Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Roland HUREAUX

MrHureaux

Recherche

Articles RÉCents

Liens

23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 22:21

Paru dans Le Figaro

Même si une opinion sensible aux coups de com' réussis semble bien accueillir la loi Macron, elle est, quant à son contenu, typique de toutes celles qui ont fait monter le Front national au cours des trente dernières années sans aucunement résoudre les problèmes de la France.

Laissons de côté tel ou tel point de cette loi qui peut sembler, au premier abord, intéressant, comme l'épargne salariale, de menues simplifications du droit du travail ou du permis de conduire.

Pour le reste, ce qui nous est proposé n' est rien de moins qu' un nouveau pas dans la déstructuration du temps : le dimanche , de l 'espace : abandon prévisible de certains territoires, ou du tissu social : attaque des professions réglementées, symboles d'une classe moyenne par ailleurs laminée fiscalement. Ainsi se poursuit l'effacement progressif des repères qui restaient à des Français déjà "paumés" : la famille, l'histoire, la nationalité mais aussi bien toutes les formes d'appartenance : corps spécialisés, région, commune, le département n'étant qu'en sursis. Pour qui sait écouter, c'est, plus encore que l'immigration, cette perte des repères qui fait monter partout le vote de rupture.

Et tout cela pour quoi? On sait que rien dans la loi Macron ne changea quoi que ce soit aux fondamentaux macroéconomiques désastreux de la France : déficit, endettement, récession , chômage ; elle n'apportera ni croissance ni activité: qui prendrait au sérieux les 6 milliards de hausse promise du pouvoir d'achat ? Bien au contraire, comme à peu près toutes les lois depuis un quart de siècle, elle introduit subrepticement des dépenses publiques supplémentaires : indemnisation des professionnels ayant payé leur charge, recrutement de magistrats de profession pour les tribunaux de commerce.

Ignore-t-on que c'est dans le cadre qu'on veut bouleverser que la France a fait dans la seconde moitié du XXe siècle les magnifiques progrès que l'on sait? La dénonciation obsessionnelle du prétendu "corporatisme" français est-elle autre chose qu' une forme de la haine de soi, pour ne pas dire du "suicide français".

On allègue les impératifs comptables : mais tout ce qu'on se propose de défaire existait dans les années cinquante et soixante où la France avait vingt points de moins de prélèvements obligatoires. Comment faisait-on donc ?

Manquerait-on de capitaux pour autoriser la pénétration des professions libérales par des fonds de pension, selon le voeu de Bruxelles ? Bien sûr que non. Mais il faut absolument que ces professions soient dépersonnalisées ! Nous connaissons un quartier de Marseille où , hors des mafias, le seul encadrement social qui subsiste est assuré par le notaire et le pharmacien.

C'est à la qualité de ce genre de services réglementés que l'on reconnait une société civilisée. Faute que ces secteurs posent, pour la plupart, des problèmes sérieux, on fait, en ce domaine comme en d'autres, des lois pour en créer !

Tel est l'esprit de la loi Macron. Le principe précède l'application. Le point de départ , c'est que telle ou telle législation , tel ou tel statut ne sont pas jugés conformes à un principe idéologique donné, en l'occurrence le libéralisme pur et dur (ou ce que l'on croit tel).

Avec un rare manque d'imagination, on y retrouve les propositions du rapport Rueff-Armand (1960), bible de générations d'élèves de Sciences po. Si beaucoup n'ont jamais été appliquées , peut-être ne faut-il pas l'imputer , comme on le fait, au manque de courage, mais à la conscience de générations un peu plus pragmatiques, qu'il faut quelquefois faire des exceptions aux lois du marché.

Quels problèmes concrets pose donc notre système notarial ? Aucun. Tel qu'il a été organisé par la loi du 25 ventôse an XI, il est sûr, permanent, assure partout des conseils de proximité par des gens qualifiés. On ne lui reproche que de coûter trop cher : mais qui a calculé qu'on pourrait y faire ? Et à supposer qu' on ait chiffré les économies prévues, les a-t-on rapportées aux inconvénients qui en résulteront, tels l'appauvrissement de la couverture territoriale ? Le système reposerait sur des privilèges - inséparables d'une déontologie . M.Macron, qui a travaillé dans la banque, n'en aurait donc pas rencontré d'autres, et d'une autre envergure ?

Ouverture plus large des magasins le dimanche , sans doute en prélude à une ouverture tout au long de l'année ? Au profit de qui ? Pas d'une clientèle populaire qui a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts ; aucune augmentation globale de la consommation n'est à attendre.

Le vertige du trotsko-libéralisme

Résoudre des problèmes qui ne se posent pas, tout en laissant en plan ceux qui se posent sérieusement ( le chômage, la justice, l'école, l'immigration, les retraites ) , telle est la démarche d'un gouvernement idéologique : on en a vu un bel exemple avec la réforme régionale qui a déstabilisé une structure en réalité analogue à celle de nos voisins et qui ne posait, quoi qu'on ait prétendu, aucun problème réel. Et quelle immense naïveté de croire qu'en réduisant d'un tiers le nombre des régions , on réduirait d'autant leur coût ? c'est l'inverse qui nous attend.

L'idéologie est, comme le dit Hannah Arendt , la volonté de tout régir par un principe unique ( ou deux ou trois), et d'y ramener tout ce qui, dans une réalité nécessairement complexe, y échappe encore. Curieusement le libéralisme dogmatique d'un Macron se trouve en synergie avec l'égalitarisme tout aussi destructeur d'une Vallaud-Belkacem qui, poussant jusqu'au bout la logique de Pierre Bourdieu, veut abolir la dernière hiérarchie existante à l'école, celle des notes. Trotsko-libéralisme ? L'important est de casser.

Dernier motif de ce remue-ménage : satisfaire Bruxelles ou Berlin qui demandent que la France "se réforme", en bien ou en mal qu'importe. Seule importe l'illusion : il faut donner à nos partenaires celle que la France bouge. Comme ces artistes qui brisent les objets de la vie quotidienne ou des statues vénérables pour produire du soi-disant art contemporain, le gouvernement socialiste casse tout ce qui faisait la force de la France (la famille, l'Etat, l'armée, les classes moyennes) pour donner l'illusion de la modernité . Mais sous les apparences de la modernisation, c'est, on peut le craindre, un grand désastre qui se prépare.

Roland HUREAUX

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 16:04

La monnaie relie et , en même temps, sépare les territoires.

Expliquons ce paradoxe :

La monnaie permet les échanges entre des territoires différents, plus ou moins éloignés, et par là les relie. Inséparable du pouvoir régalien, elle exprime l'unité d'un royaume ou d'un empire - ou d'une république.

Mais au sein d'une unité politique, comme entre des pays différents , la compétitivité est nécessairement inégale. Comment en serait-il autrement puisque, quoi que l'on fasse pour la limiter, l'inégalité est dans la nature ? . Ce peut être une inégalité de conditions naturelles entre les territoires d' accès plus ou moins facile: par exemple entre une plaine et des vallées isolées, ou bien entre des territoires aux ressources naturelles inégales. Mais ce peut être aussi une inégalité liée aux conditions sociales , au mœurs, aux niveaux de salaire, de formation , à la propension plus ou moins grande au travail ou au commerce.

Si ces territoires inégaux se trouvent dans la même entité politique et sous le régime de la même monnaie, les inégalités auront tendance à s'accuser : moins favorisés par la nature, les habitants des montagnes descendront dans la plaine, ceux des campagnes isolées iront à la ville, ceux des régions pauvres en ressources naturelles vers celles qui en ont. De ce point de vue, la monnaie commune , loin de relier les territoires, les distend : toutes choses égales par ailleurs, les uns se trouvent dans la spirale de la réussite, les autres dans celle de la récession. A l'extrême, les pays périphériques, vidés de leur numéraire , ne pourront même plus commercer entre soi. Cette déstabilisation au bénéfice des mieux dotés est d'autant plus rapide que l'on se trouve engagé dans une économie d'échanges et donc aujourd'hui plus qu'autrefois.

Entre pays de compétitivité inégale, les variations de taux de change - et donc le pluralisme monétaire - ont à l'inverse pour effet de rétablir une compétitivité égale, nécessaire à des échanges équilibrés. Les pays moins favorisés redeviennent compétitifs grâce à une monnaie dévaluée, un ajustement sanctionné par une éduction de leur pouvoir d'achat , mais qui préserve leur existence en tant que communauté territoriale, en maintenant des conditions de compétitivité égales avec leurs voisins mieux dotés ou plus dynamiques.

Ainsi, pour tous ceux qui attachent de l'importance à une répartition harmonieuse des hommes entre les différentes régions du monde , qui ne tiennent pas pour souhaitable le concentration toujours plus grande des richesses et des hommes au bénéfice de certaines régions, la pluralité de monnaies remplit un rôle nécessaire d'équilibre. Ceux qui rêvent d'une monnaie mondiale unique ne mesurent pas ce qu'elle aurait de déstabilisant pour la plupart des pays. La pluralité monétaire, loin d'être une marque de l' imperfection du monde, est le moyen qui permet , au travers des lois du marché, de gérer au mieux des territoires nécessairement disparates.

Mais on ne peut pas non plus imaginer que chaque terroir, chaque vallée aient chacun sa monnaie.

Un moyen terme est nécessaire entre une monnaie universelle qui multiplierait les déséquilibres et un morcellement excessif des zones monétaires, qui constituerait un frein aux échanges.

