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Roland HUREAUX

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 15:42

UN MOIS APRES LE NAUFRAGE DE 400 MIGRANTS, L'EPOUVANTABLE CAFOUILLAGE MEDITERRANEEN SE POURSUIT

Publié dans Causeur

Après le naufrage qui avait entraîné la mort de près de 366 migrants clandestins au large de l'île italienne de Lampedusa le 3 octobre 2013 , les Etats membres avaient prévu lors du Conseil européen des 24 et 25 octobre, d'adopter des mesures communes comportant le renforcement des moyens de Frontex et du bureau européen d’appui en matière d’asile.

Après le naufrage de plus de 400 autres migrants au large de la Sicile en le 12 avril 2014 , les chefs d'Etats et de gouvernement de l'Union européenne se sont réunis en urgence pour un sommet exceptionnel le 23 avril . Ils ont décidé de tripler les moyens de l'opération de surveillance Triton, menée par Frontex , de saisir et détruire les embarcations transportant des migrants, d'intervenir militairement en Libye contre les réseaux de passeurs et de répartir 5 000 réfugiés syriens sur le territoire européen.

Depuis lors, la commission européenne a précisé la mise en œuvre de certaines de ces mesures. Mais 300 personnes ont encore sombré le 18 mai.

On peut s'attendre d'ores et déjà à ce que d'ici quelque temps , à la suite d'une nouvelle noyade, le conseil européen se réunisse à nouveau pour prendre de nouvelles mesures. Etc.

Il y a en effet peu de chances qu'une solution de fond soit trouvée dans un délai proche à l'immense question de la poussée migratoire à partir de la Lybie, au moins aussi longtemps qu'elle sera traitée par l'Europe institutionnelle.

Une affaire embrouillée

L'affaire est embrouillée à plusieurs nivaux.

D'abord dans la compréhension du problème. L'égoïsme des uns se conjugue avec les bons sentiments des autres pour que nous ne comprenions pas ce qui se passe. Les uns détournent le regard, les autres ne voient que de l'aspect moral , pas des faits.

D'où viennent ces migrants ? On entend un peu tout sur ce sujet. Il semble qu'une majorité viendrait de l'Erythrée et du Sud-Soudan. Si c'était vrai, il seraient à moitié chrétiens. L'Erythrée est composée d'une moitié de chrétiens et connait une dictature effroyable qui a mis toute la nation sur le pied de guerre pour défendre le pays contre l'Ethiopie ennemie, dix fois plus peuplée. Les Erythréens , chrétiens ou musulmans, sont un peuple intelligent et instruit qui ne poserait pas de gros problème d'intégration.

Le Sud-Soudan est la partie chrétienne ( en tous les cas non-musulmane) du Soudan, devenue indépendante en 2009 après cinquante ans de guerre . Libérés du joug islamique, les Sud-Soudanais sont entrés en guerre civile sur une base non plus religieuse mais ethnique.

Si ces gens là étaient bien la majorité de migrants, il n'y aurait pas lieu de craindre une invasion musulmane ( quoique des migrants musulmans aient récemment jeté à l'eau les chrétiens embarqués avec ceux) . Le mouvement migratoire ne serait pas non plus le trop plein indifférencié d'un continent en pleine croissance démographique mais la conséquence de la guerre qui sévit dans plusieurs pays, ce qui n'est pas la même chose.

Mais il se dit aussi que beaucoup d'immigrants viennent du reste du Sahel, jusqu'au Sénégal , voire de l' Afrique profonde. Combien ? On ne sait pas.

Ce n'est pas seulement la compréhension du problème qui est embrouillée, c'est aussi la recherche de solutions.

La plus simple serait que l'Europe prenne le contrôle des principaux ports de départ sur la côte nord de la Libye. Cela aurait pu se faire dans la foulée de l'intervention qui a renversé Kadhafi en 2011, et qui a plongé ce pays dans le plus grand chaos , mais on ne l'a pas fait.

Parmi les mesures qui ont été décidées par le Conseil européen le 23 avril, la principale est une nouvelle intervention militaire en Libye. Une telle action supposerait l'aval du Conseil de sécurité . Mais la Russie et la Chine ont eu l'impression d'avoir été trompées par les Occidentaux lorsqu' elles ont donné cet aval à l'intervention de 2011. Il n'était prévu au départ que de sauver des populations ; or l'intervention a largement dépassé les termes du mandat , aboutissant au renversement de Kadhafi. Russie et Chine ont depuis le sentiment d'avoir été bernées et ne sont pas prêtes à opposer leur veto au Conseil de sécurité à toute entreprise du même genre. Il faudrait peut-être négocier avec la Russie, notamment en relâchant la pression sur l'Ukraine. Mais l'Europe ne semble pas prête à faire sur ce front la moindre concession susceptible de rendre les Russes plus coopératifs.

On pourrait aussi encourager un pays voisin redevenu stable comme l'Egypte à intervenir, si elle le veut bien. Ce service vaut bien quelque Rafales à prix bradé.

Une autre solution serait que les forces spéciales de tel ou tel pays mettent hors d'état de nuire les passeurs. Si on procède cette manière, on ne le dira pas. Mais c'est peu probable. En tout état de cause, il ne saurait s'agir d'une décision européenne, seulement d'un Etat.

Les sommets européens successifs auraient pu être l'occasion de poser le principe que , en cas de guerre ou d'oppression, ce sont le pays voisins qui ont les premiers vocation à recevoir les réfugiés ,non l'Europe, mais que celle-ci serait prête à soutenir généreusement ces politiques d'accueil. On ne l'a pas fait. Cela serait contraire, dit-on, au principe de l'universalité du droit d'asile. Fort bien, en attendant, les réfugiés se noient.

Embrumée de bureaucratie et de grands principes, la Commission de Bruxelles n'est pas prête à trouver une solution. Pas davantage que , quand elle a pris en main l'immigration à l'échelle européenne, elle n'a fait la preuve de la moindre efficacité.

Idéologie, bureaucratie , inefficacité

Au temps de l' Union soviétique, on savait que toute décision partant d'un a priori idéologique serait stérile. Rien ne sortait jamais des décisions du parti. Ce qui marchait, industrie de défense, lopins agricoles individuels, marchés kolkhoziens se faisait en marge ou en dehors de l'idéologie, voire contre elle.

A Bruxelles, c'est la même chose: le mieux qu'on puisse attendre d'une politique commune est qu'elle ne fasse pas trop de dégâts. Mais généralement, elle en fait. Ce qui marche , Airbus, Ariane, se fait en dehors des politiques européennes officielles et généralement sur la base de coopérations intergouvenrnementales à géométrie variable.

Ile est probable que la question des migrations méditerranéennes ne sera résolue que quand les deux ou trois pays les plus concernés, parmi lesquels l'Italie, principal lieu de passage et la France, principale destination se concerteront pour traiter la question et cela liaison avec les états africains les plus impliqués. Il est clair qu'on n'en est pas encore là.

Roland HUREAUX

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 15:34

En prenant une position favorable à Poutine dans l'affaire ukrainienne, Valéry Giscard d'Estaing a pris tout le monde à contrepied.

La grande presse s'est contentée de signaler la rencontre entre Giscard et Poutine le 28 mai dernier et ses déclarations les plus générales : "Les relations entre l'Europe et la Russie seraient meilleures si Bruxelles était réellement indépendant" . On n'a guère répercuté que l'ancien président est allé beaucoup plus loin dans un entretien avec Politique internationale, une revue pourtant atlantiste : il y justifie l'annexion de la Crimée qui, selon lui, a toujours été russe, et pense que "probablement" les événements de la place Maidan et le renversement du président Ianoukovitch il y a un an sont le résultat d'une manipulation de la CIA. Il considère que les sanctions, non seulement ne sont pas dans l'intérêt de l'Europe, mais sont contraires au droit international.

