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Roland HUREAUX

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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:19

Le débat sur le protectionnisme a été rouvert en Europe par la crise , singulièrement la crise de l'industrie européenne, laquelle perd chaque jour un peu plus de sa substance.

Deux grands pays s'y opposent : l'Allemagne et la Grande-Bretagne, pour des raisons différentes.

L'Allemagne parce que son potentiel industriel et surtout sa capacité à contenir la hausse des coûts de production, combinés avec la facilité pour sous-traiter dans les pays à bas salaire de l'Est, lui permettent pour le moment de résister, mieux que d'autres, au choc de la concurrence asiatique . Même si certaines de ses branches industrielles, comme la sidérurgie, dépérissent aussi .

Les Allemands se gaussent volontiers des tendances protectionnistes des Français, oubliant qu'au XIXe siècle le grand théoricien du protectionnisme, Friedrich List était allemand et celui du libre-échange, Frédéric Bastiat, français ! L'industrie allemande n'aurait pu connaitre l'essor qui fut le sien au temps de Bismarck sans une solide protection douanière.

Les Anglais, eux ont une vraie tradition libérale et s'opposent au protectionnisme par doctrine; mais il faut savoir que le flottement de la livre leur permet de se défendre mieux que les autres de la concurrence.

Le débat sur le protectionnisme ne serait sans doute pas revenu à la surface sans la contrainte de l'euro: presque tous les pays de la zone euro ( sauf l'Allemagne) n'affrontent pas la concurrence internationale dans des conditions de marché normales du fait que la plupart doivent subir le handicap d' une monnaie surévaluée, un euro fort qui est sans doute à la mesure de l'Allemagne mais pas à la leur. Il est donc vain de les taxer de "frilosité" car ce dont ils pâtissent, ce ne sont pas à proprement parler de l'ouverture internationale et des lois du marché mais d'une situation monétaire artificielle qui précisément échappe aux lois du marché.

En effet, le libre-échange mondial serait beaucoup plus facile à supporter si tous les pays pouvaient le faire en ajustant en permanence ou à intervalles réguliers, leur taux de change à leur compétitivité réelle, cette compétitivité ne résultant pas seulement de leur potentiel industriel et de la qualification de leur main d 'œuvre mais aussi de leur capacité à contenir l'inflation intérieure.

Rétablir l' équilibre extérieur est toujours possible si la variable monétaire est maîtrisée

Dans quelque situation qu'un pays se trouve sur le plan de ses échanges extérieurs, un changement de parité pourra toujours lui permettre de rétablir l'équilibre : une réévaluation de sa monnaie s'il est excédentaire, une dévaluation s'il est déficitaire.

Et de fait, le meilleur taux de change est sans doute celui qui permet tout simplement à chaque pays d'avoir des comptes extérieurs en équilibre

Ces ajustements peuvent certes être douloureux: une dévaluation renchérit le coût des produits importés, en particulier le pétrole, et donc , à très court terme, diminuera le pouvoir d'achat. Mais il ne s'agit là que d'une opération vérité : une monnaie surévaluée donne toujours aux habitants d'un pays une rente imméritée - ayant pour contrepartie le ralentissement de la croissance et le chômage. La dévaluation, dans ce cas, n'est qu'un retour au réel, douloureux mais nécessaire. Et d'autant plus facile à supporter qu'elle se traduira presque toujours à brève échéance ( six mois environ) par une relance de l'économie .

C'est dire que si tous les pays retrouvaient une pleine liberté de fixer leurs taux de change ( nous réservons le cas particulier des Etats-Unis qui ne sont pas tenus, du fait du rôle particulier du dollar, d'équilibrer leurs échanges extérieurs ) , les protections douanières ne seraient pas nécessaires, en tous les cas pour maintenir les grands équilibres. Un glissement de la monnaie leur permettrait de vendre moins cher sur le marché mondial et donc à la fois de vendre plus et de maintenir certains secteurs menacés, au moins ceux qui se trouvent proches du seuil de compétitivité.

Il est fréquent que ceux qui se plaignent du tout-marché, ont en réalité, si l'on regarde bien, à se plaindre en réalité des entorses au marché. La logique du marché exige souvent, pour être pleinement efficace, d' être poussée jusqu'au bout. Les Français trouveraient la mondialisation plus "heureuse" si le taux de change de leur monnaie (qui ne serait donc plus l'euro) était fixé , lui aussi, par le marché , ce qui n'est pas le cas , on le sait, dans le cadre contraint de l 'euro.

Si le protectionnisme n'est pas nécessaire à l'équilibre des échanges extérieurs, il peut l'être en revanche à un Etat qui voudrait protéger certains secteurs stratégiques.

Le rééquilibrage des échanges au moyen d'une dévaluation peut se faire par le dopage de certaines productions de faible niveau technique ( par exemple les produits agricoles ). Mais il n'est pas incompatible, en théorie, avec le sacrifice de certains secteurs prometteurs mais insuffisamment développés qui , même avec une monnaie dévaluée, ne sont toujours pas compétitifs. Il est alors normal que la puissance publique, par souci du long terme, veuille protéger ceux-ci par des mesures adaptées : droits de douane ou contingents .

Un autre motif de protection particulière, dont il faut bien dire qu'il n'a hélas pas beaucoup préoccupé nos gouvernants depuis trente ans, est le maintien de certains savoir-faire qui risquent de disparaître si les branches concernées s'évanouissent complètement. Il ne faut pas insulter l'avenir en passant trop vite à la trappe ces savoirs. Il n' aurait pas été inutile par exemple de conserver , comme témoin du passé et précaution pour l'avenir, une ou deux mines de charbons sur le territoire français. De même qu'on ne saurait imaginer que la France abandonne complètement toute activité sidérurgique, ce qui est aujourd'hui un risque plus que sérieux.

Nous n'ignorons pas que les règles tant de l'OMC que du Conseil de la concurrence de l'Union européenne s'opposent à de telles politiques sectorielles et même à toute politique industrielle, ce qui est regrettable.

Il y a encore d'autres raisons de faire quelques exceptions au libre-échange , par souci d'aménagement du territoire et d'équilibre régional. Malheureusement, la pression internationale et l'impéritie de nos gouvernements tend à ce que ces préoccupations soient aujourd'hui perdues de vue au point que la France, vieux pays agricole s'il en est, pourrait un jour prochain n'avoir plus d'agriculteurs.

Le libre-échange et la protection ne sauraient, quoi qu'il arrive, être tenus pour des absolus. Ce sont les touches d'un clavier sur lequel chaque pays doit jouer la partition qui lui semble la plus propice à son intérêt national, à court terme mais aussi à long terme.

Novembre 2014

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13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:16

Le rapprochement qui s'est opéré au cours des derniers mois entre la Russie et la Turquie , dont le sommet a été la visite de Poutine à Ankara le 1er décembre dernier, étonne beaucoup d'observateurs occidentaux.

C'est cet étonnement qui est étonnant

De nombreuses raisons justifient, que les Occidentaux soient surpris.

La Russie et la Turquie ont une longue histoire de rivalité : elles furent ennemies lors de la guerre de Crimée puis à nouveau lors de la Première guerre mondiale. La Russie a soutenu au XIXe siècle toutes les minorités orthodoxes dont l'émancipation a réduit a minima la présence turque en Europe: Serbes, Roumains, Bulgares , Arméniens. C'est la collusion entre Russes et Arméniens et qui a servi de prétexte au massacre de ces derniers en 1916.

Si, tout au long de la période communiste, Turcs et Soviétiques ne se sont jamais affrontés, la Turquie était un des membres les plus indispensables de l'Alliance atlantique abritant les fusées américaines pointées sur Moscou. Elle est encore membre de l'OTAN . Elle est candidate à l'adhésion à l'Union européenne qui aujourd'hui traite la Russie de Poutine en ennemie.

Au Proche-Orient, la Russie soutient de manière inflexible le régime d' Assad en Syrie, devenu proche des Kurdes , tandis que la Turquie , hostile aux Kurdes, soutient de manière presque ouverte les islamistes de Syrie et d'Irak .

La Russie est une grand puissance qui revendique ouvertement son héritable chrétien ( malgré une minorité de 16 % de Musulmans) , la Turquie d'Erdogan est un pays musulman revendiquait de plus en plus ouvertement l'islam comme composante de sa politique.

Cela ferait beaucoup de raisons pour que les deux pays se tournent le dos comme ils l'ont fait depuis longtemps . Et autant pour que les Occidentaux s'étonnent du rapprochement diplomatique récent.

Ce rapprochement choque particulièrement les Occidentaux qui ne conçoivent plus de diplomatie qu'idéologique. Il y a les bons, qui pensent comme nous et les méchants qui sont en face. La Turquie, membre de l' OTAN tan a longtemps été tenue pour un "bon", la Russie l'est de plus ne plus comme un "méchant" .

Constatant ces divergences, certains observateurs chercheront entre la Russie et la Turquie des ressemblances, puisque il faut, à leur gré, que seul ce qui se ressemble s'assemble.

On dira ainsi que ce sont deux dictatures et même horresco referens , deux dictatures religieuses.

