Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Roland HUREAUX

MrHureaux

Recherche

Articles RÉCents

Liens

23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:13

  

A  la veille du grand rendez-vous budgétaire, Valls  s'agite, Hollande espère toujours la reprise ; l'un et l'autre ont cru trouver le docteur  miracle en la personne d'Emmanuel Macron, jeune , énarque et banquier -  et naturellement  socialiste :  le profil type de ceux qui ne sont pour rien dans les problèmes actuels et qui ont donc  tout pour les résoudre !

Et pourtant la reprise ne viendra pas.

Car , comme le prisonnier qui tourne en rond dans sa cellule, le gouvernement actuel  est enfermé. De quelque direction qu'il veuille aller, il se  heurtera à un mur.

Ces directions sont, de manière classique, au nombre de deux, chacune avec des variantes.

La première  récusée par tout ce qui navigue dans le "cercle de raison" cher à M.Minc, est la politique  de la demande. Celle que l'on qualifie  horresco referens, simplifiant d'ailleurs la pensée de l'économiste anglais , de "keynésienne".

Deux modalités possibles : la première est  la relance par la demande privée : augmentation des salaires, redistribution du pouvoir d' achat . C'est sans doute celle qu'envisageaient Montebourg et ses amis . Mais , nous le savons, elle se heurte , dans le contexte actuel, à un double obstacle. La  compétitivité de nos entreprises, déjà mise à mal,  ne pourrait que  s'en trouver encore dégradée  et , par ailleurs,  si la population  a un peu plus d'argent pour remplir son caddy (Dieu sait si elle le souhaite !) , il y a de moins en moins de chances, mondialisation oblige, qu'elle achète français.

L'autre modalité : l'accroissement des dépenses publiques d'investissement. Elle  ne ferait qu'accroître les déficits et, à terme l'endettement, déjà bien au-dessus des engagements européens que nous avons pris.

En fait , les  porte-parole des  partis dits de gouvernement , à gauche comme à droite,   ne pensent plus aujourd'hui qu'en termes de  politique de l'offre , ce qui veut dire en clair   l'allègement des charges des entreprises ( et des impôts sur toutes les formes de richesse)  pour leur permettre de créer des emplois. 

Mais là aussi,  qui ne voit que  porte est fermée ?

Ne discutons pas l'hypothèse libérale  selon laquelle,   il n'y aurait pas d'autre moyen de relancer l'économie.  Mais comment alléger aujourd'hui  ces charges  sans hypothéquer d'une autre manière la relance ?

Car ces allégements ( il en faudrait au moins 50 milliards) , il faut bien les financer. De quelle manière ?

La plus facile: en accroissant le déficit budgétaire  (nous revenons un peu à l'hypothèse keynésienne).  Impossible pour toutes les raisons que nous savons.

Autre manière: en transférant les charges des entreprises sur les particuliers : ce qu'ont fait d'ailleurs les derniers gouvernements, y compris ceux de droite,  mais François Hollande plus que quiconque.  Les particuliers ? Tout le monde sait qu'il s 'agit d'abord des classes moyennes, les très fortunés   s'étant mis hors d'atteinte depuis longtemps, les pauvres ou très pauvres ( les sans dents !) étant déjà en limite de survie. Impensable  donc aussi.

Reste la plus difficile des manières : une diminution importante des dépenses publiques. Importante car il faut déjà les diminuer  pour réduire les déficits.  Et donc aller plus loin encore  si l'on veut en plus  alléger les charges des entreprises !

Il y faut naturellement de l'héroïsme :  on en mesure le degré  à  l'échec des derniers gouvernements, pas seulement ceux de  gauche, à  réaliser cette diminution . De cet héroïsme, tout le monde  rêve: la gauche un peu et la droite un peu plus. Une droite  qui ne promet , au fond, rien d'autre qu' une politique de l'offre un peu plus énergique .  

Nous pensons qu'une réduction des dépenses publiques françaises ( qui atteignent aujourd'hui  le niveau astronomique  de  57 % du PIB )  est sans aucun doute nécessaire. Mais  cette opération ,  difficile en soi, n'est véritablement possible qu'en période de croissance, pour peu que l'augmentation des ressources fiscales qui en résulte ne soit pas tenue pour une "cagnotte" , comme l'a toujours fait la gauche, mais pour l' occasion d'un allègement. En période de stagnation, l'opération est , disons-le, désespérée.  Non  seulement en raison du poids des corporatismes ou du supposé "modèle social français", dénoncés à tout va,   mais aussi parce que chacun  ressent que, dans un tel contexte , elle ne pourrait que plonger le pays dans  une spirale de récession: réduction de la  demande - au moins de celle qui s'adresse au marché français, ce qui est le cas, pour l'essentiel,  de la commande publique, réduction de l'activité, réduction du rendement des impôts, maintien ou aggravation des déficits etc.

Une spirale sans fin ? Certains experts prétendent que non,  se fondant sur l'exemple des pays méditerranéens (Espagne, Portugal, Grèce) , qui auraient retrouvé un certain équilibre au prix de la baisse de 20 ou 30 % de PIB et d'un appauvrissement  massif de  la population. Mais c'est douteux :  les politiques de déflation - c'est bien de cela qu'il s'agit - n'ont , depuis Pierre Laval, jamais réussi  et de toutes les façons, le prix en   est disproportionné. Les Français l'ont compris ; c'est pourquoi il est vain d'espérer  qu'on impose jamais un tel régime à la France.  

La politique de l'offre  a certes  d'autres aspects: une réglementation plus simple et plus intelligente par exemple. Cela , pour le coup , est possible mais comment l'attendre d'une équipe socialiste qui a déjà réussi l'exploit, avec la loi Duflot, de compliquer tellement les règles qu'un secteur clef, celui de  l'immobilier, s'en trouve sinistré ? De toutes les façons, face aux contraintes de la macro-économie,  quoique nécessaire,  la simplification ne  suffira pas.

Il n'y a donc aucun miracle à attendre. Dans le logiciel actuel , il ne saurait y  avoir de reprise, au moins si l'on s' en tient à   la variable budgétaire.  

Pas d' espoir donc ? De fait , il n'en reste que deux  : la dévaluation bien sûr (accompagnée de mesures vigoureuses, comme on le faisait autrefois ) , qui suppose l'éclatement de l'euro , mais qui nous éloigne du "cercle de raison"  ou bien, si l'on veut absolument garder l'euro  - ou  lui donner un sursis -, la TVA dite  sociale.

Rappelons en le principe: en finançant une partie des dépenses sociales (qui représentent aujourd'hui plus de 25 %  du PIB) , non par des charges sur les salaires mais par la TVA, on détaxe  les exportations et on taxe  les importations, ce qui aboutit  très exactement au même effet qu'une  dévaluation. Mais  plus le temps passe, plus il faudrait que le transfert  soit important:  à hauteur  au moins 15 % du revenu national !  

Et certaines conditions doivent être    réunies ,  la première  étant   que nos dirigeants en comprennent  le mécanisme !  Depuis vingt ans, l'idée se trouve en effet  plombée  par ceux qui, ne l'ayant pas bien compris, l'assimilent à un simple  moyen de déplacer les charges patronales   vers les salariés ,   ou pire encore,  d'une astuce pour financer le déficit de la sécurité sociale. L'idée n'est acceptable par le corps social que  si  le mécanisme adopté n'altère pas  le pouvoir s'achat des salariés  et surtout si on sait bien  expliquer  en quoi elle favorisera l'emploi. Hors de cela , point de salut, au moins dans le logiciel  actuel.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:10

 

Si l'on examine les motifs du contentieux entre l'Union européenne et la Russie  au sujet de l'Ukraine, on voit que sur la plupart des  points  la position de l'Union est en contradiction avec les principes  qu'elle promeut ailleurs.

            C'est à l'évidence  le cas du soutien à la révolution dite de la place Maidan qui a renversé le 22 février dernier le président Viktor Ianoukovitch et permis l'élection le 25 mai ( avec  60 % d'abstentions) de  son successeur Petro Porochenko. Le renversement par la rue  d'un président légitimement élu comme Ianoukovitch, pour impopulaire qu'il ait été , est totalement contraire aux valeurs que l'Union européenne prétend défendre. Que dirait-on à Bruxelles si le président Hollande, très impopulaire aussi, comme on sait,  devait se retirer  de la même manière ? Ajoutons que le mouvement de Maidan a une composante néo-nazie qui n'est pas précisément sympathique. D'aucuns invoquent la corruption de Ianoukovitch, mais les gouvernements pro-occidentaux qui avaient suivi  les  révolutions "oranges" de 2004, en Georgie comme en Ukraine, l'étaient-ils moins  ?

            Le respect des minorités linguistiques est inscrit dans différents documents publics de  l'Union européenne, notamment  la Charte des langues régionales . Quand le Parlement ukrainien retire  tout statut officiel à la langue russe en Ukraine, au bénéfice de l'ukrainien qui en est très proche mais qui demeure une autre langue, et cela alors même que le russe est  parlé par presque toute la population et qu'il est la langue unique du tiers oriental du pays, comment ne pas y voir une provocation ? Mais elle ne gêne nullement l'Union européenne  dès lors que la victime est la minorité russophone de l'Ukraine.

            Le fédéralisme et la décentralisation sont au cœur de la doctrine européenne, non seulement quand il s'agit d'elle-même, mais aussi au sein des Etats membres, sur le modèle allemand, dit-on.  Le  Comité des régions  d'Europe a un statut officiel depuis le traité de Maastricht (1992). Le projet français de "grandes régions", susceptibles de recevoir le maximum des attributions de l'Etat central est issu, en partie, des courants de pensée dominants à Bruxelles. Les bons  élève de l'Europe , comme  l'Espagne, ont poussé à fond la logique de la décentralisation. Rien ne laisse supposer à ce jour, que la Russie veuille annexer l'Ukraine. Aussi un  grand pas en avant serait-il  fait dans la solution du conflit, si Kiev acceptait un statut fédéral pour ses provinces russophones, y laissant au russe le statut de  langue officielle. Bien que   cette revendication aille  pleinement dans le sens des idées de l'Union européenne, Bruxelles, à l'évidence,   ne pousse  nullement son partenaire ukrainien dans ce sens.

            On peut certes considérer l'annexion de la Crimée par la Russie  comme une violation  du droit international. Dommage que l'Union européenne ait montré l'exemple en  ratifiant l'indépendance  du Kosovo, décidée par les Etats-Unis   en 2009, violation tout aussi flagrante de ce même droit et d'autant plus grave qu'elle créait, elle , un précédent.

            D'une façon plus générale, le morcellement étatique ne semble pas gêner les instances bruxelloises qui savent bien que plus les Etats membres seront nombreux et   faibles , plus elle a des chances de régner. Elle  a  joué le rôle que l'on sait,  à l'instigation de l'Allemagne,  dans l'éclatement sanglant de la Yougoslavie, elle n'a pas objecté à celui de la Tchécoslovaquie. Elle n'a  pas fait obstacle non plus, que nous sachions,  à l'aspiration  de l'Ecosse à indépendance.

