d'ailleurs , la République n'ayant rien à voir avec tout cela, bien au contraire : elle commanderait plutôt le maintien de sa cellule fondamentale, qui est la commune ou du département créé de 1789, le contrôle des frontières, une école qui ressemble un peu plus à celle de Jules Ferry, un Code pénal qui soit appliqué etc.

Et bien entendu nous ne parlons pas de l'euro et d' autres contraintes européennes qui ne sont sans doute pas étrangers eux non plus au désespoir de nos compatriotes.

Il y a hélas tout à parier que rien ne change , que l 'avertissement des élections de décembre n'ait pas plus d'effet que n'en eurent les premières émeutes révolutionnaires sur le petit monde festif de Versailles et que nous soyons partis pour attendre , après le premier avertissement, puis le second, le troisième s'il y a un troisième .

Roland HUREAUX

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 20:28

La montée qui semble inexorable du Front national aux élections françaises résulte sans doute de données de fond : chômage, récession, lourdeur de la fiscalité, immigration , insécurité, réformes brouillonnes et déstabilisatrices ( ainsi les différentes réformes territoriales toutes plus absurdes les unes que les autres ayant en commun d'accroître les dépenses et d' affaiblir les repères ). Mais les événements récents ont joué un rôle d'accélérateur du processus aux élections régionales de 2015 : les tragiques attentats du 13 décembre , et plus encore l'irruption d'un flux massifs d'immigrés ( dont certains sont des réfugiés) arrivant par dizaines de milliers en Europe en provenance de Libye d'abord, et, depuis l'été, de Turquie .

Alors que les attentats ont eu pour effet de resserrer le lien national et même, ô paradoxe, de renforcer la position de François Hollande, l'annonce de l'arrivée des migrants a profondément déstabilisé les esprits. Certains y ont vu la réalisation de la prophétie de Jean Raspail dans son célèbre roman de 1975 , "Le Camp des saints" . A tort car il décrivait un mouvement spontané alors que celui-ci est organisé. Même si la France n'était pas le première destination de ces arrivants, elle s'est sentie menacée. Bien plus qu'un attentat, même horrible, qui ne touche qu'à la sécurité physique , la perspective d'un changement de civilisation provoquée par une immigration de masse a jeté le trouble dans un peuple français à qui l'omniprésence de la thématique islamique et raciale avait déjà mis les nerfs à vif. Pour beaucoup, le vote FN au premier tour des élections régionales a été non seulement un mouvement d'exaspération, mais aussi une sorte d' avertissement adressé aux responsables de cette immigration imposée.

Imposée par qui ? L'affaire demeure confuse quant à ses commencements. Un tiers des réfugiés vient d'une Syrie en proie à une guerre civile atroce que les Occidentaux ont nourrie en aidant les djihadistes pendant quatre ans . Il ressort que, contrairement à la version officielle, la plupart des exilés ne fuient pas le régime mais la guerre , les islamistes ou tout simplement la crise économique aggravée par les sanctions de l'Union européenne. Ils sont aidés par des mafias qui vont les chercher jusqu'à Damas pour leur extorquer le prix exorbitant du passage. Les plus pauvres ne peuvent donc pas partir. D'autres viennent de l'Afghanistan, aussi en guerre, ou tout simplement de Bosnie , du Kosovo ou d'Albanie, pays qui ont pourtant fait l'objet , depuis la guerre de 1999 menée par l'OTAN, des petits soins de la communauté occidentale. Et n'oublions pas le flux venant de Lybie plus ancien de quelques mois, composé d'Africains, et qui se poursuit.

Les arrivées se comptent par milliers tous les jours et, contrairement à ce qui avait été annoncé, elles ne semblent pas se ralentir en hiver.

L'appel d' Angela Merkel

Mais s'il y a des départs, c'est qu'il y a une perspective. Un tel flux n'aurait pas eu lieu si Angela Merkel n'avait dit clairement au début de l'été que l'Allemagne était prête à accueillir un million de réfugiés .

On peut s'interroger sur les motivations de la chancelière . A pu jouer la demande du patronat allemand désireux de tenir les salaires à la baisse du fait de la prospérité de ce pays qui contraste avec l'atonie de l'économie des autres pays de la zone euro . Egalement le calcul des démographes de l'ONU et de l'Union européenne qui depuis au moins 25 ans vont répétant que , compte tenu de la faiblesse du taux de natalité européen , un afflux de plusieurs millions de personnes sera nécessaire pour équilibrer les régimes de retraite. Calcul grossier qui ne repose que sur une approche purement quantitative ne tenant pas compte de la qualité de la main d'œuvre ( les employeurs allemands viennent de découvrir que le arrivants ne correspondaient pas tout à fait à ce qu'ils espéraient) , mais surtout des risques de choc culturel considérables que cette immigration brutale emporte.

Il est étonnant qu' Angela Merkel qui, il y a peu, déclarait que le multiculturalisme était une échec en Allemagne, n'ait pas pris la mesure de ce choc.

Il est encore plus étonnant qu' une femme de cette expérience, tenue jusqu'à ces décisions désastreuses pour une des consciences de l'Europe , ait pu pousser l'irresponsabilité jusqu'à déstabiliser ainsi gravement à la fois l'Allemagne et l'Europe.

Est-il nécessaire de dire que dans les mystérieuse motivations de la chancelière, les considérations humanitaires ne tiennent aucune place ? Son comportement peut être même jugé monstrueux. N' est ce pas un rapt de population que d'aller chercher de la main d'ouvre qualifiée dans des pays qui , la paix revenue , en auront besoin pour se reconstruire. Et si vraiment elle souhaitait faire venir ces gens, ne lui suffisait-il pas de leur accorder des visas et de leur permettre de prendre l'avion. Ils auraient payé 300 € pour acheter un billet au lieu des milliers d'euros versés à des passeurs mafieux qui les emportent sur des embarcations précaires. Angela Merkel peut être tenue pour responsable de la mort d'Aylan !

Quelles victimes ?

Si les premières victimes sont les réfugiés vrais ou supposés et en tous les cas moins attendus que ce qu'on leur avait promis, les secondes sont les petits pays qui bordent à l'est l' Allemagne . Après avoir créé un immense appel d'air, celle-ci s'aperçoit tout à coup que la population allemande n'est pas si enthousiaste à les accueillir et ferme ses frontières , laissant à ses voisins la responsabilité de gérer le problème. Contraint de se débrouiller seul pour veiller à l'entrée dans l'espace Schengen comme le traité l'y oblige, la Hongrie doit en plus essuyer l'opprobre des bonnes consciences de l'Europe de l'Ouest.

Mais c'est toute l'Europe qui se trouve ébranlée par ce flux inattendu et massif dont on ne sait pas encore ce qu'en sera l'aboutissement ni s' il se tarira jamais.

Il fut un temps pas si lointain où quand la chancelière d'Allemagne avait parlé, notamment sur les questions économiques et financières, le dernier mot était dit : l'Europe avait parlé par sa voix.

Mais à présent, ce n'est pas la chancelière allemand qui a parlé, c'est le peuple français. Par son vote de dimanche, il a marqué son refus de la politique d'Angela Merkel. Comme en 1789, en 1848, en 1968, sa voix forte a ébranlé l'Europe . Le peuple français avait parlé aussi le 29 avril 2005 en refusant , à la surprise générale , le projet de Constitution européenne. Et c'est précisément parce qu'on n'en avait pas tenu compte que l'Europe en est arrivée à la situation de désespérance actuelle.