Valéry Giscard d'Estaing prend ainsi à revers une classe politique française et européenne tellement tétanisée qu'aucune figure de premier plan n'y ose encore critiquer la ligne aveuglément proaméricaine de l'Europe occidentale à l'égard de la Russie. Une ligne proche de l'assujettissement dans le cas de Hollande qui, en refusant de livrer les Mistral sur ordre de Washington , discrédite la parole de la France.

L'ancien-président prend aussi à contrepied tous ceux qui le tenaient depuis toujours pour un "libéral atlantiste". C'est oublier qu'en 1981, il fut vaincu par une coalition de la gauche unie et de l'ambassade des Etats-Unis et qu'il avait en revanche reçu, contre le parti communiste, l'appui discret de l'ambassade d'URSS. Ses positions de fin de mandat où il avait cherché à jouer un rôle d'intermédiaire entre l'Est et l'Ouest ( le "petit télégraphiste" dit Mitterrand) n'étaient guère appréciées à Washington. On peut certes discuter leur opportunité à un moment où la menace venant de Moscou était bien plus sérieuse qu'aujourd'hui. Mais elle témoignait d'une indépendance dont nous avons perdu l'habitude.

Différence de posture, différence d'envergure aussi avec tous ceux qui prétendent aujourd'hui à la magistrature suprême. Le président-académicien n'envisagerait-il pas de se présenter à la primaire de droite ?

La position de Giscard est proche , ce n'est sans doute pas un hasard, de celle de son vieil ami Helmut Schmidt qui, il n'y a pas si longtemps, vitupérait la politique irresponsable de la commission de Bruxelles, à la fois incompétente et irresponsable , faisant courir, selon lui, à l'Europe le risque de la guerre mondiale.

En prenant cette position audacieuse, Valéry Giscard d'Estaing va dans le sens de l'opinion française éclairée, celle qui ne se laisse pas influencer par le matraquage anti-Poutine des médias, une opinion de plus en plus décalée par rapport à la positon officielle de Hollande - et de la direction de l'UMP. Il y a un ou deux ans, les pro-russes se trouvaient isolés dans les dîners en ville. Aujourd'hui c'est inverse: presque personne, en dehors de cercles particuliers n'ose prendre parti pour les Etats-Unis dans les affaires de l'Ukraine.

Il ne s'agit bien entendu pas d'être pro-ceci ou pro-cela . Il s'agit que notre diplomatie soit celle de nos intérêts et non pas des intérêts de quelqu'un d'autre. Cela suppose qu'on évacue toutes considérations infantiles sur "qui est le bon ? " et "qui est le méchant ? " auxquelles se résume aujourd'hui la diplomatie dite des droits de l'homme . En d'autres circonstances cela pourrait nous conduire à être antirusse - ou antisoviétique, mais en aucun cas à l'alignement absurde sur les Etats-Unis dont nous sommes aujourd'hui les témoins.

Roland HUREAUX

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 15:29

LES "REPUBLICAINS" AURONT BEAUCOUP D'EFFORTS A FAIRE POUR SE RASSEMBLER

Paru dans Marianne.fr

La refondation de l'UMP, devenue "Les Républicains", le 30 mai dernier Porte de la Villette a été une fête réussie.

Les quelques sifflets malencontreux qui ont accueilli Fillon et Juppé n'ont pas vraiment entaché une opération qui s'est faite dans une atmosphère sobre et consensuelle.

50 intervenants allant chacun de son couplet sur les valeurs républicaines , cela ne permet pas forcément de maintenir l'attention du public, mais évite au moins de faire des jaloux , de diviser inutilement le groupe dirigeant du mouvement sur des questions de susceptibilité.

Dans son discours de conclusion , Nicolas Sarkozy a tenté de montrer que lui et son parti étaient , plus que les socialistes, les vrais républicains. Pour justifier le label "Les Républicains", il a rappelé comment la gauche avait détruit l'école et fait preuve d'une complaisance coupable à l'égard du communautarisme. L'argument n'est pas sans portée.

Il reste que l'invocation répétitive des valeurs de la République et les appels au rassemblement par les orateurs ont occulté les sujets essentiels qui sont précisément ceux sur lesquels le nouveau mouvement est, plus que toute autre force politique , divisé.

Trois clivages essentiels

Trois lignes de faille traversent aujourd'hui la politique française : est-on pour ou contre l'euro? est-on pour ou contre le mariage homosexuel ? est-on du côté des Américains ou du côté des Russes ? Sur ces trois sujets, aucun compromis n'est possible: il faut être d'un côté ou de l'autre. Même ceux qui préconisent une monnaie commune au lieu de la monnaie unique se prononcent, de fait, pour la fin de l'euro. Ceux qui veulent substituer une "union civile" au "mariage" prévu par la loi Taubira proposent un "retour en arrière" qui n'est nullement perçu comme un compromis par les partisans de celui-ci.

Nous ne considérons en revanche pas que la question du plus ou moins grand degré de liberté économique divise en profondeur la société française. Entre les libéraux et les étatistes, le curseur peut se déplacer vers toutes sortes de compromis.

Pas davantage, quoi qu'on en pense, l'immigration : dès lors que personne ne veut rejeter les immigrés à la mer , ni ouvrir toutes grandes les portes, là aussi , bien des positions intermédiaires sont envisageables.

Sur les trois sujets les plus clivants, il est clair que le Front national , anti-euro, pro-russe et hostile aux bouleversements sociétaux ( même s'il ne s'est pas engagé à remettre en cause la loi Taubira) est clairement d'un côté.

Il est tout aussi clair que le Parti socialiste, pro-euro, pro-OTAN et libertaire est clairement de l'autre. En dehors de Chevènement , la gauche de la gauche elle-même a transigé sur l'euro et ne se reconnait guère dans Poutine.

En définitive les Républicains, pour les appeler de leur nouveau nom, ont seuls le redoutable privilège de voir la césure passer au milieu d'eux et cela sur les trois sujets.

Officiellement favorables à l'euro, ils laissent subsister une aile hostile, autour de Jaques Myard - lequel, de manière significative a été écarté du nouveau Conseil national.

L'opportunité de réviser ( réécrire dit Sarkozy) ou non la loi Taubira fait débat. Juppé, Le Maire, Nathalie Kosciuszko-Morizet y sont clairement hostiles. Les autres , hostiles aussi, cultivent une subtile ambiguïté.

Sur la nouvelle polarité Est-Ouest, seul Fillon, quoique discret , est soupçonné de pencher vers la Russie. Il a , seul des candidats mais avec tout le groupe parlementaire , approuvé la récente visite au Kremlin de cinq députés français, visite condamnée par Hollande, Fabius, Juppé et tournée en dérision par Sarkozy. Plus clairement Giscard d'Estaing s'est récemment démarqué de l'OTAN. Il n'est cependant pas, du moins que l'on sache, candidat.

Mais le vrai clivage sur ces sujets, n'est est pas tant entre les dirigeants des Républicains qu'entre la tête et la base militante, beaucoup plus réservée sur l'euro, hostile à la loi Taubira contre laquelle elle s'est mobilisée et , quoi qu'on pense , plutôt favorable à Poutine.

Cette division peut se résoudre de plusieurs manières.