            Même si on peut contester sa valeur juridique, personne ne doute que le résultat du  référendum par lequel la Crimée a demandé son rattachement à la Russie ait reflété la volonté de l'immense majorité des habitants de la péninsule. Pourquoi dès lors refuser à la Crimée ce qu'on a accordé  à la Slovaquie et au Monténégro ?  Certes, dans le cas de la Crimée l'aboutissement est le rattachement à la Russie, pas l'indépendance . Mais au regard du principe fondamental d'autodétermination des peuples,  l'effet est le même. Quant au sort des minorités, gageons qu'il vaut  mieux aujourd'hui être Tatar en Crimée  que Serbe au Kosovo !

            On pourrait élargir le sujet  et dire que tant dans le cas du Kosovo que de l'Ukraine, Bruxelles semble avoir une forte  complaisance pour les Etats ouvertement mafieux! Ou encore évoquer le rôle des néo-nazis dans le gouvernement de Kiev. Mais cela est une autre histoire.

            En tous les cas, il est clair que pour l'Union européenne, l'Etat unitaire et l' intégrité territoriales ne sont sacrés nulle part, sauf en Ukraine.

 

    Roland HUREAUX

                                                                               

 

De fait, une vraie fédération est un rassemblement d'entités unitaires, ce qu'est l'Allemagne,  mais ce que ne sera pas l'Europe telle que la veut la Commission. 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:07

 

Une des raisons, constamment affichée, de la construction européenne a été l‘ambition de fédérer  les forces de l ’Europe occidentale pour lui permettre de peser dans le  nouveau concert mondial dominé par les Etats-continents : Etats-Unis, Russie, Chine, Inde. Une autre raison était d'empêcher le retour de la guerre en Europe.

La politique étrangère  européenne  est presque  absente des traités initiaux, sauf sous l’angle économique. Figure  cependant, parmi les objectifs du traité de Rome, celui d’  « affermir, par la constitution de cet ensemble de ressources, les sauvegardes de la paix et la liberté, et d’  appeler  les autres peuples d'Europe qui partagent leur idéal à s'associer à leur effort ».  Il ne s’agissait au départ que d’une position de principe.  Mais  la Communauté    s’est dotée au fil des ans d’instruments de concertation et d’action commune de plus en plus significatifs. En 1974, la mise en place du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement a permis  des échanges réguliers au plus haut niveau.  En 1975, l’aide au développement dans le cadre de la convention  de Lomé (1975) a justifié la mise en place  dans   les anciennes colonies de l’ensemble Afrique-Caraïbes-Pacifique de délégués de la Communauté européenne ;  les ambassadeurs des pays membres ont alors  reçu la consigne de se réunir régulièrement. En  1992,  le traité de Maastricht a défini une Politique européenne et de sécurité commune (PESC), reprise par les traités ultérieurs, dont  les objectifs sont ainsi définis :

sauvegarder les valeurs communes, les intérêts fondamentaux et l'indépendance de l'Union européenne ;

renforcer la sécurité de l'Union européenne et de ses États membres sous toutes ses formes ;

maintenir la paix et renforcer la sécurité internationale, conformément aux principes de la Charte des Nations unies   ainsi qu'aux principes de l'Accord d’Helsinki  et aux objectifs de la Charte de Paris ;

promouvoir la coopération internationale ;

développer et renforcer la démocratie et l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le monde.

Un pas de plus est franchi avec le traité de Lisbonne (2007) qui crée un   Haut Représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité  lequel  reprend les fonctions diplomatiques   exercées auparavant par le secrétaire général du Conseil, le haut-représentant à la Politique étrangère et à la Sécurité commune et le commissaire européen aux Relations extérieures. Est  nommée à ce poste  le 1er décembre 2009  la britannique Catherine Ashton, une proche de Tony Blair particulièrement falote.

En 2010, est mis en place, dans la même logique,  un  réseau diplomatique complet d’  ambassadeurs de  l’Union européenne

En 2002, avait été promue, en  parallèle,  une Identité européenne de sécurité et de défense (IESD) qui s’est progressivement dotée d’un appareil institutionnel  en relation étroite avec l’OTAN.

 

La diminution du poids de l’Europe dans les affaires mondiales

 

Malgré ces multiples initiatives, il est difficile de dire que l’objectif initial, donner un plus grand poids à l’Europe dans la sphère internationale, ait été atteint. Non seulement il ne l’a pas été  mais on peut même se demander si le poids de l’Europe dans la diplomatie mondiale  n’a pas régressé au fur et à mesure que l’Europe institutionnelle se dotait de  moyens plus développés en matière de diplomatie et de défense.  Rappelons qu’en 1956, année de négociation  du traité de Rome, deux puissances européennes, la France et la Grande-Bretagne, purent se permettre d’envoyer une expédition militaire au Proche-Orient  (la guerre de Suez)  contre l’avis des Etats-Unis et de l’URSS. Que cette initiative ait, diplomatiquement, sinon militairement, mal tourné n’enlève rien au fait que, dix ans après la fin de la Seconde  guerre mondiale,  les gouvernements en cause se soient sentis à même  de la prendre.  Qu’en est-il soixante ans après ? Il n’est même pas sûr que l’Europe puisse encore  envoyer dans cette  région un simple  émissaire diplomatique sans  l’aval de Washington. Ce n’est pas l’exemple Tony Blair nommé en 2007  émissaire du Quartet pour le Proche Orient (qui comprend d’Union européenne) qui   permettra  un démenti.  

Au cours des années 1980-2000, au moment où l’idée de PESC commençait à prendre tournure, il était habituel que la politique européenne se démarque  au Proche-Orient   de celle des Etats-Unis, presque toujours dans  le sens de la modération. Il n’est est plus question aujourd’hui. Le silence de l'Europe face au récent bombardement de Gaza est assourdissant. Sa timidité face aux massacres de chrétiens en Irak tout autant. L’Europe n’a  plus guère son mot à dire dans les affaires de cette région ; elle n’ y est   requise que pour  payer, d’abord pour la survie des territoires palestiniens. Qui oserait encore revendiquer  que son influence  diplomatique soit à la hauteur de sa contribution financière ?

Il en est de même dans la plupart des autres champs.  L’Europe   observe ainsi depuis longtemps  sans réagir la montée de l’influence chinoise en Afrique. Elle laisse la France s'engager seule dans la stabilisation du   Sahel.

Il est difficile d’avoir une politique étrangère sans s’appuyer  sur quelque force militaire. Pendant que la politique commune de sécurité et de défense se résume à une bureaucratie qui va s’alourdissant,  la part des dépenses militaires des pays européens dans le PIB est la plus faible qui soit  et elle continue de reculer alors qu’  elle augmente dans tout le reste du  monde, en particulier en Russie.

Henry Kissinger demandait : l’Europe,  quel numéro de téléphone ? Aujourd’hui l’Europe diplomatique a un numéro de téléphone,  mais il est aux abonnés absents.

Paul Stiglitz, prix Nobel d’économie, déplorait récemment, avec d’autres,  que la récession de l’Europe, premier marché du monde, bloque l’économie mondiale. Autant que  sur le plan économique, l’Europe est aussi, sur le plan diplomatique,  l’homme malade de la planète.

 

L’Europe n’est pas la paix

 

La construction européenne  n’avait pas pour seul but de créer un nouveau pôle de puissance, elle avait aussi l’ambition de mettre définitivement fin  à la tentation de la guerre en Europe.   Sur ce chapitre aussi, on est loin du compte.

Le long cycle de guerres européennes qui va de 1870 à 1945 a été mis un peu vite sur le compte exclusif des  nationalismes, et, par extension,  des nations et des Etats nationaux.   L’avènement d’une Europe fédérale ne pouvait être qu’un facteur de paix. Que  ce genre d’analyse très générale passe un peu vite sur le rôle particulier de l’Allemagne de 1870 à 1945 est une chose.  Qu’elle soit vérifiée en est une autre.

On peut en particulier douter que l’Europe de Bruxelles ait été un facteur de paix dans la question ukrainienne. 

Quand l’Ukraine est devenue indépendante en 1991, la complexité de sa situation était bien connue. La coexistence d’une population russophile et russophone, de culture chrétienne orthodoxe à  l’Est, et d’une population    de langue ukrainienne et russophobe  de culture chrétienne uniate (c’est-à-dire de liturgie orientale mais rattachée à Rome)  à l’Ouest, n’offrait pas les bases d’une cohésion nationale forte. La plus grande prudence, dès lors, s’imposait.

Au motif que les premiers gouvernements n’étaient pas assez démocratiques et qu’ils étaient trop corrompus,  Washington et Bruxelles ont soutenu en 2004 des révolutions dites « orange », lesquelles ont  abouti  en Ukraine et en Géorgie à  la mise en place de pouvoirs, ni plus démocratiques  ni moins corrompus, mais moins proches de Moscou (au moins au départ). Ce qu’il faut bien appeler une ingérence  passait en partie par le canal d’organisations non gouvernementales, comme la Fondation Soros,  qui devaient ultérieurement soutenir  les Femens.

Parallèlement, Bruxelles et Washington proposaient aux gouvernements ukrainien et géorgien un rapprochement de  l’Union européenne et de  l’OTAN  dont le terme paraissait être naturellement l’adhésion. Rapprochement qui a abouti à  l’Accord d’association de l’Union européenne et de l’Ukraine du 21 mars 2014 ratifié par le Conseil européen du 30 juin. Un tel  rapprochement  revenait évidemment  à  jeter de l’huile sur le feu des discordes internes, les russophones d’Ukraine ne pouvant que s’en  inquiéter. Leur inquiétude ne pouvait que s'aggraver à voir bientôt le gouvernement ukrainien, protégé de l'Europe démocratique, bannir  le russe des actes officiels.

Cela revenait aussi à provoquer la Russie qui  considère, à tort ou à raison,  que les pays anciennement membres de l’URSS doivent garder avec elle un lien spécial incompatible à son gré avec l’adhésion à  l’Union européenne et surtout  l’OTAN.

Même contestable  dans son principe, du fait que   l’affaiblissement de la Russie était, au moins du côté américain, son objectif presque avoué, une telle position était quand même  tenable,    à condition que Washington et Bruxelles soient prêts à aller jusqu’à l’épreuve de force avec Moscou, le jour prévisible où la Russie réagirait.