Robert Mundell, prix Nobel d'économie en 1999 a établi la théorie des zones monétaire optimales dont on comprend aisément qu'elles se situent à mi chemin d'un morcellement et d'une disparité excessifs[1]. Une zone monétaire n'a pas à être nécessairement restreinte géographiquement ; à tout le moins ne faut-il pas qu'elle soit trop hétérogène. Certains auteurs sont même allés jusqu'à suggérer que les Etats-Unis pourraient ne pas être une zone optimale, qu'il aurait mieux valu les scinder en deux ou trois.

Il n'est pas sûr cependant qu'existe une réponse unique, scientifique à la question de l'optimum , le facteur politique ne devant pas être sous-estimé .

La zone euro est-elle une zone monétaire optimale ?

La zone euro est-elle une zone monétaire optimale ? C'est aujourd'hui un grand débat. Il est clair que les disparités monétaires permettraient à des pays aux conditions de compétitivités différentes, la Grèce et les Pays-Bas, ou bien la France et l'Allemagne, de maintenir des échanges équilibrés et un développement et territorialement harmonieux rendant possible de compenser ces inégalités par des ajustements monétaires périodiques.

Il y a certainement un lien entre le génie de l'Europe: des populations diverses par les aptitudes, la langue , les culture nationales réparties sur tout le territoire d'un continent, lui-même géographiquement très varié et la souplesse d' une organisation monétaire fondée sur la pluralité historique des monnaies

Ceux qui envisagent la pérennité de l'euro, savent que sa gestion suppose une organisation politique beaucoup plus intégrée, donc centralisée. Une telle organisation, cela va sans dire, aurait moins d'égards pour les problèmes de compétitivité de telle ou telle "province". Ainsi les Grecs, frappés par un chômage de masse du fait de la dégradation de leur économie, n'auraient d'autre issue que d' émigrer massivement en Allemagne ou alors de vendre leurs actifs à des pays plus prospères. Les ajustements nécessaires (baisse des salaires, licenciements de fonctionnaires) leur seraient appliqués avec plus de rigueur encore qu'aujourd'hui, au risque d'aggraver la récession et donc d'accélérer l'exode. Cette idée d'un ensemble économique de grande dimension peu regardant des problèmes adaptation locale, les Etats-Unis en ont offert l'exemple peu avant la grande dépression de 1929 avec l'exode massif vers la Californie des fermiers du Middle West, frappés par la mévente de leurs produits, exode décrit par Steinbeck dans Les Raisons de la colère, ou encore par le caractère radical du déclin de certaines villes jadis prospères comme Détroit, du fait du de la crise de l'automobile.

Pour Mundell, une zone monétaire unique implique une parfaite fluidité de la main d'œuvre, à même de migrer d'une région vers une autre en cas de crise régionale. Cruelle sur le plan des individus ou des familles, une telle perspective serait destructrice pour la culture : au terme du raisonnement, on peut imaginer qu'un pays comme la Grèce disparaitrait de la carte de l'Europe, ce qui serait, avouons-le, fort dommage !

On peut aller plus loin dans ce genre de questions: la France , après qu'elle eut réalisé , sous l'Ancien régime, son unité monétaire , était-elle elle-même une zone monétaire optimale ? On peut le penser pour une partie de son territoire, notamment la Région parisienne. Mais le Massif central qui fut au XIXe siècle une région industrielle ( voir le Tour de France de deux enfants) et qui ne l'est plus guère aujourd'hui, n'aurait-il pas gagné à préserver son autonomie monétaire , et ainsi à compenser ses handicaps bien réels par une monnaie plus faible ? Sans doute. Il se peut même que si cette région avait eu son autonomie monétaire, elle aurait pu rester une grand montagne industrielle analogue à ce qu'est aujourd'hui la Suisse.

Mais dans le cas du Massif central, le rééquilibrage ne s'est pas fait seulement par l'exode des populations ( les maçons creusois et les cafetiers aveyronnais à Paris ! ), il s'est fait aussi par le biais d'une solidarité nationale qui a, en partie, compensé ces différences . Cette solidarité des territoires est un autre moyen de préserver une zone monétaire entre des régions disparates. Laurent Davezies[2] a montré comment, au sein du territoire métropolitain français , elle va jusqu'à représenter 10 % du revenu d'une région, davantage si on y inclut l'outre-mer. Elle se traduit principalement par le transfert de l'Ile-de-France vers le reste du pays. Elle ne se fait pas seulement par l'aide sociale ou les retraites mais aussi par le maintien d'un tissu administratif fort sur tout le territoire, les fonctionnaires des régions déshéritées , payés par l'Etat , contribuant à y maintenir l'économie locale : le projet actuels de suppression du département et de regroupement des régions n'ont d'autre but, que d'affaiblir cette solidarité , jugée coûteuse par certains cercles parisiens

Mais il va de soi qu'un tel niveau de solidarité, qui ne saurait compenser qu' en partie les effets de la monnaie unique, suppose un sentiment d'appartenance commun fort . Ce sentiment existe au niveau de l'Etat français . Existe-t-il au même degré au sein de l'Europe ? Sûrement pas. Les réactions négatives de l'opinion allemande à l'idée d'apporter un soutien conséquent et pérenne à la Grèce sont à cet égard significatives. Les Allemands de l'Ouest n'ont pas eu les mêmes réticences à porter à bout de bras l'économie des Länder le l'Est.

Il est vrai aussi que la solidarité des territoires est plus facile à organiser dans un budget public qui représente en France 57 % du PIB que dans un budget européen qui n'en représente que 1 % !

Ajoutons que si les transferts deviennent trop massifs, ils génèrent des effet pervers : on l'a vu en Italie du Sud ou une partie de l'aide apportée tant par le gouvernement central italien (la Caisse du Mezzogiorno) que par l'Europe, s'est évaporée entre les mains de réseaux mafieux. Une aide disproportionnée aboutit aussi à créer une situation d'assistance dont l'apport économique ne compense pas les inconvénients moraux ou sociaux, voire politiques. Ces effets pervers, avec l'insuffisance de la solidarité, expliquent en Italie l'apparition d'un sentiment sécessionniste tel que celui de la Ligue du Nord.

Un lien fort entre monnaie et- territoire

Il y a ainsi un lien fort entre la question monétaire et celle d'un aménagement harmonieux du territoire, français ou européen.

Ceux qui pensent que l'euro ne pourra se maintenir, dans un territoire aussi disparate que l'Europe occidentale, qu'au prix d'une centralisation du pouvoir politique à l'échelle du continent n'ont pas tort. Mais perçoivent-ils ce qui se cache derrière cette formule ? Compte tenu des limites de la solidarité entre Européens, elle recouvre, qu'on le veuille ou non, une centralisation "impériale", à l'américaine si l'on veut, qui serait impitoyable aux faibles. Une politique de ce genre est-elle conforme à l'héritage séculaire de l'Europe, laquelle a su, au moins depuis la dissolution de l'Empire romain d'Occident, maintenir une administration de proximité, conforme au génie propre à chacune de ses composantes et à même de maintenir des équilibres fins entre celles-ci, bref une gestion à échelle humaine des terroirs européen ? Il est probable que non.

Roland HUREAUX

[1] Pas forcément cohérent, Robert Mundell n'a pas exclu à l'occasion, la possibilité d'une monnaie mondiale

[2] Laurent Davezies, La République et ses territoires, la circulation invisible des richesses, Seuil, 2008.

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:55

Le Sénat est à nouveau contesté mais qui s'en étonnerait ? Depuis le mois d'octobre, il a basculé à droite, mais qui s'en est aperçu ?

La nouvelle majorité, qui a porté à sa tête le placide Gérard Larcher ne semble pas très contrariante vis à vis du gouvernement socialiste. Elle ne l'a pas été en particulier sur le projet de réforme régionale. Face à un redécoupage de notre pays qui vise, sournoisement, à remettre en cause les fondements de la République , en länderisant la France, il s'est contenté de proposer une France à 15 régions au lieu de 13 ! Il y avait pourtant beaucoup à dire sur ce projet absurde de bout en bout qui vise à résoudre des problèmes qui ne se posent pas : contrairement à ce qu'on dit en effet, nos régions ne sont pas plus petites que celles du reste d'Europe, et comme il est habituel en matière de gestion publique, on peut prévoir sans risque que cette opération de "fusion-concentration" va alourdir les coûts et non les diminuer !

Pas davantage on ne s'attend à une forte résistance du Sénat à la loi Macron quand elle passera devant lui : il y aurait pourtant beaucoup à dire sur ce pot-pourri de mesures diverses dont le fil conducteur est qu'il suffit de s'en prendre aux institutions les mieux établies (du repos dominical au notariat) pour avoir l'air libéral. "Libéral" : un mot magique pour faire taire la droite peu apte à discerner vrai et faux libéralisme. Il est remarquable que, faute de s'exprimer dans le champ politique, l'opposition se transfère dans les groupes professionnels.

Que le Sénat soit dans l'opposition n'est pas une nouveauté dans la Ve République. C'est un cas fréquent aux Etats-Unis. Mais ce changement intervient dans une atmosphère à haut risques pour ce qu'il est convenu d'appeler la Haute-Assemblée. Selon un sondage IFOP réalisé du 8 au 9 septembre 2014, seuls 51% des Français pensent que le Sénat joue un rôle politique important dans la vie politique française contre 61% en 2008, les plus jeunes étant les moins favorables. Discrédit aggravé par les récentes révélations sur sa gestion.

Plus encore que les autres institutions, le Sénat pâtit, d'abord dans les médias, du discrédit du personnel politique.