Les Républicains peuvent continuer comme aujourd'hui où la tête impose les positions les plus "politiquement correctes". C'est ce que pensent Alain Juppé mais aussi, quoique moins nettement , les autres candidats. Il leur sera dans ce cas difficile de se distinguer du PS et d'arrêter l'hémorragie des électeurs vers le Front national. Il ne leur reste , pour se distinguer, qu'à s'affirmer un peu plus libéraux sur la plan économique. Air connu mais qui pense sérieusement que la droite ferait beaucoup mieux que la gauche sur ce chapitre ? Même chose sur l'école ou sur l'immigration.

L'autre option serait la division , voire la scission. La sanction serait l'élimination dès le premier tour. On n'en est pas encore là, d' autant que l'aile "populaire" n'a pas vraiment de chef.

La troisième solution est de transformer la faiblesse en force, la division en synthèse.

C'est, on l'a dit, quant au fond, difficile. Mais c'est celui des candidats qui saura le mieux gérer la contradiction et garder une position d'équilibre qui emportera la palme de l'investiture pour 1997.

Roland HUREAUX

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7 juin 2015 7 07 /06 /juin /2015 15:24

CE QUE N'A PAS VU TODD : LES CATHOLIQUES QUI NE SONT PAS "CHARLIE"

Publié dans Atlantico et Liberté politique

Les familiers des travaux d'Emanuel Todd savent ce qu'est pour lui un catholique "zombie": quelqu'un qui a eu une éducation catholique , qui n'a plus la foi, mais en garde cependant des structures de comportement inconscientes . Voltaire, Diderot, Ernest Renan, Emile Combes étaient en ce sens des catholiques zombies : tout le contraire , on le voit, d' enfants de Marie!

Il y a aussi des protestants zombies, des juifs zombies ( et pas n'importe qui : Marx, Freud, Husserl, Marcuse, Derrida et tant d'autres figures fondatrices de la culture contemporaine ) et déjà, modernité oblige, Todd pense qu'il y en aura de plus en plus , des musulmans zombies.

La particularité des catholiques zombies est que c'est parmi eux que se recrutent les plus fanatiques adversaires du catholicisme , ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas pour les autres groupes. Même en comptant Marx, il ne semble pas que les juifs émancipés aient jamais été les pires antisémites !

C'est dire que le dernier essai de Todd qui insiste tant sur les "catholiques zombies" crispera sans doute autant les dits zombies que ceux qui ne le sont pas et qui prendront mal d'avoir à porter les errements de leurs ennemis . Nous éviterons donc cette expression.

Dans le détail, on pourrait trouve quelques approximations dans l'essai de Todd. Il semble oublier que la plus grande manifestation et de loin a eu lieu à Paris, dans ce qui n'est pas précisément un vieux fief de catholicité ( au moins depuis le XVIIIe siècle). Comme nous le disait un lecteur critique : "il semble oublier que Paris est dans le Bassin parisien". Ramener le monde catholique de jadis à un Ouest supposé hiérarchique est très simplificateur. Si on se réfère à ses travaux antérieurs, l'Ouest est bien moins hiérarchique que le Pays basque ou le Sud du Massif central qui, après avoir été des fiefs huguenots au XVIe siècle sont devenus des fiefs catholiques au XIXe. Au demeurant la Gascogne précocement républicaine (et malthusienne : cf. Armengaud) est tout autant que le Pays basque un pays de famille souche. Toujours selon ses travaux antérieurs, la Vendée a la même anthropologie individualiste et égalitaire que le Bassin parisien mais dans l' attachement de celle-ci à la religion, l'histoire, une histoire tragique, a compté davantage que l'anthropologie, laquelle explique beaucoup de choses mais pas tout. Quant au raccourci culture inégalitaire, région catholique, pétainisme, antisémitisme, il vient tout droit du dictionnaire des idées reçues. Todd ignore visiblement les travaux de Simon Epstein. Il ignore aussi que l'antisémitisme des années trente était un phénomène parisien ou à la rigueur urbain : comment les paysans de France qui n'avaient jamais vu un juif de leur vie ( à la différence de ceux d'Allemagne et de Pologne) auraient-ils pu être antisémites ? On pourrait être inquiet de telles approximations si on ne faisait confiance à la rigueur scientifique de l'auteur.

A ces nuances près, il n'y a rien à objecter à la thèse centrale de Todd: le groupe dominant en France aujourd'hui est celui des classes moyennes issues du monde catholique, que ce soit en termes sociaux ou géographiques ( le grand Ouest ), mais déchristianisées. Qu'on les appelle "bobos" ou "deuxième gauche", ils tiennent le parti socialiste et ont soutenu le choix de l'euro ; tributaires d' une culture catholique désormais inconsciente, ils imposent une austérité doloriste (et deloriste !) et un néo-libéralisme à l'anglo-saxonne à caractère inégalitaire. Quoique brandissant les valeurs de la République, ce sont de faux républicains. François Hollande , de parents catholiques mais qui a viré au laïcisme le plus raide ( souvenons nous de son refus de dire que les Egyptiens massacrés en Libye étaient des chrétiens) en est une figure emblématique.

Chesterton disait que "le monde moderne est rempli de valeurs chrétiennes devenues folles" . Tout ce qui fait aujourd'hui la sensibilité de gauche : l'Europe, l'écologie, l'ouverture à l'homosexualité , les langues régionales, le multiculturalisme peut être en effet assigné à une sensibilité chrétienne dégénérée.

Que les manifestants de janvier aient profité de l'affaire Charlie pour exprimer un anti islamisme inavoué, refoulé par les bons sentiments de gauche, est aussi probable, mais cela ne vaut pas seulement pour la deuxième gauche.

Todd n'a pas non plus tort de penser que la grande manifestation "Je suis Charlie" du 11 janvier 2011 a été faite principalement par les pro-euro . Une manifestation de dominants qui laisse de côté deux groupes dominés : la vieille classe ouvrière française et l'immigration musulmane et qui réclame rien moins que le droit pour le groupe dominant de blasphémer la religion d'un groupe plus faible !

Ces pro-euro sont des ex-chrétiens, soit, mais que pourraient-il être d'autre ? Pierre Chaunu aimait à dire que de la France cléricale qui représentait la moitié de la population en 1905, descendaient les trois quart de la France de 1960 du fait du différentiel de natalité entre une France catholique féconde et une France républicaine malthusienne ( cf. le triste Paris sans enfants des années trente dans les romans de Simenon). Le grand historien appelait cela la "sélection spirituelle". Mais une partie des catholiques, transfuges, venait à mesure reconstituer le vivier républicain dans une France où les Lumières étaient toujours hégémoniques , au sens gramscien du terme. Deux générations après, et l 'accélération de la déchristianisation dans le dernier tiers du XXe siècle aidant, les néo-républicains n'ont pas seulement pris la place des anciens dans la rue, ils l'ont prise dans la France elle-même. La classe ouvrière où Todd voit le reste des républicains d'autrefois est en fait le résultat d'un brassage complexe où l'immigration ancienne a sa part. Même ralliée au Front national, elle est une survivance.

Les catholiques qui ne sont pas Charlie

Persuadé que le catholicisme est en voie d'extinction en France ( les constituants de 1789 le pensaient déjà ! ), Todd, cependant, ignore ou sous-estime l'existence d'une frange de catholiques qui ne sont pas "zombies" et dont la plupart ne s'est nullement reconnue dans Charlie, beaucoup ayant perçu au contraire dans la manifestation du 11 janvier un rejet subliminal, non seulement de l'islam mais de toutes les religions. Eux aussi ressentent ce que Todd dénonce à juste titre: "cette nouvelle menace à la liberté de croyance qu'est le laïcisme radical".