Mais avec une insoutenable  légèreté, les Européens  ont encouragé  le parti  antirusse  alors même que tout le monde savait dès le départ qu’ils n’avaient pas les moyens militaires, ni d’ailleurs la volonté, de contrer  la Russie à ses portes. Quant à l’Amérique,  qui se souvient des doutes que les pays d’Europe de l’Ouest eux-mêmes avaient, au cours des années soixante ou soixante-dix  sur la valeur du parapluie nucléaire qu’elle prétendait leur offrir dès lors que la mise en  œuvre de celui-ci faisait courir le risque de représailles sur le territoire américain ?  A fortiori on  sait que personne, ni en Europe, ni aux Etats-Unis,  ne prendra des risque ultimes pour l’Ukraine   ou la Géorgie.

L’intervention du président Sarkozy à Moscou  au moment de la crise géorgienne  d’août 2008, a eu le  mérite de donner l’impression  que l’Europe diplomatique  existait. Mais elle n’a été efficace que dans la mesure où  les Russes, qui venaient d’envahir l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud et de les reconnaître comme Etats indépendants   n'avaient pas l’intention d’aller plus loin. L’Europe se serait-elle manifestée si sa   présidence n’avait pas été assurée à ce moment-là par la France ou  par un autre président que Sarkozy, par exemple Hollande ? On peut  en douter.

L’exaltation  des Européens de l’Ouest en faveur de la supposée liberté de l’Ukraine  les a conduits ,  de manière absurde , à reconnaitre en février 2014  un  pouvoir insurrectionnel , issu de la rue et doté  d'une composante néo-nazie  ,  contre un président,   Viktor Ianoukovitch,  peut-être détestable mais qui avait été régulièrement élu    en 2010 à la suite d’un scrutin jugé « transparent et honnête » par l’OSCE.  (Hollande pense-t-il qu’il est  légitime de se rebeller contre un président devenu impopulaire ?). Cette attitude parfaitement contradictoire de la part de gens qui prétendent défendre le modèle démocratique, ne montre-t-il pas l’immaturité   des positions de l’Union européenne ? De fait, avec une inimaginable bonne conscience, les Occidentaux se  sont  habitués dans cette région  à qualifier de démocratiques les forces qui leur étaient favorables et d’antidémocratiques celles qui étaient favorables aux Russes. 

On peut penser que la  crise ukrainienne n’aurait pas eu lieu sans les appels du pied  répétés  de l’Union européenne en direction de ce pays.  Que celle-ci ait été irresponsable, nous le mesurons au fait que la crise s'aggrave aujourd'hui . Le rattachement de la Crimée à la Russie qui n’aurait pas eu lieu si le gouvernement légitime était resté en place,  constitue déjà  un grave précédent pour la stabilité de la région.  Comme on pouvait le craindre, il est en train  d’embraser  toutes les régions russophones qui veulent, elles aussi,  être rattachées à la Russie. Le risque d’une grave déflagration  est donc loin d’être écarté. Et s’il l’est, ce sera au prix d’une reculade qui fera sombrer la diplomatie européenne dans le ridicule. Leçon salutaire ?

On dira qu’en recherchant une extension sans bornes vers l’Europe de l’Est,  l’Union européenne ne faisait qu’appliquer, de manière mécanique, l’objectif affirmé dès le  traité de Rome : « appeler  les autres peuples d'Europe qui partagent leur idéal à s'associer à leur effort ».  Un objectif pas forcément impérialiste. Mais l’art du diplomate n’est-il pas de se mettre de temps en temps dans la peau de l’autre partie ? L’Union européenne s’est trouvée au fil des ans organiquement liée à l’OTAN, les idéologues néo-cons de l’autre côté de l’Atlantique écrivent que leur objectif est de démanteler   la puissance russe. Le scénario qu’ils décrivent est exactement celui qui est en train de se dérouler. Comment ces initiatives n’auraient-elles pas suscité la méfiance de Moscou ? Et du point de vue des intérêts bien compris de l’Europe de l’Ouest, qu’est-ce qui  importait   le plus : une soi-disant libération de l’Ukraine  ou le maintien  de bonnes relations et l’établissement d’une coopération étroite  avec la Russie ?  

Les  sanctions européennes imposées à  la Russie  apparaissent à la fois ridicules, néfastes et dangereuses. Leur effet le plus sûr est d’enfoncer un coin durable entre l’Union européenne et la Russie qui aurait dû être son partenaire naturel. C’est peut-être le principal  objectif poursuivi par  Washington. Mais d'autres dangers encore plus graves pointent  l'horizon.

Un homme aussi  pondéré que Helmut Schmidt va  jusqu'à évoquer le risque d' une   troisième Guerre mondiale. Et l'ancien chancelier allemand n'a pas de mots assez sévères pour fustiger la    commission européenne dans cette affaire : il  n'hésite pas à dire que   Bruxelles a   "une part de responsabilité dans l'aggravation de la crise ukrainienne". Dénonçant   la tentative de la commission européenne d'intégrer l'Ukraine et la Géorgie, il  s'emporte  contre les   bureaucrates   qui "comprennent trop peu la politique étrangère". "Ils placent l'Ukraine devant le soi-disant choix de se décider entre l'Est et l'Ouest", estime-t-il. Bruxelles "se mêle trop de politique étrangère, alors que la plupart des commissaires européens la comprennent à peine".

 

 

De dangereux précédents

 

On pourrait dire que  la reconnaissance par Moscou de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, puis l’annexion de la  Crimée (dont nul ne doute qu’elle ait reçu le consentement de la population, Tatars exceptés), ont ouvert la boite de Pandore des revendications territoriales en Europe. Ce serait oublier que celle-ci avait   déjà été ouverte   un peu  plus tôt, en 2008,  par les Occidentaux quand ils ont reconnu l’indépendance déclarée unilatéralement par le   Kosovo.

L’ordre européen  repose en effet depuis les accords d’Helsinki de 1975 (en application d’ailleurs de  la Charte des Nations-Unies) sur l’intangibilité des frontières existantes,  qu’elles reflètent  ou non une rationalité culturelle ou ethnique. La seule exception reconnue en Europe depuis la signature de ces accords  a été la réunification de l’Allemagne (mais , en droit international,  elle était partagée par une ligne de démarcation, pas par une frontière  ) et l’éclatement des fédérations  après la chute du communisme (URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie), mais une règle tacite avait  alors  voulu que cet éclatement suive  les frontières des entités fédérées de premier rang, comme  les républiques soviétiques, préservant l’intégralité de celles-ci. Règle aux effets paradoxaux : la Tchétchénie, entité fédérée de second rang   (comme l’Abkhazie ou l'Ossétie du Sud) mais  désireuse  de devenir indépendante ne put y parvenir  tandis que la Biélorussie,  qui ne la désirait pas vraiment,  l’obtenait. Mais cette règle  avait le mérite d’être claire et par là de garantir  la paix en Europe. Le Kosovo était lui aussi une entité de second rang  et faisait donc partie de la République de Yougoslavie, ce que reconnaissait pleinement la résolution 1244 du Conseil de sécurité du 10 juin 1999 mettant fin à la guerre menée par l'OTAN contre ce pays. Or la règle  sur laquelle  l'Europe vivait en paix  se trouva  pour la première fois dangereusement transgressée en 2008   par   la reconnaissance unilatérale de l' indépendance  du Kosovo.  Raison de plus pour ne pas encourager indirectement le séparatisme  en  Ukraine.

Le cas de la Yougoslavie est lui-même emblématique. Il ne  fait pas de doute que la guerre de 1999, qui vit l’aviation de l’OTAN bombarder la Serbie (20 000 civils morts, pratiquent pas de militaires) n’aurait pas eu lieu si les Européens s’y étaient opposés. Or elle fut   entreprise en violation ouverte du droit international et, par-là, des traités européens, qui se réfèrent explicitement à la Charte des Nations-Unies et aux Accords d’Helsinki.  Précédent inquiétant d’autant qu’il  y avait sans doute d’autres moyens de faire cesser les excès commis de part et d’autre dans les Balkans.

Ajoutons que sous le prétexte  de défendre les droits de l’homme dans la péninsule balkanique, l’Europe, pourtant fondée sur une  réaction de rejet légitime à l’égard du nazisme qui  avait suivi la seconde guerre mondiale,    a permis à l’Allemagne de régler un compte historique  avec  la Serbie. La Serbie avait été en effet, tant en 1914-1918   qu’en 1941-1945,  le rempart  contre l’expansion du germanisme vers l’Europe du Sud. Tandis que ceux que nous avons aidés, Croates et Albanais avaient été largement pronazis.

Sur un autre plan, on pourrait aussi bien dire que l’euro que François Mitterrand avait conçu pour brider la puissance allemande a, au contraire,  fait de l’Allemagne l’arbitre économique de l’Europe. Etonnant retournement de la mécanique européenne ! 

Le cas de la  Syrie  est analogue  quant à l’irresponsabilité. Bruxelles et  plusieurs capitales occidentales (Paris et Londres en tête, sans oublier Mme Ashton ) ne se sont pas contentées de suivre la politique étrangère américaine mais elles ont tenté de faire  de la surenchère sur  le soutien à apporter  aux rebelles, toujours  au nom des droits de l’homme et de la démocratie, sans considérer que les factions soutenues, dominées par des islamistes,  étaient encore moins démocratiques, s’il est possible,  que  le régime Assad, ni qu’une action  occidentale dans ce pays  fortement soutenu par  la Russie risquait d’embraser et la région et le monde. Le sens de la mesure des présidents Obama et Poutine  a permis d’éviter le pire.

Qui parle  encore de l’Europe, facteur de paix ?

L’Europe diplomatique témoigne aussi d’une redoutable incertitude  vis-à-vis de la Turquie,  incapable de dire clairement  oui ou non à son adhésion  à  l’Union. La situation actuelle est absurde ;  non seulement parce que la Turquie occupe illégalement une partie du  territoire d’un Etat membre, Chypre, sans que la diplomatie  européenne s’en offusque, mais parce que tout le monde est d’accord pour poursuivre un processus d’intégration dont tout  le  monde sait aussi  qu'il n’aboutira pas.  Au demeurant, la Turquie d’ Erdogan, parée de toutes les vertus démocratiques autant qu’elle suivait la politique de Washington dans les affaires du Proche-Orient, se les voit de plus en plus déniées  depuis qu'elle s’en écarte  et Bruxelles suit plus ou moins le mouvement.  

En Afrique, l’Europe n’existe, en dehors de l’aide au développement,  que par le bras armé de la France, pour le pire (Libye) ou pour le meilleur (Mali).   Les autres pays ne la soutiennent que du bout des lèvres. Les interventions au Mali et en Centrafrique  sont  tolérées par Washington dans la mesure où elles contribuent à protéger l’immense Nigéria, puissance anglophone  dont l’unité reste fragile,  menacée de dislocation  si l’islamisme  s’emparait de toute l’Afrique occidentale.