Alors que la France, malgré la politique antifamiliale de Hollande, maintient de justesse sa natalité au seuil du renouvellement, celle de l' Allemagne, prise d'un vertige suicidaire, s'effondre. Il y a d'ores et déjà plus d'enfants en France qu'en Allemagne. En conformité avec ce différentiel, la France , plus que la plupart de ses voisins, veut encore , comme dit Spinoza, persévérer dans l'être.

C'est de bien des manières que l'Europe institutionnelle est passée outre à la volonté des peuples. Mais nul n'était allé aussi loin qu' Angela Merkel quand elle a décidé que l'Europe qui, jusque là, avait tenté de contrôler ses frontières devait désormais , seule au monde, être un espace ouvert . L'attitude d' Angela Merkel est l'aboutissement d'un immense mouvement de dessaisissement des peuple européens sur leur destin.

Quoi que l'on pense par ailleurs des idées de Marine Le Pen , dont assurément certains aspects sont discutables, sa percée est l'effet direct des décisions irresponsables de la chancelière allemande . Danke schön Frau Merkel.

Roland HUREAUX

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 20:27

LE NOUVEAU PAYSAGE POLITIQUE DE LA FRANCE

Les débats sur le second tour des élections régionales ont occulté la transformation du paysage politique français que révèle déjà le premier tour.

D'abord se confirme la division de la France en trois camps et non plus deux : le Front national , la Droite classique ( Les Républicains et leurs alliés) , le Parti socialiste.

L'effondrement de l'extrême gauche est sans doute plus signe de désespérance que d'assagissement ; il contribue néanmoins à la simplification. A la différence de la Grèce ou de l'Espagne, la contestation radicale se concentre désormais chez nous à droite et non à gauche.

La pondération, variable, des trois grande forces donne le visage propre à chacune des 13 régions ( plus 4 d'outre-mer) .

Que le Front national soit désormais le premier parti de France (28, 42 %) ne constitue pas une nouveauté mais la pérennité de cette situation confirme qu'il s'agit d'une tendance lourde. Par là même, la droite se trouve largement majoritaire ( environ 60 %) : faut-il y voir le présage d'un effacement du parti socialiste ou l'effet temporaire du rejet du pouvoir en place ? On peut se le demander. Il est vrai que la singularité idéologique du PS , désormais plus préoccupé par le sociétal que par le social, s'est largement diluée mais ne peut-on en dire autant des Républicains ?

La géographie électorale aussi s'est simplifiée, portant à maturité un certain nombre de tendances antérieures.

Divergence des territoires

Le fait majeur est l'affaiblissement du parti socialiste , au point de l'obliger à se faire hara kiri pour éviter la victoire du Front national dans trois de ses fiefs historiques : d'abord les deux plus vieilles régions ouvrières , le Nord et l'Est, ensuite la région PACA qui comprend Marseille. Ce parti ne résiste bien qu'en Bretagne, ancien fief de la droite catholique, aujourd'hui déchristianisé. On pouvait penser que l'émergence du PS dans de veilles terres de pratique religieuse n'était qu'un phénomène passager. Même s'il faut faire la part de la personnalité de Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense propulsé sur le devant de la scène par les différentes guerres que nous menons pour le meilleur et pour le pire , le phénomène qualifié par Emmanuel Todd de christianisme "zombie" (qui sont d'anciens chrétiens devenus généralement antichrétiens et non des pratiquants endormis comme beaucoup l'ont compris à tort ), se confirme.

Le corollaire de cet effondrement du parti socialiste est la consolidation du Front national sur ces terres qui ne sont pas seulement des pays de vieille industrie mais aussi des régions de passage, ouvertes sur l'axe central de l'Europe. On peut en dire autant de la Bourgogne Franche-Comté , ancienne région industrielle elle aussi, où le FN domine désormais. En dehors de la région PACA qui n'a pas été modifiée, il se peut que le regroupement des régions , mal ressenti, ait eu aussi son impact.

Autre singularité et non de moindres : l 'Ile de France où le Front national est beaucoup plus faible qu'ailleurs. Le vote d' opposition le plus crédible demeure dès lors les Républicains menés par une Valérie Pécresse conquérante. Que la mondialisation profite le plus à cette région qui distance désormais le reste de la France en termes de richesse, y explique à soi seul la faiblesse du FN.

Même efficacité de la Droite classique en Région lyonnaise ( additionnée de l'Auvergne) où Laurent Wauquiez se défend bien ou encore dans les Pays de la Loire. La Normandie et le Centre sont plus incertains.

Les Républicains ont au contraire leur résultat le plus faible en Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon. Etonnante région : Languedoc Roussillon seul aurait été dominé par le Front national, Midi-Pyrénées seul par les Républicains ; par l'effet de la triangulaire la fusion des deux permet à la gauche d'y tirer son épingle du jeu.

Comme la personnalité de chefs de file a son importance, le choix discutable de Dominique Reynié, partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et de la GPA explique que les Républicains tombent au -dessous de 20 %. Encore une fois, après les élections municipales de Paris et de Strasbourg, ou les sénatoriales de Haute-Saône (qui ont vu la défaite du socialiste Jean-Pierre Michel , PS, militant infatigable du mariage homosexuel), La manif pour tous montre sa capacité de représailles alors même que les partis d'opposition (y compris le FN) préfèrent oublier ce grand mouvement social.

Faut-il mettre tout le Sud-Ouest au chapitre des résistances de la gauche ? En tous les cas, l' Aquitaine-Poitou-Limousin, encore qu'on puisse s'interroger pour savoir si cette résistance n'est pas plus un phénomène d'appareil que de convictions. La situation en Midi-Pyrénées-Languedoc où le FN vient en tête, est, on l'a vu, plus difficile à interpréter.

L'éclatement du vote de la Corse ne permet pas pour le moment de le commenter. En dehors de la Réunion , l'outre-mer confirme cependant son orientation à gauche.

Les divergences fortes qui s'expriment entre les régions, malgré une poussée général vers la droite, ne marquent-elles pas le début d'un mouvement centrifuge des territoires ? On peut se le demander.

Roland HUREAUX

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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 00:52

A propos du Vade mecum de l'Association des maires de France

L'ULTRALAÏCISME N'EST PAS L'ANTIDOTE AU FANATISME

Par quelle aberration, l'Association des Maires de France , que l'on croyait être le temple de cette sagesse propre aux élus locaux , a-t-elle pu avaliser un "Vade mecum de la laïcité" qui suggère aux magistrats municipaux d'éradiquer de la vie publique les derniers traces de nos racines chrétiennes, comme la mise en place de crèches dans des mairies ? Laïcité contre démocratie : confondant les élus et les fonctionnaires, seuls assujettis à l'obligation de réserve, il les invite, dans leur action publique, à "s’abstenir de faire montre de leurs propres convictions religieuses ou philosophiques", alors même que ces maires, élus tels qu'ils sont, ne répondent que devant leurs électeurs.