Pas seulement en raison de tel ou tel scandale mais parce que, en ces temps d'inculture politique grandissante et de grandes simplifications, le bicamérisme est mal compris.

Le bon sens , voilà l'ennemi

Mais à ces raisons s'ajoute ce qui fut longtemps mis à son actif mais ne l'est plus : le fait que, issu du terrain, élu au second degré par un collège électoral composé de tous les maires et d'élus de base, supposés proches des réalités, il serait la chambre du bon sens, du réalisme, de la modération.

Le bon sens qui en d'autres temps aurait paru une qualité et une raison de défendre l' institution , c'est précisément, sans que cela soit dit ouvertement, ce qu'on lui reproche.

Car le bon sens est l'exact contraire de l'idéologie laquelle règne sans partage, aujourd'hui , en tous domaines. Le bon sens ne s'oppose pas à une idéologie particulière mais à toutes. Or les idéologues sont impitoyables : ceux qui l'épousent n'acceptent jamais qu'on s'oppose à eux.

L'idéologie est aujourd'hui présente dans presque toutes les politiques publiques, particulièrement quand le parti socialiste est au pouvoir , mais pas seulement : la justice, l' éducation nationale, les réformes dites sociétales, voire les affaires internationales où la défense universelle du bien tend à prévaloir sur celle de nos intérêts.

Par delà les partis politiques, chaque administration a son idéologie et tend à l' imposer à des hommes politiques, généralement à la recherche d'idées, qu'ils soient de gauche ou de droite.

Il fut un temps , déjà assez éloigné, où les principales réformes de gauche avaient un caractère social. Des lors , il eut été malséant quand il y avait une majorité de gauche à l'Assemblée nationale, pour un Sénat de droite, de s'opposer à ces réformes. Le Sénat de 1936 où Léon Blum n'avait pas la majorité, n'a pas bloqué les congés payés. Le Conseil de la République de 1956 ne bloqua aucune des excellentes réformes que Guy Mollet avait fait voter: bourses d'enseignement généreuses, retraites des agriculteurs et des artisans, minimum vieillesse, allocation de la mère au foyer etc. Si les nationalisations de 1981 avaient sans doute , elles, une relent idéologique plus marqué, le Sénat , resté à droite, ne s'y opposa pas non plus et il eut raison. De même pour le RMI instauré par le gouvernement Rocard en 1989.

Mais nous avons changé d'époque. Les vraies réformes sociales se font rares dans l'action des gouvernements de la gauche et une générosité publique devenue excessive et désordonnée (CMU, AME) suscite de plus en plus l'exaspération des Français. Etre de gauche aujourd'hui se limite à promouvoir des réformes sociétales qui ont toutes un caractère idéologique: les lois Taubira, celle sur le mariage homosexuel (qui est en fait une loi sur la théorie du genre) et celle qui se prépare sur la justice, un escalade sans limite de la parité dans les systèmes électoraux ; on peut y inclure des orientations de plus en plus idéologiques en matière d'éducation, comme la suppression programmée des notes.

La question n'est dès lors pas pour le nouveau Sénat: faut-il préférer la confrontation ou le compromis avec la gauche, mais l'idéologie doit-elle l'emporter sur le bons sens en tous domaines ou le bons sens doit-il résister ?

La résistance du bon sens , c'est au Sénat de l'incarner , et pas seulement à droite, car il est le seul à pouvoir le faire. Et s'il le fait, comme nous croyons qu'il en a le devoir , il doit s'attendre à susciter une agressivité considérable, car, plus que tout, l'idéologie imprègne largement les médias qui ont l'influence que l'on sait. Et face à une telle résistance, ils seront féroces.

Mais, ne nous leurrons pas, si le Sénat ne résiste pas ils le seront aussi ! Ils le sont déjà : car le Sénat n'est pas seulement coupable d'imposer une politique de bons sens ; même s'il ne le fait pas, il pourrait le faire et cela suffit à le rendre suspect.

La chanson que l'on entend à son sujet , on la connait : le Sénat est conservateur, il est ringard , il ne sert à rien. Armes de guerre redoutables mais dont on ne saurait être dupe. Plus le Sénat défendra le bons sens , plus il servira à quelque chose, plus on dira donc qu'il ne sert à rien !

Et s'il renonçait à faire prévaloir en toutes circonstances la voix du bon sens , au motif d'avoir le sens du compromis et de l'apaisement ( comme il l'a fait lors de la loi Taubira de 2012 où la gauche n'avait pas une majorité assurée pour faire passer son texte) , il court un risque pire, celui d'être vraiment inutile. Et alors, n'en doutons pas, il tombera un jour comme un fruit mûr.

S'il défend le bons sens au contraire ( ou le sens commun, comme on voudra), même si la sphère médiatique le combat, il sera assuré d'avoir avec lui la vox populi , comme il l'avait eue en 1969, et il n'y a pas de meilleure défense. Au point où en sont les choses, il n'en trouvera en tous les cas pas d'autre.

Dénoncer des réformes absurdes, comme la réforme territoriale ou tant d'autres , être un rempart du bons sens contre les aberrations idéologiques : s'il remplit cette mission et s'il sait communiquer sur ses positions, le Sénat aura la nomenklatura contre lui mais le peuple avec lui; s'il ne le fait pas, il disparaitra.

Roland HUREAUX

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:53

L'UMP n'a pas cédé à la tentation de voler au secours du gouvernement pour lui permettre de faire voter malgré la défection d'une partie de socialistes la loi Macron sans passer par l'article 49-3.

Heureusement.

Parmi les raisons qui ont conduit au résultat désastreux de l'élection partielle de Montbéliard figure sans doute l'oubli de ce principe fondamental de la politique démocratique que l'opposition doit s'opposer.

Etait-il nécessaire que l'UMP félicite le présidant Hollande de la manière dont il a géré la crise consécutive au drame du 7 janvier ? Sûrement pas . D'abord parce que ce drame témoigne d'un relâchement fâcheux de la vigilance policière . Trois fanatiques , pourtant repérés, sont passés au travers des mailles d'un filet qui avait bien fonctionné durant quinze ans : pas de quoi pavoiser pour le gouvernement Valls, qui n'a pourtant jugé utile de sanctionner aucun responsable.

La récupération de l'attentat par la communication gouvernementale a certes fait regagner au président vingt points de confiance, mais à quel prix ? L'exaltation retombée, beaucoup craignent, avec Emmanuel Todd, que cette manifestation n'ait creusé le fossé entre les communautés.

Un peu plus tôt l'opposition avait manqué une occasion de se démarquer en ne combattant pas avec toute l'énergie qu'il aurait fallu la réforme régionale, particulièrement au Sénat où elle est désormais majoritaire. Ce n'était pourtant pas difficile vu l'absurdité d'un projet parfaitement inutile dès lors que nos régions étaient déjà "de dimension européenne ", soit en moyenne aussi grandes que celle des autres pays [1]! Plus de métropole régionale entre la Loire , le Rhône , la Garonne , soit presque un tiers du territoire ! La "France périphérique" de Christophe Guilluy[2] qu' au lieu d'aider on enfonce ! C'est la négation de cinquante ans d'aménagement du territoire.

On dira que l'opposition doit savoir reconnaître ce que le gouvernement fait de bien. Cette attitude peut se justifier face à un gouvernement encore populaire dont l'opinion ne comprendrait pas qu'on ne lui laisse pas ses chances . Mais quand un gouvernement est tombé aussi bas que celui de Hollande - le redoux de l 'effet Charlie touche à sa fin - , les électeurs s'attendent à ce que les opposants expriment la colère qu'ils ressentent.

Plus grave que le relâchement serait de se tromper de cible et de considérer comme certains sont tentés de le faire à l'UMP, que le Front national est désormais l'adversaire numéro un. Ce serait lui donner le beau rôle ! En régime parlementaire, la cible de l'opposition ne saurait être que ceux qui sont aux commandes, donc les socialistes.

Il faut une doctrine

Mais pour s'opposer , il faut avoir une doctrine claire distincte de celle du gouvernement. C'est l' absence d'une telle doctrine qui la rend si vulnérable aujourd'hui à la propagande gouvernementale.

On en a vu toute l'efficacité avec la loi Macron. Elle a présenté ce projet en forme de pot-pourri ( 106 articles ! ) comme libéral et, sans y regarder plus avant, une partie de la droite l'a pris pour argent comptant. Mais de quel libéralisme parle-t-on ? Dans la tradition de droite, le vrai libéralisme doit être tempéré de conservatisme : il recherche la liberté des mouvements mais autour d'une barre fixe ; il est certes indispensable de décrasser de temps en temps un ordinateur mais sans détruire les logiciels de base.

Les soi-disant sociaux-libéraux (qui sont en réalité des libéraux-libertaires), tiennent pour du libéralisme la destruction de toute institution , surtout celles servent encore de repère à nos concitoyens : entités territoriales , corps d'Etat, famille, calendrier, école , et qu' elles ne posent pas de problème sérieux comme aujourd'hui les professions réglementées. Ce faisant, on ne s'attaque pas aux vraies questions , comme le chômage ou la délinquance. Qu'une gauche essentiellement destructrice se reconnaisse dans ce genre de libéralisme perverti ne signifie pas qu'elle soit passée à droite, au contraire !

Cette politique coûte cher : la gestion du changement mobilise en elle-même des ressources. Pour quel bénéfice ? Il n'y a pas d'exemple qu'une réforme de la sphère publique n'ait entrainé au cours des trente dernières années une augmentation des dépenses ! Voire un gaspillage : ne venait-on pas d'inaugurer à Clermont -Ferrand un hôtel de région de 80 millions d'euros qui ne servira à rien ! Neuf fois sur dix, ces changements, mal conçus, conduisent à une démobilisation des agents: il en faut donc plus !