Dans la plupart de ces pays, l’Europe apparaît en revanche comme  un infatigable donneur de leçons. Jusqu’ au ridicule. Anecdote : on manda une fois les ambassadeurs  de l’Union européenne  d’aller en rang serré faire des remontrances au président Bongo sur la corruption au Gabon. Celui-ci les reçut,   courtois mais narquois, en leur demandant s’ils voulaient aussi des   informations sur la corruption  en France…

La  passivité diplomatique de l’Europe  rejoint celle dont elle fait preuve   dans les questions commerciales.  Dominée par deux pays attachés au libre-échange intégral, l’Allemagne et  la Grande-Bretagne, la  première  par intérêt, la  seconde  par doctrine, elle est fort peu portée à défendre les   intérêts propres à l’Europe largement bradés dans les négociations de l’OMC et  menacés par le traité transatlantique  en cours de négociation.  

Cela ne veut pas dire que les intérêts de l’Europe et des Etats-Unis soient toujours antagonistes. La montée   de la Chine  a été permise  par la sous-évaluation brutale  de sa monnaie, désastreuse pour  l’industrie européenne. S’il est  un sujet où une pression conjointe des Etats-Unis et de l’Union européenne serait nécessaire et probablement  efficace  c’est bien celui-là.  En la matière, les Etats-Unis et l’Europe ont les mêmes intérêts. Quand le président Obama a envisagé une démarche auprès de Pékin, les Européens, frileux, ont tourné la tête pour ne pas avoir l’air d’entendre. Beau succès de la politique de certains  faucons  américains qui rêvaient d’une  Europe dévirilisée, Vénus  face à Mars : sur ce dossier, l’Europe  craint désormais davantage les Chinois que les Américains !  

Au moment où se conduit, dans l'opacité la plus totale , la grande négociation  voulue par les Etats-Unis tendant à instaurer un traité transatlantique de libre-échange, bien peu imaginent que la commission, largement sous influence,  défende réellement les intérêts de l'Europe dans cette affaire.

 

Politique idéologique et politique des intérêts

 

Derrière cette insuffisance   de la diplomatie européenne  - et parfois sa dangereuse irresponsabilité  -, on pourrait   se contenter de voir une  imparfaite vision des intérêts communs de l’Europe par les autorités communautaires. De fait une certaine évidence voudrait que les intérêts communs soient le fondement  de la politique étrangère européenne puisque c’est là, dans la politique classique, l’objectif naturel de l’action   diplomatique.

Mais la vérité est que la politique étrangère et  de  sécurité commune n’affiche  l’  objectif de « sauvegarder les intérêts fondamentaux de l’Union européenne »  qu’en passant.  Ceux  de « sauvegarder les valeurs communes » et de « développer et renforcer la démocratie et l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le monde » paraissent  manifestement  plus importants

La raison d’être maintes   fois proclamée de l’Union  est  l’application de principes universels, dans sa périphérie immédiate et même au-delà. Elle vise l’expansion de la démocratie,  de la liberté, de la non-discrimination, d’une certaine conception du monde à la  fois post-nationale, libérale et libertaire, mais aussi post-moderne, fondée sur l’idée qu’une ère nouvelle de paix et  de progrès, s’est ouverte. Cette nouvelle ère  tend à rendre obsolètes, voire suspectes les références au passé de l’Europe, comme par exemple  à   ses racines chrétiennes.

Autre projet : l’expansion du libre-échange, de la libre circulation des capitaux, de la concurrence libre et non faussée.

Au-delà, l’adhésion à toutes les formes d’universalisme, telles qu’elles ressortent de la Charte des Nations-Unies et de son application (sans préjudice des violations particulières comme la guerre de Yougoslavie).

Considérant que, de ces idéaux, en dépit de ses  difficultés économiques actuelles, l’Union européenne reste la meilleure incarnation, elle voit dans  toute extension de son périmètre, sans qu’  aucune considération religieuse, culturelle ou géopolitique  vienne la borner,  un objectif en soi. Les bureaucrates  voient aussi dans cette extension qu'un moyen d'accroitre leur pouvoir.

Il est certes arrivé souvent dans l’histoire et il arrive encore   que les grands idéaux soient le paravent des intérêts de puissance ou qu’en tous les cas, les deux  coïncident. C’est le cas, assurément,  aux Etats-Unis qui ne cessent  de défendre avec la même ardeur des idéaux universalistes et  the interests of the United states.   Il en était de  même avec la défunte URSS, heureusement d’ailleurs, la logique des intérêts étant venue au temps de la guerre froide y tempérer la logique idéologique.  Parmi les reproches que l’on fait le plus souvent à la Russie d’aujourd’hui, c’est de poursuivre ses intérêts de puissance sans fard, le seul paravent universaliste qu’elle possède : la défense  de l’Eglise orthodoxe,  paraissant bien faible.

Mais s’agissant de l’Europe, quels intérêts se cachent sous ses idéaux universels ?  

Il n’est qu’exceptionnel qu’ils soient visibles. Par exemple la volonté  de  l’Allemagne de prendre une revanche historique contre la Serbie, ennemi  héréditaire, pouvait sous-tendre la guerre de 1999. A son annonce, le Bundestag unanime s’est levé pour applaudir, alors qu’une immense gêne prévalait au  Parlement  français tétanisé.

Mais si la logique des intérêts n’est pas absente des motivations de la politique européenne, la plupart du temps,  les intérêts que l’on perçoit sont  aujourd’hui moins ceux de l’Europe que ceux  des  États-Unis.

La volonté de faire entrer  l’Ukraine ou même les  pays   du Caucase dans le giron de l’Union européenne, quels qu’en soient ses prétextes moraux, s’inscrit parfaitement  dans la vision du monde exposée par Zbigniew Brezinskidans le son livre phare Le grand échiquier.  L’Amérique  perdra la domination mondiale, dit-il, si elle laisse se constituer un bloc eurasiatique cohérent qui la marginaliserait. Il lui importe donc d’empêcher tout rapprochement entre l’Europe occidentale et la Russie, même après la chute du bloc soviétique et  pour cela  de faire obstacle à toute affirmation d’une volonté propre des pays de  l’Ouest du continent, voire d’y anesthésier  toute velléité d’affirmation nationale.

De même le projet de faire entrer la Turquie dans l’Europe communautaire, au mépris de sa propre cohésion, s’est inscrit jusqu’à aujourd’hui dans le plan américain favorable à la Turquie, à la fois parce qu'elle semblait un bon allié de revers  pour Israël et contre la Russie et  pour exorciser ses tentations islamistes.

Mais le recours  aux principes universels n’est pas toujours sous-tendu par une politique d’intérêt, fut-ce  celle d’une puissance dominante étrangère au continent. L’idéologie, comme tout système, a sa logique propre et il est dans la nature de l’idéologie que ses tenants en poursuivent l’application au-delà même de la sphère de leurs propres intérêts. Cela est particulièrement vrai  en matière économique, où l’Europe, en faisant de l’euro   une monnaie  forte, s’enfonce dans la récession. En matière d’immigration, l’application d’idéaux  universalistes, qui s’exprime par exemple dans un statut  très libéral du réfugié politique, fondée sur la non-discrimination, entraine une ouverture du continent qui n’est pas sans susciter elle aussi des inquiétudes pour sa cohésion. Au moins sous les présidents démocrates, les ambassades américaines sont requises de veiller à ce qu’en Europe,  les programmes d’histoire nationale fassent toute leur part à l’apport des populations immigrées et que les jeunes immigrés ne fassent pas l’objet de discriminations.

Qu’aucune barrière,  pas même  l’intérêt,  ne puisse arrêter dans certaines circonstances, les logiques idéologiques, c’est ce qui les rend éminemment dangereuses.  Contrairement à ce que croient trop d’Européens, ce sont les idéologies et non les nations qui sont cause de guerre, au moins depuis les années trente. La guerre de  1939-1945 fut l’effet du choc d’idéologies, la guerre froide aussi. « Cinquante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, il importait de rappeler que ce conflit a eu lieu à la suite de la violation du droit des nations » (Jean-Paul II). « La négation de la nation est à l’origine de toutes les guerres «  (Charles de Gaulle).

Les  évènements récents de la Syrie et de l’Ukraine ont vu chaque fois l’Europe en pointe, ici pour promouvoir une intervention militaire contre le régime Assad, là pour soutenir les manifestants  de Kiev ou sanctionner la Russie.  Il n’en serait pas ainsi si l’Europe n’avait été qu’un pool fondé sur des intérêts communs et non un projet largement contaminé par l’universalisme idéologique.

Ce sont au contraire les puissances où  l’idéologie n’a pas fait complètement disparaitre le sens de l'intérêt national, Etats-Unis et Russie d’abord, qui ont mis le holà à  une escalade, particulièrement outrancière,  de Bruxelles et de  Paris, mettant en danger la paix du monde. Et au sein de l’Union européenne, c’est le pays  où l’attachement formel à l’idéal européen n’a pas fait obstacle à la poursuite sournoise de l’intérêt national bien compris, l’Allemagne, qui  freine dans la plupart des cas où Bruxelles et Paris,  tiennent des discours jusqu’au-boutiste : en  Libye,  en Syrie, mais aussi vis-à-vis de la Russie.

Le cas de l’  Angleterre est plus complexe. Ses liens avec les Etats-Unis et l’existence   d’une classe dirigeante de plus en plus éloignée des traditions britanniques  porteraient ses gouvernants, au moins depuis Tony Blair,  à épouser toutes les causes internationales enveloppées de l’étendard de l’idéalisme – on  l’a vu en Irak.  Mais   l’existence d’un authentique  fond  démocratique a amené le Parlement britannique à voter contre une intervention en Syrie, en phase  avec l’opinion publique mais  à l’encontre de ces tentations universalistes qui emportaient  le gouvernement Cameron.

En Allemagne, ce que le  Parlement  n’a pas fait, le Tribunal constitutionnel l’avait  fait, en marquant, au nom d’une forte tradition juridique, les limites d’application des traités européens sur le territoire du Bund.

La France n’ayant le frein ni de l’instinct démocratique anglais, ni du juridisme germanique, a ouvert librement ses écluses à toutes les formes d’emballement idéologique.

A la logique des idées générales – et qu'est l’idéologie  sinon des idées générales devenues folles ?  - nous avons opposé la logique des intérêts, dans ce qu’ils ont de plus prosaïque.  Cette logique a plusieurs vertus. D’abord, elle seule   est conforme à ce qui  est  tenu  dans les grandes traditions morales comme  le devoir   fondamental des  élites politiques :  défendre les intérêts de leur  peuple, spécialement de ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes  – et non de  participer à  la réalisation d'idéaux désincarnés.  La gauche d’inspiration marxiste a longtemps tenu pour  insignifiant ce devoir, considérant que les classes dirigeantes défendaient seulement leurs intérêts de classe ;  ceux qu’a imprégnés  cette conception cynique, croyant basculer à gauche, se sont lancés  à la poursuite d’utopies transnationales . Un pôle opposé ?  Pas  forcément, dans la mesure où ces utopies servent généralement mieux que tout  aujourd’hui les intérêts des dominants.