Electeurs ? Les auteurs de ce guide semblent ignorer que les électeurs musulmans de nos quartiers préfèrent et respectent bien davantage un chrétien pratiquant qu'un laïque, surtout dans la version libertaire qui prévaut aujourd'hui. Jésus et Marie, fêtés à Noël, sont révérés aussi par les musulmans. On voit combien, malgré des assauts de démagogie qui sont autant d'atteintes à la laïcité ( financement de mosquées, réceptions en mairie à l'occasion de l'Aïd el Kébir, tolérance du niqab etc.), le parti socialiste peine à reconquérir un électorat musulman éloigné par le "mariage pour tous".

Pas d'amalgame !

A la suite des attentats du 13 décembre, la plupart des médias ont répété en boucle, avec raison sans doute : "pas d'amalgame" entre les musulmans ordinaires, dits modérés, et les terroristes. Est-ce pour que la France officielle opère au contraire tous les amalgames entre terroristes et tenants de n'importe quelle religion, la religion chrétienne d'abord ?

Sans doute l 'histoire de l'Europe chrétienne, comme celle de tous les peuples, de toutes les religions et de tous les régimes, républiques comprises (Terreur, répression de la Commune) , est-elle parcourue de violences, mais aucune de la sorte que nous avons vue à l' œuvre ces jours-ci. Il n'y a dans le monde actuel aucun terrorisme chrétien d'aucune sorte, a fortiori sous une forme aveugle et suicidaire. Il est vrai que dans le très catholique Pays basque, les familles nombreuses d'où sortaient autrefois des dizaines de prêtres et religieuses, ont produit à un moment donné autant de terroristes de l'ETA ; mais entre temps, la foi s'était perdue, ce qui ne fait pas une mince différence.

Emblématique de cette propension à l'amalgame , Jean-Paul Brighelli généralement mieux inspiré, évoque dans un article récent[1] "la confraternité des totems du monothéisme" et, dénonçant l'obscurantisme, croit utile de préciser : " il y a un siècle ou deux, c’eut été le jésuitisme des congrégations. Aujourd’hui, c’est le salafisme ( dont il décrit la scabreuse théologie du viol dont on se demande où il a vu l'équivalent dans les autres religions). Dans leur inculture, nos contemporains ignorent généralement que les jésuites ont inventé le collège secondaire, où, délibérément, la culture profane, gréco-latine et scientifique, prévalait sur l'enseignement strictement religieux. Le lycée napoléonien ne fit qu'y remplacer la cloche par le son du clairon ! L'Europe chrétienne a ainsi produit, non seulement le lycée ( XVIe siècle) mais aussi l'Université (XIIIe siècle) et l'école primaire (XVIIe siècle). Voltaire, comme à peu près tout ce qui compte dans la culture française, en est issu.

Ce genre d'amalgame emporte des risques considérables. Loin d'ouvrir l'espace aux Lumières, l'affaiblissement du christianisme crée un vide spirituel dans lequel n'importe quoi peut s'engouffrer y compris aujourd'hui le salafisme. A preuve, le nombre de convertis en perte de repères parmi les terroristes . Apprenti sinon sorcier , du moins jardinier, un certain ultra-laïcisme ( à mille lieues de la laïcité de Jules Ferry ), ardente à désherber à tout va, fait du passé table rase au risque de faire prospérer les plus mauvaises herbes.

Un autre risque est que la déchristianisation rende l'Occident encore plus haïssable aux islamistes. Tout en dénonçant les croisés ( encore l'inculture !) , les gens de Daesh condamnent bien davantage la dérive libertaire de nos sociétés que leurs racines chrétiennes. Sans compter que, renonçant volontairement à des symboles ancestraux, nous leur donnons l'apparence de la faiblesse, peu propre à les amadouer

C'est donc une grave illusion que l' ultralaïcisme intégriste, qui est d'abord un antichristianisme, voire un anticatholicisme, serait le remède à l'extrémisme salafiste.

Mais certains ne voudraient-ils pas , sciemment, instrumentaliser l'islam pour liquider les derniers vestiges du christianisme en Europe ? Aujourd'hui , interdiction des crèches, demain suppression des crucifix aux carrefours ( on a déjà commencé ) et sécularisation des églises ? Si tel est le cas, on peut douter qu'aucun musulman entre dans ce jeu. Ou que le "vivre-ensemble" gagne à la disparition des quelques rares lieux où on enseigne encore le respect d'autrui et , osons le mot, la charité. Il est douteux que les Lumières , produit dialectique de l'Europe chrétienne, survivent à cet arasement . Les esprits forts qui espèrent se tirer vivants de l'effondrement de la cathédrale s'illusionnent . Ceux qui, au nom de Charlie, dénoncent toutes les religions peuvent craindre d'être, selon l'expression de Serge Federbusch[2], comme les lemmings qui marchent sans le savoir à leur propre mort.

Les nombreux maires qui ont protesté contre les initiatives douteuses de leurs dirigeants, certains allant jusqu'à se retirer de l'association, montrent que, dans ses profondeurs, la France a compris cela.

Roland HUREAUX

[1] http://www.causeur.fr/etat-islamique-et-la-theologie-du-viol-34214.html

[2] Serge Federbusch, La marche des lemmings, Ixelles Editions, 2015

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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 00:49

Ce jour a lieu aux Invalides la commémoration nationale en l'honneur des victimes de l'attentat du 13 novembre.

On considérera sans doute mal venu de rompre ce que certains tiennent pour un beau moment d'unanimité nationale. Tout écart peut sembler une offense aux morts que tant de familles pleurent .

Mais nous devons à la vérité de dire que celui qui préside la cérémonie, François Hollande, est sans doute le moins légitime à le faire.

Certains proches des victimes se sont désolidarisés, alléguant les lacunes des systèmes d'alerte et les effets de la politique laxiste de Taubira qui a conduit à sortir de prison plusieurs des terroristes qui auraient du se trouver incarcérés et donc hors d'état de nuire au moment des faits.

Mais il y a bien plus grave. La gesticulation martiale du président qui dit faire désormais une guerre totale aux terroristes occulte la réalité : le même président depuis trois ans - et dans le sillage de son prédécesseur - , loin de faire la guerre aux terroristes, comme le croit l'opinion, leur a envoyé des armes , des conseillers militaires et peut-être quelques soldats, dans les zones rebelles de Syrie et dans les camps d'entrainement de Jordanie et de Turquie. Cette aide s'est faite en violation d'un embargo sur les armes décrété tant par l'ONU que par l'Union européenne.

En 2012, treize officiers français ont été capturés par l’armée syrienne lors de la reprise du califat islamique instauré dans le quartier de Baba Amr à Homs par la brigade Al-Farsouq et Al-Waleed. Cette dernière a ensuite rejoint les rangs de l’Etat Islamique.

Les alibis de cette politique qui, en regard de l'impératif de protéger les Français, s'apparente à une trahison, sont doubles . Le premier : nous n'aidons pas Daesh ( qui d'ailleurs n'existait pas il y a trois ans) mais Al Nosra ( nouveau nom d'Al Qaida ! ) qui représente, dit-on, les rebelles "modérés" ( c'est encore ce que vient de dire Washington ) ou l'Armée syrienne libre . Imposture bien entendu. Ces prétendus rebelles modérés partagent avec Daesh l'idéologie islamiste. Ils en ont les méthodes atroces comme le montre le massacre du village chrétien de Malula perpétré par eux. Il y a longtemps que les vrais modérés se sont retirés de la rébellion, si jamais ils y ont été. De fait, sur le terrain, Daesh et Al Nosra sont interchangeables.