Malheureusement il semble qu'une partie de la droite fonctionne avec le même logiciel idéologique que M.Macron. Danger mortel : en faisant de la surenchère sur le social-libéralisme , elle cautionne ce dernier tout en élargissant l'espace du Front national. L'anxiété que crée ce remue ménage institutionnel joue en effet un rôle important la montée de ce dernier sur ses nouveaux territoires.

La gauche a, au cours des quarante dernières années, entièrement délaissé le terrain du social et même celui du simple bon sens , pour ne faire que des réformes idéologiques. Face à cette évolution, aucune indulgence n'est permise. Chateaubriand disait que "l'opposition est un absolu". D'ailleurs, quand la gauche s'est trouvée dans l'opposition , il est rare qu' elle ait fait le moindre cadeau. Si l'UMP veut éviter de nouveaux désastres comme à Montbéliard, elle doit faire sans complaisance son travail d'opposant.

Roland HUREAUX *

* Auteur de La grande démolition - La France cassée par les réformes , Buchet-Chastel , 2011

[1] Même en comparaison avec l'Allemagne où 8 des 15 länder sont moins peuplées que la moyenne des régions françaises.

[2] Christophe Guilluy, La France périphérique , Flammarion, 2014

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:39

Atlantico : Le ministre de l'Economie et des Finances a fustigé, à propos des oppositions à la loi Macron, une UMP qui, selon lui, "est au cœur de la coalition de l'immobilisme". Malgré la portée évidemment partisane de la déclaration, le parti d'opposition peine en effet à proposer un vrai projet de société identifiable. Pourquoi ?

Roland Hureaux : L'UMP devra faire un jour le bilan de la période du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Mais il faut bien dire que la droite demeure aujourd'hui prisonnière d'une "doxa" que j'appellerais le "libéralisme idéologique" , qui inspire aussi bien l'UMP que le PS d'ailleurs, et qui s'est avérée très largement impuissante à changer l'économie et la société française en profondeur, notamment sur la question du poids des prélèvements publics. Je nomme ce libéralisme "idéologique" car il n'a rien de commun avec le vrai libéralisme qui doit être pragmatique. Il n'est que l'application de schémas abstraits, aboutissant à des mises aux normes systématiques de toute une série de secteurs de la société française. Les réponses apportées ne sont presque jamais concrètes et aboutissent le plus souvent l'effet inverse de celui qui était recherché. On en voit l'exemple dans la réforme régionale : la réforme des collectivités engagée par la droite n'avait rien de pragmatique et a contribué à augmenter les dépenses. Aucun doute qu'il en sera de même pour la réforme des régions de François Hollande.

L'idéologie a un autre effet : elle amène à s'attaquer à des problèmes qui n'existent pas vraiment. La gauche le montre aujourd'hui avec le statut des notaires qui ne posait pas de vrais problèmes ; la réforme Macron apportera des gains dérisoires au regard de la déstabilisation qu'elle pourrait amener. Et malheureusement, l'UMP est dans la même optique, c'est pour cela qu'elle ne trouve pas grand-chose à redire à la loi Macron (si ce n'est qu'il n'en faisait pas assez…), ni à proposer un projet alternatif , sinon de dire "nous ferons la même chose en mieux".

Le ministre, en réponse à la critique de Nicolas Sarkozy ("la toute petite loi Macron") s'est fendu d'une attaque sévère : "L'ancien président est sans doute frustré par la pauvreté de son propre bilan". Si l'on se penche sur ce bilan justement, quelle comparaison peut-on faire sur les grandes réformes nécessaires entre les années Sarkozy, et le quinquennat en cours de François Hollande ?

Sur la question des dépenses publiques, le bilan de Nicolas Sarkozy reste faible malheureusement. La réforme des retraites fut a minima . Bien sûr, si on le compare au bilan absolument négatif du quinquennat de François Hollande, dont on se demande s'il arrivera à son terme, le bilan de Sarkozy reste "meilleur". François Hollande n'a arrêté en rien la hausse des dépenses publiques. Il n'a même rien tenté de sérieuxen dehors des coupes de facilité dans le budget de la défense ou de la famille, ce qui hypothèque gravement l'avenir. Mais sur les vrais sujets, rien.

Nicolas Sarkozy a malheureusement fait beaucoup de "tapage" sur les réductions fiscales qu'il a octroyées aux revenus les plus élevés (alors qu'il aurait du être beaucoup plus discret), ce qui a réduit ensuite sa marge de manœuvre pour demander des sacrifices au reste de la population.

François Hollande semble dépassé sur la question des relations internationales, notamment sur le terrain européen. Nicolas Sarkozy a-t-il un meilleur bilan dans le domaine ?

Nicolas Sarkozy a bien tiré parti des six mois où la France a pris la présidence tournante de l'Union européenne. Cela a coïncidé avec la crise financière de 2008 et la crise géorgienne. La France a ainsi pu avoir une visibilité importante pendant cette période. Il a également fait preuve – tout en accomplissant la réintégration plénière de la France dans l'Otan – d'une certaine émancipation en signant avec la Russie le contrat relatif aux frégates.

François Hollande a contrario apparaît sur ce sujet d'une timidité confondante, et donne un sentiment d'assujettissement lamentable vis-à-vis, des Etats-Unis , de l'OTAN et de l'Allemagne.

Concernant les exigences de Mme Merkel dans la crise grecque depuis 2009 Nicolas Sarkozy, tout en s'inclinant sur le fond , avait , me semble t-il, un peu mieux que Hollande , sauvé les apparences. Mais , dès lors qu'ils acceptent l'euro, ni l'Allemagne ni la France n'ont vraiment de marge de manoeuvre. Ils se livrent à un jeu de rôle où chacun joue la partition qui plait à ses électeurs: la rigueur pur les Allemands, la souplesse pour les Français.

La loi Macron vient de passer "en force" via le "49-3" que Nicolas Sarkozy rechignait à utiliser. Ce dernier a même contribué à un changement institutionnel donnant plus de pouvoir au Parlement (et limitant le 49-3 d'ailleurs…) et en créant la question prioritaire de constitutionnalité. Nicolas Sarkozy n'a-t-il fait beaucoup plus que F.Hollande pour la modernisation des institutions ?

Je ne suis pas de ceux qui pensent que ces réformes institutionnelles aient réellement été un progrès. Cependant je retiendrai un point positif de cette réforme constitutionnelle : c'est l'obligation de soumettre au Parlement les opérations extérieures, c'est-à-dire les déploiements militaires à l'étranger. Mais cette obligation n'est guère respectée : je ne suis pas certain que Hollande ait évoqué devant les députés et les sénateurs les interventions au Mali et en Centrafrique; quant à l'Ukraine , il n'y a eu aucun débat au Parlement, ce qui est parfaitement anormal, vu l'extrême gravité de la question.

Qu'est-ce qui a manqué au quinquennat de Nicolas Sarkozy qui, malgré un bilan meilleur que François Hollande, n'a pas fait la réforme de rupture que l'on aurait pu attendre ?

Nicolas Sarkozy – et on pourrait en dire autant de François Hollande – a été prisonnier de la communication propre à notre "société du spectacle". De ce fait, Nicolas Sarkozy ne s'est pas vraiment intéressé au le fonds des choses. A sa décharge, il était mal entouré. Il n'avait pas autour de lui de gens qui connaissaient sérieusement la mécanique de l'Etat dans sa complexité. Lui-même se vantait de ne pas avoir fait l'ENA et d'ignorer les rouages de la chose publique. Soit. Mais il aurait pu être entouré de personnes qui, elles, connaitraient bien ces rouages. Or, ce n'était pas le cas. Et il ne faut pas oublier non plus que malgré son air d'être un homme de décisions radicales, il est en profondeur un homme de compromis , dans la lignée de Jacques Chirac.

Finalement, si le quinquennat Sarkozy n'a pas été renouvelé, n'est-ce pas à cause de la volonté d'essayer de faire bouger les lignes, face à un candidat "président normal" qui n'avait aucune volonté de réformes sérieuses ?

Le bilan de François Hollande en matière de réformes est bien plus négatif que celui de Nicolas Sarkozy. Les réformes de Hollande sont toutes idéologiques et n'apportent aucune réponse à ce qui préoccupe les Français. Ni la loi Taubira ( la première sur le mariage homosexuel et a fortiori la seconde sur la procédure pénale) , ni la réforme territoriale ne répondent ni de près ni de loin aux préoccupations des Français. . On peut en dire autant de la loi Macron malgré quelques éléments techniques intéressants : elle aussi, pour l'essentiel , c'est de la communication.

Nicolas Sarkozy n'a pas pâti de ce qu'il a fait mais de ce qu'il n'a pas fait, de ne pas avoir su apporter les réponses attendues sur l'immigration, la délinquance et le niveau de dépenses publiques. Il n'a pas été à la hauteur de ce que les gens pensaient qu'il avait promis. Et puis, il y a eu son style, qui ne plaisait pas à beaucoup de gens de droite : la droite n'est pas seulement le libéralisme , c'est aussi – un mot guère à la mode – le conservatisme, c'est-à-dire la préservation d'une certaine stabilité , nécessaire à une population de plus en plus "paumée" , désorientée par ce que Pierre-André Taguieff appelle le "bougisme". Le bougisme , c'est l'action des gouvernements successifs qui s'évertuent à détruire les repères, nécessaires quoi qu'on dise à une existence normale. Le bougisme est aujourd'hui la première raison de la montée du Front national; Cette action de destruction des repères ( famille, régions, cantons , professions réglementées ) est le fond de l'action de François Hollande. Plutôt que de promettre de nouvelles réformes encore plus radicales, sans dire lesquelles et qui font peur, la droite devrait plutôt dénoncer l'action destructrice de la gauche .