La logique des intérêts, qu’ils soient nationaux ou européens, a une autre vertu : elle se prête  mieux que les idées générales  à l’autolimitation, à la négociation, au compromis. La plupart du temps cette logique conduit à penser qu’un bon compromis vaut mieux qu'une mauvaise guerre.

Opposant  la logique des intérêts à l’idéologie, on pourrait aussi bien opposer les nations et les Empires. Si les Etats-nations donnent généralement la  préférence à la défense  de leurs intérêts propres,  les Empires,  surtout quand ils sont hétérogènes, comme les anciens empires  coloniaux ou le monde soviétique tendent à superposer par commodité   un système idéologique  à une pléiade d’Etats dont  les intérêts ou les sensibilités sont  différents. L’idéologie intervient comme l’élément fédérateur par excellence au sein des empires multinationaux.  Quoi de plus facile, face aux  intérêts multiples des uns et des autres, se s’accrocher à deux ou trois idées fortes et simples ?  Et quoi de plus fédérateur que les « belles idées » ? La construction européenne, que Barroso a justement décrite comme un « Empire non impérial »  n’échappe pas à cette tentation.

L’Europe, telle qu’elle se construit, est-elle   condamnée  à y succomber ?

Il faut espérer que non car, nous l’avons suggéré, si les intérêts peuvent composer, les idéologies, elles, en sont incapables et  conduisent à la guerre. 

 

Propositions pour une nouvelle diplomatie européenne

 

Un motif d’espérer : à mesure que l’Europe voit s’affaiblir tant son poids économique que son influence dans le monde, elle découvre, mieux que jadis,   l’existence d’   intérêts communs.

Et on cherche en vain sur quel sujet  il y aurait des divergences majeures au sein de l’Europe quant aux relations qu’elle doit entretenir avec le monde extérieur.

En matière d’économie internationale, l’Europe est  menacée dans sa globalité par la politique de dumping monétaire de la Chine. Même si à court et moyen  terme l’Allemagne l’est moins  que les autres, il n’en  sera pas de même quand les Chinois viendront concurrencer ses machines-outils. Et, à cet égard, nous l’avons dit, les intérêts de l’Europe ne sont pas différents de ceux des Etats-Unis.

En matière de géopolitique européenne, l’Europe occidentale a intérêt à développer des relations de  bon voisinage et de coopération avec la Russie qui n’ambitionne à cette heure d’influencer directement, comme toutes les grandes puissances   s’en sont toujours arrogé le droit, que son étranger proche,   composé de   peuples étroitement liés à elle par l’histoire. N’ayant plus de projet de conquête idéologique  ou de désir de reconquérir son influence sur les pays de l'Europe centrale, hors URSS,  (auquel cas, il faudrait l’arrêter),   elle ne saurait être tenue pour ennemie. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille rester vigilant, au moins à moyen terme,  ou s’efforcer d’échapper à  la dépendance énergétique  à son égard.

L’Europe  ne saurait être cependant moins vigilante à demeurer indépendante des Etats-Unis même si ses intérêts convergent avec les nôtres sur beaucoup de problèmes internationaux.

De larges convergences existent aussi  à préserver la paix autour de la Méditerranée et au Proche-Orient.  Comment y parvenir sinon en observant un principe  de modération qui est à l’opposé de toutes les idéologies ?

L’Afrique sub-saharienne est le théâtre, à la fois de graves menaces pour  sa sécurité, comme l’a montré la crise malienne, mais encore de tentatives de pénétration de puissances extérieures comme la Chine. Pour contrer ces menaces, existe-t-il vraiment des divergences entre Européens ?  Qu’ils laissent la France aller seule à la  manœuvre au Mali ou en Centrafrique, cela vaut peut-être mieux que  de complexes et inefficaces opérations multinationales. Mais  notre pays devrait pouvoir compter sur une solidarité financière claire !

Même convergence  sur  des questions qui concernent tous les pays d’Europe et leur étranger proche comme l’immigration.

Ces intérêts recoupent d’autres sujets, n’ayant pas de caractère diplomatique où  notre destin n’en est pas moins commun  mais qu’ignorent totalement les instances bruxelloises,   comme la démographie.

A partir de ce constat d’une large convergence d’intérêts entre les pays qui composent aujourd’hui  l’Europe des 27, quelles  propositions ?

Même s’il est coûteux  et superflu, le dispositif diplomatique européen que l’on vient de mettre en place ne saurait être une question en soi ; comme tout instrument, il ne vaut que par les impulsions qu’il reçoit. Il pourrait même être heureusement complété par un ou plusieurs think tanks destinés à déterminer, entre Européens, les véritables  intérêts communs  à notre continent ; pourquoi ne pas  fonder une académie diplomatique européenne ?   De telles institutions  ne se soucieraient pas seulement d’approfondir les convergences mais aussi de résorber les divergences entre les composantes de l’Union européenne.

Dès lors   que l’intérêt commun aux Européens serait statutairement  placé au centre des  discussions, il y a des chances qu’un sain réalisme remplacera le moralisme dérisoire ou l’exaltation idéaliste  dangereuse qui font   aujourd’hui le fond de la diplomatie européenne.

De même que l’économie mondiale  (où elle est toujours le premier bloc importateur)  a besoin  d’une Europe prospère, le monde  a besoin, en matière politique,  d’une voix européenne crédible et raisonnée. Une Europe forte, ce n’est pas une Europe qui donne des leçons  à la terre entière,  c’est  une Europe, qui, riche de son histoire,  de sa longue expérience, de sa culture, parle « avec autorité », et donc sérieusement.  Hors de la défense de ses intérêts personne n’est sérieux.

Nous devons souhaiter une  Europe qui sache définir ses intérêts communs, qui les exprime et qui les soutienne.  Et si ces intérêts sont exprimés de manière raisonnable  (donc  sans idéologie),   ils seront,    n‘en doutons pas, pris en compte, pour le  plus grand bien de l’Europe et   monde,  et par là de la paix. Est-il nécessaire de dire que nous sommes, à cette heure, loin du compte ?

 

Roland HUREAUX

  

 

Entretien - Bild 16 mai 2014

Une fédération est composée d’entités fédérées que nous appelons de premier rang. Ces entités peuvent à leur tour fédérer des entités que nous appelons de second rang.  Cf. Roland Hureaux, La sacralisation des frontières, Commentaire, hiver 1997-1998

Paul Kagan, La puissance et  la faiblesse, 1980

Zbigniew Brzeziński, Le grand échiquier, 1997 . 

Les Etats-Unis qui conduisent des expériences pharmaceutiques dans la population du Guatemala, moins que quiconque. 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:05

 

Dans le cadre de la réforme territoriale, le département semble tout à coup  épargné.

On a compris que la raison principale en était le souci de maintenir Jean-Michel Baylet , président du Conseil général du Tarn-et Garonne et le Parti  radical de gauche dans une majorité qui s'effrite  chaque jour." Politique d'abord"  aurait dit Maurras,  grand pourfendeur du département. Et même politique politicienne !

Preuve que l'institution a la vie dure : elle avait déjà échappé en 1981  aux fureurs socialistes , déjà adeptes  de la région, tenue, on se demande pourquoi , pour plus moderne, cela  parce que   François Mitterrand,  Gaston Deferre et  quelques uns de leurs amis  influents , tel  Maurice Faure,  étaient restés discrètement départementalistes.   

Peut-être François Hollande, ancien président du Conseil général de la Corrèze aura-t-il  suivi la même pente.

L'irruption imprévue du  vieux féodalisme radical  dans un processus supposé modernisateur passera difficilement pour une bonne raison de maintenir le département.

Et pourtant ces bonnes raisons ne manquent pas.

La première est que,  contrairement à ce que l'on raconte, il  n'y a pas dans  le reste de l'Europe moins  d 'échelons territoriaux qu'en France.  Faute d'être allé voir ou de savoir compter jusqu'à quatre, nos élites   dénoncent mécaniquement le "mille feuille français". De même qu'elle ne se sont pas avisées que nos régions n'étaient  pas plus petites que celles des autres pays. Si nous avons, par rapport à certains pays, pas tous, un échelon de plus,  ce n'est que depuis le  dédoublement de la commune et de la communauté de communes, issu de la loi Joxe de 1992 , une loi qui n'est  vraiment entrée en application que depuis  quinze ans. Avant de simplifier, il aurait fallu ne pas commencer par compliquer !

La deuxième raison, corollaire de la première est que tous les pays ont un échelon élu de la taille approximative de notre département, qu'il  s'agisse de la province ( Espagne, Italie, Belgique), du kreis (Allemagne), du comté et  du bourg (Angleterre). Certains länder allemands comme ont même en plus   le bezirk  ! 

La troisième est que si on supprime le département, que fera-t-on de  ses  attributions  principales : l'aide sociale,  le réseau routier ou  les transports scolaires  ?  A  coup sûr le transfert de compétences qui en résultera aboutira à compliquer les circuits  et alourdir  les coûts. Le  niveau administratif départemental demeurera  techniquement  nécessaire, pour la gestion des routes par exemple,  mais avec un contrôle politique plus lointain. Ajouté au fait , trop ignoré, qu'  en matière de gestion publique, plus la dimension des unités s'accroît, plus les frais généraux augmentent, il ne fait aucun doute que la nouvelle architecture  coûtera  plus cher que la présente.

Mais la raison principale de garder le département est que la population y est attachée . Or de  celle là   tout  le monde se  fiche. Témoin,  le seul territoire où il lui  a été demandé, par référendum  de dire  ce quelle en pensait, le 7 avril 2013, la suppression du département  n'a été approuvée que par  20 % des électeurs seulement ( avec 65 % d'abstentions ). Le Haut-Rhin, premier   concerné,  a  voté majoritairement non.      Tous les états-majors des grands  partis, tous les sondeurs,  tout l'establishment  national et local étaient persuadés que les Alsaciens voteraient oui.  Ce fut l'inverse.   Et pourtant  la région Alsace ne comportait que deux départements !  "Un signe fort " pour Le Monde, "un échec cinglant pour la classe politique" pour L'Humanité. Comme les Corses ou les Antillais, les Alsaciens ont refusé un schéma institutionnel qui semblait aller de soi  pour une grande partie des dirigeants.  

Or ce  fait massif est immédiatement passé aux oubliettes, il a été selon le vocabulaire de la psychanalyse, refoulé   parce que contraire à la  doxa de l'élite. Gauche et droite confondues ont continué à projeter , comme si ce référendum  n'avait pas eu lieu,   la suppression du département. 