Cette frange de catholiques "non zombies", de plus en plus nombreuse à chaque génération, d'autant que les déperditions y sont sans doute plus limitées aujourd'hui qu'en Mai 68, explique l' ampleur de La Manif pour tous, sans équivalent dans le reste de l'Europe : en réduisant , par vengeance, les prestations familiales des classes moyennes, Valls ne s'est pas trompé de cible . Mais cette frange explique surtout le différentiel qui fait de la France le seul grand pays d'Europe où le population se renouvelle encore à peu près ( taux de fécondité : 2 pour une moyenne de 1,6 en Europe) .

Les Français ne font en effet pas exception à la règle posée par Adolphe Landry : les sociétés athées sont vouées à l'extinction. Ils ne sont pas , contrairement à ce que pense Todd , des athées heureux qui "font" des enfants quand-même. La population française se perpétue mieux que d'autres par des minorités religieuses arc-boutées sur un sentiment identitaire fort, en particulier une minorité catholique, qui fournit d'ailleurs l'essentiel des cadres de son Eglise et de son armée et, avec ou sans apostasie , une bonne partie de ses élites, même de gauche.

Il y a donc bien trois pôles dans la société française mais pas tout à fait ceux que voit Todd : le pole dominant, post (et anti)-catholique , pro-euro, pro-homo et antirusse , un pole catholique persistant, généralement prorusse, pro ou anti-euro , selon sa position sociale, et un pole musulman. Si les musulmans de France s'intègrent plus qu'on ne croit, il faut le confirmer par d'autres indicateurs que les mariages mixtes : un jeune Français issu de l'immigration qui épouse sa voisine de palier étudiante en jean moulant , c'est un mariage franco-français; s'il préfère , comme cela se fait de plus en plus, aller chercher au bled une cousine vierge, c'est un mariage mixte ! Lequel intègre mieux ?

Les musulmans de France, qui avaient voté à 90 % Hollande , se sont abstenus massivement aux municipales, révulsés par le mariage unisexe et l'ambigüité des socialistes à leur égard. Seule la maladresse insigne de l'UMP - qui vient d'organiser un bien inutile colloque sur l'Islam -, pourrait empêcher qu'ils finissent à la droite modérée.

Dommage car c'est de ce groupe désormais central de la politique française , qui va de DLF au MODEM en passant par "les Républicains" , que dépend l'issue du dilemme justement posé en conclusion par Emmanuel Todd: une confrontation suicidaire excitée par l'ultra-laïcisme ou un compromis fondé sur l'acceptation, dans les limites de la paix civile, du fait religieux.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:10

APRES LE REFERENDUM IRLANDAIS, LA FRANCE EN PREMIERE LIGNE

Apprendre la veille de la Pentecôte que la très catholique Irlande avait approuvé à une large majorité le mariage homosexuel n'a pas réjoui ceux qui se sont battus en 2012 et 2013 contre la loi Taubira, spécialement ceux qui espèrent, à la faveur d' un changement de majorité, une abrogation de cette loi.

Il y a à ce vote des raisons propres à l'Irlande : l'Eglise catholique y a certes été très influente dans le passé mais elle s'est trouvée ravagée plus qu'ailleurs par des problèmes de pédophilie ( nous prenons l'expression courante bien que ce qu'elle désigne soit plutôt de l'ordre de l'eros que de la philia !) et ne se caractérise pas par une vitalité intellectuelle à même de renouveler des argumentations souvent poussiéreuses.

Mais il faut situer ce référendum dans son contexte international. L'année 2013 a été décisive non seulement parce que la France a voté la loi Taubira, mais aussi parce que la cause dite "gay" a fait des progrès décisifs, en partie sous l'influence du vote français, aux Etats Unis d'abord, dans le reste du monde ensuite. Aux Etats-Unis, seuls une dizaine d'Etats avaient légalisé ce type de mariage; les autres résistaient. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une poignée à résister et on dit que la Cour suprême va prochainement leur en retirer le droit.

Parallèlement, l'ONU fait des pressions insensées sur les petits pays du Tiers monde encore réticents.

L'ampleur de la pression mondiale en faveur du mariage homosexuel se meure au nombre de multinationales comme Goldman Sachs, Google, Microsoft, Disney, Coca Cola , 278 au total, qui sont intervenues auprès de la Cour suprême , comme le droit américain le permet, en tant qu'amici curiae pour qu'elle rende obligatoire ce mariage. A voir les puissants de ce monde ainsi mobilisés, on se demande comment un Mélenchon peut encore imaginer qu'il s 'agit d'une cause de gauche !

Dans un tel contexte, ce n'est pas un petit pays comme l'Irlande (4,6 millions d'habitants), très lié aux Etats-Unis, à l'économie aujourd'hui largement ouverte, membre d'une Union européenne qui elle même promeut l'idéologie libertaire, qui pouvait résister. Elle avait déjà essayé avec le traité de Lisbonne ; en vain.

Mais on aurait tort de penser que l'affaire est close. Marier des homosexuels n'est pas d'abord une affaire de morale; c'est une injure à la raison , notamment au vu d'un milliard d'années de reproduction sexuée et d'un million d'années d'histoire humaine. On dira qu'il est parfaitement improbable les grands pays occidentaux, désormais engagés, reviennent dessus . Tout aussi improbable, dirons-nous, qu' apparaissait la chute du communisme en 1980.

Il y a peu de chances en effet que le paradigme idéologique sur lequel nous vivons sur ce sujet comme sur d'autres, dure éternellement.

Mais d'où viendra le signal , nous ne dirons pas de la marche arrière mais du retour à la raison ? Quel autre pays que la France pourrait le donner ?

La France s'est déjà singularisée par le fait que face à ce vent mondial de folie qui a emporté peu à peu tous le pays avancés, elle seule a tenté de résister. Près d'un million et demi de manifestants se sont levés pour faire barrage à la loi Taubira . Il s'en est fallu de très peu qu'ils empêchent son adoption - nous ne disons pas son vote car le décompte des voix au Sénat n'a jamais été fait et tout laisse supposer que l'adoption dans le désordre et à main levée fut une manipulation. Cette résistance a frappé le monde entier. Personne ne l'attendait d'un pays connu pour sa liberté de mœurs, mais dont on avait oublié qu'il était aussi celui du bon sens cher à Descartes.

Et les lobbies savent bien qu'après La Manif pour tous, rien ne sera plus comme avant pour eux : la désaffection des Gay pride est un signe.

La France ne s'est pas seulement distinguée par sa résistance à la déraison. Elle est aussi le seul pays d'Europe dont la population se renouvelle encore (avec l'Irlande qui est en train de décrocher, comme les Etats-Unis ) . Certes l'impact démographique de l'homosexualité est infime mais son impact culturel ne l'est pas : il ne fait pas de doute qu'il y a un lien entre sa promotion et la récession démographique. En maintenant un taux normal ( ou presque ) de fécondité et cela grâce à tous ceux qui ont fait la Manif pour tous, la France montre, qu'on le veuille ou non, la voie du redressement au reste de l'Europe, qui doit le montrer au reste du monde.