Vision contestable car Ni Poutine ni Erdogan ne sont à proprement parler de des dictateurs , du moins pas encore. Ils ont été , quoi qu'on dise, élus démocratiquement, même si tous les deux ont bénéficié d'une popularité de type unanimiste auprès d'une population sensible aux sirènes du nationalisme et propre à se rallier au chef. Tous deux se heurtent dans leur capitale, surtout , à une opposition occidentaliste minoritaire. Le caractère religieux des deux régime ne saurait être mis sur le même plan. Nul prosélytisme chez Poutine simplement un attachement à l'héritage de la Russie éternelle, dont l'Eglise orthodoxe, malmenée par le régime communiste, est une composante jugée aujourd'hui essentielle, alors qu'Erdogan a rêvé et rêve peut-être encore de convertir l'Europe à l'Islam. Si l'Eglise orthodoxe est honorée par le pouvoir russe , les Russes conservent une totale liberté religieuse ; on ne saurait en dire autant des minorités chrétiennes de Turquie, pays où des prêtres sont régulièrement assassinés . Sans que la Turquie ait encore adopté la charia , qui punit de mort l'homosexualité, l'islam fait de plus en plus sentir sa férule. Poutine s'est contenté, lui, d'interdire la Gay pride et la propagande homosexuelle auprès des mineurs. Mais nous ne pensons pas que ces convergences que l'on découvre aujourd'hui soient vraiment décisives.

L'étonnement des Occidentaux devant ce rapprochement est d'autant plus étonnant que le comportement de Poutine et d'Erdogan n'a rien de mystérieux : il est tout simplement de la diplomatie la plus classique.

Et c'est cela, bien plus que le régime politique ou religieux, qui rapproche fondamentalement Poutine et Erdogan et les sépare de la majorité des chefs d'Etat occidentaux.
Une diplomatie classique, c'est une diplomatie qui ne se préoccupe que de l'intérêt national, hors de toute considération idéologique ou même de différends anciens qui pourraient subsister ici ou là.

L'intérêt national cela veut dire que les considérations idéologiques sont écartées quand il y a des convergences d'intérêt , même partielles. Et elles sont toujours partielles.

Cela veut dire aussi que le pays ne se trouve lié à aucun partenaire par un système d'alliance exclusif et permanent, qu'il peut s'émanciper à tout moment de ses alliances, partiellement aussi, dès lors qu' un nouvel intérêt est en jeu: en traitant avec Poutine, Erdogan s'émancipe ainsi de son appartenance à l'OTAN.

Cette manière de faire de la diplomatie suppose évidemment que si les circonstances changent, les alliances peuvent changer. Un proverbe arabe ne dit-il pas " Traite ton ennemi comme s'il pouvait devenir ton ennemi ; traite ton ennemi comme s'il pouvait devenir ton ami." ?

Cette conception de la diplomatie fut la dominante jusqu'au milieu du XXe siècle, jusqu'à ce que les Américains, dans le contexte de la guerre froide, imposent une conception purement idéologique et unilatérale, fondée sur des alliances exclusives et pérennes.
Le général de Gaulle , pleinement adepte de la conception classique, se révolta contre l'exigence américaine. Il est également révéré à Moscou et à Istanbul

Entre Moscou et Istanbul, les intérêts communs ne manquent pas , notamment ceux qui viennent de la proximité et de la compémentarité énergétique. La Russie regorge de pétrole et de gaz, la Turquie, en plein développent en manque.

La déception vis à vis de l'Union européenne les réunit aussi : la Turquie voit le perspectives d'adhésion s'éloigner, tandis que la Russie, qui aurait voulu coopérer avec l'Europe de l'Ouest voit , avec amertume , les Européens de l'Ouest, en tous les cas ceux qui prétendent les représenter , de plus en plus hostiles.

Moscou et Istanbul ont également des intérêts communs en Asie centrale où cinq républiques sont à la fois turcophones et anciennes composantes de l'Union soviétique.

Un commun intérêt qui ne risque pas immédiatement de tourner à la rivalité, autant que d'autres puissances ( Chine, Etats-Unis) lorgnent aussi sur elles.

Mais les deux parties savent que les divergences d'intérêt demeurent.

Cette conception de la diplomatie est d'autant plus évidente qu'elle qui a prévalu depuis que le monde est monde. Elle domine en particulier en Europe à l'époque moderne , au temps du "concert des nations" . Elle est bien sûr aussi celle des puissances émergentes de ce monde : Chine, Inde, Pakistan, Brésil , en fait de toute le monde, Etats-Unis compris, saut de l'Europe occidentale.

L'universalité de ce modèle diplomatique fait que le rapprochement de Moscou et d'Ankara ne devrait pas nous surprendre. Qu'il étonne certains Européens est le signe de l'isolement qui est désormais le leur , étroitement prisonniers qu'ils sont d'alliances qui semblent avoir absorbé toute leur liberté de manœuvre . Poutine et Erdogan sont normaux, les Européens de l'Ouest ne le sont plus.

Roland HUREAUX

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 15:23

 

Le président François Hollande devait décider fin novembre s'il livrera  les Mistral à la Russie, la décision peut-être la plus importante de son mandat. Il ne l' a pas fait. Ouf ! Au  gré de ceux qui l'ont   vu à  l'œuvre en Corrèze, décider est  qu'il il déteste le plus !

Les données du problèmes sont connues. La France a déjà  reporté  la livraison de ce   bâtiment prévue en août. La Russie pourrait, en cas de  retard,  tenir   le contrat pour  caduc : il faudrait alors rembourser le prix des deux  porte-hélicoptères, plus d'un milliard d'euros,  et   verser les lourdes pénalités  que prévoit le droit international en cas de défaillance.

Mais de l' autre côté, la France est soumise à une très forte pression des Etats-Unis et de certains de ses partenaires ( Royaume-Uni et Allemagne en particulier) pour ne pas les livrer en raison de la tension qui règne entre l'OTAN et la Russie et en cohérence avec la politique de  sanctions.

S'il exécute le contrat,  Francois Hollande , dont l'alignement atlantiste  a été jusqu'ici sans faille  (plus encore plus  que celui de Sarkozy qui avait signé le contrat), se trouvera livré à la vindicte  d'alliés particulièrement remontés.  Ce fort en thème perdrait son rang de  meilleur élève de la classe atlantique  qu'on  lui reconnait aujourd'hui à Washington.

S'il renonce à  l'exécuter , et il suffirait sans doute du moindre regain de tension en Ukraine,  pour lui offrir un alibi ,  non seulement la France , dont l'économie est déjà affaiblie,  aura à en payer le prix , mais elle apparaîtra comme un  partenaire  peu fiable , ce qui ruinerait toute perspective de vendre des armes  ailleurs   et mettrait en particulier en péril le marché  en négociation de 126 Rafale à l'Inde. L'énorme marché d'Alstom sur le transsibérien serait également plombé.  Pire :  son inféodation aux Etats-Unis apparaitrait de la manière la plus fragrante  à la face du monde. Qui serait alors intéressé à traiter  avec  un pays qui , encore plus que la Grande-Bretagne,  apparaîtrait comme  le  51e Etat des Etats-Unis ? La France subirait une dégradation de sa note diplomatique   aux conséquences au moins aussi  lourdes à terme que   celle  de sa  note économique par   les agences de notation.

Cet alignement apparaitrait d'autant plus humiliant que, n'en doutons pas, il  irait  dans le sens des vrais desseins des Etats-Unis et de nos partenaires,  qui ne sont  pas d'abord en l'espèce d'affaiblir la Russie ( le marché en cause n'est  pas si stratégique qu'on le prétend !) mais la France. Le Royaume-Uni cache à peine sa jalousie  de ne pas avoir bénéficié d'un tel  marché.   L'Allemagne trouve amer, au moment où on l' oblige à prendre malgré elle des sanctions lourdes à l'égard de la Russie,  partenaire commercial essentiel,   qu'  au même moment, la France   livre à ce pays du matériel militaire . D'autres pays européens , contraints  eux aussi aux sanctions, ne pensent pas différemment.  Les Etats-Unis n'ont jamais accepté que la France demeure , malgré le rabotage continu de ses  crédits de défense , une puissance militaire capable de lui faire de temps à autre concurrence sur le marché de l'armement. Tous triompheraient sans nul doute de voir notre pays  rentrer dans le rang. Les Américains  auraient  en sus le bénéfice d'enfoncer  un  coin définitif entre la Russie et la France au moment où les Français se rappellent de plus en plus qu' elle est notre partenaire historique.   C'est parce qu'il est très conscient de cette donnée que Poutine est patient. La rumeur a  couru qu'il avait fixé un ultime délai au 30 novembre; cela a été démenti.

 

La légitimité se gagne à l'international

 

Mais le sentiment d'inféodation que donnerait la renonciation aurait aussi des conséquences très lourdes pour  François Hollande sur le plan intérieur.

Il  s'attirerait ainsi  la rancune et le mépris  des centaines d'ouvriers des chantiers navals de Saint-Nazaire à l'œuvre depuis plusieurs  années  pour  exécuter ce marché , dont ils sont fiers.   Mais, par effet de proximité, c'est sans doute tout l' Ouest, la plus récente des conquêtes du parti socialiste  qui se détourerait définitivement de ce parti.