Et  gageons que Baylet n'a remporté qu'une victoire provisoire. Deux pas en avant, un pas en arrière disent, après Lénine,  tous les idéologues.   Tout laisse penser que,  malgré toutes les bonnes raisons de le maintenir,   la machine infernale visant à broyer le département  se remettra en marche  à la première occasion. Envers et contre tant le bon sens  que la volonté  populaire  qui vont généralement de pair.

 

                                               Roland HUREAUX  

 

 

 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:04

Paru dans Figaro Vox


       Quels mots employer  pour exprimer  l'horreur qu' inspirent les événements du Nord de l'Irak: d'abord  cette irruption d'un pseudo-khalifat dont la barbarie semble nous ramener au premier millénaire mais qui est en réalité bien pire ? Les premiers khalifes se contentaient de taxer  les minorités juives et chrétiennes, ils  ne les massacraient qu'exceptionnellement : dhimmi, après tout , signifie protégé ,  

Ensuite le  sort des chrétiens d'Irak  (et d'autres minorités ) massacrés (combien l'ont été ? On ne sait), en fuite ou en péril. Il devrait émouvoir d'autant plus les  Français qu'en droit  international,  les chrétiens de  l'Empire ottoman avaient le statut non point d'étrangers, mais de protégés français : par quelle aberration, le gouvernement français est-il dès lors le moins accueillant des gouvernements  européens  ?

Mais le plus extravagant  est que les armes dont se servent les soldats de ce nouveau djihad, du soi-disant  Etat islamique en Irak et au  Levant  sont les mêmes que nous leur avons vendues au cours des derniers mois, que nos services spéciaux leur ont  appris à utiliser . Et ce sont les armes de l'arsenal de Khadafi  que nous avons permis aux islamistes de tout poil , à commencer par  ceux du  Mali,  de se partager. Ces trafics ne nous ont jamais dissuadés de considérer les principaux payeurs, Arabie saoudite, Qatar , comme des amis.

Aussi stupéfiant:  ce qui se produit au Nord de l'Irak n'est nullement  une surprise puisque cela serait arrivé un peu plus tôt en Syrie si le projet d'aider directement  au renversement du  président Assad  avait abouti.

Nous avions déjà l'expérience de l'Afghanistan, du Mali et d'autres pour voir que les  djihadistes , loin de nous savoir gré de notre soutien, se précipitent, dès qu'ils en ont l'occasion,  pour brandir leurs armes contre l'Occident. Témoin la décapitation de deux journalistes américains et d'un humanitaire anglais   par l'EIIL.

Même  le roi d'Arabie doit trouver amer que ses ex-protégés   revendiquent  le khalifat  dont il considérait être , de facto, l'héritier.   

Or,  après de telles déconvenues,  c'est apparemment  sans le moindre trouble de conscience  que le département d'Etat qui avait mis sur pied une coalition occidentale  contre les talibans en Afghanistan et  contre Saddam Hussein en Irak,  puis tenté d'en monter une autre contre Assad en Syrie, s'évertue d' en mettre  en place une nouvelle    aujourd'hui  contre les islamistes qu'ils avaient jusque là aidés. Une coalition qui pourrait même comprendre l' Iran ,  archi-diabolisé jusqu'ici.   

Confondu par tant d'inconséquence, on en cherche la cause.

La première qui vient à l'esprit est l'incompétence. On en a déjà eu de nombreuses  preuves dans cette région. Qui pouvait douter que , la "démocratie " rétablie en Irak, les chiites, évidemment alliés de l' Iran,  prendraient  immédiatement  le pouvoir par la force du nombre   ? Qui pouvait douter que le licenciement  de l'armée de Saddam, avec ses  armes  et sans solde , conjugué avec la mise à l'écart systématique des cadres baasistes, n'entretienne un long   désordre dans  ce pays ?   Qui pouvait imaginer que le rétablissement  de la démocratie en Egypte  amènerait au pouvoir quelqu'un d'autre que les Frères musulmans

Mais l'incompétence est largement partagée: c'est ainsi que Helmut Schmidt met gravement en cause celle de la commission européenne    qui a , selon lui,   "une part de responsabilité dans l'aggravation de la crise ukrainienne" et   il   s'emporte  contre les   bureaucrates   qui "comprennent trop peu la politique étrangère". Bruxelles, dit-il,  "se mêle trop de politique étrangère, alors que la plupart des commissaires européens la comprennent à peine". L'ncien chancelier va  jusqu'à  évoquer le risque d' une   troisième Guerre mondiale.

Comment ne pas être frappé de la distance entre l'immense capacité technique des grandes puissances, singulièrement les Etats-Unis, et leur incapacité à se fixer des buts de guerre  cohérents, pire,  à percevoir leurs vrais intérêts.

Mais peut-être  ces buts de guerre étaient-ils plus subtils que ce que l'on dit ?  Au grés de certains aurait été appliquée au   Proche-Orient :la  théorie du chaos:  la suprématie américaine et la sécurité d'Israël  seraient  mieux assurés si tous les Etats de la région , spécialement eux où il avait encore une charpente   comme les dictatures nationalistes , sombraient  dans des rivalités tribales .

S'il est vrai que l'histoire de la région au cours des dernières années n'exclut pas,  bien que nous ne  soyons  sûrs de rien,   qu'une telle  entreprise ait été poursuivie,    nous  voyons  aujourd'hui avec l'EIIL  le monstre qu'elle a  fabriqué.: Fankenstein ou le golem, au choix.

Au moment où une écrasante supériorité technique des  Etats-Unis et d' Israël leur permet de mener  ( sauf en Afghanistan)    une guerre presse-boutons  ( n'est-ce pas ainsi que  s'est effectué le bombardement de Gaza?) , permettre à certaines factions de leur périphérie de se livrer  à une guerre permanente , une vraie guerre de terrain pour le coup , c' est courir le risque de trouver un jour face à soi ces factions surentrainées.    

C'est ce qui s'est passé au Liban: nous ne savons  pas qui a alimenté  la  longue guerre civile qui a divisé  ce pays, mais il en est émergé au bot du compte ,  par une sorte de sélection naturelle, le Hezbollah dont la force ne tient pas seulement au soutien de l'Iran mais aussi à son  surentrainement . Tsahal en a fait l'expérience. L'armée d'Assad n'était pas flambante avant la présente guerre civile;   Si elle la gagne ,elle en sortira singulièrement   sortira renforcée. Et naturellement l'Etat islamique   en Irak et au Levant n'est autre que   la conjugaison de ces forces  surentrainées sur différents  champs de bataille que nous avons aidées au cours des dernières années .

Il   faut bien sûr   une intervention musclée pour détruire cette entité barbare.  Et il faut aussi que la France, n'oubliant pas  son rôle traditionnel de protection des chrétiens d'Orient , y occupe une place de premier plan.

Il n'y a certes pas  là les prémisses d'un embrasement mondial . Nous   ne sommes plus au VIIe siècle: l'exaltation religieuse ne tiendra pas longtemps devant  la supériorité technique .

Mais il faut aussi que certains  stratèges en chambre , aussi cyniques qu'ignorants du passé cessent d'imaginer qu'on peut  impunément semer le vent sans récolter la tempête.

 

                                                           Roland HUREAUX

 

 

 

Entretien - Bild 16 mai 2014 

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 21:00

 

L'expression lamentablement méprisante de François Hollande à l'égard des pauvres , qu'il qualifierait,  parait-il,  de "sans dents", ne surprendra que les naïfs.

Parmi ceux-ci , tous les gens de droite qui avaient poussé des cris d'orfraie quand le candidat Hollande s'était avisé de dire qu'"il n'aimait pas les riches".

Indignation doublement  stupide.

D'abord parce  que ce n'était pas vrai . Issu lui-même d'un milieu aisé , Hollande , fréquente bien entendu  plus de gens fortunés (ses liens avec François Pinault sont notoires) que de "sans-dents". , comme la plupart des hommes politiques d'un certain niveau , de gauche ou de droite - nous serions même tentés de dire surtout  de gauche :   il suffit de compter dans les gouvernements socialistes  les membres du Bilderberg ou du Siècle,  plus nombreux encore que du temps de Sarkozy . Il y a peu de risque qu'il   déteste ces gens là.

Ensuite  parce que , même si cela était vrai, il fallait être très ignorant   des ressorts de la nature humaine  pour  imaginer que les pauvres ou ceux qui s'estiment tels, qui demeurent une majorité , aiment  tant que cela  les riches. En disant qu'il ne les aimait pas, Hollande mentait certes, mais il faisait une belle opération électorale : il faisait croire à tous les sans grade qu'il  était des leurs et que donc  il  était encore de gauche  ( au moins,  au sens que ce mot avait   autrefois) !

Mais  cette opération n'aurait pas réussi si bien si le concert d'indignation de politiciens et éditorialistes de droite  ne lui avait pas apporté la résonance maximale.

Il y a certes une catégorie  de riches que Hollande ne semble pas apprécier beaucoup:   ceux qui croient l'être et qui ne le sont plus  vraiment: l'immense armée des classes moyennes que son gouvernement attaque de toutes parts , par la hausse de la pression fiscale, par la perspective de la suppression de toute  une série de prétendus privilèges (médecins,  pharmaciens, biologistes, notaires, taxis) qui avaient au moins le mérite d'assurer un encadrement social minimum dans une société en perte de repères. Dans tel  quartier  nord de Marseille, le seul "bourgeois" qui reste, m'a-t-on dit,  est le pharmacien. Pas le seul riche bien entendu car il est dans ces coins là   d'autres moyens de s'enrichir!  En  supprimant  tous les  privilèges prêtés à ces  catégories moyennes, Hollande s'en prend en effet à certains riches , mais pas les vrais ; surtout il prépare  une société un peu plus  inhumaine.

Et  si Hollande n'a aucun scrupule à pressurer  les classes moyennes, il serait bien naïf de croire que cela en fait un ami des pauvres.

 Car les vrais riches, ceux que fréquente au quotidien le président   se fichent, eux,  comme d'une guigne que le niveau des impôts devienne insupportable  en France. Ouverts au grand large de la mondialisation  ( Vive l'  Internationale !)  , ils ont un patrimoine assez disséminé et assez de conseillers fiscaux pour ne  pas avoir à craindre beaucoup  du fisc français.

Et , bien entendu, s'ils sont vraiment à la mode, le chic du chic sera pour eux  d'être de gauche.

 Roland HUREAUX 

 

                                                                              

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2014 2 23 /09 /septembre /2014 20:58

  Paru dans Atlantico 

 

Un jugement qui fera plaisir à Mademoiselle  Fourest:  celui du    tribunal correctionnel de  Paris qui  vient de relaxer les neuf soi-disant  Femens  poursuivies pour  dégradation  de  cloches  commises à  Notre-Dame  le 12 févier 2013  .