L'autre alibi , ce sont les horreurs que l'on prête au régime de Bachar el Assad. S'il fait peu de doute que le président de la Syrie, toujours reconnu internationalement comme le seul gouvernement légitime , s'appuie sur une police politique de type soviétique, la propagande hystérique que lui opposent les médias occidentaux est exactement du même type , ce qui rend difficile de savoir où est la vérité . Une partie de ce qu'on lui a reproché s'est avéré faux comme l'utilisation de gaz ou le massacre de Homs, en réalité opérés par les rebelles. Quoi qu'il en soit, il n'est pas venu, lui, massacrer des Parisiens. Bien au contraire il était prêt à nous livrer des informations sur les djihadistes opérant en France , or M.Valls n'en a pas voulu.

Mais le plus abject dans l'engagement de la France auprès des djihadistes est que, par derrière de grandes considérations morales , il intervient sur fond d'affairisme . Certes le conformisme atlantiste y a sa part , l'idéologie droit de l'hommiste aussi, mais le souci de satisfaire nos alliés et partenaires en affaires, Arabie saoudite et Qatar, encore davantage. Lâcheté ou corruption ? Que l'on fasse des affaires avec ces pays gorgés de pétrodollars, soit , mais rien ne justifie de les laisser soutenir activement des mouvements islamistes qui veulent ouvertement notre mort. Encore moins de soutenir nous aussi ces mouvements.

Les Français commencent à prendre conscience de ces faits . Mais en ont-ils tiré toutes les conséquences ? Pour le moment , Hollande surfe sur le deuil national . Poses martiales et agitation diplomatique ( que nos partenaires ne prennent sûrement pas très au sérieux ) contribuent même à le faire remonter dans les sondages. Qu'en sera-t-il quand les Français auront enfin compris l'imposture que recouvre cette gesticulation en regard du soutien que nos dirigeants ont continument apporté aux djihadistes au cours des dernières années ?

Roland HUREAU

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 21:24

CA BOUGE A DROITE

Philippe de Villiers, Eric Zemmour et Patrick Buisson se rencontrent, dit-on, régulièrement pour suivre la campagne des présidentielles.

Le but de Patrick Buisson serait de casser Sarkozy, qui d'ailleurs baisse sérieusement dans les sondages. On lui prête là une préoccupation bien mesquine : ne pourrait-on imaginer que l'ancien conseiller de Sarkozy , dans ses spéculations stratégiques, pense aussi à son pays ?

Fort du succès de son livre, Philippe de Villiers annonce dans Le Parisien: " Pour 2017, je n'exclus rien" .

D'autres personnalités marquées à droite seraient intéressées par la démarche: Henri Guaino, pour le moment fidèle à l'ancien président, mais sans illusions, Nadine Morano qui a elle aussi un compte à régler, Robert Ménard et même à présent Aymeric Chauprade et, sous toutes réserves...Marion Maréchal Le Pen.

Cette agitation est propre à donner à nouveau de l'espoir à ceux qui ne se reconnaissent pas dans les choix proposés aux Français depuis que la pré-campagne a commencé, en particulier parmi les patriotes eurocritiques.

Les uns se désolent que , malgré l'hostilité à l'euro et à l'Europe d'une partie des militants des Républicains , tous les candidats à la primaire annoncée: Juppé, Sarkozy, Fillon, Le Maire, Bertrand , Mariton soient partisans de l'euro. Dans son dernier livre , Fillon , qui fut pourtant un proche de Séguin, partisan du non au référendum de Maastricht (1992) propose même l'instauration d'une gouvernance économique de la zone euro. Seul des candidats affichés, Jean-Frédéric Poisson , successeur de Christine Boutin à la tête du Parti chrétien-démocrate, avance une autre option.

L'aboutissement est que, si l'on s'en tient aux seuls grands partis à même de propulser un candidat au second tour, seule la candidate du Front national, Marine Le Pen, propose une option alternative sur l'euro. Or il s'en faut de beaucoup que tous les opposants à la monnaie unique, notamment les gaullistes, se reconnaissent dans ce parti.

Des interrogations existent aussi sur les suites de la Manif pour tous. Si l'on considère que l'opposition au mariage des homosexuels menée par Frigide Barjot fut le grand mouvement social de droite du quinquennat Hollande et même de l'histoire de France, on ne peut qu'être perplexe à l'idée que la future majorité de droite fasse comme s'il ne s'était rien passé. C'est pourtant là l'attitude clairement affichée de gens comme Alain Juppé ou Bruno Le Maire, voire François Bayrou. La promesse de Nicolas Sarkozy d'"abroger la loi Taubira" a été faite aux militants de "Sens commun" du bout des lèvres . Fillon garde le silence. Nicolas Dupont-Aignan et même Marine Le Pen sont aussi discrets. Seuls Mariton et Poisson, dont on ne saurait dire qu'ils sont en première ligne, affichent leur volonté de rapporter la loi Taubira.

Sur d'autres sujets, la proposition politique de la droite classique semble bien décevante à beaucoup: on y retrouve les poncifs les plus éculés de la technocratie, qui ont déjà montré leur inutilité ou leur danger : rémunération au mérite ou suppression du statut de la fonction publique ( qu'un Macron se taille un succès à droite en faisant des propositions de ce genre est assez accablant ! ), réduction du nombre de députés ou des ministres , suppression du millefeuille territorial ( ce qui, en l'état actuel des choses, implique la suppression de la commune, que personne ne souhaite ), renforcement des pouvoirs des chefs d'établissements scolaires ( encore heureux s'ils utilisaient ceux qu'ils ont déjà !), suppression des 35 heures ( mais pourquoi la droite qui était aux affaires de 2002 à 2012 ne l'a-t-elle pas fait ? ) Bref l'imagination n'est pas encore au pouvoir de ce côté là.

Il est clair qu'il manque quelque chose à l'offre politique entre le Front national et les Républicains. Or , compte tenu de la droitisation de l'opinion , du rejet croissant, sinon de l'euro, du moins de l'Europe, de l'exaspération qu'ont provoquée chez beaucoup l'attitude jugée irresponsable d'Angela Merkel vis à vis des "migrants" et , plus généralement, de l'impuissance européenne, c'est sans doute là que se situe désormais le centre de gravité de l'électorat.

Si Nicolas Sarkozy émerge de la primaire comme le candidat républicain, il aura sans doute l'habileté , de manière plus ou moins déterminée ou sincère, de se positionner sur ce créneau. Mais si c'est Juppé qui l'emporte, une vaste espace politique se trouvera dégarni entre l'ancien premier ministre de Chirac qui , de son propre aveu, se positionne au centre gauche et la candidate du Front national. Or la nature a horreur du vide, la nature politique particulièrement.

Pour le moment nous n'en sommes qu'aux manœuvres d'approche des uns et des autres. Mais il est sûr qu'une candidature come celle de Philipe de Villiers ( ou Zemmour, pourquoi pas ?), ne déstabiliserait pas seulement l'ancienne UMP et singulièrement Nicolas Sarkozy, mais tout autant Marine Le Pen qui ne se trouverait dès lors plus aussi sûre d'accéder au second tour.

En tous les cas tous ceux que désespérait une offre politique en mal de renouvellement, suivront avec attention ces frémissements.

Roland HUREAUX

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16 novembre 2015 1 16 /11 /novembre /2015 21:23

Messieurs les djihadistes,

Permettez moi de vous le dire : vous y êtes allés un peu fort.