Même si les sondage ne le  disent pas,  car ces phénomènes ne sont pas toujours conscients ,  le ressort le plus profond de la légitimité se trouve  dans la sphère internationale.  De Gaulle le savait  le 18 juin 1940  : il était libre , le maréchal ne l'était pas  ; lui seul  pouvait dès lors parler au nom de la France. Même pour  ceux qui trouvaient bonnes les réformes du régime de Vichy (il y en avait !),   Pétain restait, comme le dit Gaston Fessard, le "prince esclave".

Le contraire de ce qu'était alors  l'alignement sur l'Allemagne, ce n'est pas l'alignement  sur les Anglo-Saxons , c'est  l'indépendance !

De nombreux exemples montrent le lien entre politique internationale  et légitimité .   En  France, la Commune a suivi  la défaite de 1870 ; en Russie, les révolutions de 1905 et celle de 1917 , voire celle de 1990,  suivirent de graves  revers militaires.

Il y a sans nul doute un rapport profond  entre le discrédit général de la classe politique en Europe occidentale et la soumission  de la plupart des gouvernements aux Etats-Unis .

Si malgré les difficultés  économiques de  son pays,   Poutine   jouit aujourd'hui  d' un taux de  popularité de  85 %  ( à comparer aux 15 % de Hollande), c'est parce que les  Russes ont le sentiment qu'il défend la Russie.

Ces 15% ne sont pas un socle   incompressible :  s'il ne livrait pas les Mistral, Hollande tomberait  encore plus bas. La véhémence d'un  Mélenchon,  très remonté par cette affaire, trouverait  beaucoup d' échos à gauche. 

Et   tout pourrait alors  arriver . Si Hollande décidait de ne pas  honorer la commande russe,  on peut penser  qu'il aurait accepté le risque  de ne pas  terminer son mandat. 

 

                                                                                              Roland HUREAUX

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:46

 

Publié dans Atlantico

 

 

 

1) Manuel Valls a donné un discours devant 4000 maires réunis au sein de l'AMF, et François Hollande a d'ores et déjà annoncé vouloir appuyer la démocratie participative locale, une mesure a priori populaire. L'élu local reste, de loin, celui qui a la meilleure estime des citoyens et qui fait office de rempart face à certaines dérives ou à un éloignement excessif des processus de décision. Pourquoi la commune réussit-elle là où les autres ont échoué ?  

 

Il faut se méfier des idées reçues. Le maire :  seul élu ayant une bonne cote, dit-on - et disent les sondages. Oui, mais dans sa ville ou son village, on n'en dit généralement pas du bien tous les jours. Qu'il soit bon ou mauvais, cependant, le fait qu'on le voie crée un attachement affectif. Des gens de Villeneuve-sur-Lot m'ont dit que si Jérôme Cahuzac s'était représenté aux municipales, il serait repassé. Dans son domaine propre , qui lui laisse une vraie marge de manoeuvre, le maire  peut , plus que d'autres, faire prévaloir le bon sens. Je ne vois pas en revanche comment il peut protéger ses concitoyens de la folie bureaucratique qui règne à d'autres niveaux et devant laquelle il se trouve , comme nous tous,  impuissant, voire désemparé.

Je pense aussi qu'il ne faut pas idéaliser le maire. Un peu partout se sont mises en place des bureaucraties municipales. Certains maires médiocres ou peu inspirés sont à leur botte ou à celle de tous les consultants spécialisés qui prolifèrent aujourd'hui autour du pouvoir municipal . La différence du maire avec les autres élus, c'est qu'il peut se faire prendre à partie pour telle ou telle décision, au bistrot ou  dans la rue.   Les moins bons réagissent en technocrates :  " voyez mes services , ou " c'est comme cela, je n'y peux rien".  Certains essayent d'aller au-delà mais le citoyen est quand-même content d'avoir pu parler à quelqu'un.

 

 

 

 

 

 

2) Pourquoi les autres députés "locaux" (comme les conseillers généraux, ou même les députés qui bien que n'étant pas élus locaux sont souvent abusivement considérés comme tels) n'ont-ils plus les moyens de jouer le rôle de contre-pouvoir ? 

 

Je ne crois pas que ceux dont vous parlez aient jamais été des contre-pouvoirs. Mais il est vrai que les logiques technocratiques sont de plus en plus strictes et de plus en plus contraignantes, en matière d'urbanisme par exemple. Pour ce qui est des élus nationaux, les contraintes européennes et la prolifération des autorités indépendantes ( CSA, CRE pour l'énergie, ART pour les communications, Comités d'éthique etc.) auxquels ils ont abandonné leurs pouvoirs, leur lient de plus en plus les mains.

 

3) Médias, syndicats, corps intermédiaires, organes de contrôle, les sondages indiquent tous qu'ils subissent un niveau de défiance élevé. Quels sont aujourd'hui les contre-pouvoirs qui faillissent à leurs missions ? (détailler ici pour les médias, les syndicats, la cour des comptes, l'opposition, etc...)

 

A peu près tous les pouvoirs et contre-pouvoirs sont disqualifiés, en particulier la justice ( le 3e pouvoir ! ) et la presse ( le 4e). La Cour des comptes n'a pas mauvaise réputation mais elle a la partie facile , n'ayant qu'à critiquer ,  et elle  a le sens de la communication. Pour la connaître de près, je pense qu'elle pourrait cependant faire mieux.

Le fond du problème  est double :

- la perte d'indépendance de nos décideurs au bénéfice l'instances internationales, pas seulement européennes : à quoi sert un député que l'on a élu pour commander et qui ne fait qu'obéir  ?

- l'imprégnation générale par des idéologies, non pas globales, mais sectorielles , comme à l'éducation nationale, si puissantes que personne n'ose s'y opposer et qui s'imposent d'un bout à l'autre de la chaîne de commandement si j'ose dire, presse incluse.

Ceux qui gouvernent la cité doivent être libres pour pouvoir servir les intérêts des citoyens. S'ils ne le sont pas, les gens le sentent et les méprisent.

  

4) Dans quelle mesure la "consanguinité" de ces élites et par conséquence son manque de prise avec le réel participe-t-elle de ce phénomène ?

 

Très peu. Depuis les origines de l'histoire, les élites ont été consanguines comme vous dites, ce qui ne les empêchait pas d'avoir du bon sens et du courage. Si vous voulez dire qu'en allant  chercher  des homi novi comme on disait à Rome, des chefs  d'entreprise par exemple, ça sera mieux, vous vous trompez. Ces nouveaux venus sont souvent plus technocrates que les technocrates! Il y a cependant une part de vrai dans ce que vous dites : dans les cercles parisiens dirigeants où se retrouvent des politiques, des hauts-fonctionnaires, mais aussi de grands journalistes, règnent des préjugés très enracinés et faux qu'il est très difficile de changer. Par exemple que les petites communes étaient source de gaspillage et d'inefficacité ou que les länder allemands sont, eux,  source d'efficacité. Ces préjugés sont à l'origine de réformes désastreuses . C'est l'orgueil et la suffisance de ces gens, leur esprit panurgique  aussi,  qui les rend inaccessibles  à des arguments allant en sens inverse.

 

5) Quelles en sont les autres raisons ? 

 

Peut-être le recul d'un héritage culturel, issu aussi bien du christianisme que des Lumières,  qui valorisait l'esprit de résistance, fut-ce sur des posions isolées. Faute de cela, prévalent le conformisme, l'acceptation, la résignation, le manque de courage : tout le monde voit  que le roi est nu mais personne n'ose le dire ! Et dans le même ordre d'idées, il y a la corruption.

 

6) Les communes aussi subissent des travers que l'on peut reprocher aux autres : lutte de pouvoir, potabilisation des élus... Ils ne sont à l'abri ni des affaires judiciaires, ni de la volatilité des électorats. Quelles réponses les maires apportent-ils à ces obstacles pour garder une cote de popularité élevée ? 

 

Nous l'avons évoqué : la proximité qui ne fait pas toujours prendre de meilleures décisions mais qui permet le contact, si j'ose dire charnel.

 

7) Quel est concrètement le pouvoir qu'a un maire aujourd'hui pour changer les choses dans sa commune, à l'époque du regroupement croissant en agglomérations ? 

 

Le maire d'une ville moyenne est en général le président d'une communauté d'agglomération et à ce titre ces deux pouvoirs se conjuguent. En matière d'urbanisme ils sont très grands, à condition qu'il ne se laisse pas enfermer dans les vues des technocrates ou des bureaux d'études.

Les maires des petites communes ont, eux , perdu beaucoup de pouvoirs et je le déplore, d'autant que les structures intercommunales fonctionnent  presque toujours à l'unanimité et donc de manière  peu démocratique.

 

8) François Baroin est devenu le président de l'Association des maires de France. Dans quelle mesure cela pourrait lui être bénéfique d'un point de vue stratégique ? En quoi cela peut-il impacter ses positionnements nationaux (et notamment son soutien à Nicolas Sarkozy) ?

 

Comme président de l'AMF , il sera tenu à une certaine réserve. Aura-t-il plus de poids s'il soutient quelqu'un ? Peut-être mais plus par son prestige que par son influence directe.