Pas de mention des autres chefs d'accusation que l'on aurait pu envisager . Certes , si les exhibitions à l'occasion desquelles  furent commises ces dégradations , avaient  une intention à  l'évidence blasphématoire,  il n'existe   pas de loi contre le  blasphème en France . Mais on pouvait au moins tenir l'action des Femens pour de l'incitation à la haine d'une certaine catégorie de  population, les catholiques,  pour une  injure à leur égard  et à celui de leur chef, pour de l'exhibitionnisme, ou  au moins pour une atteinte  l'ordre public. On ne l'a pas fait,  ne retenant sans doute à dessein que le grief le plus faible.  Il n'est pas non plus  question de suites judicaires à l'abjecte simulation d'un avortement de Jésus par la Sainte Vierge à la Madeleine,   le 29 décembre de la même année et que même Bertrand Delanoë, maire de Paris, avait sévèrement condamnée.

Le jugement de relaxe  choque d'autant plus que les trois vigiles qui avaient  essayé de   repousser les femens, ont été, eux,  condamnés à des  amendes de 1500 €, 500 € et 300 € avec sursis.  Le monde à l'envers !  

Ce jugement  inégal  serait justifié par le fait que , compte tenu du principe de l'individualisation des peines, on ne pouvait pas savoir laquelle des neuf avait abîmé les cloches tandis que les vigiles avaient été , eux, clairement identifiés.   Moralité : il suffit de se  mettre à vingt  pour attaquer   un homme seul . S'il se défend, on saura que c'est lui  qui donne des coups et  les agresseurs  , pris dans  la mêlée, seront , eux,  exonérés.

Que doivent penser  ces braves vigiles de la justice de leur pays, surtout su l'on considère ce que relate  la presse, au même moment

- “Suspect libéré : la mère de la victime manifeste” (un adolescent poignardé à mort sans raison et l’inculpé élargi car “la justice a laissé passer une date”). A cette occasion, le  PS toulousain dénonce  “la délectation morbide avec laquelle l’opposition s’empare d’un fait divers”.

- “Jugé pour coups mortels, il repart avec une amende” (tueur déjà condamné pour violences à dix reprises),

- “Viol collectif : relaxe générale à Angoulême” (cinq crapules, pour “relations sexuelles non consenties avec une jeune handicapée”).

A la rigueur aurait-on pu retirer à Mme Inna Shevchenko qui dirige la fine équipe le statut de réfugiée politique. Réfugiée politique;  pourquoi ? Parce qu'avec ses complices, elle  avait abattu en 2O12, dans son pays d'origine  l'Ukraine, la grande croix qui commémore les millions de victimes du communisme. Bel acte humaniste !

Il est clair que dans la République de M.Hollande, la haine antichrétienne  a valeur absolutoire. Heureusement que  pour faire mine de  sauver la face , le parquet a fait appel de la relaxe. Mais quelles suites en attendre ?

Sans revenir sur les événements liés à la  Manif pour tous,  comme  les rafles massives de manifestants  non-violents, ou l'expulsion manu militari de Frigide Barjot de son logement  prévue  à la fin de ce mois,   sans que le juge de l'exécution ait daigné   attendre le résultat de l'appel qu'elle a interjeté ,  on notera aussi, à notre   honte,  que, de tous les grands pays occidentaux , la France est le pays le plus pingre dans l'accueil de réfugiés chrétiens d'Irak  - avec l'approbation de Me Collard, député du Front national !  Même  Delcassé, ministre des affaires étrangères du petit père Combes savait que notre pays avait depuis François Ier la  mission particulière, reconnue par traité  passé avec le sultan de Turquie,   de protéger les chrétiens d'Orient et que ces considérations internationales passaient bien  avant nos querelles  domestiques relatives à la laïcité.  Incultes, les socialistes christianophobes  du temps de  François  Hollande n' ont plus cela en mémoire. 

On peut sans doute trouver exagérément sévère la condamnation à Moscou à deux ans de camp de travail des Pussy riots,  équivalent russe des Femens,  pour dégradations et incitation à la haine religieuse , qui avaient fait scandale dans la prestigieuse Cathédrale du Saint-Sauveur de Moscou  , construite pour fêter la victoire sur Napoléon , détruite par Staline et reconstruite à grands  frais après la chute du communisme. Mais comment s'étonner , que face à une    justice française aussi partiale ,    de plus en plus de Français , chrétiens ou non,  tiennent hors  toute considération géopolitique Vladimir Poutine , malgré les campagnes de diabolisation dont il fait l'objet  -  où Mlle Fourest   a naturellement  sa part -  pour  le dernier défenseur de l'héritage chrétien de l'   Europe ?

 

Roland HUREAUX

 

                                                                     

Partager cet article
Repost0
1 septembre 2014 1 01 /09 /septembre /2014 09:17

 

Le nouveau gouvernement Valls est loin de n'être qu'un replâtrage destiné à se débarrasser de quelques   forts-en-gueule.

Malgré le maintien d'un certain nombre de poids lourds ( Fabius, Sapin,    Le Drian,   Cazeneuve,  Ségolène Royal,   à des ministères clef,  l'annonce du nouveau gouvernement  n'est pas neutre: elle représente  une triple provocation.

Vis à vis de la gauche historique d'abord , par la nomination d'un jeune banquier réputé ultralibéral à  l'économie. Hollande ne prend pas un double de Montebourg en plus calme, mais son antithèse. L'aile gauche  du PS et, par-delà,  ses anciens alliés d'extrême-gauche, ne sont pas seulement sanctionnés par le départ de quelqu'un qui pouvait passer pour leur porte-parole  mais , comme pour bien enfoncer le clou, on le remplace par ce qu'ils détestent le plus: le mélange ambigu, déjà illustré par  Strauss-Kahn et Cahuzac,  de l'étiquette socialiste et du monde de l'argent. Un mélange qui , certes, n'est pas neuf, qui est même l'essence du pouvoir socialiste actuel mais qui ne s'était  jamais affiché aussi ouvertement.

En même temps,  cette nomination  se veut  un signal fort adressé aux marchés financiers et aux instances de Bruxelles. Mais on peut douter qu'il  suffise à rétablir la crédibilité du gouvernement Hollande.

La deuxième provocation est cette fois, vis à vis de la droite, en tous les cas du  peuple de droite - sans exclure certains éléments venus de la gauche,  qui était massivement descendue dans la rue en 2013 pour s'opposer au  mariage dit "pour tous"  tous. Le combat s'est poursuivi    sur la question de la fallacieuse théorie du genre à  l'école. Mise en veilleuse par Benoît Hamon, l'affaire ne pourra qu'être relancée par Najat Valaud-Belkacem qui s'est avérée dans les précédents gouvernements comme  une des plus ardentes propagandistes de la subversion des valeurs du mariage et  de la famille au point que non seulement Hervé Mariton a pu la qualifier  de "Vietminh souriante"  mais que même un  Julien Dray la situe "sur la ligne des féministes ultras américaines , qui sont en train d'émasculer les sexes".   Sa nomination porte un message clair :   l'éduction nationale, ce n'est plus l'instruction publique, pourtant si nécessaire, ce sera la rééducation des enfants à  toutes les lubies de  la gauche libertaire. Que la  nouvelle ministre soit une féministe   sincère ou un agent infiltré de l'islamisme cherchant à subvertir l'héritage chrétien ( on a  pu noter que quand elle visite  son pays d'origine, le Maroc , cette femme prétendue libérée  respecte scrupuleusement les prescriptions de la charia ! )  n'y changera rien: à un moment  qui devrait être celui de l'apaisement, sa nomination  est ressentie comme une provocation à l'égard de la Manif' pour tous et de ses héritiers. On retrouve là la marque du vrai Valls, non point le prétendu social-démocrate modéré, mais le policier sectaire qui ordonna les poursuites les plus disproportionnées contre les manifestants pacifiques hostiles à la loi Taubira.

On sait à quel point la frange musulmane de la  population acquise à la gauche à 90 % en 2012, s'en est détachée au point de s'abstenir massivement aux  municipales , entre autres à cause  de la théorie du genre,  aucun parent musulman  ne souhaitant que l'école publique porte atteinte  à  la virilité de son garçon ( comme à féminité de sa fille ! ). Il n'est pas sûr que ses origines sauvent  à cet égard Najat Vallaud-Belkacem d'une confrontation, au  contraire. Farida Belghoul contre Najat Vallaud-Belkacem, l'empoignade à la sortie des écoles  promet d'être rude !  

La  troisième provocation  est le maintien de Christiane Taubira à la justice alors même que l'intéressée, qui concocte toujours sa réforme ultra-permissive de la procédure pénale ,  n'a guère caché son accord avec les thèses économiques de Montebourg, Hamon et  Filipetti. Il serait trop facile de dire, par souci de symétrie,  que cette provocation  vise, elle,   l'extrême droite sécuritaire, laquelle s'est massivement  exprimée aux élections européennes. Mais l'aspiration à une saine justice, qui fasse clairement la distinction du bien et du mal, et à la sécurité est partagée par  tous les Français, spécialement les plus modestes, elle n'est l'apanage d'aucun  parti politique. Elle est aussi une des missions  séculaires de tout  pouvoir régalien  quel qu'il soit.  Il est ainsi clair que ce remaniement garde  du précédent gouvernement ce qu'il avait  de plus destructeur.

Premier message  donc : la gauche restera de gauche, avec tout ce que cela a de plus provocant , dès lors qu'il ne s'agira pas de toucher aux grands intérêts.

Deuxième message: c'est sur le plan sociétal que la nouvelle gauche libérale libertaire trouvera  sa légitimité. C'était déjà la ligne de François Hollande, inspirée par la FondationTerra Nova, mais désormais cette ligne se durcit.     Le maintien de Taubira, la promotion de Belkacem sont destinés à équilibrer  la    droitisation économique et sociale.  Des contestataires  de gauche , c'est en définitive, la plus nocive que l'on garde.

Mais ces trois provocations, bien dans le style pète-sec de Valls, c'est  précisément  là ce qui fragilise le nouveau gouvernement. Elles ont en effet  en commun de viser le peuple : peuple de droite , peuple de gauche, qu'importe ? C'est le peuple dans son ensemble qui  ne veut pas que la France soit livrée pieds et poings liés  aux seules logiques financières, c'est le peuple dans son ensemble ( pas seulement  celui des sorties de messe, mais aussi celui des banlieues )   qui refuse la théorie du genre . C'est le peuple dans son ensemble qui veut la justice et la sécurité : ne font même  pas exception les jeunes délinquants que Taubira prétend choyer, moins demandeurs en fait de circonstances atténuants que de   repères  clairs.

Relance de l'action gouvernementale ? Peut-être,  mais sur la même ligne durcie : libérale sur le plan économique, libertaire sur le plan des mœurs. Mais aucun gouvernement ne saurait agir efficacement en prenant ouvertement  de front, comme le font Hollande et Valls, les aspirations le plus légitimes des Français. Gageons dès lors que  ses jours sont comptés.