Construction idéologique s'il en est, le mariage unisexe est soumis comme tout ce qui est idéologique au principe de château de cartes : il suffit qu'on en enlève une pour que l' édifice s'effondre. Si, faute d'être abrogé , l'édifice bâti par Mme Taubira se trouvait altéré ( réécrit !) de quelque manière, cela suffirait à montrer qu'il n'y rien d'irréversible dans le courant qui semble emporter l'humanité. En montrant que l'histoire n'est pas à sens unique, notre pays aurait rempli sa mission historique.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:08

REFORME DU COLLEGE : POURQUOI LE POUVOIR SOCIALISTE NE LACHE RIEN

Comment les enseignants qui ont manifesté contre la réforme du collège - et bien d'autres - ne seraient-ils pas choqués par la manière dont Najat Vallaud-Belkacem, en plein accord avec Hollande et Valls , l'a passée en force en promulguant le lendemain même de la journée nationale de protestation les décrets correspondants ?

Ce refus du moindre compromis est caractéristique de l'actuel gouvernement socialiste. Il contredit la manière dont la gauche d'autrefois , celle de Blum, de Mollet, de Mitterrand, faisait de la politique, acceptant presque toujours après une concertation avec d'autres forces politiques ou sociales, des compromis .

La gauche à laquelle nous avons affaire, que l'on croit à tort modérée en raison de ses positions politiques et sociales, est en réalité la plus fanatique que nous ayons jamais eue.

Les idéologues ne transigent pas

C'est le propre de l'idéologue de ne jamais transiger dès lors que rien ne l'y contraint . Avant la réforme du collège, on avait eu l'exemple de la loi Taubira instituant le mariage entre personnes du même sexe, que Frigide Barjot s'était imaginé en vain faire amender par la pression de la rue. Mitterrand disait : "au-dessus d'un million de manifestants, il faut arrêter " - comme il l'avait fait avec l'école libre - . Hollande, lui ne s'est pas arrêté. Pas davantage Marisol Touraine ne renonce à son projet de généraliser le tiers payant , prélude à la fonctionnarisation de tout le système de santé.

S'il arrive que les idéologues fassent des compromis , leur but final n'est pour eux que partie remise: Lénine disait "deux pas en avant, un pas en arrière". C'est ainsi que le gouvernement a accepté certains amendements à la loi Macron , même si l'objectif ultime demeure de briser les professions réglementées , symbole des classes moyennes françaises. Voulant réduire de moitié le nombre de régions , il s'est contenté d'un tiers, déjà satisfait que l'opposition accepte le principe de ce projet parfaitement inutile. Le but demeure de faire éclater la France en cinq ou six grandes régions qui traiteraient directement avec Bruxelles : dès lors que la brèche est ouverte, il sera toujours temps de l'agrandir.

Il n'y a pas de compromis possible sur les réformes idéologiques parce que leur but n'est nullement, comme on se l'imagine, de résoudre un problème ; il est d'appliquer un principe abstrait , généralement simplificateur, à la réalité.

Nous n'avons pas affaire en l'espèce à de grandes idéologies systémiques. Seulement des idées fixes propres à chaque ministère et qui les font aller toujours dans le même sens. Là où Bercy veut à tout prix, comme Bruxelles, libéraliser, le ministère de la santé veut fonctionnariser, l'intérieur veut fusionner ( les régions, les intercommunalités, les communes, la police et la gendarmerie etc.) et l'éducation nationale égaliser.

La méthode réformatrice est simple et à la portée d'un esprit aussi limité que celui de Vallaud Belkacem: ceux qui sont en charge de proposer des réformes partent des principaux changements qui ont été opérés au cours des dernières décennies ; ils constatent que ces changements, réforme après réforme, vont dans le même sens et , comme un élève de cinquième qui apprend la géométrie, ils prolongent la courbe pour aller un peu plus loin sur la même trajectoire .

Le latin et le grec sont en déclin; on décrète leur suppression. L'allemand est en recul au bénéfice du tout anglais : on l'affaiblit encore (au mépris de nos engagements vis à vis de l'Allemagne ). L'enseignement de l'histoire, de moins en moins chronologique et de plus en plus culpabilisant , continuera sur cette pente fatale. De même, après le pacs, le mariage homosexuel, puis la PMA, puis la GPA. A ces hégéliens au petit pied, il suffit de pousser un peu plus loin le pion sur le grand jeu de l'oie de la destruction.

Car ces réformes, toutes idéologiques, ont en commun de détruire presque tous les repères qui restent encore à la société française: le médecin de famille et le notaire étaient des repères, le département et la commune étaient des repères , venues pour celle-ci du fond des âges, les disciplines scolaires , fondées sur des savoirs, étaient des repères, de même que la mémoire nationale transmise en cours d' histoire. Tous ces repères sont arasés, de même que le sont le dimanche, la distinction de sexes ou même celle du bien et du mal dans les salles d'audience . A l'heure de la mondialisation - qui a bon dos - poser des points fixes est tenu pour obsolète.

L'idéologie est une forme de folie, mais une folie au pouvoir, dit Hannah Arendt. Les idéologues ne sont pas dangereux seulement parce qu'ils ne transigent pas mais aussi parce qu'ils se sentent investis d'une mission historique. Ils ont le sentiment que tout ce qui leur résiste, à commencer par le bon sens populaire, est réactionnaire. La rage dans laquelle la Manif pour tous avait plongé le gouvernement n'a d'égal que le mépris que lui inspirent à présent les prétendus "demi-intellectuels" qui condamnent la réforme du collège.

Le danger des majorités d'idées

Prenons garde : ainsi imbus de leur mission, de leur certitude d'être les grands prêtres d'une histoire en marche, ces gens là sont capables de tout . Les idéologues ne font pas de quartier et tous les moyens leur sont bons pour atteindre leurs fins ; c'est cette mutation de la gauche que ne semble pas avoir compris la droite . Une droite qui se situe encore dans le cadre mental d'une opposition classique pour qui toutes les bonnes volontés peuvent se conjuguer pour chercher la meilleure solution. C'est ainsi qu'elle n'a cessé depuis plusieurs mois d'offrir au gouvernement, parfois contesté sur sa gauche, des "majorités d'idées" supposées raisonnables: sur la loi Taubira qui ne serait pas passée au Sénat sans elle, sur la loi Macron, sur la réforme régionale. Ne transigera-t-elle pas aussi sur la fin de vie ? On espère que non. Confrontée à l'immense désastre de notre éducation nationale, elle s'est heureusement rebiffée sur la réforme du collège.

Les députés d'opposition ont été excessivement complaisants face à la sur le renseignement, ne concevant pas combien mettre de nouveaux moyens d'écoute et d'interception entre les mains des idéologues qui sont au pouvoir peut être périlleux pour les libertés, surtout la leur.

Face à un pouvoir de plus en plus idéologique, les majorités d'idées sont un exercice risqué : à s'y laisser prendre, l'opposition risque de donner le sentiment au public, au moment où elle est plus nécessaire que jamais, qu'elle ne sert à rien.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:07

POURQUOI UN TEL REJET DES SOCIALISTES ?

Il n'y a peut-être pas de précédent à l'ampleur du rejet qu'expriment les dernières élections européennes ou départementales à l'égard du parti socialiste aujourd'hui en place.

Il faut , pour en rendre compte, aller au-delà des explications habituelles. La crise économique ? Mais on a vu de peuples continuer à faire confiance à leurs dirigeants malgré elle. Tel ou tel scandale ? Les Français en ont vu d'autres.

La vérité nous paraît être que la population a pris conscience d'un fait essentiel et , à ce degré, sans précédent lui aussi : François Hollande et son équipe ne gouvernement pas la France. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne font rien. Ils font autre chose. Ils profitent de leur passage aux affaires, pour imposer, à peu près en tous domaines des vues idéologiques à mille lieues des problèmes réels du pays.