 

 

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:45

 

Parmi les idées absurdes ayant inspiré la réforme régionale  qui vient d'être votée,  est celle de  la nécessité de construire en France un réseau urbain de type allemand.

Expliquons-nous . La France possède une très grande ville : Paris   qui,  avec son aire urbaine,  atteint les  12,3 millions d'habitants .

L'Allemagne ne possède pas de métropole de cette importance.  Mais longtemps a prévalu l'idée qu'elle avait en revanche   un réseau de villes moyennes et grandes étoffé qui compensait l'absence de grande capitale  : Berlin,  Stuttgart, Hambourg , Francfort , Münich,  Cologne,  Hanovre, Düsseldorf .   Presque toutes ces villes sont à la tête   d'un land . D'où on a inféré l'existence d' un lien entre   réseau urbain,  système des länder et  équilibre régional.   

Au contraire,  la France disait-on, a un réseau urbain déséquilibré : en donnant plus de poids à nos régions, en n'ayant que sept ou huit grandes régions, on le rééquilibrerait. C'est là le point de départ des réflexions très superficielles et inspirées par l'idée néo-vichyste que tout ce qui vient d'Allemagne est exemplaire,  qui ont abouti  à la réforme régionale de 2014.

Nous laissons ici de côté la question de la taille des régions puisque il est avéré que , contrairement à ce qu'on a prétendu, la moyenne des régions françaises continentales ( 2,9 millions d'habitants) est égale à la moyenne italienne ( 2,9 ) et de peu supérieure à la moyenne espagnole ( 2,5 ). Si l'on met  à part les trois Länder allemands exceptionnellement peuplés, pour des raisons historiques et non  par goût du gigantisme : Rhénanie Nord-Westphalie (17,5 millions) , Bavière (12,5 millions) et Bade Wurtemberg (10,8 million),  à rapporter à notre Ile-de-France (11,8 million),  les autres Länder allemands , soit 13 sur 16    ont la même dimension moyenne que nos régions (2,9 millions) .

Mais les comparaisons qui sont faites entre les  réseaux urbains sont elles aussi  biaisées : dans les études qui sont au point de départ de ces comparaisons (Roger Brunet , Les villes européennes, Montpellier, 1993)  les données démographiques ont été corrigées par différents indices de rayonnement nécessairement subjectifs avantageux pour les villes allemandes.

De fait les données démographiques brutes relatives aux aires métropolitaines montrent une relative égalité : la France en compte 7 de plus d'un million d'habitants : Paris 12,3 millions; Lyon 2,2 ; Marseille 1,7 ; Toulouse : 1,2 ; Bordeaux 1,2 ; Lille : 1,2 ; Nice : 1 et l'Allemagne à peu près autant  : Berlin 5 millions d'habitants avec son aire urbaine , Stuttgart  5,3 ; Hambourg   3,5 ; Francfort   2,5  , Münich  2,3 ; Cologne : 1 ; Hanovre  1 ; Düsseldorf 1 . Si l'on descend la barre à  500 000 habitants, la France et l'Allemagne comptent à peu près chacune une quinzaine d'aires métropolitaines de plus de   500 000 habitants ( il est difficile d'être plus précis compte tenu de l'incertitude géographique de la notion de métropole).

C'est pour compenser ce qui peut être, à tort ou à raison , tenu pour une faiblesse de nos pôles urbains  que l'on a demandé à des villes proches , non de se rapprocher physiquement, ce qui serait difficile, mais de constituer des "pôles" pour mettre en commun certains équipements :  le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes, si contesté et avec    de bonnes raisons, ne  serait pas compréhensible s'il n'était  situé sur la route de Nantes à Rennes et donc sans l'arrière pensée qu'il serait un jour  l'aéroport du pôle Nantes-Rennes. On avait aussi fait dans le même esprit un aéroport Metz-Nancy qui ne servira  plus à grand chose avec le TGV.

A ce raisonnement, on fera  plusieurs objections:

- d'abord qu'en régime d'économie libérale, les structures territoriales publiques n'ont qu'un impact limité sur le développement économique. Ceux qui rêvent d'un volontarisme français basé sur "cinq ou six pôles de dimension européenne", se font beaucoup d'illusions sur la capacité d'un pouvoir régional à impulser le développement économique. Bien d'autres facteurs interviennent , telles les données macroéconomiques ( si la politique monétaire est aberrante,  réduire le nombre de régions ne servira en aucune manière à relancer la France). Il faut aussi tenir compte des traditions industrielles, des secteurs porteurs  que peut  posséder tel ou tel pays.  A cet égard, l'approche sectorielle est  sans doute plus  pertinente que l'approche régionale, même s'il arrive que les deux se complètent. Depuis 50 ans, l'économie française  pèse, ne serait-ce que pour des raisons démographiques, les 2/3 de l'économie allemande et l'industrie française la moitié, d'autres secteurs ( agriculture , tourisme, services ) venant compléter la panoplie française.  Et ces données n'on pas changé:   la réunification, en augmentant de 5 % le potentiel industriel allemand a à peine  amélioré la situation  de cette dernière. De la même manière, les taux  de croissance sont  à peu près les mêmes tout au long des trente glorieuses avec même un certain avantage pour la France. Ce n'est qu'avec l'entrée dans l'euro que la courbe de croissance française se casse par rapport à la courbe allemande : encore une fois, le réseau de villes n'y est pour rien. - mais l'imitation servile de la politique allemande, si !

- ensuite, parce que la France ne peut pas avoir tous les atouts en même temps. Pas davantage l'Allemagne. Celle-ci n'a pas l'équivalent de la région parisienne, locomotive puissante  qui peut à certains égards compenser l'insuffisance de notre réseau  de villes moyennes.

Que chaque pays ait sa configuration  propre est après tout dans  l'ordre de choses, chacun jouant avec les avantages et  les inconvénients de sa structure propre.

- enfin , il faut rappeler que la configuration urbaine fait partie de ce que Fernand Braudel appelait  l'"histoire longue" . Dès le temps de Philippe Auguste, le royaume de France avait  une structure urbaine qui préfigurait   celle que nous avons aujourd'hui . Avec 200 000 habitants,  Paris surclassait les autres villes d'Europe,  celles d'Italie ( Florence, Gênes, Venise, Milan) , celles de  Flandres   ( Bruges, Gand Anvers) ou d' ailleurs. Les villes de  province françaises étaient loin derrière : c'étaient  Rouen, Orléans, Bordeaux,  Toulouse, Lyon, Montpellier, dont aucune ne dépassait les 30 000 habitants.

Il faudrait des  études à la fois historiques et  géographiques approfondies pour savoir pourquoi la configuration urbaine de notre pays et celle de nos voisins a pris au cours du  temps des  formes différentes.

Mais le fait que  cette configuration puisse se perpétuer pendant presque un millénaire sans changement majeur montre la stupidité qu'il y aurait à vouloir la modifier , pour ressembler à  un modèle allemand dont l'efficacité est largement mythique,    en vingt ou trente ans, cela par un simple changement de découpage administratif. 

 

                                      Roland HUREAUX

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:35

Publié dans Atlantico

1) L'Onu a récemment partagé sa crainte d'une "Guerre totale" entre la Russie et l'Ukraine. Qu'est-ce qui pourrait effectivement entamer de la part de la Russie une accélération dans la marche de la guerre contre l'Ukraine ? Qu'est-ce qui pourrait forcer Vladimir Poutine à engager de plus grandes forces contre les souverainistes ukrainiens ?

Le porte-parole de  l'ONU, le secrétaire général adjoint, Jens Andres Toyberg-Frandzen  n'a nommément mis en cause personne. Cela lui serait d'ailleurs  difficile, la Russie comme les Etats-Unis  étant membres permanents du Conseil de sécurité auquel il s'adressait.

Savoir s'il y a risque d'escalade est difficile, tant le sujet est enveloppé , de part et d'autre, de propagande voire de désinformation: je vous rappelle qu'on ne sait par exemple toujours pas qui a vraiment  abattu l'avion du vol MH17 de  la Malaysian Airlines en juillet dernier.

A supposer qu'il y ait escalade, il faut voir si cela s'inscrit dans une logique de guerre totale ou s'il s'agit d'un durcissement passager accompagnant une phase de  la négociation : Poutine président de la Russie et Porochenko, président de l'Ukraine, se parlent  régulièrement  et c'est heureux. Ils ont sans doute plus de choses en commun  qu'ils n'en ont , chacun, avec  nous.

Qu'est-ce qui pourrait forcer Poutine à durcir le conflit  ?  L'hypothèse que les Occidentaux voudraient une victoire  totale sur le terrain de leur champion ukrainien et la liquidation  de la rébellion russophone. Vouloir  infliger une telle humiliation à une puissance comme la Russie à quelques centaines de kilomètres de Moscou serait  irresponsable. Poutine ne laissera  jamais faire cela  et on le savait dès le départ.

Mais on peut aussi  se dire que Poutine, constatant que  ni  les Américains ni les Européens ne semblent vouloir une solution négociée, pourrait perdre patience et montrer sa force, en prenant  de nouveaux gages comme il l'a  fait en Crimée : "Vous ne voulez pas d'arrangement, et bien tant pis pour vous, puisque je n'ai rien à perdre, j'en profite pour avancer mes pions  !" .