Non, je ne méritais pas cela, la France ne méritait pas cela.

Après les attentats que vous avez organisés à Paris ce 13 novembre au soir, vous avez clamé victoire sur les "croisés" que nous serions.

Vous nous faites injure. La France est une république laïque qui ne veut avoir rien en commun avec les croisés. Nous avons renié nos racines chrétiennes: vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous voir appelés croisés sans déplaisir.

D'ailleurs les croisés , les vrais, combattaient les musulmans et protégeaient les chrétiens.

Or, nous, depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, non seulement nous ne protégeons pas les chrétiens, mais nous aidons ceux qui les massacrent. Ne prenez pas trop au sérieux tel ou tel ministre que nous avons dépêché dans les camps chrétiens d'Irak: c'est d'abord à usage interne.

Vous le savez, les gouvenrment français vous ont aidés depuis quatre ans autant qu'ils l'ont pu . Ayant réduit, année après année, notre budget militaire , comprenez que je ne pouvais pas faire beaucoup plus. Nous vous avons néanmoins envoyé beaucoup d' armes, y compris létales, et d'autant plus volontiers que c'étaient nos amis communs de la péninsule arabique, le roi d'Arabie, l'émir du Qatar et les autres émirs qui payaient. Et rubis sur l'ongle.

On a beau être le successeur de Jaurès, il y a de petits bénéfices sur lesquels nous ne crachons pas, même si ça fait un peu durer la guerre.

Comme certaines de ces armes que nos livrions étaient assez sophistiquées, nous vous avons envoyé des instructeurs, dont plusieurs anciens légionnaires. Quelques dizaines ont même été faits prisonniers à vos côtés quand les troupes de Bachar el Assad ( honni soit-il !) ont assiégé puis repris la ville de Homs. C'était il est vrai du temps de mon prédécesseur. Mais aussitôt arrivé au pouvoir, j'ai tâché, vous le savez, de faire encore mieux que lui.

Nous avons formé dans des camps d'entraînement en Turquie et en Jordanie, aux côtés de nos amis américains, dotés il est vrai de plus gros moyens, les jeunes recrues qui vous arrivent d'un peu partout, y compris de France. Il fallait certes sauvegarder les apparences. Nous les avons qualifiés d'"armée syrienne libre" mais nous ne sommes pas dupes : vous le savez, ces recrues ne vous ont pas manquées: aussitôt formées, la plupart ont rejoint vos troupes.

Il est vrai qu'entre les deux principaux groupes que vous constituez, nous aidons davantage Al Nosra que Daesh. Est-ce si important ? Nous savons votre proximité puisque vos djihadistes combattent indifféremment sous l'une et l'autre bannière. Mais vous comprenez que, Al Nosra se trouvant aux portes de Damas et notre objectif prioritaire restant, comme mon ministre Fabius ne cesse de la proclamer, la chute du régime de Bachar el Assad, c'est eux qu'il fallait aider d'abord. Et puis , je vous le dis, vous les gens de Daesh avez parfois de mauvaises manières : vous produisez des vidéos sur You Tube chaque fois que vous procédez à des décapitations , comprenez que ça fait mauvais genre ; comment voulez-vous nous vous approuvions ? Les gens d' Al Nosra , eux, ne font pas ça. Ils ont certes la main aussi lourde que vous , surtout quand ils prennent un village chrétien ou alaouite, mais ils sont plus discrets. Ils ont même pris la précaution de changer de nom : ils ne s'appellent plus Al Qaida, ce qui rappelait tout de même quelques mauvais souvenirs, spécialement aux Américains. Notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, est même allé jusqu'à dire qu'ils faisaient du bon boulot"! D'une certaine manière, cela s'adresse à vous tous. Mais il est entendu que nous parlions seulement de votre action contre Assad, pas ce que vous veniez de faire à Paris, bien sûr. Il n'était pas inutile de le préciser.

Puisque le régime d'Assad est votre pire ennemi, je vous le dis sans ambages, il est aussi notre pire ennemi. Raison de plus pour vous dire que vous avez exagéré. Au fond, si vous n'aviez pas entrepris ce genre d'action sur notre territoire national, nous aurions tout pour nous entendre.

Quand nous avons annoncé au mois de septembre, un peu bruyamment il est vrai, notre participation à une grande coalition contre Daesh, il ne fallait pas nous prendre au mot. Cela aussi était à usage interne. Le premier bombardement que nous avons entrepris, avant la session des Nations-Unis, n'a visé qu'un bâtiment vide en plein désert. Depuis, le régime de Damas nous a interdits d' approcher le porte-avion Charles de Galle de ses côtes, arguant que nous avons bombardé surtout des puits de pétrole lui appartenant. Sans doute exagère-t--il un peu, mais tout de même , si nous étions si dangereux pour vous, croyez-vous qu'il ne laisserait pas nos navires approcher des côtes ?

Nous avons un autre ami commun , le présidant turc Erdogan . Son parti vient de remporter les élections . Il vous aide de multiples manières, en bombardant vos ennemis kurdes, en permettant aux volontaires venus du monde entier de rejoindre vos rangs - et ils sont de plus en plus nombreux, vous le savez, à le faire - , en vous livrant des armes, et même en organisant une filière de départ vers l'Europe des jeunes syriens qui n'ont pas très envie de vous combattre dans les rangs de l'armée syrienne. Cet ami commun, loin de nous plaindre de lui, nous avons vu sans déplaisir et en tous les cas sans la désavouer, Angela Merkel aller le soutenir ostensiblement avant les élections - de fait, au nom de l'Europe et donc en notre nom. Les pays les plus riches de la planète qui forment le G 20 se réunissent dans quelques jours chez lui, à Antalya. Ce sera une consécration pour lui. Un proverbe arabe dit que "les amis de nos amis sont nos amis ". Vous voyez que nous sommes plus amis que vous le pensez !

Et d'ailleurs, si nous atteignons notre but qui reste la chute du régime odieux d'Assad, vous pourrez entrer à Damas. Vous avez dit que vous y établiriez la charia : c'est votre droit. Si vous entrez dans Damas, promis, juré : n'interférerons plus dans les affaires intérieures de la Syrie. Vous pourrez planter le drapeau du khalifat à 220 Km de Jérusalem et à 85 km de Beyrouth. Allah est grand !

Les attentats que vous avez revendiqués étaient donc inutiles .

Et , moi, président Hollande, compte tenu de ma bonne volonté à votre égard, je ne méritais franchement pas cela. Je vous en supplie, ne recommencez pas, vous me feriez vraiment de la peine.

F.H.

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23 octobre 2015 5 23 /10 /octobre /2015 19:15

Paru dans la revue Résurrection

En deux mille ans, l'Eglise militante s'est répandue dans de nombreuses contrées présentant des modèles familiaux très divers.

Il s'en faut en effet de beaucoup que l'organisation de la famille soit uniforme à travers les cultures : monogamie/polygamie, endogamie/exogamie, rôle plus ou moins grand de la femme, famille souche où cohabitent les générations ou famille nucléaire, égalité des enfants ou droit d'aînesse etc. La combinaison de ces critères multiplie les types familiaux pour le plus grand bonheur des anthropologues. La typologie qu'on en tire n'est pas nécessairement une hiérarchie même si, sur le plan de la dignité humaine, la monogamie est légitimement mise au-dessus de la polygamie ( qui est le plus souvent une polygynie) et , sur le plan de l'ouverture à l'autre ou de la santé, l'exogamie semble valoir mieux que l'endogamie.