Gouverner, c'est chercher tout simplement le bien commun. C'est donc s'attacher à résoudre les problèmes principaux d'un peuple . Aujourd'hui ces problèmes sont clairs: le chômage, l'érosion du niveau de vie, l'insécurité, l' immigration, l'illettrisme, la perte des repères . Ces problèmes, les socialistes les connaissent mais tout se passe comme s'ils ne les préoccupaient guère ! Sur aucun sujet, ils ne donnent le sentiment de vouloir régler les problèmes réels des Français.

Chacune des réformes lancées par Hollande n'a d'autre but que d'aligner la réalité sur tel ou tel modèle idéologique.

Il ne s'agit certes plus d'un modèle idéologique compact, comme dans la défunte Union soviétique. Mais les socialistes n'ont pas pour autant abandonné toute volonté de transformer la société en profondeur. Ils ne sont pas devenus "pragmatiques" : au contraire , ils le sont moins que jamais. Mais leur projet met l'accent sur le sociétal et est au service d'une vision libérale libertaire de l'homme. Tant pis si cette vison est fausse, qu'elle repose, comme toutes les visions idéologiques, sur une vision tronquée de l'homme.

La Loi Taubira, réforme emblématique

Une réforme idéologique, c'est une réforme que personne ne demande en dehors d'idéologues très peu nombreux : c'est évidemment le cas du mariage homosexuel , principale réforme de Hollande, que personne ne demandait en dehors des groupuscules LGBT ! Et c'est une réforme qui ne résout aucun problème: très peu de gens ont utilisé les procédures ouvertes par la loi Taubira. Mais le but est de faire entrer dans le réel, par la loi, une théorie sans fondement scientifique qui est la théorie du genre.

La réforme des régions est partie elle aussi d'un idée fausse: le culte de la grande dimension dont on se figure à tort qu'elle fait faire des économies alors que c'est le contraire. Partant de là on s'est persuadé que nos régions étaient trop petites, alors que c'était faux : elles avaient peu ou prou la même dimension que dans les autres pays. Voilà encore une réforme que personne ne demandait et qui ne résout aucun problème - qui les aggravera même probablement.

La loi Macron semble au premier abord plus réaliste car elle contient, par exception, quelques dispositions qui contribueront à améliorer certaines choses, comme l'accélération des procédures de passation du permis de conduire . Mais c'est assez limité. Même si elle a une inspiration libérale qui plait à la droite , il s'agit aussi d'un ensemble de réformes idéologiques que personne ne demandait et qui n'amélioreront rien. Ainsi les notaires et les autres professions réglementées faisaient très bien leur travail et personne ne s'en plaignait. Le problème, qui n'est pas un vrai problème : leur mode d'organisation ne correspond pas au modèle d'une économie régie par la concurrence généralisée. Donc il fallait les en rapprocher. Certes, on n'est pas allé loin car les régimes d'aujourd'hui n' ont pas les moyens comme Staline , d'imposer leurs utopies en passant en force, heureusement, mais ils essayent.

La loi Touraine sur la médecine contient , elle aussi, très peu de mesures qui visent en toute simplicité et sérieux d'améliorer notre système de santé.

La volonté de généraliser le tiers payant va même à l'inverse du souci principal de l'Etat, celui de réduire les dépenses de santé. On ne prend cette mesure que pour des raisons idéologiques. Si l'on veut livrer les notaires et les pharmaciens à la concurrence , on veut au contraire fonctionnariser les médecins. Les idéologies sont , on le voit, différentes mais le but recherché est le même : la fin des professions libérales (et sans doute des classes moyennes en général) que les idéologues n'ont jamais aimées car dans libérales, il y a liberté.

Ce qui restait des dispositifs prudents de le loi Veil disparait avec l'abrogation du délai de réflexion avant un avortement. Dès son arrivée , Mme Touraine avait rétabli le remboursement à 100% de cet acte , sans tenir compte des problèmes de financement, ni que les soins dentaires ne sont remboursés, eux, qu'à hauteur de 20 %. Pour les idéologues socialistes, tout ce qui favorise l'avortement est bien , sans aucune considération de la réalité dramatique qui se trouve derrière cet acte, devenu un simple symbole de progressisme, comme les salles de shoot.

Dans le même ordre d'idées, la loi Léonetti avait réalisé un juste équilibre, salué par tous , en matière de fin de vie. Cet équilibre, sans aucune nécessité autre qu'idéologique, est remis en cause par les projets en cours.

On pourrait aussi regarder la loi Taubira de réforme de la justice en préparation. Là aussi , au nom d'une philosophie a priori ( la culture de l'excuse, la subversion de l'idée naturelle du bien et du mal et de la punition ), on tourne le dos aux problèmes des Français très inquiets au contraire de la hausse de l'insécurité.

Les projets de Vallaud-Belkacem sur l'éducation nationale continuent sur la voie fatale du tronc unique et de l'interdisciplinarité dont personne n'attend la solution des vrais problèmes de cette institution.

Malgré les idéologies disparates auxquelles se réfèrent ces réformes ( collectivisme en matière d'éducation nationale ou de médecine, ultralibéralisme en matière de professions réglementées, culte de la dimension en matière territoriale) , toutes ont le même effet de brouiller, voire détruire les repères fondamentaux des Français: la famille, les régions historiques , la commune, le bien et le mal etc. Elles auront l'effet de rendre nos concitoyens encore plus paumés, dans un monde qui leur semble devenu fou. Cela est particulièrement vrai dans le monde rural, plus secoué que le reste du pays par les réformes territoriales. C'est là que le FN progresse le plus même quand il n'y a pas de population immigrée.

L'idéologie existe depuis longtemps, il est vrai; mais elle se combine en général avec des considérations réalistes, pragmatiques . Avec le gouvernent Hollande-Vals, l'idéologie est devenue chimiquement pure, ou presque. Cela est sans précédent dans l'histoire, même dans les régimes totalitaires.

Cela tient avec la mentalité des socialistes d'aujourd'hui qui , dans la surenchère des congrès, ont perdu l'habitude de considérer la réalité en tant que telle : ils ne prennent en compte que les mots et leurs valences idéologiques. Grave déformation intellectuelle : certains tiennent même l'idéologie pour une maladie de l'esprit, analogue à la folie. Elle agit comme un virus dans le logiciel de la décision politique.

Sans pousser l'analyse aussi loin, les Français sentent confusément que quelque chose d'essentiel manque à ce gouvernement . Ils sentent très bien qu'il a d'autres préoccupations qu'eux, qu'il suit un autre logique que la recherche du bien commun, de leur bien, de la res publica, qu'il leur tourne le dos pour ne connaître que des lubies idéologiques très éloignées de leurs soucis quotidiens.

Et comme il est dans la nature des idéologues de méconnaitre la réalité, on peut craindre qu'ils méconnaissant aussi le rejet massif qui s'est exprimé lors des dernières élections, qu'ils continuent aveuglément leur politique destructrice.

Si nous étions dans un monde normal, après ces élections départementales calamiteuses pour la gauche , Valls serait renvoyé et Hollande tenterait une autre politique. Mais, sous Hollande, nous ne sommes pas dans un monde normal. Et c'est bien cela qui est inquiétant.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:06

CE POUTINE EST VRAIMENT DANGEREUX !

Le dernier numéro de La Revue , titre, ironiquement sans doute : "Poutine, l'homme à abattre" .

Il est pourtant bien certain que Vladimir Poutine empoisonne drôlement le monde !