2) En quoi l'immobilisme des Etats-Unis en matière de politique étrangère et surtout d'opérations extérieures pourraient-elles encourager davantage Vladimir Poutine à intervenir aux côtés des pro-russes ?

De quel immobilisme parlez-vous ?  Ca fait des années que les organes américains de toutes sortes ( Fondation Soros, National endowment for democracy et bien entendu les services secrets), au nom de la démocratie, s'agitent sur le terrain pour exciter les Ukrainiens contre les Russes  en leur laissant notamment  miroiter qu'ils pourraient rejoindre l'Occident ( Union Européenne et OTAN) en coupant les liens avec la Russie, ce que celle-ci naturellement ne saurait accepter.

Par ailleurs ils poussent les Européens à durcir les sanctions , ce que l'Allemagne par exemple ne  veut pas. Mais combien de dirigeants européens , y compris les Allemands, sont vraiment libres de faire ce qu'ils veulent sur ce sujet  ?

Quant à ceux qui parlent d'immobilisme, se référant sans doute  ce qui se passe au Proche-Orient, que voudraient-ils ? Que les Etats-Unis envoient des troupes  Kiev ? C'est évidemment exclu. Même du temps du communisme , on n'était pas sûr   qu'ils protégeraient vraiment les pays d'Europe occidentale  en cas de crise grave , en tous les cas qu'ils   feraient quoi que ce soit   qui mette en danger la sécurité de Etats-Unis. C'était le sens de ce qu'ils appelaient la "riposte graduée". D'ailleurs une des règles non écrites, respectée  durant quarante  ans de guerre froide est que les deux grands ne s'affrontaient jamais directement, seulement par vassaux interposés. Mais les règles ne sont pas aussi claires aujourd'hui et c'est bien cela qui est inquiétant.

Certains disent que  l'objectif réel de Etats-Unis serait,  non pas de trouver un règlement , mais au contraire d'entretenir le chaos, une "guerre de basse intensité"   au Proche-Orient comme en Europe orientale.

Sans aller jusque là,  on peut penser que leur objectif stratégique principal  est d'enfoncer un coin durable entre l'Europe de l'Ouest et la Russie,  pour éviter de se trouver marginalisés sur la scène mondiale face à un bloc continental eurasiatique n'ayant plus besoin  de leurs services. Ce ne sont pas des antiaméricains frénétiques qui le disent, c'est Zbignew Brzezinski dans son ouvrage  capital "Le grand échiquier" (1996) , lequel continue, quoi que certains disent,   de servir de feuille de route au gouvernement américain.

Il est  normal que cette attitude exaspère Poutine:  comme je crois qu'il voulait sincèrement une coopération  avec   l'Europe de l'Ouest, il a longtemps fait preuve de modération. Je pense qu'il connait bien les idées  Brzezinski et qu'ils sait qu'en pratiquant l'escalade  en Ukraine, il entrerait dans le jeu américain. Mais comme il voit bien qu'il n' arrivera pas , quoi qu'il fasse,  à maintenir les liens avec  l' Europe occidentale , en raison principalement de pressions  américaines, il risque en effet de durcir le ton. Et alors, on en sait pas ce qui peut arriver.

3) On a pu sentir un réel rapprochement entre la Russie et la Chine ces derniers mois. Quels pourrait-être le rôle de ce dernier dans un conflit s'il venait à éclater ? Doit on s'attendre à une bipolarisation du conflit, ou au contraire la Chine aurait-elle un rôle d'arbitre, d'intermédiaire diplomatique ?

Cette politique américaine, inspirée par Brzezinski  a réussi à faire ce que le communisme avait échoué  à faire : rapprocher la Russie et  la Chine, alors même  que leurs intérêts , notamment en Sibérie,  sont fondamentalement divergents. Le bloc continental eurasiatique que les Etats-Unis redoutaient, il existe grâce à eux ( on peut y ajouter l'Inde qui fait aussi partie des BRICS ), sous la réserve  que  l'Union européenne n'en fait pas partie, ce qui la rend dépendante de l'Amérique et évite l'isolement de cette dernière.  Et tel était , nous l'avons dit, le but recherché par  Washington.

Pour ce qui est du conflit ukrainien, la Chine n'interviendra pas directement: on est encore loin de ce quelle considère comme son champ d'action  historique, mais dès qu'il s'agit de voter à  l'ONU ou même d'acheter le gaz russe, elle est , depuis quelque temps déjà , solidaire de la Russie.

4) Quel serait alors le mode d'action de la Russie en cas de "guerre totale" ? On se souvient que lors de l'invasion de la Géorgie en 2012, Le commandement russe avait précédé la progression sur le terrain d'intenses attaques informatiques, dans le but de paralyser certaines fonction vitales et infrastructurelles du pays...

 

Ce qui s'est passé en Géorgie: une poussée russe de quelques kilomètres pour  protéger des minorités n'a rien à voir avec la guerre totale. Une fois exclue l'hypothèse d'une intervention américaine, je pense qu'au pire, les Russes se contenteront de bétonner les zones dissidentes de  l'Est de l'Ukraine  et  d'écarter définitivement l'idée que le gouvernement de Kiev  pourrait les reconquérir par la force. L'état   de désorganisation de l'Ukraine en général est  tel qu'il  faudrait sans doute pas en faire beaucoup pour y arriver.

Poutine aurait  dit récemment en privé qu'il   lui faudrait un semaine  à peine pour entrer à Kiev, s'il le voulait. Mais je ne pense pas qu'il  ira jusque là. En tous les cas, personne ne  le souhaite.  


5) Qu'est-ce qui pourrait alors provoquer une réponse plus forte de la part de la communauté internationale, et surtout à quoi pourrait-elle ressembler ?

 

Il est très important pour  Poutine, pour les raisons que nous avons dites,  de sauver  les apparences  et de ne pas s'engager    ouvertement. Pour le moment cette ligne est tenue.

Il sait que les Etats-Unis saisiraient toute occasion pur distendre encore les liens économiques entre la Russie  et l'Europe occidentale : en appelant à de nouvelles sanctions, ces derniers veulent apparemment approfondir  u peu plus  le  fossé qui sépare désormais ces deux entités . Que cela nuise à  l'économie de l'une et de l'autre, ne les gène pas , au contraire.

Malgré le rôle terriblement  équivoque des Etats-Unis,  nous  avons   cependant la chance que les deux puissances principales soient dirigées par des gens relativement modérés; Obama et Poutine  ne veulent sans doute  pas aller aux extrêmes mais ils sont  tous les deux confrontés à des jusqu'auboutistes auxquels qu'ils doivent donner des satisfactions  et, pur ce qui est d'Obama à une "machine" de guerre , ce qu'on appelle l'"administration américaine",  dont il n'est pas sûr qu'elle soit sous contrôle.

Pour l'épisode actuel, je ne sais pas qui a rompu la trêve du 2 septembre , sans doute les deux camps, mais il semble que le gouvernement ukrainien ait mal pris que les dissidents organisent leurs propres élections. Comme casus belli, on fait  pire !

  
6) Au contraire, l'hypothèse selon laquelle Vladimir Poutine cherche à maintenir un statu quo en Ukraine, un "conflit gelé"- pour reprendre l'intuition du secrétaire général adjoint aux affaires politiques de l'Onu - peut-il vraiment s'avérer avantageux pour quiconque ? En quoi ?

 

Un conflit gelé, non,  mais une situation gelée pourquoi pas ? Si c'est  le conflit qui est gelé,   les sanctions continueraient, et la tension  entre l'Union européenne et la Russie demeurerait. D'autre part l'économie ukrainienne,  qui est au trente-sixième dessous, y resterait.  Mais une situation gelée sur le plan de l'influence territoriale, laissant une large autonomie  aux provinces russophones de l'Est, qui demeuraient sous influence russe avec l'assentiment  des populations,  c'est précisément ce qui est souhaitable. Sous  réserve de la question de la  Crimée dont l'annexion paraît  désormais irrévocable, l'Ukraine préservait les apparences  de l'intégrité territoriale et tout  le monde aurait à peu près ce qu'il  souhaite. Dans cette perspective,   il faudrait abandonner la perspective d'une pleine intégration de l'Ukraine  à  l'Occident et établir sur elle une sorte de condominium russo-européen ( ou une sorte de "finlandisation" ), ce qui aurait été depuis longtemps la voie de la sagesse. 

Si solution il y a, je n'en vois pas d'autre. Je pense qu'une telle solution est souhaitée par les Russes,   qu'elle est souhaitable pour les Européens  et acceptable pour les Ukrainiens.  Mais les Etats-Unis , même  s'ils ont exclu, je pense,  l'option militaire, restent maîtres du jeu . Or la souhaitent-ils vraiment, eux, cette solution ? Je n'en suis pas sur.

7) Cette dernière forme de conflit pourrait-elle refroidir la communauté internationale de jouer l'apaisement ou tout du moins un rôle direct dans la résolution du conflit ?

 

Qu'appelez-vous la communauté internationale ? Les pays d'Afrique et d'Asie , voire d'Amérique latine se sentent assez loin du conflit, tout en sympathisant tous avec la Russie, il faut le savoir.