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:37

Parmi les attentes des électeurs de droite, lesquelles sont suffisamment fédératrices pour pouvoir servir de dénominateur commun à toutes les composantes sans raviver de tensions ?

Depuis la Révolution française la droite associe le conservatisme et le libéralisme. Depuis quelques temps, une certaine la droite semble avoir perdu de vue la dimension conservatrice. On le voit par la fascination de certains membres des partis de droite pour la réforme territoriale ou la loi Macron, qui sont en fait des lois de destruction : destruction des cadres territoriaux, des institutions, des professions réglementées, et, en fait, des classes moyennes. La droite n'a pas pris conscience que ce processus de destruction institutionnelle est extrêmement anxiogène pour la majorité des Français, et qu'il est l'une des principales explications de la montée du Front National, plus à mon sens que l'islamisme ou l’augmentation de la délinquance.

La droite aurait du combattre bien plus la réforme territoriale, d'autant que cette réforme coûtera en réalité, plus cher aux Français que l'organisation précédente.

Les Français, et les électeurs de droite en ont assez du changement perpétuel, dont ils ont l'impression qu'il ne fait qu'aggraver les choses, et la droite doit absolument revenir à des valeurs de stabilité. On a entendu des élus de l'UMP dire qu'ils s'opposaient à la loi Macron car elle n'allait pas assez loin dans les réformes: c'est absolument le contraire de ce qu'attend aujourd'hui l'opinion.

Aujourd'hui seul le Front National donne l'image , fallacieuse d'ailleurs, de défendre la France telle qu'elle est. Mais la droite classique est aujourd'hui dans une déficience idéologique telle qu' elle se trouve incapable de contrer sur ce terrain la propagande de la gauche.

A quoi pourrait donc concrètement ressembler les grandes lignes du programme de cette alternative ?

La droite doit être le parti du réel contre toutes les idéologies.

Toutes les réformes de la gauche sont idéologiques et déconnectées du réel. On est dans une société de l'image, dans une "société du spectacle" pour reprendre l'expression de Guy Debord. Si la droite joue le même jeu absurde , alors il n'y a plus d'espoir. Si l'on veut garder l'espoir, il faut qu'un discours réaliste émerge, un discours attaché à la réalité et non à l'idéologie.

Il faut par exemple revenir sur les projets de libéralisation de l'organisation pharmaceutique : pourquoi déstabiliser cette profession quand on sait que la toxicomanie actuelle se tourne de plus, en plus vers les produits pharmaceutiques ? Enfin il faut s'attacher aux vraies souffrances du peuple et les comprendre.

Il n'est pas , dans ce contexte, excessif de proposer de revenir sur toutes les réformes de la gauche, car elles sont toutes dictées par une idéologie détachée de la réalité.

Parmi la masse des ambitions, qui aujourd'hui représente le plus ces attentes ? Sur qui peut reposer de manière la plus limpide une alternative qui correspond aux attentes ?

Quant au discours, aujourd’hui personne n'incarne cette alternative. Même les chefs ont prouvé leur vulnérabilité à la fascination idéologique de la gauche "social-libérale".

Celui dont la posture représente le plus la stabilité serait François Fillon, même si sa doctrine semble de plus en plus imprégnée du libéralisme ambiant.

Nicolas Sarkozy doit comprendre que les Français sont fatigués du mouvement permanent. Si l'UMP poursuit dans cette voie, elle poussera ses électeurs vers le Front National.

Alain Juppé en est resté au logiciel de l'après-guerre où on ne remettait pas en cause les réformes de la gauche, mais à l'époque, ces réformes étaient souvent raisonnables et utiles. Aujourd'hui la plupart sont idéologiques et donc , quelque part, folles.

Pourquoi est-il si complexe de voir cette alternative s'enclencher si elle est finalement si clairement définie ?

Le monde occidental, au sens large du terme, est aujourd'hui dominé par un courant culturel de gauche libéral et libertaire. L'opinion publique subit une très forte pression de ce mouvement qui a les faveurs des médias. De ce fait, peu d'hommes politiques ont l'armature intellectuelle pour pouvoir s'y opposer clairement, simplement et de façon convaincante.

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:36

Les propositions de François Fillon dévoilées mercredi 25 février ont plutôt été bien reçues par les experts en immobilier. Plus globalement et à travers la structure Force républicaine -qu'il a créée-, François Fillon montre bien son ambition d'être particulièrement productif sur le plan des idées. Quels gains pourrait-il tirer de cette stratégie, alors que ses concurrents à l'UMP apportent souvent une vision avant un programme sur lequel s'appuyer ?

Se montrer comme une force de propositions sérieuses me paraît une excellente stratégie où, au demeurant, François Fillon valorise son image d'ancien premier ministre , c'est à dire de quelqu'un qui est , par sa fonction, près des réalités.

Plus généralement, cela reste la grande force de l'UMP d'être capable, plus que les autres forces de l'opposition, de faire de propositions sérieuses, appuyées sur des réseaux étendus et expérimentés dans l'appareil d'Etat. Entre un parti socialiste qui fait surtout de l'idéologie et un FN qui n'a pas ces réseaux , ou du moins pas encore, il y a là une carte à jouer.

Vous dites que ses concurrents ont fait le choix de présenter une vison d'abord et un programme ensuite. Je ne vois pas encore quelle est cette vision

D'autant qu'on ne voit pas, dans ce monde de grandes simplifications médiatiques, ce que ce mouvement pourrait proposer qui lui soit propre: la lutte contre l'islamisme ? elle est préemptée par le FN; les valeurs républicaines ? elles sont préemptées par la gauche . Il resterait le gaullisme mais c'est encore un sujet tabou.

S'agissant des propositions de François Fillon sur le logement, elles me paraissent dans l'ensemble bonnes.

Je dirais pour ma part que ce n'est pas seulement la loi Alur qu'il faut supprimer mais aussi la loi SRU qui sont des usines à gaz.

La prestation unique est une excellente idée à resituer dans une refonte totale de notre système de prestations sociales qui est ressenti aujourd'hui comme profondément injuste.

D'autres propositions ne sont pas nouvelles en soi : baisser les plafonds de ressources et systématiser les surloyers, c'était déjà le but de la loi Boutin de 2009 : n'aurait -il pas été atteint ? J'y vois cependant un danger : renforcer l'effet ghetto, aujourd'hui au cœur du débat public , alors qu'il faudrait au contraire promouvoir la mixité sociale à tous les niveaux.

Faciliter la vente des HLM aux locataires pourrait être une mesure révolutionnaire, une vraie rupture. Malheureusement , cette proposition a figuré dans tous les programmes de l'UMP depuis vingt ans et n'a jamais eu de suite . Pourquoi ? Parce que les sociétés HLM bloquent . Il faut dés lors passer outre, en ouvrant un véritable droit au rachat unilatéral en faveur de locataires. C'est ce qu'a fait Margaret Thatcher il y en son temps et , je rappelle que ce fut le seul aspect populaire de son programme ultralibéral.

En matière de logement, François Fillon aurait pu faire deux autres propositions, plus politiques : freiner l'immigration et relancer l'aménagement du territoire , abandonné par la gauche, pour relâcher la pression sur la région parisienne.

Il y a aussi un problème spécifique du logement des jeunes qui n'est pas traité.

A quelles faiblesses inhérentes à la position de François Fillon cette stratégie peut-elle répondre ?

Je ne parlerai pas de faiblesse. Mais par cette ligne, François Fillon se positionne là où les autres ne se positionnent pas : le concret, le sérieux. Les autres candidats , en tous les cas Sarkozy et Juppé, ont une image plus forte, plus nette dans l'opinion , vraie ou fausse, qu'importe ; la sienne a moins de relief; il ne pourra rien y changer ; il faut donc qu'il trouve un autre créneau. Il le fait de cette manière et c'est très bien.

Si cette dernière est particulièrement mise en valeur dans une séquence où la droite semble effacée, cette stratégie est-elle viable dans le temps ?

Cette stratégie me parait tout à fait viable tant que les autres ne le suivent pas. Et s'ils le suivent, il leur sera difficile de proposer des choses très différentes; il aura le bénéfice de la primeur.

En étalant la présentation de son programme sur plusieurs mois, il pourra en outre retenir l'attention plus longtemps.

Il profite aussi, ce faisant, d'une époque où les propositions sont encore audibles; dans les derniers moins avant l'élection, on n'écoute plus que les petites phrases, les effets de manche , on scrute les sondages.

Quelles en sont les limites ? Comment François Fillon devra-t-il s'adapter lorsque les autres candidats UMP proposeront également un projet ?

Attendons ces projets. Sarkozy est l'homme des phrases chocs. Il se peut que, avec des idées guère différentes de celles de Fillon, il se rattrape par quelques propositions , pas forcément approfondies, mais polémiques et qui, par là, frapperont l'opinion.

Des propositions polémiques, il n'est pas sûr que Fillon puisse à ce jour se les permettre.