L'Eglise n'a pas prétendu imposer un modèle familial idéal. Elle a , comme souvent, procédé moins par proposition positive que par interdiction: interdiction de la polygamie, du divorce, de l'endogamie, notamment. Elle s'est efforcée de faire évoluer les mœurs dans le sens le mieux compatible avec l'idéal évangélique. Et c'est ainsi que , loin de sacraliser la famille , ou tel ou tel modèle familial, elle est apparue , au long de son histoire, plus souvent en rupture avec ce que la société dans laquelle elle se répandait tenait pour le modèle familial de référence. En d'autres termes, elle a plus souvent cassé les structures familiales préexistantes qu'elle ne les a consolidées.

Affaiblissement de la famille romaine

Dans la société gréco-romaine qui a constitué la première aire d'expansion du christianisme, comme d'ailleurs dans la plupart des sociétés indo-européennes, on ne saurait considérer que le modèle familial dominant dans les classes dirigeantes était tout à fait primaire , si l'on tient pour primaire la relative facilité de mœurs qui régnait, semble-t-il, dans les sociétés néolithiques. La monogamie est la règle aussi bien chez les Grecs que les Latins et l'était aussi chez les Celtes avant la conquête. Elle l'est depuis longtemps chez les Indiens. Mais ce modèle s'éloigne de l'idéal chrétien au moins sous deux rapports : dans la société romaine au temps du Christ, à un stade déjà évolué donc, le divorce est répandu, mais il n'est pour autant libre: la toute-puissance du pater familias continue de limiter le choix des époux. Suétone nous montre Auguste , chef de la gens impériale, casser le mariage de son beau-fils Tibère dont la femme est pourtant enceinte pour le marier du jour au lendemain, pour des raisons politiques, à sa fille[1] . Que l'Evangile promeuve la monogamie ne constitue pas un problème dans l'Empire romain . Mais l' interdiction du divorce, introduite par Jésus lui-même (Mt 5, 31-32 et Lc 16, 18), en est un : elle représente de fait une promotion de la femme ( car bien entendu le divorce , c'était d'abord la répudiation par l'homme et non l'inverse) , une limitation au pouvoir, non seulement du mari mais du chef de la gens et l' affirmation d'une autonomie nouvelle du couple. D'une certaine manière, c'est aussi l'autonomie de la personne que promeut saint Paul quand il déconseille aux veuves de se remarier (1 Co 7, 8) car le remariage était jusque là pour elles non seulement un droit mais une quasi-obligation.

Le christianisme semble aussi avoir répandu dans les basses classes, et notamment les esclaves, le rituel du mariage , qui, jusque là, était réservé aux classes les plus élevées, ce qui représente l'accès à une forme de dignité.

On comprendra que , dans un tel contexte, l'exaltation de la famille ( à ne pas confondre avec le sacrement de mariage) , si habituelle dans la littérature religieuse des XXe et XXIe siècle ne se rencontre jamais dans le Nouveau Testament et chez les Pères de l'Eglise : dans une Eglise engagée dans la lutte contre les logiques claniques, elle aurait été comprise comme l'exaltation de la gens, équivalent ancien de la famille, ce qui aurait pu donner lieu à de redoutables malentendus. Presque tout au long de son histoire, ce n'est pas la famille en tant que telle, collectivité plus ou moins large gravitant autour d'un ou plusieurs couples, que l'Eglise a promue mais le mariage, comme sacrement de l' union d'un homme et d'une femme.

Autre élément de discorde avec la famille antique : l'Eglise par son enseignement et l'exemple de ses martyrs encourage les membres d'une famille à embrasser le christianisme, quel que soit l'avis du père, de la mère, du mari ou de l'épouse. Cette priorité donnée à la relation entre un individu et Dieu par rapport aux logiques du groupe , elle aussi clairement inscrite dans l'Evangile (Mt 11, 37 ; Luc 14, 26-27), constitue une nouveauté dans l'histoire des religions.

Après les invasions germaniques, à l'ancienne aristocratie romaine se substitue en Occident , une nouvelle aristocratie issue des tribus germaines ayant envahi le territoire . Même si cette nouvelle aristocratie se convertit assez vite au christianisme orthodoxe, les Francs d'abord puis, peu à peu, tous les autres, l'Eglise doit composer avec des mœurs encore plus éloignées de l'idéal évangélique que celles de la société gréco-romaine. La polygamie est répandue chez les chefs francs, même si généralement une seule épouse a rang officiel: Charlemagne lui-même, quoique tenu pour un empereur pieux et figurant même au calendrier des saints[2] en raison de l'appui constant qu'il apporta à l'Eglise , vécut entouré d'une sorte de harem.

Dès lors que les apparences sont sauves (une seule épouse officielle), l'Eglise ne s'attelle pas à la tâche impossible de contrôler la vertu des guerriers francs. Elle a déjà bien assez à faire à maintenir celle de ses évêques qui viennent des mêmes familles. Ce n'est qu'à partir des Carolingiens qu'elle s'oppose fermement à la répudiation des épouses, telle celle de Theutberge par Lothaire II en 869.

C'est aussi dans le courant du Moyen Age chrétien, que la dot change de sens. De temps immémorial, l'union de deux familles par le biais d'un mariage avait été accompagnée d'une transaction financière. Dans les sociétés primitives et musulmanes, la dot est le prix de l'épouse que paye le mari ou la famille du mari. Elle devient, sous l'influence du christianisme , ce qu'elle avait commencé à être dans la Rome païenne, une dotation que le père de la mariée fait à sa fille quand elle quitte le foyer paternel. Elle n'en aura certes pas la libre disposition, mais elle pourra revendiquer grâce à elle une certaine dignité patrimoniale. L'épouse était un bien que l'on vendait ; elle vient désormais avec du bien.

L'exogamie imposée au forceps

En revanche, L'Eglise catholique entre en guerre dès l'époque mérovingienne avec la société franque pour combattre la tendance des clans aristocratiques à pratiquer le mariage endogame[3]. L'endogamie était pratiquée dans les tribus germaines non seulement par souci de pureté lignagère mais aussi parce qu'elles ne voulaient pas abandonner leurs filles à des étrangers. L'endogamie signifiait que les clans vivaient repliés sur eux-mêmes[4] .Et c'est précisément cela que l'Eglise a tenté de casser. Elle n'hésite pas devant les mesures fortes : malgré l'étroitesse des liens de cette famille avec l'Eglise, deux Capétiens, Robert II le Pieux puis Philippe Ier sont excommuniés pour mariage incestueux, c'est à dire endogame. Cela au nom, moins de la génétique que de la charité et en se référant à saint Augustin qui , après Aristote, soutient qu' un mariage avec une famille étrangère est le signe d'une ouverture plus grande à l'autre et la possibilité d'établir de nouveaux liens d'amour (caritas) à même d'étendre le lien familial ( et donc des relations pacifiques) au loin.

Les interdits des mariages consanguins par l'Eglise mérovingienne, puis carolingienne, allèrent très loin, jusqu'au septième degré. Comme les généalogies étaient parfois incertaines, la découverte fortuite ( ou prétendue telle) d'un lien de parenté pouvait justifier l'annulation de certains mariages ( ainsi celui d'Aliénor d'Aquitaine avec Louis VII ).