L'ONU  ne peut pas servir à grand chose dès lors que les deux plus  grandes puissances sont directement impliqués et assez grandes pour s'entendre sans elle.

Reste l'Europe: son rôle est lamentable de bout en bout. Elle ne sait pas où sont  ses intérêts. Poutine lui tend  la  main  et, sous contrainte américaine, elle refuse  de la prendre.   Elle prend des sanctions  ridicules mais en même temps dangereuses.  Elle s'agite en tous sens, alors que, dans le même temps,  année après année, les pays qui la composent réduisent leurs dépenses militaires. Récemment, Helmut Schmidt, ancien chancelier d'Allemagne, qui n'est pas précisément un extrémiste, critiquait le rôle de  boutefeu irresponsable et incompétent  joué par  la Commission de Bruxelles dans l 'affaire ukrainienne. L ' enjeu est en fait essentiel pour le destin de l'Europe:  elle  y  joue non seulement son indépendance, aujourd'hui largement compromise,  mais aussi  le maintien de la paix. Alors qu'on oppose si volontiers souveraineté  et paix,  en l'espèce les deux vont de pair.    Si l'Europe est encore  capable  de s'affirmer, notamment face au Etats-Unis, elle  sauvera tant la paix  que ses intérêts économiques essentiels . Si elle ne le fait pas, elle risque de perdre tout, y compris la paix.

 

 

 

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:34

 

 

Au temps du communisme triomphant, les soviétologues disaient qu' à la différence d'un régime politique classique, les idéologues réformaient , généralement pour le détruire, ce qui allait bien et ne touchaient pas à ce qui allait mal. C'est même à cela qu'on les reconnaissait ! 

L'exemple le plus notoire est la fin de la NEP (nouvelle politique économique) décrétée en 1929 par Staline. De 1921 à 1929, la nouvelle Union soviétique s'était , par un certain retour au libéralisme économique , relevée des terribles destructions entraînées tant par la guerre avec l'Allemagne que par la guerre civile de 1917-1920 . A partir de 1929 , Staline, au travers de la collectivisation intégrale cassa tout : les plus productifs des paysans furent massacrés , leurs biens spoliés, les ingénieurs  et les chefs d'entreprise envoyés au goulag etc.

L'armée , elle aussi s'était reconstituée au cours des années trente . En 1936, Le même Staline entreprit les grandes purges qui entrainèrent la liquidation non seulement d'une grande partie du parti mais  de l'état-major des armées,  cela à la veille de la guerre de 1940.

La Chine   fit encore pire   : en 1956  (Grand bond en avant) , puis en 1966 (Révolution culturelle), Mao-tsé Toung prit un   tournant de la  radicalisation idéologique particulièrement destructeur, non seulement en vies humaines (des dizaines de millions chaque fois) mais du tissu économique renaissant.

En même temps , les problèmes rémanents du régime : bureaucratie, faiblesse des industries de consommation, incapacité de l'agriculture à nourrir le pays  etc.  restaient , tant en URSS qu'en Chine, en suspens. Et pour cause.

Le régime  communiste ne vivait que de ce  qui avait été produit  en dehors de l'idéologie : ingénieurs mus par le goût de leur travail, lopins individuels des paysans , marchés kolkhoziens, réseaux de solidarité parfois religieux , petites entreprises en marge du système, artisanat. Dès que ces anomalies prospéraient trop, les idéologues du partis se jetaient sur elles pour , au motif de les réformer, les détruire, jusqu'a ce que, avouant qu'on ne pourrait de passer d'elles , il faille   leur laisser à nouveau la  bride sur le cou. 

Sans doute les logiques subtiles qui nous gouvernement aujourd'hui  ne  sont-elles pas de même nature que l'idéologie communiste ( on aurait pu en dire autant de l'idéologie nazie). Mais  de plus en plus il apparait que quand une grande  réforme  est mise en œuvre, il y a probabilité qu'elle ne vise  à résoudre aucun problème mais à  appliquer des schémas abstraits , alors que les vrais problèmes, eux,  ne sont pas traités.

 

Des Réformes presque toujours malfaisantes

 

C'est dire  à quel point la France d'aujourd'hui qui voit s'abattre sur elle une avalanche de réformes  dont la plupart  , n'en doutons pas,  poseront pus de problèmes quelles ne  vont en résoudre, est en dépit des apparences un pays qui marche bien.

L'exemple le plus criant est celui de  la réforme territoriale.

L'idée de regrouper les régions  parce quelles ne serait pas, dit-on,  de taille "européenne",  ne correspond à aucune nécessité.

Elle part d'idées fausses:  nos régions sont de la même taille que dans les autres pays d'Europe : entre 2,5 et 3 millions d'habitant. Si la moyenne est plus élevée en Allemagne  cause de trois gros länder ( Bavière, Rhénanie Westphalie, Bade-Wurtemberg ) 8 sur 15 länder, très inégaux entre eux sont au-dessous de la moyenne française  comme  20 états des Etats Unis sur 50.

L'idée qu'il ya ait une taille optimum de ces régions devrait  être démentie par l'efficacité incontestable des cantons suisses.

Cette réforme ne mettra que du désordre: du découpage rationnel de 1964, fondé la plupart du  temps sur les identités régionales historiques, on passera à un découpage artificiel  "une chatte ne reconnaîtra pas ses petits". Déraciner, affaiblir les identités,  tel sera l'effet, tel est peut-être le but de cette réforme.

Comme toutes les réformes,  celle là aura un coût de transition considérable : il faudra à la fois fermer le conseil régional d'Auvergne et agrandir celui de Rhône-Alpes , fermer celui  de Metz. Et comme toutes les opérations de fusion concertation opérées dans les sphères publiques, celle-ci alourdira les frais généraux.

Regrouper à tout prix, au nom de l'idée fallacieuse qu'on fait ainsi des économies, tel avait été déjà le principe de la superposition au réseau communal de communautés de communes ou d'agglomération, à partir de la loi Joxe de 1992. Un système parfaitement artificiel alors que toutes les fonctions des nouvelles communautés  étaient déjà remplies à moindre coût par les structures de type syndical qui s'étaient constituées auparavant, alors que personne ne se plaignait du système précédent, alors qu'il était , malgré le chiffre emblématique de 36 800 communes le moins coûteux qui soit, alors qu'il  a fallu recruter 200 000 fonctionnaires de plus pour faire marcher le nouveau système. Pas de problème, une solution quand même, et une immense complication à la clef  : voilà la méthode actuelle de réformer !  

Même propagande absurde aujourd'hui contre le département qu'il faudrait supprimer pour lutter  contre le "millefeuille français", millefeuille imaginaire : nous n'avons pas plus de niveaux administratifs locaux que les autres pays , sauf les communautés que l'on vient d' évoquer,  et alors que des entités  du genre du département existent chez tous nos partenaires, sous des noms différents : kreis, province, comté .  Gageons  que là aussi,  cette réforme que, dans le public, personne ne demande et qui ne serivira à rien, mettra un immense désordre.

Le processus des reformes inutiles ou destructrices n'a pas attendu le  quinquennat actuel pour se manifester.

Quinquennat? Là aussi il s'agissait de réformer , de moderniser alors que presque tout le monde aujourd'hui réalise les inconvénients qu'il présente  vis à vis de l'antique septennat.

On parle depuis 25 ans de réforme de l' Etat ( un Etat qui marchait bien et avait été tenu pour un modèle dans une grand partie du monde pendant deux siècles )  . Mais l'acte décisif  en  a  été la loi organique du 1er août 2000, dite LOLF   qui s'est inspirée d'un principe aussi simpliste que fallacieux: il faut gérer l'Etat comme le secteur privé. Détruire les corps de fonctionnaires, se fonder, pour qu'ils soient efficaces, sur le incitations financières et non sur leur  goût de bien  faire, instaurer une compétitivité en partie double, multiplier les indicateurs d'activité plus artificiels les uns que les autres et surtout regrouper, regrouper les services  au motif de faire des économies alors qu'il suffisait de réduire le personnel service par service, en allégeant le procédures sans bouleverser sans cesse les organigrammes.  Le résultat: une immense démobilisation de l'administration française. l'exemple de la  police et de la gendarmerie que l'on veut à tout prix regrouper, au mépris de leurs traditions propres, et alors qu'il ne s'était jamais posé le moindre problème de coordination entre elles, est à cet égard emblématique .

On pourrait sortir de la sphère admistrative stricte. La superposition des ARS (agences régionales de santé) aux hôpitaux, des PRES (pôle de recherche et d'enseignement supérieur) aux universités , solution à des problèmes de gestion qui ne se posaient pas , ont abouti à une strate bureaucratique de plus.

Chaque année sur des motifs plus ou moins justifiés, une couche de réglementation supplémentaire  est imposée aux entreprises.

Les réformes de l'éducation nationale ( par exemple celle des rythmes scolaires)  qui visent   à  imiter un modèle allemand dont tous les Allemands savent qu'il marche mal  nous font aggraver  chaque  année le désastre. La cible sournoise de beaucoup de projets en cours est le système des grandes écoles, précisément ce qui marche très bien.  et que , pour cette raison on veut détruire.