Après 80 ans d'une démocratie exemplaire, il a établi en Russie un régime dictatorial: les élections qui lui ont permis de devenir président ont été truquées dans une province qu'il contrôlait et cela a suffi pour que son adversaire soit battu. Il dresse tous les matins la liste des ennemis politiques qui seront abattus sans jugement par les services secrets un peu partout dans le monde, même s'il s'agit de citoyens russes, grâce à des drones ou tout simplement par des tueurs. Les prisonniers politiques les plus signalés sont destinés à un traitement spécial: ils sont emmenés hors du territoire russe , dans une prison installée au Turkménistan, sur le bord de la Mer Capsienne où ils peuvent être détenus sans jugement aussi longtemps que Poutine le voudra. Avec l 'accord de ce petit Etat jadis partie prenante de l'Union, le droit pénal d'aucun pays ne s'applique. Les tortures sont autorisées sans que les juges de Russie aient leur mot à dire. Les prisonniers ne savent pas quand ils seront libérés, ni même s'ils le seront un jour.

Toujours en Russie, la police peut , au motif de lutter contre le terrorisme tchétchène , fouiller votre appartement ou vous arrêter sans mandat judicaire. Toutes les communications téléphoniques, y compris les portables, et naturellement internet sont écoutés 24 h sur 24 grâce à la complicité des sociétés privées qui les gèrent.

Non seulement le régime a transformé en vassaux tous les pays de son étranger proche, mais il tente de faire régner ses principes prétendus libéraux sur l'ensemble de la planète. Des fondations, officiellement indépendantes , en partie financées par les oligarques ou bien sur fonds publics tentent d' étendre l'influence russe jusqu'aux frontières des Etats-Unis. Ces fondations sont particulièrement actives au Mexique où , sous prétexte de programmes civiques, elles excitent sans répit l'opinion contre le grand voisin. Les services de Poutine répandent l'idée que dans ce pays ravagé par les mafias de la drogue, un politicien véreux mais proche des Russes est un démocrate; est-il par contre proche des Etats-Unis ? Alors c'est un dictateur. Bien que l'ancien président mexicain , pro-américain, ait été élu à la suite d' élections exemptes de tout reproche selon les observateurs internationaux présents, ces fondations , avec les services secrets russes, ont participé à l' organisation d'un coup d'état qui a permis de le renverser. Tout a commencé par des manifestations à Mexico sur la Place des Trois cultures où la police mexicaine a du intervenir après que des provocateurs infiltrés aient multiplié les incidents. L'arrivée de ce nouveau pouvoir insurrectionnel pro-russe est tenu par Poutine et ses sbires pour une grande victoire de la démocratie au Mexique. Maîtrisant par des relais directs ou indirects une grande partie des médias de l'hémisphère nord, Poutine est arrivé à accréditer cette fable. Dans le nouveau pouvoir installé à Mexico, des néo-nazis s'affichent sans vergogne.

Des idéologues russes ont osé écrire qu'une fois le Mexique complètement débarrassé de toute influence yankee, ce sont les Etats-Unis eux-mêmes qu'il faudra démembrer en 50 Etats indépendants dont aucun ne pourra désormais peser sur la scène internationale

On pourrait continuer l'examen des méfaits de ce dirigeant à travers le monde.

Au motif de propager son idéologie prétendu libérale, il a déclenché plusieurs guerres, particulièrement dans le monde musulman : les unes , terminées, ont abouti à plonger certains pays dans un chaos effroyable; les autres qui continuent, se traduisent par des dizaines de milliers de victimes civiles et se heurtent à une résistance populaire dont on peut penser cependant qu'elle finira par avoir le dernier mot.

Très curieusement, les Russes appuient presque toujours dans cette région les musulmans les plus extrémistes, dits islamistes, au risque de ne plus maîtriser les monstres qu'ils ont fait émerger.

Leurs expéditions militaires coutent cher. Les dépenses militaires considérables qu' elles représentent sont assurées par l'émission de roubles que, grâce à sa puissance militaire , la Russie oblige presque tous les pays de la planète à accepter comme monnaie internationale.

Les 16 services de renseignement au service du dictateur traquent tout ce qui pourrait se dire dans le monde intéressant les intérêts , y compris économiques, de la Russie. Dans des pays de vieille culture démocratique comme ceux de l'Europe occidentale, ils entretiennent à grands frais des réseaux d'influence qui tiennent les grands organes de presse . Seules des feuilles marginales à petit tirage osent dénoncer ces agissements. Tous les hommes politiques de gauche ou de droite sont fichés, leurs faiblesses connues de telle manière que tous soient sensibles à de pressions au cas où des décisions intéressant les intérêts de la Russie viendraient à être mises au vote.

Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de jouer sur le chantage. Certains sont sensibles à l'argent. Mais la plupart s'inclinent devant l'air du temps, le sentiment qu'il n' y a rien à faire contre la puissance dominante. Le temps de la servitude volontaire semble venu.

Poutine, ne rencontrant pas dans le monde d'autre rival que les Etats-Unis a décidé de prévenir toute attaque qui pourrait venir d'eux en obtenant de Etats qui voisinent avec son grand rival , comme le Canada, qu'ils installent sur leur territoire des radars particulièrement sophistiqués et des batteries de missiles susceptibles de réagir immédiatement sur le territoire des Etats-Unis en cas d'attaque imprévue. Ils ne toléreraient naturellement pas que les Etats-Unis fassent de même dans leur voisinage immédiat, que d'ailleurs ils ne contrôlent pas.

Nul doute que la Russie représente aujourd'hui le principal danger pour la paix et pour la liberté du monde et qu'il est urgent de se débarrasser de Poutine.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:05

PHILAE : L'EUROPE QUI MARCHE , LE CONTRAIRE DE CELLE DE BRUXELLES

Le magnifique exploit de la sonde Philae , déposée sur la comète Churiomov, le 12 septembre dernier a été mis par les européistes , François Hollande en tête, à l'actif de la construction européenne.

C'est exactement le contraire.

Si cette belle réalisation a eu lieu, c'est parce que l'Agence spatiale européenne dont elle émane n'a rien à voir avec la commission de Bruxelles qui dirige l'Europe institutionnelle. Cela pour plusieurs raisons.

D'abord parce que la coopération spatiale est une coopération pragmatique qui ne s'inscrit dans aucun projet transcendant de construire une entité politique nouvelle , tandis que toutes les institutions européennes classiques, y compris la monnaie unique, s'inscrivent, elles, dans un plan d'ensemble dont l'aboutissement est que tous les Etats de l'Europe de l'Ouest se fondent dans un seul.

De ce caractère pragmatique, découle le second trait propre aux projets spatiaux: la coopération sur laquelle ils se fondent a un caractère purement thématique. Elle est, comme son nom l'indique, une agence interétatique dont les partenaires ont un but unique et concret: développer la conquête spatiale au nom de l'Europe et rien d'autre.

Le troisième caractère est qu'il y a ou qu'il y a eu un pays leader qui était la France . La France a pris les premières initiatives en la matière , en lançant l'industrie européenne des vecteurs illustrée à partir de 1973 par la série Ariane. Elle a élargi son assise à tous les pays d'Europe qui voulaient bien contribuer. Mais elle demeure , de fait, en position domiannte dans le projet. Depuis longtemps la propension de la France belle et généreuse est de partager son savoir faire avec les autres pays du continent sans qu'on lui propose jamais à notre connaissance , de contrepartie.

Ces trois conditions du succès: pas d'idéologie, une action thématique spécialisée et un pays leader se trouvent dans une autre grande réalisation européenne, le programme Airbus.

On pourrait en dire autant du CERN à Genève, abusivement mis lui aussi, après la découverte du boson de Higgs, à l'actif de ce que ces gens appellent l'Europe sans préciser laquelle.