Mais les uns et les autres sont aujourd'hui contraints par le logiciel de l'UMP qui s'inscrit dans le cadre limitatif de l'euro et qui est tributaire d'une doxa néolibérale que le gouvernement Valls est en train de préempter, par exemple au travers de la loi Macron . L'UMP ne pourra pas se permettre de dire pendant deux ans, comme elle l'a dit sur cette loi : le gouvernement va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin, d'autant que je ne suis pas sûr que l'opinion considère que ce soit le bons sens. La pauvreté en idées des think tanks de droite, devenus pour la plupart des officines idéologiques ultralibérales, risque d'être également un facteur limitatif. Les uns et les autres devront trouver autre chose. Et ce n'est pas encore fait, ni près.

D'après ses dernières propositions, semble-t-il davantage pencher vers la droite, le centre ? Comment François Fillon peut-il résoudre à sa manière le dilemme de l'UMP qui tangue entre le centre et la droite de la droite ?

Ces propositions me paraissent bien positionnées entre la droite de la droite et le centre. C'est peut être même leur défaut car elles ne contiennent aucune provocation : on en parlera donc moins.

Mais je vous redis que la carte forte de l'UMP est celle-là : le refus des simplifications idéologiques de la gauche et des effets de manche de l'extrême droite, le sérieux des propositions qui , de manière subliminale , expriment un message important : l'UMP est plus à même que quiconque de tenir les rênes de l'appareil d'Etat.

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:34

L'expérience de l'idéologie

La question des relations de la vérité et de la liberté, dont les enseignements de l'Eglise tiennent qu'elles sont indissociables, ne relève pas seulement de la spéculation philosophique ou théologique mais aussi de l'expérience politique.

Soljenitsyne avait l'habitude de dire que le plus pénible à vivre dans un régime totalitaire - le régime communiste, le seul qu'il ait connu - , n'était pas la privation de liberté , l'insécurité personnelle, ou la pénurie mais le mensonge, le fait d'être obligé de vivre dans un mensonge permanent.

Comme premier moyen de résistance au régime, il préconisait, non la rébellion, impossible, ni de dire la vérité , très risqué, simplement de s'engager à ne pas mentir - et donc de ne pas cautionner ou relayer le discours officiel , ce qui était déjà fort courageux.

Les disciples de Machiavel diront que le mensonge est lié à l'exercice de tout pouvoir politique, au moins de manière occasionnelle . Toute vérité n'est pas bonne à dire et le pouvoir, qu'il soit démocratique ou tyrannique, est , à l'occasion, amené à tromper le peuple, fut-ce pour assurer le maintien de l'ordre, ce qui est après tout une bonne cause. Mais cette forme de pouvoir ordinaire n'est pas obligée de mentir tout le temps; bien au contraire, si les dirigeants disent généralement la vérité , ils n'en sont que plus crédibles quand ils ne la disent pas.

Un pouvoir idéologique ( nous ne disons pas encore totalitaire) est lui, fondé sur un mensonge quasi-généralisé. Tous ceux qui se sont penchés sur ce genre de régime , notamment Boris Souvarine, Hannah Arendt, Alain Besançon, Karl Popper ou Alexandre Soljenitsyne lui-même, ont mis à jour ce mécanisme du mensonge intrinsèque à l'idéologie.

Qu'est-ce que l'idéologie ?

Qu'est-ce qu'une idéologie ? Jean Baechler la définit comme « la volonté d’organiser les activités sociales jusque dans le détail à partir d’un principe unique »[1] .

Ce propension à la simplification est également relevé par Hannah Arendt pour qui les idéologies sont « des ismes qui peuvent tout expliquer en le déduisant d’une seule prémisse »[2]

Or le réel est complexe et une bonne politique doit prendre en compte cette complexité, ce que ne saurait faire un idéologue. C'est pourquoi l'idéologie est fausse, fausse parce que trop simple.

Les idées de base de cette simplification idéologique ? Pour Marx et ses épigones "l'histoire du monde est l'histoire de la lutte des classes " et rien d'autre. Tout le reste s'y ramène, en particulier la culture, la politique, la morale. Pour Hitler, l'histoire du monde était celle de la sélection naturelle des races par la guerre. Mais pour d'autres idéologues, pour le moment moins dangereux, le progrès se caractérise par le développement continu du libre-échange , de la liberté sexuelle , l'extinction des nations et, à la fin, la fusion du monde dans un espace économique entièrement unifié.

Pourquoi cette simplification ? D'abord pour des raisons politiques: les idéologues en chef , même s'ils sont par devers eux, conscients de la complexité du monde, en imposent mieux en le simplifiant ,les idées simples pouvant se transformer facilement en slogans .

Elles conduisent aussi à une démonologie, les partisans de l'idéologie étant l'incarnation du bien, ses adversaires, celle du mal.

C'est d'autant plus facile que la simplification débouche sur une métaphysique. L'invention d'une politique fondée sur un principe unique , principe que les hommes du passé ignoraient, permet de rebâtir le monde sur de nouvelles bases , ce qui signifie la péremption, voire l'amnésie du passé , encore plongé dans la barbarie , "la préhistoire" dit Marx, puisque les hommes n'avaient pas encore trouvé le sésame , et l'espérance eschatologique pour l'avenir dès lors qu'ils l'ont trouvé. Après leurs inspirateurs respectifs, Marx et Nietzsche, Staline et Hitler voulurent faire un "homme nouveau" ( ou Surhomme) , non pas comme les chrétiens en référence à l'au-delà, mais sur cette terre et en dehors , voire contre toute référence à une transcendance.

Si le monde est reconstruit à travers une seule - ou deux ou trois - prémisses seulement, l'idée que l'idéologue s'en fera sera de plus en plus fausse au fur et à mesure qu'il étendra la chaîne déductive , une chaîne sans fin car les idéologues sont parfaitement logiques .Popper a montré selon quel mécanisme aucune objection ne les arrête. On reconnait même un idéologue à ce qu'il pousse jusqu'à leur terme le plus absurde les conséquences de ses idées de départ. Etre parfaitement logique, n'est-ce pas un des symptômes de la folie ? C'est en tous les cas celui de l'idéologie.

Que l'idéologie arrive à réinterpréter tout le réel en fait précisément une entreprise totalitaire. Que la lutte des classes soit tenue pour le fond de l'histoire du monde signifie que la religion n'est plus que l'"opium du peuple" et qu'il faut donc l'éradiquer. Si "la propriété, c' est le vol", autre thème marxiste issu de Proudhon, il faut l'abolir, et donc abolir le marché et l'intérêt individuel comme moteurs de l'économie. A partir d'une simplification initiale, l'idéologie est ainsi amenée à s'inscrire en faux contre deux composantes fondamentales de la nature humaine, dont l'histoire a démontré depuis lors la capacité de résistance : l'instinct religieux et l'instinct de propriété.

On pourrait continuer à décliner les caractéristiques de l'idéologie : ainsi ces idées simples - et folles, tiennent généralement pour rien les particularité nationales : elles ont donc une ambition universelle qui conduit, sous une forme ou sous une autre à l'impérialisme, voire à la guerre, chaude ou froide.

Contre la nature

Fausse, l'idéologie veut imposer ses schémas rigides jusqu'à la nature. Rien de plus opposé à toute idéologie que l'idée d'une loi naturelle, même si l'hitlérisme s'est référé à l'idée de sélection naturelle héritée de Darwin.

L'idée d'une permanence de la nature humaine , qui vient de la philosophie scolastique mais qui s'est trouvée confortée par les découvertes d'un contemporain de Darwin ( ils ne se sont , semble-t-il, jamais connus ) le moine tchèque Mendel, inventeur des lois de l'hérédité, exclut l'idée d'une hérédité des caractères acquis, et donc que l'espèce humaine puisse se modifier en fonction de l'environnement, en tous les cas à l'horizon de l'histoire . Elle répugne d'autant aux marxistes : Staline a interdit les idées de Mendel, non parce qu'il était un moine et que son successeur, Morgan, était américain mais parce qu' elles contredisaient sa sotériologie prométhéenne qui promettait l'amélioration rapide de l'humanité. Staline promut donc, contre Mendel et Morgan, une théorie fausse fondée sur l'hérédité des caractères acquis ( et donc la possibilité de perfectionner l'espèce humaine à chaque génération) que deux biologistes asservis, Mitchourine et Lyssenko furent chargés de répandre. On le voit par cet exemple : l'idéologie rejette même la vérité scientifique.

Le mouvement libertaire actuel est lui aussi idéologique et hostile à la nature : la théorie du droit naturel y est violemment récusée au nom du positivisme juridique ; la théorie du genre , aussi peu respectable scientifiquement que la biologie de Lyssenko, tend à nier la pertinence de la différence de sexes et donc à contredire la nature.

Aussi longtemps que les idéologues ne font que répandre leurs idées dans les cercles académiques, ils sont certes dangereux : Dostoïevski a montré dans son roman Les Possédés comment l'enseignement d 'un professeur apparemment inoffensif pouvait conduire des jeunes gens exaltés aux pires crimes. Mais ils le sont bien davantage quand ils accèdent au pouvoir. Un régime idéologique est un régime dirigé par des idéologues et alors il devient terrible.

L'idéologue n'est pas seulement quelqu'un qui veut imposer des idées fausses, c'est aussi quelqu'un qui sait au fond de lui-même qu' elles sont fausses !

Il n'a donc pas la tranquille assurance de celui dont les idées sont vraies et conformes à la nature. Ce dernier, même s'il est au pouvoir, n'a pas besoin d'être sur ses gardes en permanence parce qu'il gouverne en se fondent sur le sens commun des hommes dont il a la charge.