Ainsi la société prétendue libérale est inspirée , sinon par  une idéologie constituée , au moins  par une série de schémas simplistes et répétitifs, généralement destructeurs :  fusionner, se rapprocher du  modèle privé, se rapprocher  de modèles étrangers imaginaires dont on  ne s'est même pas donné la peine de vérifier l'efficacité sur place, et surtout, quelque part, la volonté de déshumaniser. Pour cela, elle  multiple les réformes qui toutes - à l'exception certaines réformes contraintes comme celles des retraites - ont  l' l'effet  de multiplier les  problèmes  là même où il n'y en avait pas.

Il serai facile de montrer que tous les travers de la société française actuelle  ne résultent pas d'une évolution spontanée mais viennent de réformes mal conçues effectuées au cours des trente dernières années.

Nous avions  un Etat exemplaire, une des meilleures  écoles  du monde , une administration territoriale particulièrement humaine parce que près du terrain et peu coûteuse grâce à l'esprit d'économie des maires et conseillers généraux à la mode d'autrefois, et  grâce à eux, le meilleur réseau routier secondaire qui  soit , nous avions un ministère des finances particulièrement  efficace, un contrôle des comptes publics sas faille grâce à la séparation des ordonnateurs  et des comptables.

Tout cela nous l'avons consciencieusement déconstruit  en faisant au fil des ans des réformes dont rien ne démontrait  la nécessité et que personne ne demandait.

Nous nous portons fort de  démontrer que si on n'avait fait aucune réforme en France de puis 25 ans, le déficit des finances publiques serait moitié moindre .

Au jourd'hui on veut faire un "big bang territorial",  c'est la meilleure preuve, selon le  modèle soviétique que nous avons évoqué au début de cet article que notre administration  territoriale est excellente. Ses effectifs sont il est vrai excessifs, mais depuis quand le son-ils ?  Depuis qu'on a commencer à la réformer, notamment au travers des intercommunalités. !  

Beaucoup d'autres réformes ont été entreprises par le présent gouvernement: Là aussi  ne cherchez pas : la France va mieux qu'on  croit puisque plusieurs  domaines  attirent la hargne des nouveau idéologues. Ainsi la distribution des médicaments set à la fois permanente et sous contrôle grâce à un réseau de pharmacies couvrant tout le territoire. On veut le bousculer . Pourquoi ? Il coûterait trop cher : qu'on nous dise alors les économies escomptées. On ne nous le dit pas. La vraie raison  de ce prurit de réformes est que le système marche trop  bien !

Et qu'en est-il de l'avenir ?    Alors là  nous vient l' idée que tout va vraiment très bien chez nous puisque Nicolas Sarkozy , nouveau président de l'UMP,   envisage de revenir en nous disant qu'il va "tout changer" !

 

                                                                       Roland HUREAUX

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:32

 

 

Après quelques jours d'agitation médiatique, on peut commencer à tirer les leçons de l'étonnante affaire Fillon-Jouyet.

Qu'un  simple déjeuner entre deux personnalités, comme il y en a des centaines chaque jour à Paris , se transforme en affaire politique  de première magnitude témoigne d'abord d'une singulière nervosité de notre classe politique,  à droite et aussi à gauche.

Qu'au même moment le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker  soit mis en cause personnellement, comme ancien ministre des finances du Luxembourg,  dans une évasion fiscale de 300   milliards  d'euro  au bénéfice de  multinationales  attirées à dessein dans ce petit pays,  semble  en comparaison,  tout juste une anecdote !

Considérant à tort ou à raison qu'il a été victime d'un complot, François Fillon a   porté  plainte . Mais il n'est pas sûr qu'il obtienne gain de cause car ce qu'a dit Jean-Pierre Jouyet à son sujet ne relève ni de l'injure, ni à proprement parler de la diffamation : avoir évoqué à table les problèmes judiciaires de Sarkozy avec  son interlocuteur , à supposer  qu'il l'ait  vraiment fait, n'est pas  un délit.

Le plus choquant est sans doute que des  personnalités politiques   ne puissent, dans notre singulière république,   se voir à déjeuner et parler de choses et d'autres, sans que la confidentialité de ce qu'ils se seront dit soit protégé , comme l'est par exemple , sauf débordements inhabituels,  leur  vie privée .

Il est vrai que rien ne se serait su si Jean-Pierre Jouyet n'avait pas  parlé. Sa position est loin d'être claire : il a dit une chose aux journalistes du Monde qui enquêtaient , il s'est  ensuite rétracté pour le redire  après. "Démenti, rementi", disait Paul Raynaud. Mais c'est le personnage qui , intrinsèquement,  n'est  pas clair : passer de ministre de Sarkozy à  secrétaire général de la présidence sous Hollande est pour le moins inhabituel. Comme beaucoup d'inspecteurs des  finances de la  gauche rocardienne, qui se retrouvent aujourd'hui au club dit  des Gracques (singulière dénomination pour des partisans acharnés de la mondialisation et de l'Europe dont  les  premières victimes sont les plébéiens d'aujourd'hui !)  , il considère que gauche et droite s'équivalent,   que les vrais décideurs, parmi lesquels sans nul doute il se place sont au-dessus de ces clivages vulgaires. Ce ne sont là que des contingence  politiciennes , liées à un exercice auquel , comme beaucoup de se pairs,  il dédaigne  de se prêter  : l'exercice électoral, lié à une démocratie à laquelle il  ne croit certainement plus beaucoup.  Le passage de ces gens là de la droite à la gauche ou l'inverse   n'est pas seulement  de l'opportunisme ordinaire, c'est une forme de mépris de ce qui se trouve, pour les gens ordinaires,  au fondement de la démocratie :  l'engagement partisan.

Il a démontré en tous cas dans cette affaire   qu'il n'était pas un ami sûr.

Il est  invraisemblable  que l'affaire soit partie de Fillon : on sait aujourd'hui que ce n'est pas lui qui a pris l'initiative de ce déjeuner.  Et  il sait  bien que toutes les attaques contre Sarkozy  profitent à ce dernier  auprès du    seul électorat qui compte pour le moment,  celui des membres de l'UMP chargés d'élire le président du mouvement.  Rien ne  favorise plus l'ancien président que d'apparaitre comme la victime du gouvernement socialiste. Au point que certains  se demandent  si la volée d'attaques judicaires qui eurent lieu à la fin de l'été à son encontre n'avait pas été orchestrée pour favoriser   sa victoire à l'élection à la présidence  de l' UMP.  

Est-ce alors pour déstabiliser Fillon qu' aurait été alors montée toute l'affaire ? Ou qu' elle aurait été récupérée en route ?  Si on ne trouve  rien d'autre pour le démolir que cela , il faut l'élire président tout de suite . Il en est beaucoup à droite comme à gauche qui  trainent des casseroles plus bruyantes !  

Reste la possibilité qu'on aurait tout simplement voulu , depuis l'Elysée,  diviser encore plus l'UMP :   mais avait-on vraiment besoin pour cela de   cette histoire de cornecul ?

Ce qui  devrait en définitive rester de cette affaire : une tempête dans  un verre d'eau suscitée par la balourdise de Jean-Pierre Jouyet  dont il ne nous appartient pas de dire s'il a  ou non  le  profil de l'emploi  qu'il occupe.                                        

                                                                                                              Roland HUREAUX

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:30

 Publié dans Atlantico

 

- La règle du « Silence vaut accord » entre en application ce mercredi 11 novembre. Désormais, si un citoyen n’obtient pas de réponse de la part de l’administration dans un délai de deux mois, il peut considérer que cela vaut acceptation. Néanmoins, dans certains cas, le silence de l'administration continuera de valoir décision de rejet. Quelles sont les exceptions à cette nouvelle règle ? 

Il ne faut pas s'emballer : nous nous situons là non pas face à une révolution mais à une évolution de long terme. C'est à ma connaissance du temps de Giscard d'Estaing, en 1980, Jean-François Deniau étant ministre de la réforme administrative , qu'on a commencé, dans certains domaines,  à  dire que le silence de l'administration  valait accord, notamment pour les  permis de construire ordinaires. Puis est venue la loi   n° 2000-321 du 12 avril 2000 qui étend largement le principe  puisque il touche désormais 400 matières. La loi actuelle a néanmoins ceci de nouveau qu'elle pose comme règle que le silence vaut acceptation, avec des exceptions, qui représentent tout de même 700 cas.  

- Au regard des 700 exceptions préétablies et des domaines particuliers concernés, peut-on encore parler de "petite révolution" comme l'avait estimé Najat Vallaud Belkacem au mois de juillet ? 

Petite , petite. Car 700 exceptions , c'est beaucoup  ! Les administrations ont pris leurs  dispositions  pour qu'il n'y ait pas de révolution. Et elles ont d'ailleurs raison. Dans certains cas, ces  autorisations sont nécessaires,  par exemple s'agissant d'un permis de construire en zone sensible et d'une façon générale dans tout ce qui risque d'avoir des effets irréversibles. .

J'aimerais ainsi savoir ce qu'il en est au sujet  de l'autorisation de construire des éoliennes,  qui sont  elles aussi, du fait de la masse considérable de béton qui est requise, des actes aux conséquences irréversibles.