 

                                 Roland HUREAUX

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 08:18

 

Dans le langage journalistique , l'expression  "administration américaine"  résonne de manière familière.

Elle n'en est pas moins une offense à la langue française dans la mesure où    the american administration doit se traduire par "le  gouvernement américain".   Administration est ce qu'on appelle un faux ami, tout comme, à l'inverse, the local government doit se traduire par  "l'administration locale".

L'"administration américaine" est cependant  plus qu'un américanisme. Cette expression laisse entendre que le gouvernement américain ne serait  pas un gouvernement comme les autres, qu'il se situerait au dessus des contingences - et sans  doute des  préoccupations mesquines  - des gouvernements ordinaires;  elle porte avec elle   un air   de rationalité hégélienne et une aura   d'universalité  que n'ont pas les autres  gouvernements, bassement politiques, eux  ( y compris the British government) . Ne peuvent  émaner de cette "administration" que opinions irrécusables et  des décisions  impartiales orientées vers le bien universel. L'emploi de cette expression  légitime  la position des Etats-Unis comme maîtres du monde.  Ils se trouvent  ainsi fondés, entre autres,   à  appliquer sa législation interne  aux autres pays comme on le voit dans l'affaire  de la BNP. On peut contester une décision politique, on ne conteste pas  une décision administrative !

C'est pourquoi  beaucoup d'entre nous  se sont efforcés depuis longtemps de ne parler que  de "gouvernement  américain" , animés  du double souci de  nous défendre  contre l' impérialisme de la langue dominante qui tend à imposer ses tournures aux autres langues, et de ne pas cautionner    l'idée que la puissance américaine serait au-dessus des autres. 

Pourtant  on peut se demander aujourd'hui s'il n'existe pas quand même quelque chose comme une administration américaine, parfaitement impérialiste pour le coup, mais transcendant le pouvoir politique américain. Alors  que le président  Obama apparait comme un homme relativement modéré ( au moins dans la sphère internationale), soucieux de désengager son  pays de nombreuses affaires mal engagées ( Irak, Afghanistan  et peut-être Syrie), tout se passe comme si une effrayante machine politico-administrative tournée vers un impérialisme  sans frein et animée d'une idéologie  impitoyable continuait inexorablement, avec ou sans l'aval du président,  sa marche en avant.

Ce pouvoir ne se résume pas  au lobby militaro-industriel encore que le pouvoir militaire y joue un rôle considérable. Il faut y adjoindre  d'autres pouvoirs: les seize services de renseignement, les think tanks, les multinationales, les groupes d' influence de toutes sortes, y compris universitaires.   Tous ceux-là sont animés du souci d'étendre sans limite   la puissance américaine . Leur  feuille de route n'est pas très éloignée des préconisations de Zbignew Brezinski : pour préserver l'hégémonie américaine, il convient d'enfoncer un coin entre l'Europe occidentale et la Russie et donc d' alimenter entre eux une guerre larvée, comme celle qui vient de se déclarer eu Ukraine.  Au  Proche-Orient, cette ligne est sous-tendue par   la "stratégie du chaos" : balkaniser au maximum tous les voisins d'Israël pour  assurer sa protection. 

Ces considérations stratégiques sont enrobées d'    une couverture idéologique sans faille: tout ce qui vient de l'Amérique et de l'OTAN  a ipso facto  pour nom liberté, démocratie, droits de l'homme. Il est du devoir de la puissance dominante de répandre ces valeurs dont elle est  seule  garante. Qu'est-ce dans ces conditions qu'un pays démocratique ?  C'est un  pays ami des Etats-Unis. Qu'est-ce qu'un  pays non démocratique  ?  C'est un pays ennemi ou rival des Etats-Unis. A cette aune, on comprend que dans l'opinion américaine, devenue par de manipulations diverses,   l'opinion de tout l'Occident, la Russie fasse l'objet de plus de critiques que l'Arabie saoudite ou même la Chine, pourtant bien pires sur le plan des droits de l'homme, que la répression des islamistes apparaisse beaucoup plus terrible en Syrie qu'en Egypte  - ou même en Algérie, ce quelle n'est pas forcément. La Turquie, tenue pour  démocratique,  était un candidat très présentable à  l'entrée dans  l'Union européenne tant qu'elle en pinçait  pour Washington et Tel Aviv ; elle  devient une dictature affreuse dès lors qu'elle s'en éloigne . Et ainsi de suite.

Cette ascension d'un pouvoir anonyme transcendant les contingences politiques, c'est ce que avait prophétisé , sous sa forme militaro-industrielle  le président Eisenhower dans son beau discours d'adieu du 17 janvier 1961 : "Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu'elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque potentiel d'une désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques."

Hélas, la  désastreuse ascension d'un pouvoir illégitime n'est plus un risque mais une réalité qui remet en cause aux Etats-Unis et dans le monde les valeurs démocratiques.

Il est temps de   pendre la mesure  de cette menace.

L' "administration américaine" existe  donc , hélas, mais elle n'a plus rien d'une puissance supérieure au-dessus de contingences politiques  ordinaires. Elle est au contraire la plus politiques  des puissances.

L'administration américaine existe bien aujourd'hui , mais  ce n'est pas une bonne nouvelle. 

Roland HUREAUX

 

                                                                        


Chiffre donné par le général Colin Powell 

Partager cet article
Repost0
23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 08:13

 

Pour désespérant que soit le nouvel épisode de la guerre qui oppose, dans une partie qui demeure très inégale, l'Etat d'Israël et les Palestiniens de Gaza, on ne saurait oublier que, s'il y a jamais eu progrès depuis soixante ans dans le conflit  du Proche-Orient,  c'est parce que des hommes entreprenants surent rebondir sur les  crises  pour  avancer des  solutions partielles.  

Il est aujourd'hui très peu de gens qui ne reconnaissent que la paix sur l'ancien territoire du mandat  britannique de Palestine passe par la création d'un Etat palestinien , pendant , même en plus petit,  de l'actuel Etat israélien, cet  Etat devant trouver  son assise territoriale en  Cisjordanie   et dans  la bande de Gaza.

 

L'Etat palestinien unique : une solution dépassée

 

Pourtant , il faut bien le dire,  cette solution apparait   aujourd'hui de plus  en plus dépassée . Non seulement parce que les forces politique dominantes en Israël, Benjamin Netanyahou en tête  n'en veulent manifestement pas - pas plus que la partie des  Palestiniens qui revendique un seul Etat multiconfessionnel - , mais aussi parce que, sur le terrain, elle semble  de plus en plus irréelle.

Laissons de côté le  problème considérable posé par l'accroissement du nombre de colonies en Cisjordanie. Heureusement  la décision audacieuse d'Ariel Sharon d' évacuer en 2005  celles de Gaza y simplifie la question.

Mais il n'existe aucun cas à l'époque moderne d'un Etat coupé en deux qui  se soit avéré durable. L'exemple du Pakistan est le  plus manifeste : destiné lors de sa création en 1947 à regrouper tous les Indiens musulmans ,  ses parties est et ouest (devenue Bengladesh ) durent se séparer  dès  1971. En remontant dans le temps, on se souvient de l'Allemagne où l'instauration en 1919 d' une   Prusse orientale sans continuité territoriale  fut, au travers de la question de Dantzig,  la pomme de discorde qui déclencha la 2e guerre mondiale.  Après la guerre   Berlin  posa un problème analogue.  La  solution d'un Etat unique  tient d'autant moins que les Israéliens n'ont sans doute pas l'intention de couper  leur propre territoire par une autoroute reliant les deux parties de la  Palestine.

Il faut donc deux Etats palestiniens: une sorte de cité-état à  la  manière de Singapour  à Gaza et un Etat cisjordanien dont l'imbrication avec Israël et la présence à Jérusalem sont à négocier.

L'autre  raison de  créer deux Etats palestiniens est qu'on n'imagine pas le Fatah et le Hamas  travaillant  ensemble : que chacun s'organise de son côté comme c'est déjà le cas en pratique  ,  est logique. Leur rapprochement récent , pourtant tactique, aurait, selon certaines sources,  déterminé  Israël  à bombarder Gaza. Raison de plus pour que ce dernier  envisage l'idée de deux Etats palestiniens. 

Israël aurait tout à gagner à une telle solution : la perspective d'un face à face avec un Etat palestinien unique sur le même territoire est difficile à  admettre pour une partie de ses ressortissants. Avec deux Etats, cette perspective s'en trouverait  en partie  diluée.

On objectera qu'aucun de ces Etats ne serait "viable" . Mais des 193 membres des Nations unies, combien sont "viables" ?

Une telle solution impose non seulement de régler la question des colonies juives de Cisjordanie mais aussi  celle du décloisonnement et du développement de Gaza, inséparable d'un rétablissement de la sécurité d'Israël côté Sud. Deux questions  immenses mais qui seront sans doute mieux  résolues , si elles doivent  l'être,  séparément qu' ensemble.

 

Vers une confédération ?

 

Une telle solution permettrait même d'envisager à terme une sorte  de confédération à quatre comprenant  Israël et la Jordanie laquelle  revendique toujours sa qualité d'Etat palestinien.  Israël aurait naturellement une influence privilégiée dans une telle confédération mais les partisans d'un Etat unique pourront  aussi bien  la considérer comme un pas dans leur sens.

L'idée de donner à Gaza le statut  d'Etat effrayera, dans le contexte actuel,  bien des Israéliens: mais préfèrent-ils que les activistes du Hamas passent leur temps à ruminer des  projets   d'action armée  ou qu'ils se répandent à travers  le monde dans les ambassades du nouvel Etat, que la communauté internationale sera , n'en doutons pas,  prête  à financer  ?

Le perfectionnement  prévisible du mur électronique autour de Gaza devrait un jour permettre de relâcher le blocus , ouvrant ainsi la porte au nécessaire   développement de l'économie de ce territoire, à la fois  impératif humanitaire et moyen de ralentir sa progression démographique. Un tel développement, irrigué par l'argent du golfe  ou de l'Union européenne,  serait à même de rendre un jour  les  habitants de ce territoire à leur vocation commerciale  séculaire.

Nous mesurons tous les problèmes de principe que pose un tel scénario aux Palestiniens. Mais au moins faudrait-il qu'il commence par paraître acceptable à Israël. Comme il est probable qu'on ne résoudra pas les questions de principe ( droit au retour , caractère confessionnel de l'Etat d'Israël, statut de Jérusalem) , peut-être vaudrait-il mieux parler dans une première phase de ne  fonder sur ces bases qu'un arrangement provisoire. 

Utopie ? Sans doute,  mais moins que l'idée d'un Etat  palestinien unique. Si une ouverture  doit émerger  de la crise actuelle, c'est dans cette direction  qu'il   faut  à présent la  chercher.

 

 

                                                           Roland HUREAUX

Partager cet article
Repost0