Ce combat s'étendit à toutes les classes de la société . Dans les classes populaires , l'exogamie s'imposa mieux que dans l'aristocratie dans la mesure où l'éventail des choix possibles était plus large et les considérations patrimoniales plus réduites. La société européenne s'en trouva transformée. Elle était jusqu'à une date récente, selon Emmanuel Todd[5], la seule société sur la planète où du fait des règles en vigueur, un homme (ou ses parents ) avait la possibilité de choisir entre plusieurs épouses possibles .

L'Islam à rebours

Au moment où l'Eglise catholique s'efforce, siècle après siècle, de casser les logiques claniques primitives, l'islam, apparu au VIIe siècle dans le désert d'Arabie, suit l'évolution inverse. Mahomet rationalise mais , ce faisant, conforte et pétrifie les logiques claniques des sociétés primitives. Il instaure un système familial d'une particulière rigidité fondé sur la toute-puissance du chef du clan, y compris sur ses enfants majeurs, la polygamie ( ou polygynie), l'assujettissement et l'enfermement des femmes, l'endogamie stricte et donc la fermeture des groupes familiaux. Ce système consolide, à l'intérieur des familles musulmanes, l'attachement à l' islam et y rend très difficile les conversions à d'autres religions . Il n'y a pas sur la surface de la terre de systèmes familiaux plus antithétiques que ceux que le christianisme puis l'islam ont introduits à six siècles d'intervalle dans la périphérie méditerranéenne[6].

La liberté du mariage

Tout en affirmant d'emblée dans son rituel, le principe du libre choix des conjoints, homme et femme, l'Eglise resta plus prudente sur ce chapitre jusqu'à la Renaissance. Ce libre choix fut longtemps, on le sait, très théorique.

Elle entama au XVIe siècle, un nouveau combat pour affirmer le droit de son clergé d'administrer le sacrement du mariage à des fiancés majeurs ( la majorité était alors de 25 ans !) sans l'accord de leur parents. Le Concile de Trente dit qu'"il est criminel de violer la liberté du mariage" (chapitre XXIX, 9) [7] Le roi de France et le Parlement de Paris , maurrassiens avant la lettre, s'opposent à cette prétention de l'Eglise et refusent de reconnaitre ce droit des conjoints au regard de la loi civile. La position de l'Eglise est si révolutionnaire que Rabelais que l'on croit progressiste critique vivement les ferments d'anarchie qu'elle contient [8] . Luther et Calvin sont sur la même ligne.

Comme au tems de l'empire romain, comme au temps de Charlemagne, il s'agit d'affaiblir le pater familias tout-puissant, de casser les clans et de promouvoir ce qu'il faut bien appeler l'individu, même si le lien matrimonial qu'il contracte l'engage pour la vie.

Au même moment les mariages et les naissances commencent à être enregistrés par écrit dans toutes les classes de la société et plus seulement les élites.

Les guerres de religion

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, la France est ravagée par les guerres de religion . Le clivage n'est pas seulement spirituel, il est aussi sociologique . Le cœur du parti protestant, c'est la noblesse du Sud-Ouest où survivent les logiques claniques sous la forme que Todd[9], après Le Play[10], qualifie de famille autoritaire : cohabitation des générations autour d'un ancien disposant de l'autorité, droit d'aînesse strict. Ces patriarches supportent mal que le clergé se mêle de leurs affaires de famille ; les cadets lorgnent sur les biens d'Eglise pour compléter un héritage réduit à la portion congrue.

Le centre du parti catholique, c'est le Bassin parisien , autour de Paris qui est déjà une grande ville, bourgeoisie et peuple ensemble. La moitié nord de la France est le domaine de la famille nucléaire fondée sur le mariage où les nouveaux époux vont habiter à part de leurs parents, où le droit d'aînesse n'existe pas : la liberté et l'égalité, déjà ! Libre choix du conjoint, égalité entre les enfants, séparation des parents et beaux-parents ( "L'homme quitte son père et sa mère" Gn 1,24). Aussi curieux que cela paraisse à ceux qui confondent catholicisme et traditionalisme social, le modèle du Bassin parisien est à la fois le plus moderne et le plus conforme à l'enseignement millénaire de l'Eglise catholique tendant l'émancipation du couple. Les catholiques parisiens se retrouvent dans la Ligue , premier parti politique moderne, dit-on, sur laquelle l'autorité du duc de Guise est assez théorique. Pour les Parisiens, le protestantisme, identifié aux prétentions d'une petite noblesse rurale arc-boutée sur ses mœurs patriarcales, n'est pas le bienvenu. C'est la résistance de la ville de Paris en 1590-1594 qui oblige le roi Henri IV à rallier le catholicisme , maintenant ainsi le royaume de France dans le giron catholique, même s'il réserve les meilleurs emplois à ses amis gascons restés huguenots.

On notera au passage que le clivage entre les deux France n'était pas nouveau. Il séparait déjà à peu près sur les mêmes lignes les Armagnacs, ancêtres des huguenots et les Bourguignons, ancêtres des Ligueurs. Comme quoi certaines réalités anthropologiques transcendent les divisions religieuses.

La victoire du catholicisme en France est bien celle d'un modèle familial, dit conjugal ou nucléaire que depuis quinze siècles, l'Eglise s'évertuait à promouvoir contre les pouvoirs laïques. Il faudrait aussi examiner ce qui se passe dans les autres pays mais la France joue alors en Europe un rôle de référence ; il est probable que si elle avait basculé vers la Réforme, celle-ci aurait triomphé dans la plus grande partie du continent. On ne s'étonnera pas que toute l'Europe luthérienne (Allemagne du Nord et Scandinavie) soit attachée au modèle familial autoritaire de type clanique , à moins que ce soit l'inverse, que cette Europe (sauf l'Allemagne du Sud et l'Autriche) ait été attirée par le luthérianisme qui renforce le chef de famille face au clergé.

Aux XVIIe et XVIIIe siècle, les questions familiales ne semblent plus être au cœur des préoccupations de l'Eglise ; d'autres questions, comme celle de la liberté et de la grâce, de la Bible et de la tradition et bientôt l'essor de la philosophie des Lumières l'accaparent. Elle n'en continue pas moins son combat pour garantir la liberté de mariages. Fénelon (après Molière ! ) fulmine contre les mariages arrangés entre vieillards riches et jeunes filles , où il voit , non sans motifs, un encouragement à l'adultère.

La lutte pour l'exogamie, acquise désormais dans les mœurs populaires, n'est plus au premier plan, surtout vis à vis des familles royales : Louis XIV épouse avec dispense une cousine deux fois germaine , ce qui au temps d'Hugues Capet n'aurait jamais été admis. L'extinction des Habsbourg d'Espagne n'est pas étrangère à l'abus de ces pratiques.

Au cours du XVIIIe siècle, la France du Bassin parisien , celle qui avait fait gagner la Ligue catholique deux siècles plus tôt, celle du mariage nucléaire et de l'héritage égalitaire se déchristianise avant le reste du pays , sous l'effet d'une diffusion populaire plus précoce de l'impertinence philosophique et peut-être d'un jansénisme aussi exigeant que décourageant. La Révolution française instaure le mariage civil, mais sous la réserve de l'introduction du divorce, celui-ci n'est pas très différent dans sa procédure du mariage catholique.