Rien à voir avec la commission de Bruxelles

La séparation entre ces activités et de celles de commission de Bruxelles est claire. Elle l'est encore plus si on regarde les résultats. Au temps de l'Union soviétique, les observateurs du communisme disaient que tout ce qui était pollué par l'idéologie ( "construire le socialisme" ) échouait et que ce qui n'échouait pas , c'était précisément ce qui se trouvait en dehors de idéologie ( la conquête spatiale déjà ou les marchés kolkhoziens, par exemple). Il n'y avait à cette règle aucune exception.

C'est exactement la même chose dans la prétendue construction européenne. De tout ce qui se rattache au projet idéologique d'abolir un jour les nations, et donc qui entre dans la dépendance de l'organisation qui est chargée de réaliser ce projet grandiose, la commission de Bruxelles et ses services, il ne sort rien de bon . Exemple: le projet Galileo dont le piétinement contraste avec les succès de Rossetta et Philae.

Et on peut même dire, avec une certaine radicalité, que toutes les initiatives européennes qui sont prises en dehors de cette mécanique idéologique, comme dans la défunte URSS, sont des succès !

Tirons de ce constat deux conclusions : d'abord qu' un fort besoin de coopération européenne existe puisque tout ce qui s'en inspire réussit pour peu que l'idéologie ne s'en mêle pas. Ensuite que toute initiative européenne n'est pas bonne. Il en est qui sont des impasses : la lourde mécanique de Bruxelles ou encore l'euro en sont des exemples. Ces échecs sont liés au parasitage de projets concrets par une idéologie venue se substituer au pragmatisme. Il est temps de s'en rendre compte pour redémarrer la coopération européenne en tous domaines sur des bases assainies, les mêmes que celles de l'Agence spatiale.

Roland HUREAUX

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 20:04

L'OPPOSITION DOIT S'OPPOSER

L'UMP n'a pas cédé à la tentation de voler au secours du gouvernement pour lui permettre de faire voter malgré la défection d'une partie de socialistes la loi Macron sans passer par l'article 49-3.

Heureusement.

Parmi les raisons qui ont conduit au résultat désastreux de l'élection partielle de Montbéliard figure sans doute l'oubli de ce principe fondamental de la politique démocratique que l'opposition doit s'opposer.

Etait-il nécessaire que l'UMP félicite le présidant Hollande de la manière dont il a géré la crise consécutive au drame du 7 janvier ? Sûrement pas . D'abord parce que ce drame témoigne d'un relâchement fâcheux de la vigilance policière . Trois fanatiques , pourtant repérés, sont passés à travers des mailles d'un filet qui avait bien fonctionné depuis quinze ans : pas de quoi pavoiser pour le gouvernement Valls, qui n'a pourtant jugé utile de sanctionner aucun responsable.

La récupération de l'attentat par la communication gouvernementale a certes fait regagner au président vingt points de confiance, mais à quel prix ? L'exaltation retombée, beaucoup craignent, avec Emmanuel Todd, que cette manifestation n'ait creusé le fossé entre les communautés.

Un peu plus tôt l'opposition avait manqué une occasion de se démarquer en ne combattant pas avec toute l'énergie qu'il aurait fallu la réforme régionale, particulièrement au Sénat où elle est désormais majoritaire. Ce n'était pourtant pas difficile vue l'absurdité d'un projet parfaitement inutile dès lors que nos régions étaient déjà "de dimension européenne ", soit en moyenne aussi grandes que celle des autres pays [1]! Plus de métropole régionale entre la Loire , le Rhône , la Garonne , soit presque un tiers du territoire ! La "France périphérique" de Christophe Guilluy[2] qu' au lieu d'aider on enfonce ! C'est la négation de cinquante ans d'aménagement du territoire.

On dira que l'opposition doit savoir reconnaître ce que le gouvernement fait de bien. Cette attitude peut se justifier face à un gouvernement encore populaire dont l'opinion ne comprendrait pas qu'on ne lui laisse pas ses chances . Mais quand un gouvernement est tombé aussi bas que celui de Hollande - le redoux de l 'effet Charlie touche à sa fin - , les électeurs s'attendent à ce que les opposants expriment la colère qu'ils ressentent.

Plus grave que le relâchement serait de se tromper de cible et de considérer comme certains sont tentés de le faire à l'UMP, que le Front national est désormais l'adversaire numéro un. Ce serait lui donner le beau rôle ! En régime parlementaire, la cible de l'opposition ne saurait être que ceux qui sont aux commandes, donc les socialistes.

Il faut une doctrine

Mais pour s'opposer , il faut avoir une doctrine claire distincte de celle du gouvernement. C'est l' absence d'une telle doctrine qui la rend si vulnérable aujourd'hui à la propagande gouvernementale.

On en a vu toute l'efficacité avec la loi Macron. Elle a présenté ce projet en forme de pot-pourri ( 106 articles ! ) comme libéral et, sans y regarder plus avant, une partie de la droite l'a pris pour argent comptant. Mais de quel libéralisme parle-t-on ? Dans la tradition de droite, le vrai libéralisme doit être tempéré de conservatisme : il recherche la liberté des mouvements mais autour d'une barre fixe ; il est certes indispensable de décrasser de temps en temps un ordinateur mais en préservant les logiciels de base.

Les soi-disant sociaux-libéraux (qui sont en réalité des libéraux-libertaires), tiennent pour du libéralisme la destruction de toute institution , surtout celles servent encore de repère à nos concitoyens : entités territoriales , corps d'Etat, famille, calendrier, école , et qu' elles ne posent pas de vrai problème comme aujourd'hui la plupart des professions réglementées. Ce faisant, on ne s'attaque pas aux vrais questions , comme le chômage ou la délinquance. Qu'une gauche essentiellement destructrice se reconnaisse dans ce genre de libéralisme perverti ne signifie pas qu'elle soit passée à droite, au contraire !

Cette politique coûte cher : la gestion du changement mobilise en elle-même des ressources. Pour quel bénéfice ? Il n'y a pas d'exemple qu'une réforme de la sphère publique au cours des trente dernières années n'ait entrainé une augmentation des dépenses ! Voire un gaspillage : ne venait-on pas d'inaugurer à Clermont -Ferrand un hôtel de région de 80 millions d'euros qui ne servira à rien ! Neuf fois sur dix, ces changements, mal conçus, conduisent à une démobilisation des agents: il en faut donc plus pour remplir les mêmes missions.

Malheureusement il semble qu'une partie de la droite fonctionne avec le même logiciel idéologique que M.Macron. Danger mortel : en faisant de la surenchère sur le social-libéralisme , elle cautionne ce dernier tout en élargissant l'espace du Front national. L'anxiété que crée ce remue ménage institutionnel joue en effet un rôle important la montée de ce dernier sur ses nouveaux territoires.

La gauche a, au cours des quarante dernières années, entièrement délaissé le terrain du social et même celui du simple bon sens , pour ne faire que des réformes idéologiques. Face à cette évolution, aucune indulgence n'est permise. Chateaubriand disait que "l'opposition est un absolu". D'ailleurs, quand la gauche s'est trouvée dans l'opposition , il est rare qu' elle ait fait le moindre cadeau. Si l'UMP veut éviter de nouveaux désastres comme à Montbéliard, elle doit faire sans complaisance son travail d'opposant.

Roland HUREAUX *

* Auteur de La grande démolition - La France cassée par les réformes , Buchet-Chastel , 2011

[1] Même en relation avec l'Allemagne où 8 des 15 länder sont moins peuplées que la moyenne des régions françaises.

[2] Christophe Guilluy, La France périphérique , Flammarion, 2014

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