- Cette règle du silence valant accord est-elle mort-née ? Ce pan du « choc de simplification » et ses exceptions ne risquent-ils pas dans une certaine mesure de complexifier les rapports avec l'administration ?

 Il arrive en effet très souvent , en matière de politiques publiques que des dispositifs ayant pour but  telle ou telle amélioration se traduisent au contraire par une dégradation.

En l'espèce , je vois un de ces mécanismes : dans beaucoup de cas, l'administration  exigera que les demandes des citoyens soient faires  par lettre recommandée , alors qu'avant,  une lettre simple suffisait. le recommandé sera nécessaire pour pouvoir prouver que la demande a bien été faite.

Je suis certains qu'en réfléchissant ,on trouvera bien d'autres exemples d'effet pervers de ce genre.

Mais je n'irai pas jusqu'à dire que la nouvelle règle est mort-née.

 

- A quels effets pervers une telle règle peut-elle donner lieu ? Si certains services n’ont structurellement pas les moyens de traiter les demandes en temps et en heure, peuvent-ils être poussés à user de moyens détournés pour rallonger les procédures. La technique du « document manquant », qui relance le délai de la procédure, pourrait-elle être beaucoup plus utilisée qu’elle ne l’est aujourd’hui, par exemple ?

Sans doute.

Mais je crains plutôt que sur tel ou tel sujet, on ne se rende compte que l'administration, en ne répondant pas, aura fait une grosse erreur.  On sera alors amené à réviser la réglementation  pour la durcir à nouveau.

- A quelles conditions la vie des Français sur le plan administratif pourrait-elle être véritablement révolutionnée ?

Je dirais brutalement qu'il faudrait commencer par alléger la pression fiscale car pour beaucoup de Français, l 'intrusion de l'administration, c'est d'abord cela. Alléger et simplifier car la fiscalité est un domaine majeur où on ne voit pas beaucoup de simplifications.

Pour faire une vraie révolution, il faudrait avancer  sur plusieurs fronts , avec une approche globale: les  régimes d'autorisations ne représentent qu'un volet de la complexité administrative.  D'ailleurs,  on en crée toujours. En consultant la liste des régimes qui vont être simplifiés, je vois que beaucoup ont été instaurés entre 2000 et 2010.

Par ailleurs il n'y a pas que les autorisations administratives  :  on  peut compliquer la vie des gens de bien d 'autres manières. En touchant aux transactions privées, en particulier : la loi Duflot a multiplié les diagnostics et autres  attestations   que le bailleur ou le vendeur d'un bien immobilier sera obligé de produire : résultat , une paralysie du marché immobiliser ! Et il y a aussi la question des  interdictions pure et simples, de plus en plus nombreuses: il est question par exemple de sanctionner les mères de familles qui fumeront dans une voiture où il ya des enfants : où va-ton ?

Nous touchons là à ce qui est à la base de toutes les complications: l'escalade des exigences en matière de sécurité ( y compris alimentaire), d'environnement  etc. qui rend de plus en plus la vie impossible. Demandez aux agriculteurs qui sont  de plus  en plus découragés ,non par l'évolution économique mais par les paparasses de plus en plus nombreuses qu'on exige d'eux.

Mais nous touchons là à de fondamentaux de la société contemporaine. Si j'ose le paradoxe, on s'empoisonne la vie parce on craint trop la mort ! Le principe de précaution est à cet égard désastreux : je ne crois pas qu'on arrivera à simplifier vraiment la vie de nos concitoyen si l' on n'accepte pas le principe d'une certaine imperfection de notre société.

 

 

Un grand merci !

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 11:28

Publié dans Marianne

 

Il y a quelques jours, le  journal  Libération annonçait à la une une grande  "enquête sur les réseaux Poutine en France".

Disons tout de suite qu'il vaut mieux ne pas   être de ces réseaux si on ne veut pas côtoyer Marine Le Pen ,  Aymeric Chauprade ou Alain Soral.

Il vaut mieux ne pas en être non plus si on veut sauver sa peau !  L'un de ceux qui   figurent sur la black list de Libé , Christophe de Margerie  vient de mourir d'un  accident d'avion . Comme Enrico Mattei en 1962,  qui s'en était pris aux  "7 sœurs", les grandes sociétés pétrolières américaines .  Le pétrole est un métier dangereux , surtout si l'on s'avise de dire , comme le PDG de Total  : "Nous ne devons pas nous laisser convaincre que la Russie est un ennemi" ou encore "Si les Américains veulent attiser le conflit pour de raisons historiques,  c'est leur décision. Nous , Européens , devons résoudre cette crise (celle de l'Ukraine) autrement, sans prendre les choses en noir et blanc". Circonstance aggravante,  l'intéressé  a  déclaré lors des dernières rencontres économiques  d'Aix-en-Provence (juillet 2014) que le commerce du pétrole ne  devait pas se faire seulement en dollars !

Nous ne risquons pas grand chose à dire que le ci-devant  journal maoïste  ne fera  pas d'enquête approfondie sur les raisons du décès de Christophe de Margerie.

Dans le collimateur de Libération, des universitaires comme Jacques Sapir ou Hélène Carrère d'Encausse, des hommes politiques comme  Jean-Pierre Chevènement ou  Thierry Mariani,   l'acteur Gérard Depardieu et aussi  Serge Dassault  dont le journal n'est pourtant  pas furieusement pro-russe: l'avionneur a  seulement eu  le tort d'avoir accepté une invitation du président de la Douma  de passage à Paris  ! Puisque on parle de réseaux, avec ceux de l'anti-Poutinisme  en embuscade à la sortie des dîners,  il vaut mieux faire attention où on met les pieds !   

Les personnalités épinglées   ont en commun, pour la plupart,  de penser que l'intérêt  de la France n'est pas nécessairement  de faire la guerre, fut-ce économique,  à la Russie.

 

Et pourquoi pas un choix de raison ?

 

A aucun moment n'est envisagée la  possibilité que les intéressés  aient pu faire là un choix de raison  qui , certes, ne serait  pas le même que celui de la direction de Libération, mais n'en serait pas moins respectable. Non : déjà parler de  réseaux est les  situer dans le sulfureux. La plupart des personnalités citées  sont supposées n'avoir pris des positions  prorusses que pour des intérêts mercantiles  des plus vils . Et les autres , notamment Depardieu,  sont taxés de naïfs. On ne dit pas encore  "idiots utiles", mais ça viendra.

Il est n'est d'ailleurs jamais question que de Poutine, guère  de la Russie. Comme si s'allier  avec un régime qu'on n'approuve pas n'était pas de la diplomatie, et de  la plus classique : celle de Delcassé, inaugurant le Pont Alexandre III avec  le tsar de Russie, dont le régime se trouvait pourtant aux antipodes  de la  IIIe République .  De même   De Gaulle se rapprochant   du Kremlin au temps du communisme. Mais ne s'était-il pas déjà  trouvé alors des imbéciles, de la mouvance américaine, pour soupçonner alors le général d'être devenu communiste !  

Parler de Poutine et de lui seulement tend à flétrir les dissidents de  la pensée unique internationale, puisque on rappelle complaisamment  qu'il a "beaucoup de sang sur les mains" . Tant  que cela,  en dehors de la Tchétchénie?    Plus que Staline,  plus  que Bush ? Plus que les dirigeants actuels de la Chine ? Plus que Kagame que Libé a toujours défendu ?

Si ce genre de journal avait existé   en 1914, il  aurait mis, n'en doutons pas,    Jaurès dans les "réseaux du Kaiser". Certains le disaient d'ailleurs à l'époque : nous savons où cela a mené.  Et encore y avait-il alors bien plus de raisons de stigmatiser  le camp du compromis  puisque les Allemands nous  avaient pris l'Alsace et la Lorraine et  campaient  à la frontière du Rhin, prêts à l'invasion. Rien de semblable  avec la Russie de Poutine, ni près. Rien qui justifie donc ce processus insidieux de diabolisation.

Pour déconsidérer le parti pro-russe, un des articles rappelle que la France n'a pas toujours été du côté des Russes , en rappelant les guerres de Napoléon(1811-1814)  et celle de Crimée (1853-1856).  On publie de préciser que dans les deux cas c'est nous qui nous avions été les agresseurs, à 3000 km de distance !  Les alliances décisives pour notre survie de 1914-1917 et 1941-1945 ne pèsent-elles pas bien plus ?

Le seul tort des Russes est sans doute d'avoir , au temps du communisme, été les premiers à développer des réseaux  d' influence  destinés à façonner l'opinion, le fameux soft power. Orwell avait  montré comment la majorité de l'intelligentsia anglaise après la guerre était prosoviétique. Mais depuis la chute du communisme, il est clair que les Russes ont perdu la main : nous n'en voulons pour preuve que le petit nombre d'"agents" cités  dans le dossier.   Les Etats-Unis,  qui avaient du retard en la matière, durent  se  mettre  à leur école  pour leur faire pièce. Ils le firent si bien, qu'ils se trouvèrent,  après la chute du  communisme , à la tête d'un immense machine d'influence qui est aujourd'hui bien plus  à  redouter que  celle de Poutine. Mais  cela non plus, Libé ne le dira pas.  

 

                                                                       Roland HUREAUX

 

 

 

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