Le XIXe siècle est au contraire un temps de reconquête chrétienne. C'est ce qui permet de voir éclore de si nombreuses vocations de prêtres et de religieuses au point que vers 1900, malgré l'anticéricalisme qui se déchaîne en France , la moitié des religieuses actives aux quatre coins du monde sont françaises.

Inutile de dire que dans les nouvelles terres de mission, l'Eglise s'efforce , non sans mal, d'implanter le modèle chrétien du mariage, au moins dans ce qu'il a de monogame et de stable. Cela ne va pas de soi dans de nombreuses contrées, en particulier en Afrique et en Asie. Cela va encore moins de soi en terre d'islam où le modèle archaïque se trouve pétrifié : à tort ou à raison, les missionnaires contournent le massif musulman pour centrer leurs efforts sur les peuples encore païens situées au-delà. Faute de modifier immédiatement des modèles familiaux très éloignés de l'idéal chrétien, l'Eglise catholique doit s'y contenter souvent d'une évangélisation superficielle.

Changement d'alliance ?

Mais si l'on en reste à ce qui est encore alors le cœur de la chrétienté , l'Europe, l'Eglise catholique semble avoir depuis quelque temps déjà abandonné la lutte contre l'esprit de clan qui, sous différentes formes , l'avait occupée pendant près de 1800 ans.

Y a-t-il un rapport avec le fait que, en France et ailleurs, la reconquête catholique rencontre au XIXe siècle ses plus vifs succès dans les vieilles terres de familles souche alors décrites par l'anthropologue catholique Le Play , à la périphérie de la France : Pays Basque, Béarn, Sud du Massif central, et dans une moindre mesure Bretagne, Alsace, Savoie. Plutôt protestantes aux XVIe et XVIIe siècles, ces régions deviennent les meilleurs terreaux du catholicisme au XIXe siècle[11].

Au même moment, la famille , dont il n'avait jamais été question en tant que telle jusque là [12], commence à devenir un thème de discours essentiel de l'Eglise catholique . En 1893 est instaurée la fête de la sainte Famille[13] . Certes la famille de Jésus, quoique atypique, est , selon l'Ecriture , nucléaire, mais quel type de famille se trouve sacralisé aux yeux du peuple chrétien dès lors que l'Eglise n'est plus guère explicite sur les contours qui sont les siens ? Est-on sûr que dans telles régions, dans tels milieux sociaux, certains n'ont pas compris que ce que l'Eglise proposait de tenir désormais pour saint, c'était l'antique famille clanique qu'autrefois elle avait combattue ? Une vision qui est généralement celle des adversaires de l'Eglise persuadés que cette institution est toujours du côté de l'autorité contre la liberté. On ne voit plus , en tous cas, aucun effort pour libérer la notion de mariage chrétien de sa gangue sociologique.

On peut considérer cette évolution autrement. Nous avons vu, au cours des siècles s'imposer de plus en plus un modèle nucléaire et égalitaire de famille qui à bien des égards était le plus conforme à la conception chrétienne, centrée sur le sacrement de mariage. Famille nucléaire, monogamie, exogamie , extension du libre choix des conjoints : d'une certaine manière c'est cette famille conjugale qui triomphe aujourd'hui en Europe. Le XXe siècle a vu un peu partout , sous l'effet de l'urbanisation, la dissolution des familles hiérarchiques là où elles subsistaient et la généralisation d'un modèle conjugal .

Or c'est au moment où il parait triompher que ce modèle révèle sa fragilité . Cette fragilité s'exprime principalement par la progression des divorces , d'abord aux Etats-Unis puis en Europe. Elle s'exprime aussi par la dénatalité , phénomène européen au départ et qui, lui aussi, tend à s'étendre au reste du monde ( Afrique noire exclue) .

Pour beaucoup, cette fragilité est l'effet d'un individualisme excessif , une opinion qui va assez bien avec la nostalgie des logiques claniques ou , à tout le moins, de celle des belles familles souches qui ont soutenu le regain catholique du XIXe et de la première moitié du XXe siècles. Pour l'Eglise, l'heure ne serait plus à la promotion de la liberté individuelle mais, au contraire à la lutte contre les excès de cette liberté, afin de recréer le lien social autour de la famille .

Il y a pourtant d'autres lectures possibles des évolutions contemporaines: si parents et grands-parents se séparent géographiquement, l'allongement général de la durée de la vie assure à ces derniers une présence et parfois une emprise que la forte mortalité d'antan interdisait. La coupure du cordon ombilical que nous enseigne la Bible et qu'a promue ensuite la tradition catholique, n'est pas seulement un phénomène spatial, il est aussi un fait moral. Au cours des deux derniers siècles, la famille patriarcale de type périphérique s'est avérée en France plus féconde que la famille nucléaire du Bassin parisien, surtout à partir du moment où celle-ci a été touchée par la déchristianisation. Elle a donc exercé , par ses nombreux descendants, une influence beaucoup plus large que son aire géographique d'origine. Son fantôme - ou son "zombie" pour employer une expression mise à la mode par Todd[14], demeure à travers les influences diffuses des parents sur les choix de leurs enfants, des grands parents sur les parents, de l'esprit de la famille large sur les individus qui la composent. Si l'on considère par exemple le nombre de jeunes gens qui ne se marient jamais - ou qui ne mènent pas à terme une vocation religieuse, sous l'influence de leurs parents, des couples où l'interférence de la génération précédente a mis la discorde ou , sur un autre registre, le poids des retraites sur le niveau de vie de jeunes ménages, il n'est pas certain que les couples dits modernes soient encore pleinement libérés , malgré les apparences, de l'emprise des clans que l'Eglise avait si longtemps et si vaillamment combattues, et c'est peut-être là aussi un facteur de fragilité.

Jean MARENSIN

[1] Suétone, Vie des douze Césars , August, LXIII

[2] La régularité de la canonisation de Charlemagne effectuée par l'antipape Pascal III en 1165 est contestée.

[3] Sur 25 conciles mérovingiens , 17 se prononcent contre les mariages consanguins.

[4] En Irak, on parle encore de tribus, cinq mille ans après que la Mésopotamie soit entrée dans l 'histoire. C'est l'effet de l'endogamie musulmane.

[5] Emmanuel Todd, L'enfance du monde, Seuil, 1984

[6] Cependant, l'émigration et la vie urbaine ont aujourd'hui considérablement affaibli le modèle familial traditionnel de l'islam.

[7] Cité par Michel Rouche, Sexualité, intimité et société sous le regard de l'histoire , CLD, 2002, page 93.Cet ouvrage nous a beaucoup inspiré dans l'écriture du présent article.

[8] Rabelais, Tiers Livre, chapitre XLVIII

[9] Emmanuel Todd, L'invention de la France, Hachette, 1981

[10] Frédéric le Play, Paysans en communauté du Lavedan (Hautes-Pyrénées, France), 1864.

[11] Il est vrai que l'Eglise les avait surinvesties aux XVIIe et XVIIIe siècles pour y contrer protestantisme.

[12] Il n'y a pas d'article famille dans le Dictionnaire de théologie catholique.

[13] Un culte qui avait commencé à être répandu au Canada au XVIIe siècle par François de Laval.

[14] Emmanuel Todd, Le mystère français , Seuil, 2012.

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