Contre les peuples

L'idéologue, lui, est d' emblée méfiant. Il sait qu'il rencontrera des résistances. Et il en rencontre en effet beaucoup puisque ses idées sont contre nature. Pour contrer ces résistances, il utilise un pouvoir, nécessairement centralisé et très vite antidémocratique car il soupçonne que , le premier engouement passé, ses idées ne passeront pas l'épreuve de l'assentiment populaire. Il peut alors mettre en œuvre sa démonologie : puisque son projet est eschatologique, ceux qui lui résistent ne peuvent représenter que le mal absolu: le capitalisme, la superstition, le fascisme . Tous les moyens sont dès lors permis pour les combattre. Aucune morale ne tient devant l'impérieuse nécessité de vaincre les résistances à l'idéologie. Et ces résistances pouvant se tapir partout, la culture elle-même doit être mise en tutelle et asservie aux besoins de l' entreprise idéologique. La nature, la morale, la culture sont intrinsèquement les ennemis des idéologues, tout comme la liberté , la démocratie, le débat.

Si le pouvoir idéologique aboutit à la tyrannie et à la pire, la tyrannie totalitaire, à l'inverse, révèle la démarche idéologique. De manière intrinsèque, l' idéologie se reconnaît à ses méthodes.

Ne prenant pas le réel en compte et voulant même le refaire, elle coupe tout ce qui dépasse, elle charcute , comme un chirurgien qui n'aurait qu'une idée simplifiée de l'anatomie. D'où les drames que l'on sait.

Certains ont pu être surpris de la dureté de la réponse policière à la Manif pour tous, ou de ce que certains des partisans de la loi Taubira ont pu dire sans faire autrement scandale : qu'ils souhaitaient qu'une bombe tue tous les manifestants (qu'aurait-on dit si au lieu de Pierre Bergé , c'était Frigide Barjot qui avait dit cela ?). Une réponse policière d'une telle dureté ( même si nous sommes encore loin du goulag !) , cette crispation indiquent de manière infaillible que le projet de mariage homosexuel est idéologique, même s'il ne s'agit que d'une idéologie sectorielle appliquée à un domaine donné, la famille. Si un tel projet s'était appuyé sur des idées saines et vraies, ses défenseurs n'auraient pas eu besoin de se crisper autant. Les idéologues rejettent tout débat . L'hystérie haineuse des médias , la plupart acquis au projet Taubira , sont également un révélateur significatif du caractère idéologique de l' entreprise. Nous n'étions parfois pas loin des imprécations du procureur Vychinski dénonçant les "vipères lubriques" au procès de Moscou Les idéologues deviennent toujours haineux à l'exacte mesure de la fausseté de leurs idées et de la résistance que le réel leur oppose et c'est peut-être en cela d'abord qu'ils sont dangereux et qu' il ne faut laisser passer l'idéologie en aucun cas et dans aucun domaine, même s'il parait isolé. Par essence, ceux qui gouvernent avec des idées fausses menacent les libertés.

N'est-il pas significatif que , une fois la loi votée, la contester est devenu passible de poursuites , au chef d'homophobie. A quoi on voit que cette loi n'avait pas pour but de régler un problème ou de créer un nouvel état de droit mais d'instaurer une nouvelle vérité officielle, dont on aura compris de ce qui précède qu'elle n'est pas une vérité dès lors qu'elle a besoin d'être officielle.

Ne nous faisons pas d'illusion, aucun barrage constitutionnel ou moral n'arrêtera les idéologues.

Les régimes idéologiques du passé ont vécu. Mais en a-t-on fini avec l'idéologie ? Le nouvel universalisme libéral-libertaire qui par exemple refuse avec aigreur les décisions du suffrage universel en Grèce[3] - et ailleurs , est-il autre chose qu'une idéologie , universaliste elle aussi comme toutes les idéologies ? La question est ouverte.

Il est hors de doute en tous les cas, que dans le champ politique, il n'est pas de liberté sans respect de la vérité par ceux qui sont au pouvoir et que le principal ennemi de la vérité, et donc de la liberté, est aujourd'hui l'idéologie.

Roland HUREAUX

[1] Jean Baechler , Qu’est-ce que l’idéologie? Idées-Gallimard, 1976, page 95

[2] Hannah Arendt, Le système totalitaire, 1951, trad. fr. Seuil 1972

[3] Et que penser de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, quand il dit qu' "Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » ?

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:31

Il n'y a peut-être pas de précédent à l'ampleur du rejet qu'expriment les dernières élections européennes ou départementales à l'égard du parti socialiste aujourd'hui en place.

Il faut , pour en rendre compte, aller au-delà des explications habituelles. La crise économique ? Mais on a vu de peuples continuer à faire confiance à leurs dirigeants malgré elle. Tel ou tel scandale ? Les Français en ont vu d'autres.

La vérité nous paraît être que la population a pris conscience d'un fait essentiel et , à ce degré, sans précédent lui aussi : François Hollande et son équipe ne gouvernement pas la France. Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne font rien. Ils font autre chose. Ils profitent de leur passage aux affaires, pour imposer, à peu près en tous domaines des vues idéologiques à mille lieues des problèmes réels du pays.

Gouverner, c'est chercher tout simplement le bien commun. C'est donc s'attacher à résoudre les problèmes principaux d'un peuple . Aujourd'hui ces problèmes sont clairs: le chômage, l'érosion du niveau de vie, l'insécurité, l' immigration, l'illettrisme, la perte des repères . Ces problèmes, les socialistes les connaissent mais tout se passe comme s'ils ne les préoccupaient guère ! Sur aucun sujet, ils ne donnent le sentiment de vouloir régler les problèmes réels des Français.

Chacune des réformes lancées par Hollande n'a d'autre but que d'aligner la réalité sur tel ou tel modèle idéologique.

Il ne s'agit certes plus d'un modèle idéologique compact, comme dans la défunte Union soviétique. Mais les socialistes n'ont pas pour autant abandonné toute volonté de transformer la société en profondeur. Ils ne sont pas devenus "pragmatiques" : au contraire , ils le sont moins que jamais. Mais leur projet met l'accent sur le sociétal et est au service d'une vision libérale libertaire de l'homme. Tant pis si cette vison est fausse, qu'elle repose, comme toutes les visions idéologiques, sur une vision tronquée de l'homme.

La Loi Taubira, réforme emblématique

Une réforme idéologique, c'est une réforme que personne ne demande en dehors d'idéologues très peu nombreux : c'est évidemment le cas du mariage homosexuel , principale réforme de Hollande, que personne ne demandait en dehors des groupuscules LGBT ! Et c'est une réforme qui ne résout aucun problème: très peu de gens ont utilisé les procédures ouvertes par la loi Taubira. Mais le but est de faire entrer dans le réel, par la loi, une théorie sans fondement scientifique qui est la théorie du genre.

La réforme des régions est partie elle aussi d'un idée fausse: le culte de la grande dimension dont on se figure à tort qu'elle fait faire des économies alors que c'est le contraire. Partant de là on s'est persuadé que nos régions étaient trop petites, alors que c'était faux : elles avaient peu ou prou la même dimension que dans les autres pays. Voilà encore une réforme que personne ne demandait et qui ne résout aucun problème - qui les aggravera même probablement.

La loi Macron semble au premier abord plus réaliste car elle contient, par exception, quelques dispositions qui contribueront à améliorer certaines choses, comme l'accélération des procédures de passation du permis de conduire . Mais c'est assez limité. Même si elle a une inspiration libérale qui plait à la droite , il s'agit aussi d'un ensemble de réformes idéologiques que personne ne demandait et qui n'amélioreront rien. Ainsi les notaires et les autres professions réglementées faisaient très bien leur travail et personne ne s'en plaignait. Le problème, qui n'est pas un vrai problème : leur mode d'organisation ne correspond pas au modèle d'une économie régie par la concurrence généralisée. Donc il fallait les en rapprocher. Certes, on n'est pas allé loin car les régimes d'aujourd'hui n' ont pas les moyens comme Staline , d'imposer leurs utopies en passant en force, heureusement, mais ils essayent.

La loi Touraine sur la médecine contient , elle aussi, très peu de mesures qui visent en toute simplicité et sérieux d'améliorer notre système de santé.

La volonté de généraliser le tiers payant va même à l'inverse du souci principal de l'Etat, celui de réduire les dépenses de santé. On ne prend cette mesure que pour des raisons idéologiques. Si l'on veut livrer les notaires et les pharmaciens à la concurrence , on veut au contraire fonctionnariser les médecins. Les idéologies sont , on le voit, différentes mais le but recherché est le même : la fin des professions libérales (et sans doute des classes moyennes en général) que les idéologues n'ont jamais aimées car dans libérales, il y a liberté.

Ce qui restait des dispositifs prudents de le loi Veil disparait avec l'abrogation du délai de réflexion avant un avortement. Dès son arrivée , Mme Touraine avait rétabli le remboursement à 100% de cet acte , sans tenir compte des problèmes de financement, ni que les soins dentaires ne sont remboursés, eux, qu'à hauteur de 20 %. Pour les idéologues socialistes, tout ce qui favorise l'avortement est bien , sans aucune considération de la réalité dramatique qui se trouve derrière cet acte, devenu un simple symbole de progressisme, comme les salles de shoot.

Dans le même ordre d'idées, la loi Léonetti avait réalisé un juste équilibre, salué par tous , en matière de fin de vie. Cet équilibre, sans aucune nécessité autre qu'idéologique, est remis en cause par les projets en cours.

On pourrait aussi regarder la loi Taubira de réforme de la justice en préparation. Là aussi , au nom d'une philosophie a priori ( la culture de l'excuse, la subversion de l'idée naturelle du bien et du mal et de la punition ), on tourne le dos aux problèmes des Français très inquiets au contraire de la hausse de l'insécurité.

Les projets de Vallaud-Belkacem sur l'éducation nationale continuent sur la voie fatale du tronc unique et de l'interdisciplinarité dont personne n'attend la solution des vrais problèmes de cette institution.

Malgré les idéologies disparates auxquelles se réfèrent ces réformes ( collectivisme en matière d'éducation nationale ou de médecine, ultralibéralisme en matière de professions réglementées, culte de la dimension en matière territoriale) , toutes ont le même effet de brouiller, voire détruire les repères fondamentaux des Français: la famille, les régions historiques , la commune, le bien et le mal etc. Elles auront l'effet de rendre nos concitoyens encore plus paumés, dans un monde qui leur semble devenu fou. Cela est particulièrement vrai dans le monde rural, plus secoué que le reste du pays par les réformes territoriales. C'est là que le FN progresse le plus même quand il n'y a pas de population immigrée.

La diplomatie , elle même, a été remplacée par une vision naïve de la lutte du bien contre le mal, au risque de douloureux réveils tel le rapprochement , dans notre dos, des Etats-Unis avec Assad.

L'idéologie existe depuis longtemps, il est vrai; mais elle se combine en général avec des considérations réalistes, pragmatiques . Avec le gouvernent Hollande-Vals, l'idéologie est devenue chimiquement pure, ou presque. Cela est sans précédent dans l'histoire, même dans les régimes totalitaires.

Cela tient avec la mentalité des socialistes d'aujourd'hui qui , dans la surenchère des congrès, ont perdu l'habitude de considérer la réalité en tant que telle : ils ne prennent en compte que les mots et leurs valences idéologiques. Grave déformation intellectuelle : certains tiennent même l'idéologie pour une maladie de l'esprit, analogue à la folie. Elle agit comme un virus dans le logiciel de la décision politique.

Sans pousser l'analyse aussi loin, les Français sentent confusément que quelque chose d'essentiel manque à ce gouvernement . Ils sentent très bien qu'il a d'autres préoccupations qu'eux, qu'il suit un autre logique que la recherche du bien commun, de leur bien, de la res publica, qu'il leur tourne le dos pour ne connaître que des lubies idéologiques très éloignées de leurs soucis quotidiens.

Et comme il est dans la nature des idéologues de méconnaitre la réalité, on peut craindre qu'ils méconnaissant aussi le rejet massif qui s'est exprimé lors des dernières élections, qu'ils continuent aveuglément leur politique destructrice.

Si nous étions dans un monde normal, après ces élections départementales calamiteuses pour la gauche , Valls serait renvoyé et Hollande tenterait une autre politique. Mais, sous Hollande, nous ne sommes pas dans un monde normal. Et c'est bien cela qui est inquiétant.

Roland HUREAUX

Partager cet article
Repost0
13 avril 2015 1 13 /04 /avril /2015 15:30

Article publié dans Le Figaro

L'élection de Montbéliard a été un avertissement sévère pour l'UMP. Que doit-elle faire pour éviter qu' une telle situation ne se renouvelle ?

D'abord s'opposer.

Comme le disait Chateaubriand, "l'opposition est un absolu". La gauche dans l'opposition fait-elle le moindre cadeau ?

La droite a manqué , à la fin de l'année dernière, une occasion de se démarquer en ne combattant que mollement la réforme régionale, particulièrement au Sénat où elle est désormais majoritaire. Un projet inutile dès lors que nos régions étaient déjà "de dimension européenne ", soit en moyenne aussi grandes que celle des autres pays [1]! Plus de métropole régionale entre la Loire , le Rhône , la Garonne, soit presque un tiers du territoire ! La "France périphérique" de Christophe Guilluy[2] qu' au lieu d'aider on enfonce ! La négation de cinquante ans d'aménagement du territoire !

Etait-il nécessaire de féliciter le présidant Hollande de la manière dont il a géré la crise du 7 janvier ? Sûrement pas . Ce drame témoigne d'un relâchement fâcheux de la vigilance policière . Trois fanatiques , pourtant repérés, sont passés au travers des mailles d'un filet qui avait bien fonctionné durant dix-huit ans : pas de quoi jouer le matamores pour M.Valls.

La récupération de l'attentat par la communication gouvernementale a fait regagner au président vingt points de confiance : à quel prix ? L'exaltation retombée, beaucoup craignent, avec Emmanuel Todd, que cette orchestration n'ait creusé le fossé entre des communautés que La Manif pour tous avait rapprochées.

Il s'en est fallu de peu que la droite n'apporte le coup de pouce nécessaire à M.Valls pour qu'il fasse voter la loi Macron sans engager sa responsabilité.

On dira que l'opposition doit savoir reconnaître ce que le gouvernement fait de bien. Cela ne se justifie pas pour un gouvernement aussi impopulaire que celui de Hollande - le redoux de l 'effet Charlie touche à sa fin - . Les citoyens attendent que les opposants expriment la colère qu'ils ressentent. Sinon d'autres le feront : il ne faut pas se tromper de cible et considérer comme on est tenté de le faire à l'UMP, que le Front national est désormais l'adversaire numéro un. Ce serait lui donner le beau rôle ! En régime parlementaire, la cible de l'opposition ne saurait être que le pouvoir.

Il faut une doctrine

Mais pour s'opposer , il faut à la droite une doctrine claire, distincte de celle du gouvernement. C'est l' absence d'une telle doctrine qui la rend si vulnérable aujourd'hui à la propagande gouvernementale dont on a vu toute l'efficacité avec la loi Macron. Elle a présenté ce projet en forme de pot-pourri ( 106 articles, sans compter les bis et les ter ! ) comme "libéral" et, sans y regarder plus avant, une partie de la droite l'a cru.

Que les communicants de droite soient épatés par ceux de gauche , généralement meilleurs il est vrai, tant pis. Mais au lieu de saluer l'artiste, il faut dénoncer l'imposture !

Car si la gauche, c'est l'esbroufe, la droite, ce doit être le réel: les problèmes réels, les solutions réalistes . A faire la course à la politique spectacle , nul doute qu'elle se fera vite distancer.

Que les réformes de la gauche soient inefficaces par rapport à ce qui devrait être le seule objectif du vrai libéralisme, la diminution des dépenses publiques, cela peut se démontrer. Bien naïf qui croit que la réduction du nombre des régions va entraîner quelque économie que ce soit. Le précédent de l'intercommunalité où pour regrouper les communes, il a fallu embaucher 200 000 fonctionnaires, aurait du servir de leçon. Déjà, certaines régions ont commencé à recruter pour assurer la coordination des nouvelles entités

! Ne venait-on pas d'inaugurer à Clermont -Ferrand un hôtel de région de 80 millions d'euros qui ne servira à rien ! La loi Macron crée un comité d'apprentissage de la route : un de plus ! et n'annonce aucune économie.

Il n'y a pas d'exemple au cours des trente dernières années qu'une réforme de la sphère publique n'ait entrainé un accroissement des dépenses ! La gestion du changement mobilise en elle-même des ressources.

En dehors de mesures ponctuelles utiles( épargne salariale, permis de conduire), cette loi est essentiellement de l'esbroufe . Elle n'en est pas moins dangereuse par se principes.

Les soi-disant sociaux-libéraux (qui sont en réalité des libéraux-libertaires), tiennent pour du libéralisme la destruction de toute institution , surtout celles servent encore de repère à nos concitoyens : entités territoriales , corps d'Etat, famille, calendrier, école, et qu' elles ne posent pas de problème sérieux comme aujourd'hui les professions réglementées. Ce faisant, sans rien apporter au peuple, ils laminent les classes moyennes.

Le réformisme idéologique ne part pas des vrais problèmes (chômage, délinquance) pour leur apporter une solution mais de schémas a priori. Pour lui, le vrai problème n'est pas que notaires et pharmaciens (ou EDF !) fassent mal leur travail , mais qu'ils ne se plient pas au dogme de la concurrence .

Qu'une gauche essentiellement destructrice se reconnaisse dans ce libéralisme perverti ne signifie pas que la droite doive lui emboîter le pas.

Car la vraie droite ne saurait être seulement libérale : dans la ligne du parti Tory, elle conjugue conservatisme et libéralisme : non pas tout casser de manière brouillonne mais conserver ce qui marche et changer, prudemment, ce qui a besoin de l'être. Et par là ménager les classes moyennes. Le vrai libéralisme recherche la liberté des mouvements mais autour d'une barre fixe; il est certes indispensable de décrasser de temps en temps un ordinateur mais sans détruire les logiciels de base.

Malheureusement une partie de la droite est tributaire de la même idéologie que M.Macron. Danger mortel : en faisant de la surenchère sur le social-libéralisme , elle le cautionne tout en élargissant l'espace du Front national qui se nourrit de l''anxiété que crée le remue ménage institutionnel actuel .

La gauche a, au cours des quarante dernières années, délaissé le terrain du social et même celui du simple bon sens , pour ne faire que des réformes idéologiques. Face à cette évolution, aucune indulgence n'est permise.

Donner la priorité au réel sur l'image, à la solution des vrais problèmes sur l'idéologie, même libérale, préserver ou même rétablir les repères fondamentaux des Français : telle doit être désormais la feuille de route de la droite si elle veut éviter de nouvelle déconvenues.

[1] Même en comparaison avec l'Allemagne où 8 des 15 länder sont moins peuplées que la moyenne des régions françaises.

[2] Christophe Guilluy, La France périphérique , Flammarion, 2014

Partager cet article
Repost0